La course effrénée aux profits à court terme ont réussit à de nouveau relancer le débat sur la place de l'Islam en France. Avec son coup de com sur ses restaurants 100% hallal, la société Quick a réussi à utiliser les phénomènes de revendications identitaires et communautaristes pour faire de l'argent et favoriser à court terme ces quelques restaurants. On a la un exemple flagrant de la contradiction entre l'intérêt particulier celui de Quick et l'intérêt général qui devrait être la défense de la laïcité et un certain apaisement sur ces affaires religieuses. C'est d'autant plus stupide que l'argument ridicule employé, l'augmentation du chiffre d'affaire des restaurants en question, oublie que les clients des uns sont les non-clients des autres. Étant donné que tout le monde mange, les quelques clients allant chez Quick pour son hamburger halal ne sont pas allés chez d'autres restaurants qui les auraient pourtant nourrit sans cette initiative. Il n'y a donc aucune création de richesse ou d'activités nouvelles, juste un jeu de vase communicant, les clients communautaristes de Quick n'allant plus chez McDo ou dans les restaurants du coin.
C'est avec le même genre d'arguments idiots que l'on a vendu le travail dominical. Il n'y a pas eu création de richesse puisque de toute façon le portefeuille des clients restait le même, ils ont juste changé la façon de consommer, les gens allant faire moins de courses le samedi et plus le dimanche. L'initiative de Quick est donc une aberration au sens de l'intérêt général, elle nourrit l'enferment communautaire avec des restaurants pour musulmans et elle est totalement inutile d'un point de vue économique. Elle pourrait même se révéler désastreuse pour Quick car les français toujours attachés à la laïcité n'oublieront pas de si tôt cette initiative. A cela s'ajoute bien sûr le fait que cette entreprise appartienne à l'état, ce qui est visiblement problématique quand à la séparation théorique entre les cultes et la puissance publique.
Au-delà de çà nous pourrions remarquer aussi dans cette étrange affaire, que la nourriture halal est en contradiction avec le droit français puisque nécessitant l'intervention d'au moins une personne rémunérée de confession musulmane. Or que je sache la discrimination à l'embauche pour des motifs religieux sont interdits en France. Le fait d'être obligé d'employer au moins une personne de confession musulmane, l'imam en l'occurrence, est donc une violation flagrante de l'égalité devant l'emploi. Il en va de même d'ailleurs de la nourriture casher, il serait peut-être temps pour l'état français de commencer à faire respecter ses principes, en réalité ces nourritures sacrées ne sont pas légales et violent notre constitution.
Nourriture, identité et diversité
Il est drôle tout de même de voir des gens se disputer pour des questions de nourriture au 21ème siècle. L'halalisation des hamburgers américains est vraiment un paradoxe tout à fait spectaculaire, il en va de même d'ailleurs des cocas versions musulmanes, du rap français, des télé-réalités locales en France, en Allemagne, ou aux Pays-bas. Partout on voit des ersatz de la production américaine dans des versions localisées, avec dans le cas musulman des revendications ridicules. En effet sous le prétexte que la viande a été béni par un imam, elle est sacrée et vous irez au paradis en la mangeant. On oublie l'élevage industriel et l'incroyable souffrance des pauvres bêtes issues de ces modes de production, je trouve finalement les végétariens bien moins cons et beaucoup plus cohérent avec leurs croyances. Cependant pour moi et contrairement aux apparences, il ne s'agit pas d'un retour au religieux ou à la spiritualité. Je sais bien que nous avons l'impression en France qu'il y a un retour du religieux notamment chez les minorités musulmanes. L'affirmation communautaire, le voile islamique, la bouffe hallal sont autant de signes qui nous donnent cette impression. Mais la façon dont c'est fait l'incroyable américanisation des banlieues et de leurs modes d'expression nous montre plutôt un phénomène propre la modernité consumériste.
Car en fait nous ne sommes plus rien, et les identités locales sont de plus en plus réduites à des folklores caricaturaux c'est d'ailleurs la cause véritable du fameux débat sur l'identité nationale. C'est plutôt dans ce sens qu'il faut comprendre cet intense radicalisation musulmanes, cette course à un islam tellement simplifié qu'il en devient une marque comme Nike ou Coca-cola. Un vulgaire marqueur qui permet de se faire croire que l'on est différent du voisin d'autant plus que l'on est frustré de ne pas avoir ce qu'il a. Il en va de même d'ailleurs pour les obsédés de la gastronomie française, on va manger dans de grands restaurants parce que l'on est quelqu'un de goût. On oublie au passage que toute cette tradition culinaire était liée à un mode de vie, à une façon d'être, et à un système économique qui faisait que l'on mangeait du terroir non parce que c'était meilleur, mais parce que c'était moins cher. La standardisation a unifié la planète dans les modes de consommations pour la simple raison qu'avait parfaitement su expliquait Henry Ford, la spécialisation et l'économie d'échelle. Car plus vous vendez un même produit en grande quantité moins cher il sera à l'unité, c'était bien sûr le cas avec la fameuse Ford T qui n'avait qu'une seule couleur. Dans l'agriculture cela a pris la forme de la monoculture et par ricochet de la mono-cuisine, puisque rapidement des chaines de restaurants ont inclus les principes fordistes dans la production de nourriture.
Seulement notre instinct nous dit qu'il y a quelque chose qui cloche dans ce raisonnement, la nature est fortement diversifiée, les climats et la géographie façonnent les plantes et les animaux, qui sont en général extrêmement spécialisés pour survivre dans un coin de nature spécifique. De la même manière, avant l'avènement des transports rapides et du monde industriel post-fordiste, les sociétés humaines étaient extrêmement diverses et variées. Comment se fait-il donc que ce qui était la règle hier, la diversité, puisse aujourd'hui être à ce point détruite et condamnée? Pourquoi ce qui était une règle fondamentale de l'évolution qui veut qu'un système naturel se complexifie avec le temps soit inversée momentanément? La réponse nous la connaissons, c'est que ce système d'homogénéisation est mortifère, il est incapable de garantir sa propre pérennité sous aucun aspect. Contre la rareté la nature complexifie, car plus un système naturel est complexe et mieux il résiste aux péripéties qui l'atteignent. Certains économistes pensent que le monde est de plus en plus complexe, c'est vrai et faux à la fois. Vrai dans le sens où la gestion des sociétés humaines sont de plus en plus complexes car la multiplication des interactions entre sociétés humaines différentes rendent impossibles une bonne gestion gouvernementale. La mondialisation commerciale rend par exemple impossible les politiques contra-cycliques, ce qui condamne notre système économique à une catastrophe, la crise actuelle en est d'ailleurs la résultante directe.
Mais c'est faux dans le sens où il n'y a jamais eu dans l'histoire aussi peu de diversité dans les sociétés humaines. Que ce soit en variété de nourriture, de vêtement, de techniques de construction, de mode de vie, de mode de pensé ou de langue, jamais l'humanité n'a été aussi homogène ni aussi pauvre. Si l'on analyse la situation actuelle sous cet angle alors bien loin de se complexifier l'économie mondiale se simplifie à grande vitesse. Le fait que toute la planète ne dépende que du pétrole est en soit assez parlant. Cette grande homogénéité met l'humanité en extrême danger car l'histoire naturelle le montre, un système extrêmement simple et aussi extrêmement fragile. Naguère lorsqu'une civilisation se trompait et s'effondrait, il y' en avait toujours une pour prendre la relève. Aujourd'hui que la civilisation du pétrole américanisé a tout envahi, on ne voit guère de peuples susceptibles de survivre à son effondrement. Les hommes modernes sont à la recherche d'une diversité peut-être à cause de cela, sans le savoir ils sentent que quelque chose ne va pas. On recherche quelque chose d'authentique, de terroir parce que nous avons du mal à croire viable une civilisation humaine qui serait unique d'un bout à l'autre de la planète. Alors bien sûr nous tombons dans une illusion car même si nous mangeons terroir ou hallal nous faisons toujours parti de cette mondialisation économique, de cette machine à homogénéiser, en fait on change juste de marque. Seule une réaction collective et une rupture avec la mondialisation et la création de véritables modèles locaux permettraient un retour d'une vraie diversité, une diversité non-fictive et pas faite pour donner bonne conscience à certains. C'est uniquement lorsque nous relocaliserons la production et la consommation que la diversité réelle reprendra sa place. En attendant tout les retours aux origines ne sont que de vastes supercheries marketing alimentant en fait les mécanismes auxquels ils prétendent s'opposer.