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10 février 2011 4 10 /02 /février /2011 22:00

  31619-canne-vieux-vieilles.jpgJ'ai souvent parlé ici du risque inhérent à un déclin démographique de longue duré d'un point de vue économique, surtout si ce déclin est très prononcé. Une natalité inférieure à 1.8 enfants par femme entraînant une baisse de la population active trop rapide pour maintenir une activité économique intérieure suffisante. Mais ces difficultés sont vrai dans le cadre d'une économie relativement fermée, produisant ce qu'elle consomme. En effet dans cette configuration la baisse tendancielle de la population produit un pessimisme dans l'investissement, les entreprises anticipant la baisse de la demande. Comme l'avait souligné Keynes à son époque, la question démographique est au coeur de la dynamique de long terme d'une société. Elle entraîne des prévisions futurs et des comportements de masse qu'il est bien difficile d'inverser une fois qu'un chemin difficile  est emprunté. De la même manière qu'une expansion trop rapide la population est nuisible pour la hausse du niveau de vie de la population, une baisse trop forte entraînera aussi des effets dramatiques. Sauf évidemment si le pays dans lequel se passe cette baisse exporte ses problèmes de demande intérieure. En réalité il se peut que dans le contexte actuel de la mondialisation, les pays en déclin démographique aient un avantage économique de long terme pour plusieurs raisons que je vais  tenter d'expliciter.

 

Démographie et croissance économique

 

L'expansion démographique représente une bonne part de la croissance économique d'un pays mais le lien n'est pas automatique. Une expansion trop forte comme l'a été celle de l'Afrique au 20ème siècle peut conduire à des pénuries et à un manque d'investissement de capital par tête, situation qui ne permet pas de faire les investissements nécessaires à la hausse du niveau de vie de la population. L'un des grands problèmes de l'Afrique étant une croissance trop rapide de la population, même si la natalité commence enfin à baisser, il faudra encore quelques décennies avant que le rythme démographique soit compatible avec un réel développement.  L'historien et économiste Paul Bairoch avait estimé en se basant sur l'expérience historique, que la croissance démographique naturelle d'un pays ne devait pas excéder 1% par an pour pouvoir soutenir une expansion économique de type industriel. Si l'expansion démographique d'un pays peut soutenir la croissance du PIB c'est donc avec une limite au-delà de laquelle elle nuit plus qu'autre chose. En effet  une croissance démographique trop importante signifie une pyramide des âges avec une base extrêmement large, c'est à dire une proportion de jeunes à charge très importante en regard du nombre d'actif. Il est évident que passé un certain seuil, l'on se retrouve avec trop d'élèves dans les classes et pas assez d'investissement pour   fournir du travail à cette futur main d'oeuvre plus tard, alors même que leur niveau scolaire sera insuffisant pour obtenir des gains de productivité. Bref, si chaque habitant supplémentaire représente deux bras de plus pour produire et donc avoir de la croissance de la production, c'est aussi une bouche supplémentaire à nourrir qui ne produit rien pendant au moins les 20 premières années de sa vie.  A cela s'ajoute la question écologique des limites physiques de notre monde, avoir plus d'agriculteurs ne sert à rien si vous n'avez pas de terres supplémentaire à cultiver ou une hausse des rendements agricoles. Avoir plus d'ouvriers ne sert à rien si vous ne pouvez pas augmenter la production par manque de matières premières ou d'énergie.

 

    A ces limites on pourrait également dire que vouloir de la croissance pour avoir de la croissance n'a rigoureusement aucun sens. En effet si le seul moteur de la croissance économique est le fruit de l'augmentation de la population cela signifie que le niveau de vie stagne, le PIB est plus gros mais le PIB par tête est le même. On consomme juste plus d'énergie et de matières premières c'est tout. La seule croissance qui soit réellement un plus est celle qui est le fruit de la hausse de la productivité du travail, celle-là seulement produit une hausse du niveau de vie réel. Maintenant il est vrai aussi que nos nations sont en compétition et qu'une population plus importante ainsi qu'un PIB plus lourd peut être motivé par des simples questions de rapports de force  géostratégiques. Autre point, il faut également que cette hausse de la population soit accompagnée d'une augmentation de l'investissement concomitant pour produire les emplois nécessaires à l'absorption de la population . C'est d'ailleurs la même chose pour la hausse de la productivité, celle-ci ne  produit de la croissance que si la demande est augmentée soit pas la hausse des salaires soit par l'endettement public ou privé. Sans cela la hausse de la population ou la hausse de la productivité ne produisent que du chômage. La hausse de la population entraîne la hausse des besoins dans tout les domaines elle facilite la croissance de la demande mais il faut bien voir que la hausse de la demande n'est une chance que si celle-ci peut-être augmenter, si cela a été possible jusqu'à présent il n'en sera peut-être pas de même à l'avenir.

 

  A l'inverse la baisse de la population entraîne un changement dans la mécanique économique globale d'un pays. Dans un régime démographique négatif, la demande à tendance à s'étioler. La seule source de croissance étant maintenant les gains de productivité et la hausse des salaires qui doit l'accompagner si tout va bien, la croissance dans ce contexte devient beaucoup plus faible surtout si la décroissance démographique est trés rapide. Il faut cependant plusieurs décennies entre le passage de la natalité sous le seuil de reproduction, et la visibilité macro-économique de ce changement de régime démographique. Cette baisse à pour principal inconvénient la contraction de la demande sur le marché intérieur, les investissements suivent généralement cette baisse en l'anticipant. Contrairement à une idée reçues cette baisse de la population active ne réduit pas forcement le chômage, tout dépend en fait de l'adéquation entre l'offre et la demande, comme d'habitude. Un pays peut très bien avoir du chômage même en étant en déclin démographique, il suffit pour cela que les entreprises se mettent à surestimer les effets de la baisse de la demande en réduisant trop leurs investissements pour provoquer du chômage. Les marchés libres sont de toute façon toujours dans l'erreur seul une politique macro-économique des états permettent d'en réduire les déséquilibres. 

 

L'exemple démographique allemand 

 

A l'heure actuelle il y a deux grand pays dans le monde qui connaissent un déclin démographique rapide l'Allemagne et le Japon. L'Allemagne est l'exemple le plus important pour nous puisque nous avons le malheur de partager la même monnaie alors que nos démographies divergent sur le long terme. Et les effets de cette divergence vont comme nous allons le voir produire des effets extrêmement  important sur nos rapports commerciaux. Parlons tout d'abord de la démographie allemande,  le graphique suivant montre l'évolution sur le long terme de la population de ce pays. Il faut espérer cependant que les estimations futurs ne se réaliseront pas et que les autorité allemandes réussiront un jour ou l'autre à redresser la natalité car si l'on prolonge longtemps une telle démographie on finit par arriver à zéro.

 note cerfa 1

 En 2050 il ne devrait plus y avoir que 50 millions d'allemands si l'on ne compte pas bien sûr avec l'immigration ou une possible relance de la natalité. Quoiqu'il en soit la population dans ce pays a déjà commencé à décroître et le premier effet a été de faire de l'Allemagne un pays à faible croissance économique. A cela s'ajoute bien évidement les effets des politiques néolibérales  qui ont fait dans ce pays les mêmes dégâts qu'ailleurs dans les pays développés. Mais l'Allemagne apparaît bien comme l'un des pays européens avec la plus faible croissance ces dernières décennies, c'est la même chose pour le Japon qui n'arrive pas à sortir véritablement de la déflation. Pour compenser leur décroissance démographique ces deux pays auraient du augmenter les salaires, notamment les chez plus bas revenues pour maximiser leur propension à consommer. Face à un déclin démographique, il faut en effet impérativement augmenter le plus possible les revenues des moins riches pour augmenter la demande au maximum, il aurait donc fallu que l'Allemagne et le Japon réduisent leurs inégalités pour compenser la baisse de la population par un surcroît de consommation. Ils ont malheureusement fait l'inverse sous l'influence du modèle anglo-saxon et des chimères néolibérale. Et ont décider de nourri leur croissance par les exportations ceux qui provoque des crises dans d'autres pays et ne manquera pas de finir par provoquer des conflits avec les pays déficitaires. 

 

  L'un des effets les plus spectaculaire de la baisse de la démographie sur l'économie de ces pays est l'évolution caractéristique de leur marché immobilier. Alors que ces deux pays ont eu les mêmes politiques macro-économique de libéralisation financières et de dérégulation, ils n'ont pas connu de bulle spéculative dans l'immobilier.

 

 priximmocomp.jpg

 

Ce n'est pas parce que leur économie fut plus raisonnable ou plus sage, les mêmes idées parcours les deux rives du Rhin. Les capitaux allemands qui ont explosé comme ailleurs, sous l'effet de la hausse des inégalités et des importations en provenance des pays à bas salaires, n'ont tout simplement pas trouver de raisons de s'investir dans la pierre dans un pays où la demande de logement est obligée de décliner avec la population. La spéculation ne peut exister que s'il y a tout de même une maigre raison de spéculer à la hausse, en Allemagne l'immobilier n'est pas vraiment un secteur d'avenir. IL faudra réduire énormément le parc immobilier avant de produire une hausse des prix surtout en Allemagne de l'Est. Le Japon a eu la même évolution avec une économie structurellement différente, si ces deux pays converge c'est à cause d'un phénomène similaire, celui de la démographie en déclin.

 

 

Les effets sur le commerce extérieur

 

      Maintenant que l'on a vue quelques effets sur la croissance économique et sur l'immobilier de la baisse démographique, venons en au coeur de ce texte, les effets sur le commerce extérieur de la baisse de la population. Si la baisse conduit à une moindre croissance intérieure, elle a par contre quelques avantages dans le cadre d'une économie mondialisée. En premier lieu la baisse de la population permet un plus fort investissement dans l'éducation des jeunes, il y a  moins d'enfants mais ils sont mieux éduqués grâce à un investissement par tête plus élevé. C'est un avantage indéniable qui était d'ailleurs déjà celui des pays occidentaux par rapport au reste de la planète, l'éducation étant au coeur du développement humain. Cet avantage permet aux pays à démographie déclinante d'avoir des gains de productivité plus élevé grâce à un niveau d'investissement plus fort pour chaque individu. Cela se traduit commercialement par une monté en gamme dans le niveau technique de la production du pays, ce n'est pas un hasard si l'Allemagne ou le Japon ont, pour l'instant, mieux résisté à la montée en puissance de la Chine. Leur démographie leur permet plus facilement de réaliser le fantasme de la société du savoir, même si cette dernière est une chimère à long terme. La Chine va rapidement rattraper techniquement les pays les plus avancés même avec leur avantage démographique momentané.

 

  Le deuxième effet positif d'un point de vue commercial, c'est la baisse progressive des besoins et donc des importations que ce soit en matière premières ou en énergie.  Au moment où le prix des matières premières flambent avoir une démographie chancelante peut-être un avantage, la baisse de la demande compensant, en quelque sorte, la hausse des prix cela permet de ne pas avoir une dégradation de la balance des paiements. Ensuite la baisse de la population permet de faire baisser le niveau nécessaire d'investissement dans les infrastructures. Les moyens ainsi économisés peuvent servir à d'autre objectifs comme la recherche scientifique, technique et l'investissement dans l'amélioration productive. Enfin la baisse de la population et la dépression qu'elle crée sur le marché immobilier va avoir un effet positif sur la compétitivité externe du pays. En effet comme on l'a vue sur le graphique représentant le lien entre le revenu et l'immobilier il faut de moins en moins d'argent pour obtenir une même surface immobilière en Allemagne ou au Japon. Cela signifie que même si les salaires stagnent, le pouvoir d'achat lui va continuer à augmenter grâce à la baisse des prix dans l'immobilier. Un pays comme l'Allemagne peut donc tout à fait avoir une politique de baisse salariale, ou de stagnation sans que la population en ressente les effets négatifs sur son niveau de vie. Dans le cadre de la zone euro où les autres pays ne peuvent dévaluer, c'est un avantage considérable sur le plan de la compétitivité commerciale. L'Allemagne peut baisser les salaires sans trop craindre de  faire baisser le pouvoir d'achat local. Enfin cette baisse de l'immobilier évite aux capitaux d'aller s'investir dans la pierre qui finalement ne rapporte pas grand chose, il est peut-être là le secret de l'investissement industriel allemand. Les allemands investissent dans l'industrie parce qu'il n'y a pas d'autres débouché rentable pour le capital dans le pays. En France par contre investir dans l'immobilier était nettement plus rentable ces dix dernières années cela a du avoir un effet sur la compétitivité industrielle du pays.

 

 

En conclusion

 

  On voit bien maintenant que les évolutions démographiques vont avoir des effets différents suivant les conditions économiques du moment. En régime relativement fermé, c'est à dire dans une économie où l'essentiel est produit localement, la baisse de la population rend la gestion de l'économie difficile, on peut même dire qu'elle devient impossible passé un certain rythme de baisse. A l'inverse dans une économie mondialisée en étant en compétition avec des pays émergent dont le niveau de productivité rattrape rapidement le notre, avoir une démographie déclinante est un avantage commercial relatif. Le pays qui connaît une baisse de sa population peut en exporter les effets parce que cette baisse de la population produit de avantages en terme de productivité et de coût de production. L'Allemagne a une stratégie qui est finalement bien adaptée à sa situation démographique, pour continuer à croître elle substitue les exportations à sa demande intérieure en jouant sur les avantages que cette démographie lui donne. Bien évidement cette politique produit des excédents  commerciaux chez elles, et des déficits chez les autres. Il est certains qu'à court terme c'est une bonne stratégie, cependant on peut douter de la durabilité de ce modèle, les autres pays devant un jour ou l'autre réagir ne serait-ce que pour ne pas avoir d'émeute ou de révolution sur les bras. A ce moment là, le jour où la mondialisation se terminera on peut craindre le pire pour l'économie allemande, l'avantage se transformant subitement en contrainte. On peut comprendre tout de même en ayant à l'esprit ces effets de l'évolution démographique, pourquoi les élites allemandes sont tant obsédées par les exportations et le libre-échange. La fermeture commerciale des autres pays de l'UE serait une véritable catastrophe pour l'économie germanique. Ces évolutions nous permettent également d'imaginer le désastre que représentera pour la planète le futur déclin démographique chinois qui viendra vers 2030. Imaginez les effets d'une évolution démographique similaires à celle de l'Allemagne, mais pour un pays de plus d'un milliard d'habitant et qui est déjà l'usine du monde...

 

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commentaires

A
<br /> <br /> Je rajouterais 2 points à cet article<br /> <br /> <br /> 1 - des bras en moins peuvent être compensés par des améliorations de productivité due à la mécanisation et à la robotique<br /> <br /> <br /> 2 - les problèmes d'investissement n'existent pas .. la création monétaire peut remplacer l'épargne.<br /> <br /> <br /> <br />
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O
<br /> <br /> Assez d'accord avec valuebreak, l'émigration change la donne et a toujours été partout un paramètre important depuis Rome en fait, en passant par les US. Je suis moi même de père français et de<br /> mère anglaise, avec de la famille en France, en Angleterre, en Suisse, au Canada ou en Australie.<br /> <br /> <br /> J'envisage assez bien des vagues d'immigration en Allemagne, j'en fais partie personnellement, un de mes jeunes collègues français viens d'être embauché ici, de l'Est aussi depuis quelques<br /> années, polonais, hongrois, mais aussi de l'Ouest et du sud de l'europe, Espagne, Italie, Turquie...et l'Asie aussi, je le constate tous les jours là où je vis en De.<br /> <br /> <br /> Il est très probable que l'Allemagne va devenir un grand melting pot.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
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V
<br /> <br /> bjr à tous.<br /> <br /> <br /> @ Stan : à la lecture du post de Yann, je me suis fait immédiatement une remarque connexe à la votre, à savoir que le facteur crucial dans une baisse démographique, c'est l'évolution du rapport<br /> actifs/inactifs en surveillant dans les inactifs le reation entre les inactifs en passe de devenir actifs (jeunes, chomeurs en formation ...) et les inactifs stabilisés (vieux, marginaux, malades<br /> de très longue durée ...). l'évolution à cours terme des économies est évidemment influencée très substantiellement par ce ratio et les transferts qui en découlent bien plus que par la simple<br /> démographie ... on peut estimer sans trop d'erreur que l'endettement français revient essentiellement à assurer ces transferts ...<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> une autre remarque pour Yann : vous faites l'impasse sur l'éventuelle émigration massive des jeunes dans une société où leur avenir leur semble bouché. plus ils sont éduqués, et plus ils<br /> l'envisagent ... Par exemple, l'irlande perd actuellement environ 7% de ses jeunes de 20 à 35 ans par an !!! à ce rythme là, vous constatez comme moi que sa démographie actuelle et le ratio<br /> actifs/inactifs peuvent en être bouleversés en quelques très courtes années ...   <br /> <br /> <br /> <br />
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D
<br /> <br /> Soyez sans crainte,<br /> <br /> <br /> La croissance démographique à qui ont a tant sacrifié et tant vantée nous conduit vers la paupérisation et à donner à notre pays des airs de tiers monde. C'est la première sensation spontannée<br /> des étrangers empruntant le RER de l'aeroport...<br /> <br /> <br /> Est ce que l'entassement l'atrophie de nos régions est synonyme de bien être ? Sans compter l'urbanisation et la disparaition de nos aires naturelles, l'augmentation de la paupérisation de la<br /> délinquance<br /> <br /> <br /> Ce qui se passe en Egypte et d'autres pays africain ne devrait il pas nous donner à réflechir<br /> <br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> Salut Yann !<br /> <br /> <br /> Je suis globalement d'accord mais une question me taraude. Du point de vue démographique, la baisse de la natalité engendre souvent le vieillissement de la population. Or, celui-ci tend à<br /> constituter une société de rentier : l'Allemagne en est un exemple criant.<br /> <br /> <br /> La rente étant l'ennemi de la croissance (puisqu'elle n'est issue d'aucune activité productive), est-ce bon, à terme, de voir sa population augmenter même en économie ouverte ?<br /> <br /> <br /> <br />
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