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22 mai 2023 1 22 /05 /mai /2023 16:34

 

Alors que le gouvernement annonce une réforme des lycées professionnels hautement discutable. Le but n'étant pas vraiment de les valoriser, mais de donner accès à une main-d’œuvre à moindre coût pour certains secteurs d'activité. Il est peut-être temps de donner quelques idées générales pouvant permettre une revalorisation de l'emploi industriel et agricole dans notre pays. Car cette fausse réforme n'est qu'un énième plan de communication du gouvernement visant à camoufler plus ou moins maladroitement son objectif réel. Le patronat du secteur hôtelier et de la restauration se plaint ainsi régulièrement d'un manque de main-d’œuvre. Et lui permettre d'utiliser la jeunesse en formation à pas cher est un moyen de palier à cette réalité. Je ne parlerai bien évidemment pas ici de l'immigration qui est vue par eux comme un miracle puisqu'ils en récoltent les gains sans en payer le prix, celui de la délinquance, du coût de l'éducation, du logement, bref du coût en termes d'infrastructures diverses. S'il y a bien un endroit où l'on peut parler de privatisation des gains et de socialisation des pertes, c'est bien dans le cas de l'immigration de masse. On peut parier également que l'autre réforme, celle du RSA, vise la même chose, c'est-à-dire combler les trous de ces secteurs d'activité qui ne cherchent ni à faire des gains de productivité ni à mieux partager les gains en augmentant les salaires.

 

J'ajouterai également qu'il y a en France un vrai mépris pour les activités techniques et manuelles, et cette réforme des lycées professionnels en est une nouvelle preuve. Ce n'est pas très original de le dire, mais c'est un fait avéré. C'est d'ailleurs assez frappant quand on compare la France avec des pays comme le Japon, qui lui, a su maintenir un vrai enseignement professionnel et technique. Et la chose n'est pas nouvelle, c'était déjà le cas dans les années 80-90. Faut-il y voir l'influence de la croyance de la société totalement orientée autour des services ? La dernière réforme vise donc non seulement à pourvoir une main-d’œuvre pas chère, mais aussi une main-d'œuvre qui ne pense pas puisqu'on lui enlève les heures de cours d'enseignement général. Comme si les jeunes en BEP ou Bac pro ne pouvaient pas par la suite changer de direction. Pour la petite histoire, j'ai un ami qui était avec moi à la Fac de science en licence/Maîtrise au début des années 2000 et qui avait pourtant fait un BEP électronique. Il a brillamment réussi son DUT et il est allé à la FAC, et a fait un DEA, puis il a passé une thèse. Il est aujourd'hui directeur de recherche à l'étranger. Comme quoi il est bien mal aisé parfois de savoir quel sera le destin d'un étudiant et d'un jeune en se basant uniquement sur les notes dans les petites classes. Et ce qu'il a fait, il le doit aussi à la possibilité qu'il y avait de changer de cursus en route. C'est cette possibilité qu'on supprime en éliminant le contenu général de l'enseignement professionnel.

 

Pour revenir à notre sujet dans les années 70 sous Giscard est arrivée l'idée folle d'une société sans industrie. Ce n'est d'ailleurs pas sans rappeler les délires d'un Serge Tchuruk sur les entreprises sans usine, la pauvre Alcatel en a fait les frais. Il y a eu une confusion à mon sens entre l'évolution de la quantité d'emplois dans certains secteurs liés aux gains de productivité et l'importance économique de ces mêmes secteurs. Le déclin de l'emploi en proportion de l'agriculture et de l'industrie a accompagné les trente glorieuses en fait. C'est l'agriculture qui a fait les plus gros gains de productivité après guerre loin devant l'industrie en fait. Mais le déclin en proportion de l'emploi ne signifiait pas la disparition des activités. Au contraire, pour fournir tout ce qui est consommé par notre société, il était important de continuer à produire même avec peu de monde du fait des gains de productivité. Las, dans les années 70-80 la proportion d’emploi tertiaire était devenue telle que la défense de l'emploi industriel et agricole est devenue moins importante pour les politiciens. C'est un facteur qui est rarement aperçu, mais je pense qu'il s'agit là de la vraie motivation pour la désindustrialisation dans notre pays . La disparition en volume des agriculteurs et des ouvriers a également fait disparaître l'intérêt politique pour ces secteurs d'activité en dehors de quelques formules sur la France paysanne. La globalisation par nos dirigeants s'est ensuite enclenchée par l'ouverture des frontières et vous connaissez la suite. L'industrie ne représente plus que 10% du PIB et surtout nous croulons sous les déficits commerciaux pour nourrir la population et sa consommation. Les dirigeants en France ont mis la poussière sous le tapis de la dette depuis quelques décennies, mais nous atteignons les limites dans ce domaine. D'où les discours sur la réindustrialisation, même s'il s'agit dans le cas de Macron d'un discours creux comme on a pu le voir dans le dernier texte.

 

 

Il va falloir taper sur les services

 

Cependant, nous avons de nombreux problèmes pour faire cette réindustrialisation au-delà des questions macroéconomiques que j'aborde fréquemment sur ce blog. Le premier est que nous sommes un pays de vieux. La démographie n'est vraiment pas à notre avantage, or les jeunes sont les plus à même de changer pour d'autres activités. Changer de métier est plus simple à 20 ans qu'à 50 ans, c'est une évidence. Le second facteur est le besoin d'une valorisation de l'emploi industriel pas seulement sur le plan financier, mais aussi culturel et éducatif. Il va sans dire qu'il est nécessaire d'augmenter fortement l'importance des sciences et techniques à l'école. Mais pour cela encore faudrait-il revaloriser l'emploi d'enseignant lui aussi. Et cela sans faire des hausses de salaire en trompe-l’œil. Il faut le dire ouvertement, on doit fortement augmenter les salaires dans l'enseignement . Si l'on ne rend pas plus attractif le métier de professeur, comment voulez-vous commencer à faire une véritable politique d'instruction publique ? Enfin, je ne m'attarderai pas sur cette question, elle demanderait une analyse complète de la situation des enseignants en France.

 

Pour ce qui est du déclin démographique, nous ne pouvons rien n'y faire, du moins à court terme. Il faudrait revoir complètement notre politique familiale pour vraiment faire une relance, mais même dans ce cas il faudrait des années pour compenser le déclin actuel. En attendant, nous allons vers des pénuries dans nombre de secteurs à plus ou moins long terme même si à l'heure actuelle nous sommes loin du plein emploi. Dans ce cadre là il est à mon sens important de se demander quels secteurs devraient être valorisés pour avoir accès à cette main-d’œuvre en voie de raréfaction. On ne gère pas une situation de pénurie comme on gère une situation d'abondance. Si dans le cadre de l'abondance le fantasme du marché autorégulé pouvait faire illusion, ce n'est plus du tout le cas dans la pénurie. La France a beaucoup trop d'emploi de service. Et si nous voulons valoriser l'emploi industriel et recréer des activités de production, il va bien falloir déshabiller Paul pour habiller Jacques. En l’occurrence ici, faire en sorte que les gens se détournent des emplois de service pour plutôt aller vers l'industrie et l'agriculture.

 

Quelle méthode employer ? On pourrait imaginer plusieurs solutions. La première consisterait à simplement taxer les activités de services et utiliser les gains pour subventionner l'industrie et l'agriculture. À titre personnel je n'aime pas les subventions permanentes, on a vu ce que cela a donné dans le secteur du cinéma. Je verrai bien plutôt une politique de hausse des charges dans le secteur des services pour financer une baisse des charges dans l'industrie et l'agriculture. En gros, on financerait une baisse du coût du travail industriel et agricole par un surcoût dans le secteur des services. Ces derniers représentant un volume largement plus grand, on pourrait même imaginer une suppression des charges dans le secteur industriel et agricole. De telles baisses permettraient aux industriels de fournir des salaires plus attractifs et donc d'attirer plus facilement des salariés. Cela donnerait également un coup de pouce à leur compétitivité même si sur ce plan il faudra de toute manière sortir de l'euro et du libre-échange pour réellement résoudre nos problèmes de compétitivité externe. À côté de ça il nous faudrait une véritable politique publique pour le logement . En effet l'un des freins à la réallocation des actifs dans de nouveaux secteurs d'activité tient à la question de la mobilité. Les loyers et les prix du m² délirants qu'on connaît en France aujourd'hui ne facilitent vraiment pas la mobilité salariale. Sans parler du coût des transports. On le voit, la réindustrialisation passe par la résolution d'une multitude de problèmes.

 

Pour ce qui est plus spécifiquement de l'agriculture, on sait qu'aujourd'hui beaucoup d'exploitations sont en déshérence . Nos agriculteurs sont âgés et beaucoup n'ont pas de successeurs. Il faut donc attirer les jeunes. Valoriser la formation agricole peut aider bien évidemment. Mais il faut surtout leur donner un socle leur permettant de débuter sans trop de stresse et de difficulté. Les libertariens délirants parlent souvent du revenu universel. Pour toute la population, je n'ai jamais pensé qu'il s'agissait d'une bonne solution à la misère. Cependant, on pourrait imaginer cela pour l'agriculture spécifiquement. On verserait un revenu minimum à tous nos agriculteurs pour les aider à passer les moments difficiles. Un revenu minimum sans contrainte pour tous les agriculteurs de 1000 euros par mois reviendrait à environ 5 milliards d'euros par an (en comptant 416 000 agriculteurs actifs). Un effort bien modeste en vérité pour donner de la stabilité au revenu d'une population qui jongle avec les tracasseries du temps et de l'instabilité des marchés agricoles . Si nous accompagnons de cette politique d'une politique protectionniste pour valoriser la production nationale ainsi que des prêts publics à taux zéro pour l'investissement agricole, nous devrions vraiment relancer notre agriculture.

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commentaires

P
Pour abonder dans votre sens ,le père de l'expression "30 glorieuses" était un des intellectuels les + influents entre l'après guerre et les années 70.<br /> Jean Fourastié défendait l'idée que le progrès technique nous conduirait mécaniquement à une réduction du temps de travail et vers une économie de service.Avec d'autres , il pensait que ce passage serait bénéfique pour l'humanité.<br /> Pour l'anecdote ,c'était aussi un européen convaincu.<br /> <br /> Je conseille la lecture de la page wiki consacrée à la "'société post-industrielle" ,elle retrace les débats entre les différentes écoles qui étaient opposées à l'industrie au siècle dernier , allant des courants spiritualistes anti modernité, aux courants modernistes pro technique, qui voyaient dans l'économie de service une opportunité pour désaliéner l'Homme en le débarrassant du labeur physique....avec pour conséquence davantage de temps dégagé pour qu'il puisse développer ses aptitudes intellectuelles ,créatives,culturelles ,spirituelles...<br /> La dialectique matière / esprit est centrale chez les défenseurs du post industriel, et quelque soit l'orientation politique.<br /> Mais bon , finalement ce sont les prévisions d'Alain Touraine qui se sont réalisées...
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M
Merci
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