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25 février 2011 5 25 /02 /février /2011 13:20

        infla.jpg  Les derniers propos de notre bien aimé banquier centrale européen JC Trichet ont eu au moins le mérité de ramener le sujet de la hausse des salaires sur la table, même si ces propos avez surtout  pour but d'en décourager l'hypothétique apparition. Cela fait longtemps que les économistes néolibéraux ont réduit la question de l'emploi et celle des salaires à une simple mécanique de vase communicant, le chômage étant dans la tête des néolibéraux produit par des salaires ou un coût du travail trop élevé en regard des équilibres du marchés. Pour les libéraux les marchés sont naturellement à l'équilibre et tendent toujours à y revenir. Si ce n'est pas le cas c'est qu'il y a des rigidités étatiques et salariales qui empêchent ce retour à l'équilibre entre l'offre et la demande, dans leur tête ce n'est jamais le marché qui se trompe. Et dans leurs délires qui servent malheureusement de théorie économique aux dirigeants de la majeure partie de la planète, la hausse des salaires arbitraires se traduirait forcément par une hausse du chômage et de l'inflation. Bien évidement ces affirmations sont fausses pour plusieurs raisons.

 

En premier lieu les marchés sont en réalité naturellement déséquilibrés et il n'y a aucune raison pour qu'ils ne le soient pas puisqu'ils résultent de multiples choix individuels d'entreprises ou d'individus. Le monde n'est pas ainsi fait que l'offre et la demande s'ajustent parfaitement entre de multiples acteurs qui ne font que s'ignorer parfaitement. A la rigueur s'il n'y avait qu'un seul et unique consommateur et un seul et unique producteur l'anticipation correcte des besoins serait toujours réalisée, mais nous ne vivons pas dans un tel monde et heureusement d'ailleurs. Quoique la mécanique d'uniformisation des besoins par le marketing et la production de masse tendent à pousser à cette uniformisation permettant une optimisation des marchés. Mais tant qu'il y aura des besoins divergents, de multiples producteurs et consommateurs, les marchés auront toujours beaucoup de mal à être en équilibre et le plein emploi à apparaître. On convient donc rapidement que pour que cet équilibre apparaisse un acteur extérieur au jeu production-consommation doit exister, un acteur qui ne peut être bien évidement que l'état seul garant de l'intérêt général.

 

    Ensuite l'inflation ne née pas uniquement de la question des hausses salariales, elle n'est pas non plus automatiquement le fruit de la hausse de la masse monétaire comme aime à le faire penser nos amis libéraux. L'inflation peut avoir de multiples causes, et il n'est d'ailleurs pas si grave d'avoir de l'inflation tout dépend de ce qui se passe en terme de rapport de force socio-économique au sein de la population. Si l'inflation est suivie justement d'une hausse des salaires, elle n'entraîne pas forcement de baisse du niveau de vie sauf pour les rentiers... Ensuite l'inflation peut avoir des causes purement physiques comme le fait que le prix des hydrocarbures sont condamnés à augmenter puisque l'offre ici ne pourra pas durablement suivre la demande. Face à ce genre de problème la seule solution consiste à apprendre à s'en passer, nulle politique économique ne pourra résoudre la question de l'énergie à elle toute seule. Elle peut aussi naître de la spéculation est un dérèglement du marché, la spéculation est  un emballement où les prix deviennent grotesquement énorme en regard de ce que la demande peut fournir. Les multiplications des bulles depuis la libération totale de la finance et des marchés prouvent d'ailleurs à elles toutes seules, le caractère fictif et illusoire de la prétendue rationalité de la main invisible régulant l'offre et la demande. La bulle immobilière en France par exemple est bien représentative  de cette réalité. Quand les prix divergent fortement de leur fondamentaux, il serait en réalité normal que l'état intervienne, mais les habitudes laissez-fairiste nous font croire à tort que le marché ne peut pas se tromper, même si l'expérience nous montre régulièrement le contraire.

 

      Enfin rappelons que l'inflation va être néfaste ou bénéfique suivant le secteur de la population que vous considérez. L'oligopole des supermarchés en France qui contrôle aujourd'hui la majeure partie de la distribution de marchandises ne voit pas l'inflation de la même manière que les salariés ou les producteurs agricoles. Ainsi on sait par exemple que le prix du lait à la production a baissé rendant d'ailleurs la production de lait en France de moins en moins rentable. Et pourtant à l'inverse le prix du lait à la vente a fortement augmenté ces dix dernières années. Comme les salaires n'ont pas suivie le même rythme que le prix du lait, le pouvoir d'achat moyen sur cette denrée a diminué. On voit bien dans cet exemple que si inflation il y a, c'est surtout à cause des intermédiaires et du cartel de la grande distribution qui augmente ses marges en pressurant à la fois les producteurs et les consommateurs, dans le but probable de nourrir ses actionnaires. L'inflation est mauvaise ici pour les producteur et le consommateur, mais bonne pour les supermarchés et leurs actionnaires. Dans un autre cas si un secteur augmentent ses prix pour augmenter ses salaires alors l'inflation sera bonne pour ses salariés, moins bonnes pour le consommateur moyen s'il ne travail pas dans ce secteur, et mauvaise pour l'actionnaire qui verra son pouvoir d'achat baisser. En fait ce qui compte réellement ce n'est pas l'inflation, mais le pouvoir d'achat, et ce pouvoir d'achat est un rapport entre l'évolution des salaires et celui de l'inflation. Que l'inflation soit de 10% par an vous vous en foutez si votre salaire augmente dans le même de 11%, à l'inverse que l'inflation soit de 1.5% par an, mais que votre salaire stagne et là vous avez un problème de baisse de pouvoir d'achat. La focalisation des économistes libéraux et des médias mainstream  sur l'inflation cache en réalité les intérêts qu'ils défendent, ceux de la rente financière ou immobilière qui elle n'a pas intérêt à un retour de l'inflation. 

 

En circuit ouvert ou fermé

 

          Cependant les liens entre l'emploi, l'inflation et les salaires, divergeront suivant la situation d'un pays face à l'extérieur,  parce que les problèmes d'une économie relativement auto-centrée ne sont pas ceux d'une économie totalement soumise au libre-échange. Dans le cadre d'une économie fermée les choses sont en fait plus simples à appréhender. Ainsi la hausse des salaires sera plus inflationniste en fonction du taux de chômage, c'est la fameuse thèse du Nairu le taux de chômage qui n'accélère pas l'inflation. Plus on est proche du plein emploi et plus les prix peuvent progresser rapidement à cause de l'avantage qu'en tirent les salariés face aux patrons en terme de négociation salariale. A l'inverse un chômage élevé tendra à produire un déflation, une baisse des salaires et des prix à tout les niveaux. Autre facteur à prendre en compte la productivité et l'amélioration du processus de production en réalité seul véritable facteur de progrès  économique. Comme l'avait montré Jean Fourastié l'inventeur du terme des trente glorieuses, c'est uniquement le progrès technique qui engendre un réel gain des salaires et du pouvoir d'achat.  Il faut aussi que ce progrès technique puissent avoir une énergie pour se produire, la hausse de la consommation énergétique couplé aux progrès techniques ont produit la hausse du niveau de vie globale que nous avons connu depuis la guerre. L'inflation et la hausse des salaires ne sont finalement que des moyens de répartition des richesses au sein du tissu sociale.

 


 

          En régime de libre-échange par contre les relations sont différentes, ainsi la hausse des salaires qui produisait une hausse de la production et de l'inflation si le taux de chômage était bas, va produire en circuit ouvert une dégradation de la balance commerciale. Les importations se substituant petit à petit à la production locale ce qui provoque du chômage et donc une pression à la baisse sur les salaires . En  régime de libre-échange vous produisez une contrainte extérieure, c'est d'ailleurs pour cela que nos élites ont ouvert notre économie pour contraindre les salaires à ralentir leur hausse, voir à baisser. Il faut dire que les politiques n'avaient pour seul but dans les années 70, époque où furent ouvertes les économies européennes, que de lutter contre l'inflation qui était en passe de définitivement liquider les rentiers. Le paradoxe c'est que cette inflation des années 70 n'a pas eu à l'origine la hausse des salaires, mais la dérégulation de la finance et l'abandon de l'étalon or par les USA. Et si l'inflation semble fortement augmenter après le premier choc pétrolier en France en 73, il faut rappeler que c'est à la même époque que l'on a privatisé l'instrument monétaire.  La baisse des prix du pétrole qui s'est produite par la suite n'a pas ralenti l'inflation qui est restée à des rythmes extrêmement élevés jusqu'en 84. On ne peut donc pas affirmer comme le font certains, que les chocs pétroliers aient été réellement la cause de la stagflation, mais c'était un argument bien commode à l'époque pour éviter de parler de la nouvelle doxa économique mise en oeuvre dans nos pays.

 

graph1955

    Si l'on regarde l'évolution des salaires depuis 1950, on constate que l'inflation entre 1975 et 1984 continue à niveaux élevés alors que les salaires commencent déjà à faire du surplace. Il est donc parfaitement malhonnête de dire que l'inflation est le fruit de la hausse excessive des salaires comme le prétend ce pauvre Trichet.

 

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      Si l'on regarde l'évolution des prix et des salaires sur le long terme, on obtient un tout argument pour la hausse de l'inflation que celui des salariés irresponsables. En réalité on a fait payer aux salariés les erreurs macro-économiques des élites, c'est  la privatisation de l'instrument monétaire a fait enfler l'inflation, et c'est sur les salariés que l'on a taper pour permettre à cette nouvelle organisation économique de fonctionner. Car pour éviter l'inflation il fallait un chômage massif et une croissance molle, on évitait ainsi que les banques ne prêtent n'importent comment et ne fassent progresser abusivement la masse monétaire  à coup de crédits, d'intérêts et d'emprunts privés. En renonçant à réguler la masse monétaire de façon centralisée comme nous le faisions jadis, nous avons ouvert une boîte de pandore et laissé à des acteurs privés le soin d'émettre la monnaie, une monnaie qui en plus ne peut s'obtenir qu'à crédit ce qui est encore plus inflationniste d'un point de vue collectif.  Pour permettre une émission monétaire décentralisé il a fallu ralentir considérablement la croissance, mais cela n'a quand même pas pu empêcher à long terme de multiples bulles et spéculations de se produire.

 

Il faut hausser les salaires en France

 

          Une grande part des problèmes économiques français viennent de la sous-rémunération du travail, mais il est vrai aussi  que les conditions qui ont emprisonné notre pays depuis trente ans sont toujours là et  rendent impossible ou dangereuse une telle hausse à court terme. C'est bien pour cela qu'il faut militer activement pour l'abandon du libre-échange et de l'euro, et non faire de grands discours sur le danger de la hausse des salaires.  Car c'est injuste et économiquement complètement faux. Un plan raisonnable pour la France serait à court terme de faire une dévaluation de 20 à 30% de notre monnaie couplée d'une hausse des salaires équivalente. Nous réduirions ainsi nos importations tout en stimulant la demande intérieure qui irait plutôt  exercer ses effets sur les producteurs locaux en créant des emplois dans l'industrie, mais aussi dans les services. Il est évident que nous aurions une inflation plus forte, mais les salaires augmentant plus vite, nous aurions de fait un transfère des revenus du capital vers le travail autrement plus efficace qu'en passant par une fiscalité confiscatoire, d'ailleurs relativement impraticable en régime de libre-circulation des capitaux. A long terme nous refermerions la parenthèse libre-échangiste en augmentant petit à petit les droits de douanes et en mettant des quotas pour réduire notre dépendance aux importations. Ces politiques auront aussi comme effet de rediriger le capital vers la sphère productive, car même si  le capital sera probablement moins abondant , les entreprises étant obligées dans ces conditions de faire moins de bénéfices, elles seront aussi plus incitées à investir dans la sphère productive. Les gains de productivité ne pourront plus s'obtenir à coup de délocalisations et de sous-rémunération du travail, seul l'investissement productif et l'automatisation pourront encore améliorer les marges. Dans ce nouveau système ce ne sont pas les entreprises qui seront les perdantes, mais belle et bien les rentiers qui ne pourront plus tirer autant de revenues leur rente.  Nous pourrons ainsi finir ce que l'évolution naturelle de nos économie avaient commencé à faire dans les années 60-70, euthanasier les rentiers comme le souhaitait Keynes.

 

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commentaires

O
<br /> <br /> Très bonne présentation de la TVA qui m'a toujours parue intéressante, taxation des produits importés, du moment que l'on régule ses effets selon les revenus :<br /> <br /> <br /> http://alternatives-economiques.fr/blogs/godard/2011/02/24/revolution-fiscale-faut-il-toucher-a-la-tva/<br /> <br /> <br /> <br />
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O
<br /> <br /> Les allemands et IG Metal commencent à s'énerver :<br /> <br /> <br /> http://www.lalibre.be/actu/international/article/644959/plus-de-200000-manifestants-en-allemagne-contre-la-precarisation-du-travail.html<br /> <br /> <br /> <br />
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Y
<br /> <br /> Merci  du commentaire je commence à désespérer.<br /> <br /> <br /> <br />
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R
<br /> <br /> Brillante démonstration<br /> <br /> <br /> <br />
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