Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
26 juin 2023 1 26 /06 /juin /2023 15:04

 

Alors que mon dernier texte se concentrait sur le caractère néfaste de la construction européenne j'apprends que la ministre allemande des Affaires étrangères, madame Annalena Baerbock, avec le soutient de quelques autres pays dont l'Espagne, veut mettre fin à la nécessité de l'unanimité en matière de politique étrangère au sein de l'UE. En d'autres termes, elle veut mettre fin à l'un des derniers mécanismes permettant aux états membres de défendre encore un peu leurs intérêts en matière de politique étrangère. Étant donné la structure de cette construction aussi baroque qu'incohérente qu'est l'UE, nous nous retrouverions avec une politique étrangère européenne totalement calquée sur celle de l'Allemagne et donc totalement à la merci des intérêts américains. Car il est bien évident aujourd'hui que la politique extérieure allemande n'est qu'un résidu de celle des USA même quand elle est néfaste pour l'Allemagne elle-même.

 

Cette affaire est grave, ne nous voilons pas la face. Il s'agit de mettre réellement fin aux États-nations qui ont déjà été passablement abîmés par 40 ans de construction européenne et tout ça pour les remplacé par des pouvoirs aux contours flous et aux intérêts largement dissociés de ceux des peuples qui composent l'UE. Encore une fois, le cœur du problème est que l'UE n'est pas une nation, il n'y a pas vraiment de solidarité européenne. On l'a dramatiquement vu pendant la crise de 2008 où chaque nation faisait prévaloir d'abord ses intérêts. La Grèce a été largement dépecée par les grandes puissances européennes au lieu d'être aidé comme cela aurait dû être le cas si nous avions été réellement solidaires. Pendant la crise du COVID chaque pays tirait la corde dans sa direction, on a même vu certaines nations trahir éhontément les accords qu'ils avaient pourtant signés avec leurs voisins. Dès qu'il y a des problèmes graves, c'est en réalité chacun pour soi, l'UE n'est donc pas du tout une nation. Et pour cause, il n'y a pas de peuple européen, pas de culture commune, ni de langue commune en dehors du globish. Les démographies des pays membres divergent, et les structures économiques sont largement disparates. Quant à l'unification économique loin d'avoir homogénéisé le territoire, elle a fait exploser bien au contraire les divergences créant des régions appauvries et d'autres qui se sont formidablement enrichies. Bref comme je l'ai déjà longuement expliqué la construction européenne est une structure bancale qui n'est pas sans rappeler une plus vieille organisation qui a fini elle aussi dans les poubelles de l'histoire le Saint Empire Romain Germanique.

 

L'UE et le Saint Empire Romain Germanique

 

Avant l'Union Européenne il y a eu ça

Voltaire sur le Saint Empire Romain Germanique : "Le Saint-Empire romain germanique n'était nullement saint, ni romain, ni un empire"

 

Le Saint Empire Romain Germanique fut une structure politique qui a été créée par Otton 1er en l'an 962. Depuis la chute de l'Empire Romain d'occident, tous les monarques barbares, mais christianisés qui se sont succédé au pouvoir en Europe de l'Ouest n'avaient qu'une seule envie, c'était de reconstruire l'Empire Romain d'occident. Seulement, la tâche était rude, car l'Europe était peuplée de bon nombre de peuples disparates tant en termes de langue que de culture, et même si pour la plupart ils partageaient une foi commune ce n'était pas suffisant pour souder le pouvoir temporel de tous les peuples sous une seule couronne. Comme vous le savez tous, les seuls à avoir réussi une véritable ébauche d'un nouvel Empire Romain furent les francs et bien sûr Charlemagne qui mit la capitale de son empire à Aix-la-Chapelle. Hélas, la descendance de Charlemagne n'eut pas l'opportunité de faire perdurer son empire, la succession par partage salique ayant favorisé la fragmentation des terres entre les fils à parts égales. C'est de cette fragmentation que naîtront la France et bien plus tard l'Allemagne.

 

Mais justement la partie germanique de l'Empire de Charlemagne ne se transformera pas en nation centralisée, mais prendra la forme d'un nouvel Empire sous l'impulsion d'Otton 1er. C'est cet Empire que l'on appelle le premier Reich, le Saint Empire Romain Germanique. La grande différence avec l'évolution de la France des Capétiens fut le rapport à la centralisation. Alors que les rois de France ont très tôt voulu lutter contre les ducs et les comtes pour asseoir leur autorité, même si cette lutte a été extrêmement longue, le côté germanique va au contraire laisser une structure extrêmement décentralisée. Le Saint Empire Romain Germanique avait une autorité assez floue. Il y avait un empereur, mais les pouvoirs locaux étaient très grands. Il y avait aussi une forte inégalité entre les membres qui nourrissaient des rivalités internes. Les Empereurs étaient élus par de grands électeurs qui étaient au nombre de sept en sachant que l'Empire était composé à un moment donné de 533 membres. Il y avait donc une structure très hiérarchisée où certains comme la Bohême ou l'Autriche étaient bien plus importants que d'autres. Faut-il voir ici l'esprit des familles souches pour faire appel aux thèses d'Emmanuel Todd ? L'incapacité à voir les peuples égaux tendant à pousser les dirigeants à traiter de façons inégales les territoires de l'Empire, ce qui nourrit un désamour interne et des conflits.

 

Quoiqu'il en soit pendant une longue période historique, le Saint Empire Romain s'est étendu sur l’ensemble de l'Allemagne, la Bohême (actuelle République tchèque) et le nord de l'Italie. C'était bien l'Union européenne avant l'heure avec les mêmes gros défauts de conception. Les Italiens seront d'ailleurs les premiers à quitter le Saint Empire qui était en réalité plus germanique que saint. Comment ne pas voir que l'Allemagne à travers la construction européenne est en train de reconstruire une structure similaire ? C'est-à-dire une structure qui, sous couvert de solidarité face à de supposés ennemis extérieurs dangereux, les Abbassides et les païens du temps du Saint Empire, les Russes ou la Chine aujourd’hui, fait en réalité une machine à favoriser les intérêts germaniques. La nature inégalitaire elle-même fait de cette structure une machine à produire des conflits et elle ne pourra que s'effondrer à terme sous l'effet de ses propres contradictions.

 

On peut ainsi voir dans la tentative de madame Baerbock une volonté absolue de dissoudre les anciennes nations européennes dans le système impérial germanique. Mais l'histoire montre que la volonté forte de soumettre les membres d'une telle structure à des intérêts contraires aux leurs, finit toujours par faire imploser la structure politique . Cela fut la même chose en France avec la centralisation progressive, seulement les rois de France étaient plus forts que leurs vassaux. Ils ont donc pu soumettre petit à petit les territoires disparates qui composaient leur empire. L'unification de la France ne fut pas une histoire sympathique et gentille, ce fut souvent sanglant. Les Allemands en voulant faire la même chose à l'échelle de l'UE n'auront pas cette force à terme. C'est d'ailleurs ce qui a fait échouer le Saint Empire Romain Germanique, il n'y avait pas de centre assez puissant pour vraiment tout unifier comme ce fut le cas en France avec la région parisienne. On ira donc certainement vers des conflits plus ou moins violents et probablement avec des ruptures brutales vis-à-vis de l'UE. En définitive, on peut se demander si cette volonté d'écraser véritablement les puissances locales en les soumettant à la majorité sous influence germanique ne va pas précipiter la chute de ce Saint Empire Libéral Germanique.

 

Partager cet article
Repost0

commentaires

P
" Ils ont donc pu soumettre petit à petit les territoires disparates qui composaient leur empire. L'unification de la France ne fut pas une histoire sympathique et gentille, ce fut souvent sanglant."<br /> Certes, mais cette volonté et œuvre, d'unification par la monarchie Capétienne, était accompagnée, de manière consubstantielle, d'avoir un seul et même droit pour tout le territoire (de manière plus ou moins consciente?). On retrouve là, je crois, l'invariant français de l'égalité ( cher à notre anthologue favori).<br /> Ceci apparaît en pleine lumière à la Révolution, hors de question que chaque province, de naguère, ait ses lois spécifiques. <br /> <br /> "Les Allemands en voulant faire la même chose à l'échelle de l'UE n'auront pas cette force à terme." <br /> Pas sûr que dans le cas allemand, il y ait cette volonté d'égalité (litote).<br /> <br /> Salutations.
Répondre
Y
"Pas sûr que dans le cas allemand, il y ait cette volonté d'égalité (litote)."<br /> <br /> C'est même certains et c'est tout le problème, qui est ressorti en particulier lors de la crise de 2008 . J'ai été effaré par les journaux et les réactions des officiels allemands vis-à-vis des pays qu'on appelait les PIGS. En particulier le racisme quasiment assumé par rapport aux pauvres grecques. Une telle mentalité ne peut pas conduire à une unification nationale, elle produira juste des conflit de plus en plus grave. Ce n'est pas un hasard si le territoire allemand a été divisé si longtemps en un nombre invraisemblable de petites nations.
P
la loi salique? Heu ? Non.<br /> Pris sur Wikipedia (ça vaut ce que ça vaut)<br /> " à la fin du Moyen Âge et à l'époque moderne, l'expression loi salique désigne donc les règles fondamentales de la succession au trône de France, qui ont parfois été reprises par d'autres monarchies européennes.<br /> Dans son sens successoral, « loi salique » signifie « primogéniture agnatique » (succession exclusive de l'héritier mâle le plus âgé le plus proche en ligne masculine, a priori le fils aîné, à défaut les autres fils dans l'ordre de naissance, à défaut, un oncle, à défaut, un cousin plus ou moins éloigné), par opposition à la « primogéniture cognatique » (succession de l'aîné des enfants, homme ou femme), ou à la « primogéniture agnatique-cognatique », ou « cognatique avec préférence masculine » (succession des fils selon l'ordre de naissance, puis des filles, selon l'ordre de naissance)."<br /> Je rajouterais que l'héritier (mâle exclusivement) "prend" tout.<br /> La loi salique, dans ce cas, n'est pas en cause, au contraire. Chez les Carolingiens, l'empire étant partagé, à part égale, entre les fils. Dans ce cas les petits-fils.<br /> Bien à vous.
Répondre