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Nous venons d'apprendre que notre cher nouveau premier ministre semble très mal s'entendre avec le président en exercice, ce dernier ne voulant guère acquiescer aux propositions de formation du nouveau gouvernement. Il faut dire que notre Heliogabale national, alias Macron, ne semble pas s'être aperçu qu'en perdant deux élections, dont une qu'il avait organisée lui-même, il avait de facto perdu une grande part de sa légitimité. Pourtant il se comporte comme s'il venait de gagner une élection présidentielle, et qu'il avait la majorité absolue à l'Assemblée nationale, en voulant imposer un gouvernement au Premier ministre, alors que rappelons-le, c'est le Premier ministre qui forme le gouvernement. Le président n'a théoriquement que le pouvoir de nommer le Premier ministre. Si l'on peut imaginer que les postes ministériels en pratique sont souvent négociés entre le président et le Premier ministre ainsi que le reste de l'appareil du parti politique qu'ils représentent lorsqu'une élection vient d'être gagnée, et donc lorsque la légitimité est à son maximum, il en va différemment lorsqu'on est dans une situation de cohabitation problématique.
Pourtant notre président fait comme si de rien n'était depuis plusieurs mois. Selon la pratique institutionnelle normale, il aurait dû démissionner en réalité au lendemain des législatives. Cela ne veut pas dire que les problèmes français auraient été réglés, y compris politique, car la France est largement divisée, et la population n'a toujours pas vraiment compris dans sa masse, qu'elle ne peut garder son état social en restant dans l'UE et dans l'euro. Les Français ont fait le choix à partir de Maastricht d’abandonner leur souveraineté, mais ils n'ont pas compris, je pense, dans l'ensemble ce que cela signifiait pour leur vie de tous les jours. Il faut dire que les médias et les hommes politiques d'alors ont tout fait pour camoufler la chose. En un sens, les Français pensaient probablement que la France pourrait continuer indéfiniment à limiter les inégalités internes tout en démolissant son industrie et ses capacités productives en étant dans l'UE et dans l'euro. Aujourd'hui, on assiste en quelque sorte à un retour sur terre, l'augmentation de la dette n'étant plus vraiment possible. À cette situation politique assez ubuesque s'ajoute donc la situation globale du pays dont on dit qu'elle est catastrophique, même si je pense que l'on exagère assez dramatiquement la question de la dette alors que c'est surtout pour l'industrie, nos déficits commerciaux et notre natalité qu'on devrait essentiellement s'inquiéter.
La crise gouvernementale actuelle découle donc de l'arrivée en bout de course de la stratégie de camouflage des effets de l'euro par l'endettement. On a maintenu des activités économiques en compensant les destructions d'emplois productifs dans l'industrie par l’avalanche d'endettement qui permit le maintien artificiel de la demande. La bulle immobilière qui explosa en particulier sous Sakorzy était en fait liée à cette réalité, nos déficits commerciaux croissant au même rythme que notre industrie s'installait en Europe de l'Est et ailleurs. De la même manière, l'ouverture du marché des capitaux a permis aux grandes fortunes de s'installer partout où la fiscalité était nettement plus basse. Les entreprises américaines déclarent par exemple plus d'activité en Irlande que dans l'ensemble de l'UE ce qui est évidemment absurde, le pays n'ayant que 5 millions d'habitants. Il s'agit simplement d'une fuite fiscale qui engendre d'énormes coûts dans les autres pays et des manques à gagner pour les états qui sont compensés par la fiscalité sur les classes moyennes et les pauvres. En ce sens, la gauche a parfaitement raison de souligner l'injustice fiscale actuelle en France, le problème c'est que les mêmes qui critiquent cette situation ne veulent surtout pas s'attaquer aux causes à savoir l'UE, l'euro et la libre circulation des capitaux.
Il n'y a pas de bonne solution dans le cadre conventionnel actuel
Nous sommes donc à la croisée des chemins comme on dit communément. Mais on continue à faire semblant de croire que nos débats franco-français sans questionnement sur l'UE et l'euro sont à même de résoudre nos problèmes, évidemment non. J'entends les longues litanies droites et à gauche tout aussi fausses les unes que les autres. À droite on fustige les dépenses publiques parlant de gestion en bon père de famille et de gaspillage des méchants fonctionnaires. Sauf que comme je l'ai dit précédemment, les énormes dépenses de l'état depuis la mise en place de l'euro ont été surtout pour le secteur privé que ce soit sous forme de baisse d'impôt ou de subventions directes. Ce ne sont pas les services publics, en particulier la santé et l'éducation ou la recherche qui ont bénéficié de ces hausses de dépenses. En vérité, une grande partie du système entrepreneurial français ne tient plus que grâce aux dépenses de l'état. Si l'on purgeait d'un coup le système pour mettre fin à la gabegie, on assisterait à une hécatombe dans le secteur privé. Or vous n'êtes pas sans savoir que le secteur privé est déjà en grande difficulté. Il ne s'agit pas de dire ici qu'il ne faut rien changer aux dépenses de l'état, mais il faut bien prendre en considération le contexte.
Alors vouloir réduire massivement les dépenses de l'état ailleurs que dans les subventions aurait des répercussions massives sur le fonctionnement des services publics déjà passablement abîmé par 40ans d'idéologie néolibérale. Autant dire les choses clairement qu’il s'agirait en réalité d'une privatisation massive puisque l'état ne pourrait tout simplement plus assurer le service minimum dans les écoles ou les hôpitaux si l'on baissait les dépenses à la hauteur des besoins pour équilibrer le budget. Comme nous l'avons déjà vu, l'endettement est d'ailleurs l'un des outils du néolibéralisme pour imposer des privatisations. Et on ne doutera pas un seul instant des vraies intentions en la matière de la part d'européistes compulsifs comme Macron ou Barnier. Le discours permanent sur la dette oubliant comme par hasard ses vraies origines vise très clairement à justifier une démolition massive des dernières structures publiques, les néolibéraux rêvent de privatiser totalement depuis des décennies comme la santé, les retraites ou l'éducation. Il faut toujours se méfier des discours ne donnant pas l'entièreté des faits, ils ont toujours un objectif caché.
Mais de l'autre côté de l'échiquier, le discours n'est guère meilleur. Alors que la gauche, pendant la campagne des législatives, a littéralement ignoré les problèmes macroéconomiques ne parlant de que hausse des salaires, la voici maintenant avec ses solutions clef en main à base de hausse des impôts pour les plus riches. Comme je l'ai dit effectivement il y a un problème d'imposition des plus riches et des grosses entreprises. Mais il faut bien comprendre qu'augmenter les taux ne résoudrait rien puisque nous sommes en situation de libre circulation des capitaux. C'est toute la structure de notre économie qu'il faut repenser avant de taxer à nouveau les plus riches. Et je pense que les gens qui proposent ça le savent très bien, l'ISF dans le cadre économique actuel, c'est de la poudre aux yeux, et du marketing un peu démagogique, rien d'autre. Il faut préalablement rendre son pouvoir économique à l'état et donc remettre des frontières que ce soit sur les capitaux ou les marchandises. Ce n'est pas parce qu'un discours est moralement juste qu'il parviendra aux objectifs qu'il se fixe en apparence. Et de la même manière que les baisses d'impôt démagogique d'Emmanuel Macron sur les plus riches n'ont pas ramené la croissance et l'investissement, l'inverse ne ramènera pas non plus l'argent dans les caisses de l'état. Il faut d'abord éliminer le cadre eurolibéral et cela ne peut pas se faire instantanément ni avec un gouvernement faible comme c'est aujourd'hui notre situation.
Dévaluer, monétiser.
Alors, résumons la situation française. On a beaucoup de dettes, un déficit commercial qui même s'il s'est un peu réduit est extrêmement élevé et traduit la désindustrialisation du pays. Les impôts en général sont trop haut et ne peuvent pas être augmentés. L'imposition des riches et des grandes entreprises n'est pas possible dans le cadre actuel puisqu'ils pourraient largement l'éviter en mettant leurs activités dans des paradis fiscaux comme l'Irlande. Pour les réductions des dépenses, c'est plus facile à dire qu'à faire et si l'on met fin aux subventions pour les entreprises on risque un effondrement économique complet du secteur privé. Il reste donc la solution de la démolition de l'état providence et la destruction de l'école publique de la santé et des retraites par la privatisation. Par élimination, on sait déjà ce que l'UE et ses agents locaux vont prôner. Une politique à la grecque qui évidemment n'aura pas d'effets positifs à terme puisque l'expérience montre que ce genre de politique casse complètement le PIB et que finalement les réductions de dépenses seront plus que compenser par l'effondrement des recettes fiscales. Rappelons que la Grèce ne s'est jamais rétablie et qu'elle a une dette aujourd'hui plus forte qu'elle ne l'était lorsque la troïka bruxelloise et allemande a pillé le pays.
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Mais la solution grecque, qui en réalité n'est pas une solution puisque la Grèce ne s'est jamais vraiment rétablie, n'est pas la seule possibilité qui nous reste, même si les experts de plateau télé vous diront qu'on n’a pas le choix. En vérité, on a le choix, et on a même plein de solutions, mais pour cela il faut un peu réfléchir, connaître l'histoire économique, et sortir du cadre de la raison libéral qui est justement à l'origine de tous nos problèmes. Et cela tombe bien, puisque la Grèce en 2008 a coulé en même temps qu'un autre pays, il s'agissait de l'Islande. Un pays dont les économistes mainstream n'aiment pas trop parler parce qu'il a été une véritable claque dans le visage des penseurs de l'économie orthodoxe. D'une part, l'Islande à l'époque a refusé de payer pour les banques privées. Ce fut un choix salutaire, mais unique en Europe. Alors que les Islandais ont simplement appliqué le principe de responsabilité. Pourquoi en effet faire payer aux citoyens les âneries des spéculateurs privés. Rappelons qu'à l'époque la France a doublé sa dette publique pour sauver les banques sans qu'aucune véritable mesure ne soit prise à leur encontre. On n'a même pas séparé les banques d'affaires des banques de dépôt.
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Ensuite, l'Islande a fortement dévalué sa monnaie, mais dans de très grosses proportions jusqu'à 70%. Le résultat fut évidemment une forte inflation puisque les produits importés coûtaient d'un seul coup beaucoup plus cher. Alors vous allez me dire que c'est un désastre, en apparence oui, puisque l'inflation a atteint à son pic un joli 13% annuel. Sauf que l'économie s'est vite rétablie justement grâce à ça. En effet, l’Islande est devenue beaucoup plus compétitive et la balance commerciale s'est rééquilibrée. La dévaluation ayant favorise les forces productives du pays au détriment des rentes. Rappelons que la dévaluation revient à taxer les importations, et à subventionner les exportations, cela sans avoir besoin d'une politique administrative coûteuse et de façon totalement neutre, toutes les entreprises productrices en bénéficiant à égalité. La dévaluation n'a par contre aucun effet sur ce qui est produit et consommé localement bien évidemment. L'autre effet de cette politique fut une diminution de la dette par l'effet inflationniste.
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On peut donc faire la même chose pour la France, ce qui supposerait bien évidemment une sortie préalable de l'euro et de l'UE. On pourrait très bien monétiser une partie importante de la dette avec la banque de France. On peut même en abroger une part même si cela effraie les orthodoxes, ce ne serait pourtant pas du tout la première fois en France et en Europe. C'est même assez courant en réalité d'un point de vue historique. Cela s'accompagnerait d'une dévaluation monétaire vis-à-vis des autres monnaies du monde et surtout de la zone euro. D'ailleurs, la sortie de la France de la zone euro pourrait avoir un effet de réévaluation monétaire de la monnaie unique, la zone euro ayant déjà de très forts excédents commerciaux. Cela rendrait d'un seul coup les entreprises françaises beaucoup plus compétitives sans coût pour l'état français. Comme l'a souligné Jacques Sapir dans sa dernière interview, cette dévaluation permettrait également de supprimer les subventions aux entreprises devenues inutiles pour la compétitivité externe. De quoi faire plus de 60 milliards d'économies par an, on arrive déjà aux critères de Maastrich rien qu'avec ça. Je rajouterai ici que l'inflation qui en résulterait, probablement pas aussi forte que celle qu'a connu l'Islande en 2010, pourrait être utilisée pour réduire le poids des rentes. En indexant les salaires sur l'inflation tout en ayant une inflation plus importante que les intérêts, vous réduisez en effet mécaniquement les rentes accumulées au fil des décennies. Ce n'est pas à négliger, car les inégalités en France sont surtout le fait des rentes foncières et financières plus que sur les revenus.
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