Incroyable mais vrai, il semblerait que Jean Claude Michéa ait enregistré quelques vidéos pour internet ce qui n'est vraiment pas dans ses habitude. Je dois cette incroyable découverte à René Jacquot qui a mis quelques liens sur le blog de Natacha Polony. J'aurai dû les inclure dans la brève d'hier, mais finalement j'en profite pour donner mon point de vue sur les propos que tient notre philosophe montpelliérain préféré. On en profite puisque l'enregistrement vidéo n'est pas dans les habitudes de Michéa et que l'on risque d'attendre longtemps avant de revoir sa tête devant une caméra. Par contre le montage des vidéo est une catastrophe, un travail d'amateur
, en même temps cela n'enlève rien aux qualités des propos de Michéa donc tout va bien.
1-L'origine de la société libérale:
Dans cette première vidéo Michéa nous explique sa thèse centrale sur l'origine du libéralisme ce dernier étant apparu pour résoudre les guerres de religions qui ont ensanglanté l'Europe du 16ème au 18ème siècle. A titre personnel je rajouterai une couche explicative quand à la méthodologie employée par les libéraux pour créer une société amorale. Il me semble impératif de voir l'influence de la méthodologie cartésienne dans la création de la société libérale. Les libéraux ont user de la méthode de Descartes pour expliquer la société, la comprendre et finalement pour lui donner une organisation qu'ils pensaient plus rationnel et donc moins à même d'être sous l'influence d'une morale extérieure. La méthode de Descartes consistant à diviser un problème en plus petites parties pour en faciliter sa compréhension, on comprend bien qu'appliqué à la société les premiers penseurs libéraux sont alors partie de l'individu, partie la plus petite de la société pour comprendre la société dans son ensemble. Les libéraux pensaient qu'en comprenant les intérêts individuels, les motivations personnelles ils parviendraient à comprendre le fonctionnement sociale dans son ensemble. Ce fut une grave erreur comme je l'avais expliqué
ici. En fait la société influence autant les individus que l'inverse, il est dés lors impossible d'analyser la société en extrayant les individus de leur milieu social. Ajouter des comportements individuels sans voir l'interaction de l'ensemble sur les parties c'est ne pas voir la réalité du fait social. Tel ou tel individu ne se comporte pas nécessairement uniquement par autodétermination, il agit aussi dans le cadre social qui lui est assigné. La société n'est pas la somme des intérêts individuels elle est plus que çà et c'est une escroquerie intellectuelle que de la résumer à ce dogme libéral.
D'autre part, l'idée de fonder une société amorale, c'est à dire sans cadre axiologique moral de référence, présuppose également une possibilité de résolution de tout les problèmes sociaux, économiques et politiques par l'unique moyen du logos. Il s'agit là d'une prétention tout à fait irrationnelle et hors des capacités humaines réelles. En réalité la logique pure n'est pas capable de résoudre tout les problèmes et c'est vrai même en mathématique et en physique. Il arrive bien souvent que l'on soit obligés de faire des choix arbitraires. Dans le cas de problèmes surdéterminés par exemple, c'est à dire des problèmes ayant plus d'équations que d'inconnus, on pose empiriquement une valeur à certaines variables pour résoudre le problème. Dans le cadre de la société civile on est parfois obligé de faire des choix similaires, des choix empiriques et arbitraires. Car on ne peut pas le résoudre tout les problèmes par la simple logique, que ce soit à cause du manque d'informations ou par l'incapacité à comprendre réellement le fonctionnement d'un problème. Exemple le cas de l'ingénierie génétique et des OGM c'est bien par précaution et par intérêt moral que certains OGM et certaines pratiques ont été interdite. Il n'y avait pas de preuves formelles, nous ne savions pas s'il était risqué ou pas de faire du maïs Monsanto en plein champs. C'est le principe de précaution, qui est un principe morale de sauvegarde de la société, qui a fait faire le choix de la sécurité et non la logique scientifique pure qui elle a botté en touche faute de connaissance. On voit donc que la société réelle ne peut pas fonctionner sans un axiome empirique qui la guide dans le cas où la raison est incapable de trancher. C'est pourquoi il est important d'avoir une morale publique, bien sûr cette dernière doit éviter d'être clivante à l'intérieure de la société, il faut donc que cette morale soit areligieuse. En France nous avions la morale républicaine il serait peut-être temps de la resortir de la naphtaline où les libéraux l'ont plongé.
2-La logique du don
Ici Michéa aborde à juste titre l'échange non marchand celui dont on nous dit pourtant qu'il ne sert à rien puisque non monétisé. En réalité l'essentielle de la richesse d'une société est non marchande, des relations interpersonnelles, à l'amitié, l'amour, la curiosité, la passion etc.. Autant de choses qui ne sont pas mesurables dans l'échange marchand qui n'entrent dans aucun livre de compte, ce sont pourtant des choses essentielles de la vie. Et que dire du soleil qui nous éclaire et nous chauffe gratuitement, de l'oxygène que nous respirons, de la mer dans laquelle nous nageons gratuitement. On peut même déclarer que tout ce qui est essentiel n'a pas de valeur marchande et que comme le disait Rousseau les arts sont lucratifs en raison inverse de leur utilité. L'éducation d'une mère avec son enfants est la chose la plus importante au monde et pourtant cela ne vaut économiquement rien. Ainsi voit-on des nations prospères sur le plan comptable se dépeupler sur le plan humain à l'image de l'Allemagne ou du Japon. N'est ce pas paradoxale de voir des nations riches économiquement s'appauvrir humainement? Ou peut-être est ce la notion même de richesse que nous utilisons qui est fausse? Auquel cas nous nous appauvrissons en fait socialement depuis des générations en nous enrichissant économiquement, ou l'inverse. Cette question est une vraie question, il faut oublier de limiter la raison à la seule économie et penser à nouveau au reste, tant négliger par les modernes. Car si nous continuons nos sociétés finiront par mourir de richesse.
3-La croissance
A la suite de son questionnement sur la notion de don Michéa nous parle du dogme de la croissance, et pose la question de la nature de cette croissance. En effet croitre pour croitre n'a aucun sens, c'est bien la question du sens qui fait défaut à la société moderne. Faire croitre la PIB par la destruction qu'occasionne des modes de vie absurde est bien évidement une aberration, augmenter le PIB grâce à la destruction de l'empathie et de la bienséance, qui produisent une poussé de l'insécurité et donc un accroissement des forces de polices est tout aussi absurde. Cette question était d'ailleurs posé par Todd qui y voyait dans son Illusion économique l'un des moteurs de la croissance américaine en comparaison de l'Europe et du Japon bien moins criminogenes. De la même manière, polluer les rivières oblige à dépolluer et à vendre l'eau jadis gratuite, ce qui fait croitre aussi le PIB et l'activité économique. Le cynisme atteint son paroxysme quand on s'aperçoit qu'aux USA les principaux producteurs de fastfood comme Mcdo sont aussi les principaux producteurs de médicaments pour les obèses, et les principaux producteurs de produits de régimes. Donc croitre pour croitre est effectivement une stupidité sans nom.
Cependant et il ne faut pas l'oublier que le moteur de ce besoin de croitre, se trouve en réalité dans la mécanique même du progrès technique. Ce sont les gains de productivités qui produisent ce besoin de croitre, car une stagnation de la demande produirait une augmentation du chômage en parallèle. Cette question avait été abondamment analysé par Keynes à son époque, la hausse des salaires et de la consommation pendant les trente glorieuses furent les réponses momentanées apportés aux contraintes produites par la hausse de la productivité. L'autre réponse étant bien sûr la baisse du temps de travail. Le fait est que cette hausse de la productivité tant mécaniquement à réduire le besoin du travail humain, mais que par tradition et habitude sociale, l'être humain est incapable de penser une société où l'on travaillerait peu. L'une des craintes de Keynes étant que l'humanité qui est née dans la rareté, ne soit pas capable d'inventer une société d'abondance raisonnable. Ne pouvant affronter une société qui n'aurait plus besoin de travailler autant, les hommes se sont lancés dans l'invention de gadgets et de nouveaux besoins pour justifier le fait de continuer à organiser la société autour du travail. La gadgétisation de la consommation, le marketing, la course au consumérisme ne serait que le résultat du rejet inconscient de la société d'abondance où le travail ne serait plus au centre de nos vie. Si nous n'avons plus à travailler qu'allons nous faire?.... Donc plutôt que de réduire le temps de travail nous choisissons toujours d'accroitre les salaires et donc la consommation pour maintenir l'équilibre économique entre l'offre et la demande, ainsi que la plein emploi, enfin un semblant de plein emploi. A cela s'ajoute bien sûr la question du libre-échange et du chômage non lié à la productivité, mais c'est une autre histoire.
4- Les partageux
Michéa donne ici une grosse baffe au NPA de Besancenot et à la gauche en générale en partant du slogan Tout est à nous de ce parti pseudo-révolutionnaire. Je n'épiloguerais pas sur le fait que la gauche française est pleine de contradictions que ce soit sur ces choix en matière économique ou sociétaux. Ainsi proclamer sans arrêt vouloir agir dans l'intérêt des salariés français et toujours faire l'apologie de l'UE de l'euro et de la mondialisation qui pourtant détruisent ce que la gauche prétend défendre, ne semble pas titiller les cervelles de gauche. Pas plus que le double discours sur la laïcité qui est oubliée dès qu'elle touche les immigrés musulmans. La gauche française est une gauche de posture, on est de gauche parce que cela donne tel ou tel intérêt social, tel ou tel avantage, même chose à droite d'ailleurs. Dans l'univers individualiste il n'existe plus que le calcul d'intérêt individuel à court terme, il n'y a plus d'hommes vrais, de gens emplis de valeurs, juste des opportunistes. On pourra se dire communiste un jour, et faire de grands discours ultra-libéraux le lendemain, comme Denis Kessler jadis homme de gauche. On pourra faire de l'écologie dans les salons et rouler en 4x4 après avoir pris l'avions pour une île paradisiaque la semaine d'après. C'est le règne de l'absurdité et du théâtre d'apparat, les idées ne servent à rien d'autre qu'à obtenir des postes, comme vient si bien de le faire remarquer
Nicolas Dupont Aignan face à une gaulliste du verbe Marie-Anne Montchamp.
5- La neutralité du libéralisme exemple la prostitution
Dans la continuité de son analyse sur le libéralisme Michéa nous montre jusqu'où une société dans laquelle il n'y a pas d'axiome morale de limite peut aller. La privatisation du sexe pouvant devenir une nouvelle forme de productionde richesse, c'est d'ailleurs déjà le cas aux USA vue l'ampleur pharaonique atteinte par l'industrie porno au pays des pourtant pudiques protestants. En plaisantant Michéa nous prédis l'ouverture d'universités du sexe et de master en sexualité car il faut bien s'adapter à la demande du marché n'est-ce pas? En attendant la légalisation de la pédo-pornographie.
6-Le jeunisme
Dernière vidéo de Michéa sur le jeunisme, pour lui le jeunisme est la conséquence de la mystification autour de la jeunesse. Alors qu'autrefois le jeune devait apprendre du vieux, dans nos société c'est l'inverse, le jeune est censé en savoir plus que le vieux de part la mobilité technicienne qui rend caduque les vieux schémas organisationnels. Rendant ainsi inutile le savoir-faire ancien et donc les vieux et leurs connaissances accumulées. Il s'agit bien sûr ici de l'image dans laquelle baigne l'homme moderne et non la réalité en elle même. De ce fait les jeunes sont sociologiquement enviés ce qui est paradoxale lorsque l'on sait la violence avec laquelle ils sont en réalité traité sur le plan économique. On se retrouve donc avec une nation où tout le monde cherche à rester jeune et à ne pas vieillir. Autre conséquence on fabrique des individus rois, des individus qui veulent recevoir sans donner et qui deviennent violents lorsqu'ils n'ont pas ce qu'ils désir, tel les enfants en bas âge qui deviennent colériques. On ne peut que souscrire à l'analyse de Michéa sur ce plan à ceci prés que je rajouterai la question de la peur de la mortalité. Vouloir ne pas vieillir ce n'est pas seulement imiter la jeunesse jugé à tort avantagée socialement, c'est aussi fuir devant la mort. Le rejet des personnes très âges, et la maltraitance dont elles sont souvent victimes, le rejet des familles par quasi abandonc par exemple, montre que la mort est fuit autant que possible par les modernes. On ne veut pas la voir en face donc on efface les dégâts du temps autant que possible pour éviter l'inévitable. C'est un autre effet de l'absence de croyance collective et de la dislocation occasionné par la logique libérale. Autrefois l'individu entouré avait moins peur de la mort, il n'était pas seul face à elle. L'éclatement familiale et l'individualisme libéral qui en sont à l'origine, ont poussé les modernes à s'isoler de plus en plus, à rejeter tout lien non intéressé et ce faisant à affronter la mort seul dans des lieux ou l'on gère la morbidité qui en résulte. Et cela résume bien le libéralisme, c'est une idéologie morbide qui conduit l'humanité à la mort en solitaire.
7-Le nomade Attalien
Petit rajout de dernière minute, encore merci René, ici Michéa nous parle de l'homme nomade dont la quintessence se trouve dans le mode de vie typique d'un Jacques Attali. L'homme déraciner sans nation sans structure sans culture et sans patrie est l'homme idéal du libéralisme. L'homme consommateur par excellence qui n'a d'autre but dans l'existence que la consommation ostentatoire pour compenser son vide intérieur. Mais ce mode de vie que certains ,notamment à gauche, voudraient généraliser ne peut pas l'être en réalité, du fait des limites physiques du monde réel. Le nomadisme n'est possible que pour une élite infime démographiquement, ce qui crée une rupture entre la vision qu'ont ces élites du monde et la vision qu'ont les peuples et les autres classes sociales de ce même monde. Ainsi le multiculturalisme tant venté dans les salons de l'intelligentsia parisienne qui se sent partout chez elle de Tokyo à Casablanca, est-il rejeté par le peuple qui lui n'a que pour seul lieu d'habitation la France. De la même manière l'homme nomade aime le libre-échange parce que même si l'emploi est détruit dans son pays d'origine, il pourra toujours aller en Chine ou au Japon en trouver, ce qui n'est pas possible pour l'homme du peuple enraciner par les contraintes économiques inhérentes à son statut social. On voit dès lors d'où vient la rupture entre le bas et le haut de l'échelle sociale, on comprend également mieux pourquoi l'internationale des travailleurs rêvé par certains marxistes c'est surtout transformé en international des richesses, ces derniers défendant collectivement leurs intérêts de classe en usant de leur mobilité contre leur propre peuple. Ainsi les milliardaires chinois, européen et américains sont-ils les seules à profiter réellement des bienfaits supposés collectifs de la mondialisation néolibérale et du libre-échange. Leur slogan pourrait se résumer à ceci, "riches de tout les pays, unissez vous contre les gueux et les travailleurs".