La situation actuelle du Japon aura fait l'effet d'un coup de tonnerre dans l'univers de l'énergie nucléaire, en rappelant grâce à cette actualité les dangers inhérent à cette production d'énergie. Le Japon pays des tremblements de terre savait pertinemment qu'un jour ou l'autre une catastrophe de ce type se produirait sur son sol. C'est inscrit dans le destin d'une île qui s'enfonce petit à petit sous la plaque tectonique eurasienne et qui est au confluent de quatre plaques tectoniques (Pacifique, Nord-américaine, des Philippines et Eurasiatique). Un tremblement aussi puissant s'était d'ailleurs déjà produit à l'époque de l'ère Meiji au 19ème siècle. Mais le Japon d'alors n'avait que des constructions en bois et aucun machinerie moderne capable de transformer une catastrophe naturelle en un désastre thermonucléaire. A l'heure qu'il est on ne sait toujours pas s'il y a eu fusion d'un réacteur à l'image de ce qui s'est passé en 1987 à Tchernobyl ou si ce ne sont que quelques fuites, il faut espérer que ce ne soit pas aussi catastrophique que ce qui s'est passé en URSS. Quoiqu'il en soit nous n'éviterons pas dans les jours prochains un débat sérieux sur la question du nucléaire fissile, et en ces temps de pétrole cher peut-être aurons nous enfin un débat global sur la question énergétique dont le nucléaire n'est qu'une des composantes. Oui je sais je suis un grand rêveur qui pensent encore qu'il reste à nos dirigeants une once de sens des responsabilités.
Une catastrophe en grande partie anthropocentrique
La première remarque que l'on peut faire sur la situation japonaise c'est que finalement si elle prend une telle ampleur c'est bien à cause de nos modes de vie modernes. Comme je le disais au début de ce texte, dans le japon d'autrefois tout était fait pour s'adapter aux contrainte naturelles de l'île, la plupart des habitations étaient en bois et l'on vivait en sachant que ce type de catastrophe pouvait très bien arriver. Si le Japon actuel subit de tels dégâts c'est particulièrement dû à la modernité technique et à l'interdépendance créer par la technologie moderne. Bien évidement l'on peut se préparer en construisant intelligemment et en préparant la population, mais le fait est que la nature est finalement toujours la plus forte, et malgré son avancée technique le Japon a été vaincu par un tremblement de terre. Mais plus grave encore que des ponts ou des routes brisées qui peuvent facilement se reconstruire, c'est le danger d'une explosion nucléaire qui rend cette crise naturelle anthropocentrique. En cas de grave contamination sur un territoire aussi exiguë que le Japon les dégâts provoqués par les techniques humaines seraient largement supérieures à long terme à celle directement imputables au tremblement de terre. C'est finalement la technique qui conduit un simple évènement naturel à prendre de telles proportions.
Il n'est bien évidement pas question ici de jouer le rôle du gentil écolo donneur de leçons, il n'est pas dans mon intention de faire l'apologie du retour en arrière qui est aujourd'hui de toute façon simplement impossible. Mais il serait bon que l'homme moderne ravise un peu ses ambitions et réapprenne un peu l'humilité face à une réalité complexe et difficile à prévoir. Au-delà de la technique en elle même, c'est surtout cette orgueil et cette esprit de puissance et de maîtrise absolue de la réalité qui nous entoure, qui nous met régulièrement dans ces situations. Et ce qui est vraie pour l'écologie et les désastres naturelles, l'est tout autant pour ce qui est de l'économie et de la gestion de nos sociétés en général. L'image de ces centrales nucléaires qui explosent alors que tout avait été prévue pour que cela n'arrive pas, nous fait bien évidement penser aux génies de la finance ou à nos vendeurs de paradis universelle néolibéraux qui avaient tout prévu eux aussi. Le même orgueil et la même prétention conduit à des catastrophes qu'il aurait pourtant été possible d'éviter si nous avions juger que décidément, en ces matières, même un risque infime est beaucoup trop grand pour être pris. Notre optimisme et nos certitudes nous tuent aussi sûrement qu'ils nous aveuglent. Au final ce n'est pas tant la science et la technique en tant que tel le problème, c'est l'effet d'aveuglement qu'elles ont sur l'esprit humain. C'est cette passivité avec laquelle nous accueillons le progrès technique sans en questionner l'utilité ou les dangers suivant les cas. La science et la technique semblent ainsi exclues de tout débat démocratique, comme si elles échappaient à la raison et à la force humaine. Le résultat de cela nous le voyons aujourd'hui, des catastrophes et un monde qui n'a plus de sens. Une monde qui se plie face à ce qui ne devrait être qu'un outil au service de l'humanité. Il nous faudra réapprendre à domestiquer l'outil si nous voulons survivre au 21ème siècle.
Le nucléaire fissile n'a pas d'avenir
Concernant le nucléaire à proprement parlé, il est plus que temps de le remettre en cause et ce pour plusieurs raisons. La première est bien évidement la question de la sûreté, si la France est tout de même moins à risque sur le plan des tremblements de terre que le Japon, nous ne sommes pas du tout à l'abri d'une telle catastrophe. Et même si le risque nucléaire est infime, ses conséquences sont telles qu'elles invalident tout calcul d'évaluation économétrique. A combien estimer la perte d'une ou deux régions françaises à cause de radiations, sans parler des morts et des maladies à long terme. La deuxième raison pour arrêter le nucléaire fissile est à cause des déchets dont nous ne savons que faire, à part les enterrer en créant des problèmes pour les prochaines générations. Ce problème des déchets n'est pas une simple lubie d'écolos, la durée de vie des matériaux radioactifs dépassant largement le cadre humainement imaginable. Il est simplement irresponsable de dire que l'on s'en occuper sur les dix milles prochaines années alors même que l'on ne sait même pas à quoi ressemblera la France en 2020. Hypothétiquement nous pourrions nous en débarrasser dans l'espace ou en les envoyant sur le soleil, mais nous ne prendrons jamais le risque qu'ils se répandent dans l'atmosphère en cas d'explosion d'une fusée.
Mais l'argument le plus important en faveur de l'arrêt du nucléaire fissile, à mon sens, reste quand même la question de l'épuisement de l'uranium à moyen terme. Car comme dans le cas du pétrole, l'uranium nous n'en avons pas en grande quantité et le pic de production a d'ailleurs déjà été atteint. Ce qui veut dire que même si l'uranium permet à l'heure actuelle de produire une énergie moins cher, cela ne reste pas vrai indéfiniment. Même à consommation constante l'uranium va rapidement s'épuiser, et il faut en plus compter avec les nouvelles puissances industrielles et l'effondrement des productions d'hydrocarbures qu'il faudra bien compenser. Pour cette raison parier sur l'énergie nucléaire fissile relève plus de l'aveuglement qu'autre chose.
Ensuite il faut arrêter de présenter le nucléaire comme un gage d'indépendance nationale, c'était peut-vrai autrefois mais la France d'aujourd'hui importe son uranium comme elle importe son pétrole. Ce n'est donc plus une garantie d'indépendance puisque nous dépendons de producteurs étrangers pour nous ravitailler. Il est vrai toutefois que les pays producteurs son moins concentrés et ne sont pas des nations à problèmes pour la plupart. La carte ci-dessous montre les principaux producteurs d'uranium de la planète, ils représentent à eux dix 94% de la production planétaire et la France n'en fait pas partie.
Dans les années qui viennent nous allons faire face à une mutation énergétique de grande ampleur qu'on le veuille ou non, cela commencera nécessairement par une diminution de la consommation. Soit cette diminution sera planifiée et organisée avec l'obtention d'un meilleur rendement énergétique moyen, soit cela se produira sous l'effet d'un effondrement du niveau de vie causé par la poussé des prix de l'énergie. Mieux vaudrait bien évidement que les états organisent la transition eux même, mais ce n'est pas en croyant que le marché le fera qu'on y arrivera. Ici l'idéologie néolibérale freine les possibilités d'adaptation en contraignant les états dans des limites aussi stupides que mortifères, que ce soit à cause des limitations monétaires produit par la privatisation de l'émission de monnaie, ce qui empêche toute réelle politique d'investissement public, ou par la paralysie que cette idéologie instille dans la tête de nos dirigeants. Cependant cette transition ne nous mènera pas vers une age nucléaire, les raisons je viens de les donner, et de toute façon après ce qui vient de ce passer au Japon, il y a peu de chance pour que les populations veuillent continuer à jouer à la roulette russe du nucléaire fissile. Il nous faudra donc être inventif, et nous orienter vers d'autres énergies comme j'en ai souvent parlé sur ce blog, dans ce texte par exemple. Des biocarburants de seconde génération, aux panneaux solaires, en passant par la géothermie ou l'éolien, beaucoup de voies peuvent être empruntées. Mais il faut que les pouvoirs publics fassent un effort au moins aussi grande que ce qui a nécessité le développement du nucléaire, ou la généralisation de la consommation de pétrole.Car il faut bien voir qu'il y a eu une volonté publique, autrefois,pour construire la société du tout pétrole ou les parcs nucléaires, ce n'est pas le marché tout seul qui a orienté nos sociétés dans ce sens. Ce sont des politiques publiques qui nous ont mis dans la situation actuelle, elles seules peuvent donc nous en sortir. Il nous faut une vraie politique industrielle et technologique de transition énergétique. A plus long terme on peut toujours espérer avoir un jour accès à la fusion nucléaire, mais cela reste encore de la science fiction à l'heure actuelle.