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3 octobre 2010 7 03 /10 /octobre /2010 20:37

  Cette petite vidéo  d'Hervé Juvin est intéressante, et elle va dans le sens des questions que se pose mon collègue blogueur Malakine dans son dernier texte De l'homéostasisme. Il s'agit ici de questionner la place de la croissance économique dans nos sociétés dites modernes:

 

 

 

 

    Il y a tout de même quelques petites remarques à faire concernant l'analyse de Juvin. Si l'on peut aisément le rejoindre sur la question de la place exacerbée que la croissance a pris dans nos sociétés, il ne faut pas oublier que la mécanique qui a permis cela  c'est le risque militaire inhérent à la stagnation technique. Pendant longtemps les pays les plus développé techniquement pouvait avoir un ascendant sur les autres. En Europe il y a eu beaucoup de critique de la société industrielle et du machinisme provenant du monde anglosaxon, et la France est probablement l'une des nations d'Europe où cet esprit a été le plus mal accepté. Jusqu'à la boucherie de Verdun où notre pays continuait à vouloir faire la guerre comme autrefois. Le machinisme par l'avantage colossal qu'il donne en matière de puissance s'est rependu comme une trainée de poudre, les nations ne se lançant pas dans la société techno-industrielle étant finalement condamnée à l'esclavage. La société technicienne est donc un phénomène qui n'est pas occidentale en tant que telle, mais qui a pris naissance en occident pour se répandre partout ensuite par la force des choses. Le progrés technique actuel c'est  l'anneau de Sauron dans l'œuvre de Tolkien, il perd celui qui le possède exactement comme ce pauvre Gollum dans le Seigneur des anneaux.

 

anneaux.jpgMais celui qui ne possède pas la technique devient la cible des autres puissances devenues plus fortes grâce aux nouvelles techniques. Les autres peuples sont donc contraint même s'ils ne le veulent pas, d'entrer dans la danse mondiale du progrés technique moderne. C'est ce que montre d'ailleurs Juvin dans son propos sur Madagascar. Mais il ne s'agit pas d'un processus nouveau ou purement occidental, même si l'ampleur atteint aujourd'hui des proportions gargantuesques. En réalité le progrés technique a toujours eu cet effet, et cela n'a pas commencé avec la domination occidentale. La première puissance a avoir maitrisé les arcs et les flèches a certainement pris un ascendant colossale sur les autres peuples de son époque, la plupart des empires de l'histoire ont été créé par ces distorsions du progrés technique ou organisationnel, qui donnaient l'avantage, momentanément, à des peuples qui les possédaient. L'invention de l'agriculture  elle même a profondément changé les rapports de l'homme avec son environnement et entre les peuples. Les peuples qui ne voulaient pas s'adonner à l'agriculture ont petit à petit été chassé jusqu'à disparaitre totalement, et pour cause, les peuples agricoles devenaient beaucoup plus nombreux. Si nous étions restés chasseur-cueilleurs l'espèce humaine n'aurait jamais dépassé les trente millions d'individus sur terre.

 

Ainsi la technique et son évolution joue dans l'ordre des civilisations le même rôle que la sélection naturelle chez les espèces animales.  Bien sûr le phénomène est complexe, certaines techniques pouvant améliorer considérablement une société et d'autre mal utilisées pouvant les faire s'effondrer. Par exemple certains types d'agriculture  ont appauvri les sols sur de longues périodes (culture sur brulis, absence de jachère...), les avantages que ces techniques produisaient à court terme se sont alors transformé en calamité pour les peuples qui les utilisaient. Les rendements décroissant produisant des famines car la population avait augmenté au rythme de la production agricole de la période faste,  poussant ainsi ces peuples aux guerres de conquête. C'est un peu ce qui nous attend avec le pétrole, ce dernier a considérablement amplifié la productivité des nations qui l'utilisent à court terme, mais on sait qu'en sortir sera particulièrement pénible. La courte vue de l'esprit humain, limité à sa propre vie, explique en grande partie ces erreurs historiques grossières qui furent prises au court de l'histoire. Mais encore une fois la civilisation actuelle n'a rien d'exceptionnelle sur ce plan, à part par son ampleur, et la problématique n'a rien avoir avec une nature qui serait propre à la civilisation dite occidentale. Nos voisin musulmans si prompt à crier sur le matérialisme occidental auront, à mon avis, bien plus de mal à se passer du pétrole que les pays européens, imaginez un peu l'Arabie Saoudite sans pétrole.  

        Il nous faut donc nous questionner sur le développement, mais aussi savoir de quoi nous parlons exactement. Juvin parle du développement en général, terme fourre tout, dont on ne sait pas vraiment ce qu'il signifie, les Romains étaient développés en regard des Germains de la même époque, pourtant selon nos critères actuels les romains sont des primitifs même pour les moins développés des pays actuels.  Le vrai problème ce n'est pas le développement en général ou le progrés technique en général, mais le développement  qui rend les peuples interdépendants jusqu'à nuire à leur capacité de reproduction culturelle, intellectuelle, productive et démographique.  Ce n'est pas forcement la technique le problème, mais l'usage qui en est fait, or dans les propos ici tenus nous retrouvons un peu des divagations extrémistes de certains écologistes qui retrouvent  le mythe du bon sauvage cher à Jean-Jacques Rousseau. L'homme occidental étant rempli de toute les tares avec sa civilisation technicienne, c'est oublier comme je l'ai dis précédemment que ce phénomène a toujours existé, il a juste était considérablement amplifié et accéléré avec l'époque moderne. D'ailleurs on voit bien que les autres civilisations s'engouffrent elles aussi dans la mécanique, preuve que c'est quelque chose d'universel, fruit d'un comportement profondément encrée dans la nature humaine.

 

    Nos ancêtres se sont trompés en orientant le développement de la technique vers l'usage des matériaux fossiles, nous aurions pu faire autrement et nous pouvons encore faire autrement. De la même manière que nous aurions pu développer des sociétés plus auto-centré, mais les deux guerres mondiales ont donné le pouvoir, momentanément, à deux systèmes idéologiques qui avaient en commun l'internationalisme, l'un socialiste, l'autre libéral.  La situation actuelle est le fruit des accidents historiques que furent la première et la seconde guerre mondiale, sans cela le monde aurait été bien plus divers en matière de système économique. Nous vivons la fin de l'unité mondiale issue de cette époque , et je suis sûr que nous allons assister à la naissance de multiples expériences d'organisations nouvelles. Mais le développement aura pleinement sa place tout comme la science et la technique dans ces nouvelles organisations, elles seront simplement orientées vers d'autres objectifs que la croissance à court terme. La lutte n'est pas entre un passé sage et un développement fou, mais entre un développement  cohérent à long terme et un développement déséquilibré. Tout est finalement affaire de dosage  , il suffit de trouver le bon équilibre tout en sachant que nous feront encore des erreurs.

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commentaires

I
<br /> <br /> J'ai enfin retrouvé la référence à laquelle j'ai pensé à la lecture de ton article. C'était dans le Science & Vie Hors Série de Juin 2008. On y trouvait un entretien avec Alain Gras qui a notamment écrit "Le choix du feu. Aux origines de la crise climatique". Ton dernier paragraphe me semble en parfait accord avec ce qu'il dit.<br /> <br /> <br /> <br />
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