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18 mars 2024 1 18 /03 /mars /2024 15:38

Dans mon dernier texte consacré à la politique de monsieur Macron qui apparaît, je pense de plus en plus pour ce qu'elle est, à savoir une politique de communication visant à permettre au parti présidentiel de limiter les dégâts aux élections européennes. J'ai expliqué rapidement les effets des médias et de la communication sur la sélection des élites et la production d'une pensée à court terme totalement incompatible avec le développement d'une nation. Il s'agit là à mon sens d'un sérieux problème que les pays occidentaux partagent tous plus ou moins. Depuis deux siècles on a présenté la démocratie comme le régime ultime, l'idéal de société et l'avenir naturel de l'humanité. Je me demande si les quarante dernières années ne viennent pas de prouver le contraire en réalité. Les pays démocratiques semblent de moins en moins capables de se projeter dans l'avenir et de faire des plans à long terme. La collusion entre le système démocratique et la communication des médias de masse et d'internet ont probablement rendu nos sociétés totalement incohérentes.

 

Vous me direz que de toute manière nous n'étions pas vraiment en démocratie au sens athénien du terme. Et c'est tout à fait vrai. Le système dans lequel nous naviguons est plus proche qu'on ne le croit généralement d'un système ploutocratique. Ce sont bien les puissances d'argent qui en réalité détiennent le pouvoir plus ou moins. La Révolution française a bien mis au cœur de l'organisation sociale le pouvoir marchand et bourgeois à la place de l'aristocratie d'autrefois. Mais la bourgeoisie a dû quand même de temps en temps concéder des choses au reste de la population. Et elle a dû créer tout un stratagème et une structure d'influence pour céder au suffrage universel. Mais il faut bien comprendre que si le suffrage est devenu universel à partir de la seconde république cela ne signifie pourtant pas la prise de pouvoir du peuple. Car nous votons pour des représentants, et ces représentants viennent d'où exactement? De la classe bourgeoise pour la très grande majorité. En effet, le monde est ainsi fait que les seules personnes qui peuvent avoir le temps, l'énergie, et l'argent, pour faire de la politique, sont essentiellement les couches sociales supérieures. Donc de fait même avec le suffrage universel décrire la France, les USA ou l'Allemagne actuels comme des démocraties au sens véritable est assez discutable. On voit d'ailleurs assez largement que les prérogatives et les priorités des gouvernements dans la plupart des « démocraties » occidentales vont toujours vers les intérêts des couches sociales dominantes.

 

Nous voyons donc que la démocratie au sens du vote de représentants au suffrage universel est un abus de langage. Nous vivons dans un système où le vote sert à légitimer le pouvoir des couches sociales dominantes. Appelons ça des ploutocraties électives, vous voter pour le candidat présélectionné par les puissances d'argent en quelque sorte. Cependant, si ces systèmes ne sont pas de vraies démocraties, elles ont eu quand même quelques succès par le passé. Nous avons connu tout au long du vingtième siècle une formidable hausse du niveau de vie dont même les gueux ont un peu profité. Il y avait quand même des stratégies et des politiques relativement rationnelles d'un point de vue collectif. Alors comment se fait-il que ce système s'effondre aujourd'hui ? Les réponses sont multiples. On en a parlé lors des analyses du dernier livre d'Emmanuel Todd, la perte des croyances collectives produit naturellement un nihilisme qui touche particulièrement nos élites. La perte des croyances entraînant une irresponsabilité générale chez les dirigeants qui se retranscrit en politique par des actes contraires au bon sens le plus élémentaire. Comme nous l'avons vu, la communication moderne s'ajoute à cet état de fait et pousse à sélectionner les personnalités les plus communicantes et les moins fiables sur le plan politique.

 

De fait, ce qui caractérise le déclin des sociétés occidentales est bel et bien l'incapacité à se projeter dans l'avenir lié à un personnel politique sans but et surtout sans durée. Ils passent leurs temps à se disputer sur la scène médiatique sans jamais travailler sur le sens de leurs actions et les buts de leurs politiques. À mon sens le plus grave aujourd'hui n'est pas le déclin de la démocratie, car comme nous l'avons vu cette question démocratique est hautement discutable en occident. Le vrai problème c'est que nos sociétés ressemblent de plus en plus à des poulets sans têtes qui ne vont nulle part en particulier qui s'agite et court partout sans savoir pourquoi. La comparaison avec la Chine fait extrêmement mal. Au-delà de la question du régime politique, je pense que la réussite chinoise n'est pas dans son régime communiste qui ne l'est d'ailleurs plus vraiment, c'est plutôt une économie mixte. C'est avant tout la stabilité du personnel politique et le fait qu'il n'est pas sélectionné par un jeu médiatique ridicule qui contribuent à l'efficacité du régime. Les hommes politiques chinois peuvent beaucoup plus se projeter dans l'avenir et penser stratégie à long terme, là où leurs homologues occidentaux passent leur temps à naviguer d'élection en élection pour faire semblant de défendre tel ou tel programme donc ils ne savent même pas s'ils pourront l'appliquer.

 

Je ne suis pas en train de vous dire que le régime chinois est génial, juste qu'il conduit son pays quelque part, contrairement au notre. En Chine comme ailleurs il y a des groupes qui dirigent plutôt dans leurs intérêts et les inégalités ont d'ailleurs fortement augmenté ces dernières décennies en Chine. Mais globalement il y a une stratégie, une vision, là où en occident nous sommes forcés de constater qu'il n'y a rien que la politique du chien crevé au fil de l'eau. L'avantage du régime chinois c'est qu'il favorise les stratégies de long terme. C'est d'ailleurs un peu la même chose en Russie cependant, comme je l'ai déjà dit, on peut se demander ce qui se passera lorsque Poutine quittera le pouvoir. Je crains que la Russie ne suive alors le même chemin que le nôtre pour des raisons assez similaires. Car si la Russie peut être qualifiée d'autoritaire, elle n'en reste pas moins une démocratie et le jeu des élections couplées aux médias aura à terme le même effet que chez nous. On peut comparer ici la situation de la Russie actuelle à celle de la France gaulliste des années 60, tant que le grand chef est là, ça fonctionne. Quand il partira par contre.

 

Un énorme exemple des effets catastrophiques de la pensée à court terme sur notre société

Comment remettre de la stratégie à long terme dans nos directions politiques?

 

Bien souvent la solution à la crise que l'on connaît aujourd'hui revient systématiquement à affirmer qu'il faut plus de démocratie. Le peuple est mal représenté et c'est pour ça que tout va mal. La question de l'absence de stratégie à long terme produit par le système électoral lui-même est rarement abordée. Alors bien sûr il y a aussi la question des référendums qui revient régulièrement comme un remède miracle au désastre actuel. Les gilets jaunes n'ont eu de cesse de réclamer les RIC (référendum d'initiative populaire) comme solution ultime à tous les problèmes de nos sociétés. Et l'on nous sort régulièrement la Suisse comme un miracle démocratique absolu parce qu'elle est riche. J'objecterai ici que l'absence de vision à long terme est tout aussi fort en Suisse, ne serait-ce que sur les questions migratoires et l'absence d'une volonté de redresser une natalité dramatiquement basse. La Suisse n'est pas un miracle et son régime politique est d'ailleurs inimitable, le produit d'une histoire particulière peu compatible avec la France.

 

L'important n'est pas qu'un système soit démocratique, mais qu'il puisse mettre au pouvoir des gens qui ont une stratégie pour le pays. La question de la démocratie est avant tout une question de légitimité. Mais être légitime ne signifie pas qu'on fera une bonne politique. Dois-je rappeler que les Français ont dit « oui » au traité de Maastricht ? Alors ils l'ont dit de peu et il y a eu un matraquage médiatique pour le oui, mais ils ont quand même sabordé eux-mêmes leur souveraineté. Si Chirac n'avait pas été démocrate et avait finalement renoncé à l'euro, bien des misères auraient été épargnées aux Français. Pour régler notre problème, je pense que la question du tirage au sort et de l'allongement des mandats est déjà plus intéressante que les RIC. Pourquoi le tirage au sort ? Parce qu'il élimine la présélection par l'argent tout d'abord. On peut d'ailleurs imaginer un système mixte de tirage au sort couplé à une élection. On présélectionnerait des gens par tirage au sort qui se représenteraient aux élections pour les députés par exemple. Il y aurait ainsi une légitimité électorale tout en éliminant le facteur copinage et relation. On pourrait y rajouter des mandats beaucoup plus longs, mais non renouvelables en particulier pour les plus hautes fonctions.

 

Le tirage au sort a aussi l'immense avantage d'éviter les relations personnelles entre les politiques. Il serait d'ailleurs important d'user beaucoup plus du tirage au sort pour le choix du personnel dans bon nombre d'institutions. Laissez faire le tirage au sort plutôt que l'arbitrèrent dans le choix des membres du Conseil constitutionnel par exemple ou à la Cour des comptes. Dans tout ce qui est un contre-pouvoir au pouvoir politique, les relations personnelles doivent être réduites au maximum pour éviter les évidents conflits d'intérêts. Le tirage au sort avec des conditions bien sûr permettrait d'éviter le copinage et le renvoie d'ascenseur beaucoup trop présent dans notre malheureux pays. Au demeurant, le tirage au sort parmi le personnel administratif permettrait aussi de casser les grands corps d'état qui ont petit à petit gangrené nos administrations par leurs réseaux de relations. Le général de Gaulle avait d'ailleurs bien vu le problème qu'occasionne la question du vote sur le comportement des élus. C'est pour ça qu'il avait imaginé un mandat relativement long de sept ans pour le président qui était censé rester en dehors du jeu des partis. De Gaulle n'est malheureusement pas allé assez loin dans sa constitution. Pourquoi ne pas élire un président pour dix ou vingt ans ? Un président avec moins de pouvoirs qu'aujourd'hui, mais qui serait interdit ensuite d'élection. Il pourrait ainsi consacrer tout son temps, et son énergie, à la stratégie à long terme pour le pays. Quoiqu'il en soit, il est plus que temps de réfléchir à nouveau sur le fonctionnement de nos institutions et de nos régimes politiques. Il est désormais clair pour tout le monde que le macronisme n'était malheureusement pas un accident.

 

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commentaires

D
Le probleme de la politique de longue durée pourrait être resolu par le vote d'un programme politique.<br /> En quelque sorte les citoyens votent en une fois toutes les lois pour les quelques années à venir et rien d'autre ne peut être adopté en dehors de ce processus.<br /> <br /> Certes pour reagir aux évenements imprevus on aura besoin de personnel avec du pouvoir. La c'est delicat en effet, il faut à la fois certaines qualités personnelles et une garantie d'independance par rapport à la haute bourgeoisie, pour la nommer sans detour. Pourquoi pas utiliser simplement des concours ? Ils peuvent etre basés sur l'Histoire de France, la logique, la qualité de l'etat psychologique de la personne entre autres. <br /> Donner le pouvoir a des personnes sans rien verifier d'autre que sa capacité à faire voter pour lui est plus déraisonnable en fait.
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Y
Napoléon avait introduit les concours pour justement contrer la maladie française du copinage et des relations personnelles. Mais on voit bien que notre système a été dévoyé en grande partie à cause de la dégradation de l'instruction publique favorisée justement par les classes sociales dominantes. Les concours ne sont pas l'arme ultime contre le pourrissement des élites et l'endogamie sociale malheureusement. Je pense que le tirage au sort au sein d'une population compétente et d'expérience est un meilleur système. Pour la direction du ministère des Finances, pourquoi ne pas tirer au sort les postes de direction parmi les employés ayant dix ans ou plus d'expérience ? On aura des gens à la fois compétents et indépendants de toute relation de collusion . Ils resteraient à leur poste pour une durée longue, mais limitée et non renouvelable.
D
Ton texte est convainquant... Mais on pourrait tres bien l'utiliser pour une apologie de l'UE! <br /> Voila un organisme qui coche toutes les bonnes cases :<br /> - son 'essence meme est oligarchique<br /> - il s'inscrit clairement dans le temps long, avec ses directives qui sont a retranscrire 5, 10 voir 15ans apres avoir été prises. <br /> - il planifie à long terme, comme l'nterdiction de la vente de voitures thermiques en 2035. <br /> - il a une boussole idéologique stable, et garde le cap depuis 40 ans<br /> On peut aussi ajouter que la commission n'est pas peuplée par des stars de la communication. <br /> Von der Leyen, Thierry Breton, Borrel etc... Tous ont le charisme d'une huître contaminée. Visiblement, c'est pas pour leur talent en meeting ou en interview qu'ils sont à leur place!<br /> Et enfin, rien pour leur mettre des batons dans les roues, à part une assemblée croupion sans pouvoir législatif.<br /> Si avec cet optimum politique, le continent ne s'en sort pas, c'est à desespérer!
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Y
C'est parce que je n'ai pas parlé des contre-pouvoirs. Il n'y a en a pas au sein de l'UE. On le voit avec la commission. Du reste, l'UE n'est pas une nation, ce qui par nature change complètement les choses. Les dirigeants étant parfaitement déconnectés de leurs citoyens. De plus, l'UE est un système entièrement gouverné par la corruption et le copinage. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard, c'est nos énarques qui l'ont en grande partie conçu. Donc non, mon système ne correspond pas à celui de l'UE. Et avoir un projet à long terme consiste à penser à un cadre dans l'intérêt national. L'UE c'est plus un projet de déconstruction des nations et de toute forme d’organisation qui ne soit pas le marché.