Henri Guaino a montré hier soir le caractère totalement fantasmagorique de ses actions en tant que conseiller de Nicolas Sarkozy. Face à Emmanuel Todd il n'a fait qu'aligner des poncifs et de multiples mensonges sur la réalité gouvernementale et les politiques menées. À tel point qu'il a fini le dialogue par des propos totalement mensongers du type "La France ne s'est couchée devant personne ni devant l'Allemagne ni devant l'Amérique". Pour ensuite affirmer "Je vous mets au défi de montrer où la France s'est couchée face aux USA", je ne sais pas par exemple en rejoignant l'OTAN. Ou encore en laissant les troupes françaises en Afghanistan alors même que Sarkozy avait promis durant la campagne de les retirer. Bref un véritable foutage de gueule en règle. C'est à croire que monsieur Guaino rêve la politique menée par ses collègues ou qu'il est complètement sur une autre planète.
Mais n'ayant aucun argument à présenter, car prisonnier de son statut personnel, le pauvre Guaino a passé son temps à pratiquer les conseils de Goebbels mentir en permanence en espérant que le mensonge se transformerait en vérité. Sur l'euro il n'a rien démontré, il n'a fait qu'affirmer. Sortir de l'euro serait irresponsable, je crois exactement l'inverse, c'est irresponsable d'y rester. Je l'ai d'ailleurs démontré à de multiples reprises sur ce blog. D'ailleurs, l'une des plus grosses erreurs intellectuelles de Guaino fut d'annoncer benoitement que le problème de l'euro était sa gestion. En réalité, vous pourriez mettre le meilleur des hommes à sa tête, ce qui est loin d'être le cas à l'heure actuelle que vous auriez les mêmes problèmes. L'euro est en pratique ingérable puisque ne pouvant satisfaire en même temps à tous les intérêts divergents des peuples européens. Le plus drôle dans l'affaire c'est que cet ancien partenaire de Philippe Seguin a employé les mêmes méthodes que les défenseurs de Maastricht en 1992. Pour défendre l'euro, il a déclaré les propos de Todd irresponsables et nous annonce la fin du monde si nous en sortions. Il aurait fallu rappeler à ce monsieur que les mêmes annonces étaient faites en 1992 par un Delors ou un François Mitterrand. On nous présentait alors le choix comme étant entre Maastricht ou la mort de la France. Il est quand même étrange d'entendre un antimaastrichien de l'époque user de ce genre de procédé pour justifier le maintien d'une monnaie dont on constate tous les jours les effets néfastes.
C'est la faute à nos prédécesseurs
Cette expression pourrait résumer la défense choisie hier soir par Guaino. Dédouanant Sarkozy de toute responsabilité alors même qu'il a le pouvoir depuis quatre ans, il fait feu sur les prédécesseurs du gouvernement actuel. Nous remarquerons au passage que Guaino oublie un peu vite que la droite est au pouvoir depuis 2002 et non depuis 2007, et que Sarkozy était membre du gouvernement précédent. Il oublie également que si le quinquennat de notre petit président fut effectivement victime d'une crise phénoménale, il n'en demeure pas moins que le modèle prôné par son champion était largement inspiré des mécanismes qui ont justement provoqué cette crise. Nicolas Sarkozy voulait même importer les subprimes en France. On est bien loin d'un champion gaulliste défendant un secteur public puissant et ayant une stratégie industrielle. Alors oui la crise a tout balayé, mais heureusement au final. Si la crise avait pris du retard, la France aurait sans doute adopté le modèle délirant anglo-saxon dans toute la grandeur de sa stupidité structurelle et nous aurions eu une crise bien plus grave en France. Donc la crise nous a finalement sauvé in extrémis du néolibéralisme, planqué derrière des discours gaullistes, qui tiennent lieu de politique économique à Sarkozy. Pire Sarkozy avait une opportunité historique de rompre, avec le système il n'en a rien fait. Et ce ne sont pas les beaux discours de Guaino qui changeront cette triste réalité.
Où est la régulation financière ? Où est la politique monétaire ? Est-ce Nicolas Sarkozy a-t-il réussi, ou seulement, tenté de convaincre la BCE et l'Allemagne de l'intérêt pour l'Europe d'une dévaluation ? C'est quoi en fait le bilan de Sarkozy ? Dire "C'est la faute des prédécesseurs" est bien pratique, cela fait trente ans en France qu'on entend ce discours. La politique fiscale favorable aux hauts revenus c'est la faute aux socialistes? La réduction des budgets de recherche alors même que l'on fait des discours ventant une politique scientifique d'envergure c'est aussi la faute aux prédécesseurs ? La suppression d'un fonctionnaire sur deux, qui est là effectivement une politique totalement démagogique, c'est aussi la faute aux prédécesseurs ? On peut dire "c'est la faute à l'Europe", mais dans ce cas il faut rompre avec elle et non continuer à la légitimer comme le fait Guaino en prévoyant la fin du monde si nous en sortons. Et s'il ne veut pas rompre alors qu'il se taise et laisse la politique sérieuse à d'autres.
Guaino, la puissance verbale au service de l'impuissance volontaire
En réalité, Guaino et ses discours sont l'exact contraire du gaullisme ou du volontarisme politique. Il confond les discours et les actes. Il fait comme si tenir des propos suffisait à changer le réel. Guaino c'est un peu le socialiste de l'UMP. On fait de grandes envolées lyriques avec de grands principes, mais l'on ne produit pas de réflexion sur « Comment faire pour y arriver ? ». Cette question-là Guaino ne se la pose pas à l'image de ses concurrents socialistes. Il est plus dans une posture qu'autre chose. Comme un Villepin il s'attache au verbe pour cacher son impuissance et ses incohérences. Car en renonçant à critiquer l'Europe, à en sortir ou à sortir de l'euro Guaino sait pertinemment qu'il renonce de fait à changer véritablement de politique. Ici son opposant était en fait bien mal choisi pour lui en faire la remarque. Emmanuel Todd prônant surtout un protectionnisme européen dont on voit mal en pratique comme il pourrait advenir. Quelque part, Henry Guaino montre dans quelle impasse les élites françaises se retrouvent à cause de leur choix pro-européen. Et face à cette réalité d'impuissance qu'ils n'acceptent pas, eux qui n'ont en réalité que le pouvoir de parler, ils conspuent ceux qui donnent les seules solutions rationnelles possibles. Accuser sans arrêt les autres d'irresponsabilité, n'est-ce pas finalement reconnaître que c'est bien la question du sens des responsabilités de nos élites qui est posée ?