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21 août 2023 1 21 /08 /août /2023 16:30

 

S'il est un point commun à toutes les écoles libérales c'est bien l'idée que la concurrence est en soi une bonne chose. La concurrence serait en tout temps en tout moment le meilleur moyen de lutter contre les rentes de situations et contre l’apathie créative. Elle stimulerait toujours l'innovation, la créativité et le génie humain. En général, les gens qui pensent cela sont sincères et nous sortent les vieux comparatifs anachroniques entre l'URSS et le système capitaliste. Quelques imbéciles compareront Cuba avec le Japon par exemple oubliant que Cuba est sous embargo depuis 1962 ce qui ne facilita pas vraiment le développement du pays, quel que soit le système économique en place. L'obsession pour la concurrence est en grande partie le fruit de l'influence de la pensée darwinienne aux 19 siècles qui a révolutionné notre façon de voir la vie sur terre et son évolution. Cependant, Darwin parlait dans un cadre particulier qui était celui de l'évolution biologique, et il ne s'agissait en réalité que d'une partie de la réalité de cette dernière. Même dans la nature, la compétition n'est pas le seul mécanisme qui fait fonctionner les biotopes loin de là. Les symbioses et les coopérations sont nombreuses dans la nature et bon nombre de choses sont difficiles à expliquer uniquement par le mécanisme de la sélection naturelle.

 

Quoiqu'il en soit l'influence de Darwin sur les théories économiques libérales est indéniable, même s'il n'avait probablement pas lui-même adhéré à ces visions. Si les libéraux ne sont pas forcément d'accord entre eux suivant les écoles pour le rôle de l'état vis-à-vis du marché, ils sont en revanche tous plus ou moins convaincus que la concurrence est toujours bonne. La grande divergence se fait sur l'idée que le marché puisse parfois avoir besoin d'une intervention extérieure pour maintenir l'état de concurrence. Pour l'école néoclassique ou néolibérale, le marché doit être toujours laissé à lui-même. L'état devant être réduit à ses fonctions régaliennes minimales. C'est l'école de l'ordolibéralisme qui nous vient d'Allemagne qui va vouloir imposer une intervention étatique pour maintenir une concurrence « artificielle ». En effet, l'idée est que le marché, laissé à lui-même, finit par concentrer les activités. Et plus une entreprise est grosse, plus elle fait d'économie d'échelle ce qui lui permet à terme d'écraser la concurrence. Donc le marché ne s'autorégule pas en réalité, mais bien souvent il finit par créer de véritables monopoles privés ou des cartels. Ce qui revient au même, car dans les deux cas l'évolution des prix n'est plus le produit du rapport entre l'offre et la demande. Je rappelle que dans la théorie libérale un marché n'existe que s'il y a atomicité des acteurs. C'est-à-dire qu'aucun acteur n'est assez gros pour manipuler le marché. Pour les ordo libéraux, il faut donc réguler le marché, non dans le sens keynésien où l'offre et la demande doivent être régulées, mais dans le sens du maintien de la concurrence en limitant la concentration des activités.

 

Cette idée a été déjà appliquée notamment aux USA à l'époque de Roosevelt avec les lois antitrust qui visaient quelque chose de similaire même si ce n'était pas basé sur les thèses ordolibérales. Malheureusement si ces lois existent toujours, elles sont rarement employées en particulier parce que les monopoles ou les cartels privés ont du poids sur les hommes politiques. On retrouve le même type de pensé dans la construction européenne qui a été largement influencée par l'ordolibéralisme germanique. La volonté de casser tous les monopoles vient de là, la SNCF étant la dernière victime en date de cette idéologie après EDF. En France après guerre, nous avons choisi un système d'économie mixte qui séparait bien les activités privées des activités publiques. Les gens du Conseil national de la résistance avaient bien compris que certaines activités essentielles ne pouvaient être efficaces si elles étaient soumises à la concurrence. C'était le cas en particulier du secteur de l'énergie et du train. La France a alors organisé sa société sur l'idée que les secteurs où la concurrence était possible devaient y être soumis, pendant que les monopoles naturels étaient mis sous la tutelle de l'état. C'était une vision complètement différente de l'ordolibéralisme qui veut construire des marchés artificiels partout même là où c'est inefficace. Les monopoles publics n'étaient pas libres de faire ce qu'ils voulaient puisqu'ils étaient soumis justement à l'état et donc in fine au citoyen-contribuable. Avouons que le système français des monopoles publics fonctionnait très bien jusqu'à ce que la construction européenne et ses délires ordo-libéraux s'en mêlent. Il n'y avait pas de théorie complexe à sa constitution, mais simplement des idées basées sur l'observation du comportement économique réel. Et c'est probablement pour ça que cela a si bien fonctionné jusqu'au désastre actuel.

 

La concurrence est un luxe coûteux

 

Il ne s'agit pas ici de dire que la concurrence ne peut pas avoir d'effet bénéfique. Il est évident qu'un monopole privé ou un cartel crée des problèmes. Le rapport de force faisant que le monopole ou le cartel impose les prix qu'il veut à ses clients qui n'ont pas le choix de toute manière. Dans le cadre d'un monopole public, l'état s'il abuse des prix pourrait être puni par les citoyens aux élections s'il y en a. Cela permet d'imaginer une pression populaire face aux éventuels abus d'un monopole public. N'oublions pas non plus qu'une entreprise publique n'ayant pas pour but de faire du profit aura moins à cœur suivant ses traditions à fournir des tarifs excessifs. Mais dans le cadre privé, la pression du marché peut effectivement avoir des effets importants de limitation. Cependant, il faut bien comprendre que les raisonnements libéraux sur la concurrence sont hérités d'une période historique où les entreprises étaient effectivement petites et le niveau technique général faible. Que ce soit à l'époque d'Adam Smith ou de David Ricardo, la production d'alors ne nécessitait pas d'immenses organisations complexes et le marché pouvait être une réalité puisque les entreprises pouvaient être très nombreuses à se les partager. Mais l'industrialisation et le progrès technique sont passés par là entre temps.

 

Dès 1967 l'économiste John Kenneth Galbraith écrit son livre « Le nouvel état industriel » dans lequel il montre la disparition de fait de la concurrence dans bon nombre de secteurs à cause de la concentration des entreprises. Mais cette concentration qui est dommageable puisqu'elle produit des monopoles et des cartels est aussi un atout technique, car elle permet une plus grande efficacité par la mécanique des économies d'échelle et de la montée en gamme technologique. Plus les productions sont d'un niveau technique élevé, plus elles nécessitent un large nombre de compétences et de techniques, produisant des entreprises géantes. Ce processus rend les marchés de moins en moins concurrentiels par nature. Le progrès technique est donc une machine à détruire le marché et à concentrer les activités pour des raisons d'efficacités. L'on pourrait dire ici que cette question est anachronique puisque la globalisation en élargissant le marché à l'échelle planétaire a permis la cohabitation à de nombreuses entreprises d'activités techniques complexes grâce à la taille du marché mondial. De plus, les entreprises d'aujourd'hui font beaucoup appel à l'externalisation qui limite leur inflation organisationnelle. Sauf qu'en réalité l'externalisation ne produit pas de concurrence bien souvent les sous-traitants n'ayant qu'un ou deux gros clients ce qui les met à la merci de ces derniers. Ensuite, la globalisation si elle a au départ produit une augmentation de la concurrence a petit à petit créé des géants d'échelle planétaire. Des géants qui n'ont même plus d'état pouvant limiter leurs appétits à cause justement des mécanismes de la globalisation.

 

On ne s'étendra pas ici aussi sur les problèmes de concurrence entre nation et sur le fait que certaines ont aujourd'hui des monopoles sur des secteurs clefs de l'économie mondiale comme on le voit sur la question du gallium avec la Chine. Bref, la concurrence aujourd'hui est en réalité dans bien des secteurs plus un fantasme qu'autre chose, nos sociétés doivent gérer une collection d'entreprises monopolistiques ou de cartel suivant les secteurs. Mais cette question ne semble pas vraiment poser de problème à l'UE qui ne s'intéresse réellement qu'aux monopoles qui ne sont pas privés. Du reste, est-ce que ces monopoles paralysent l'innovation ? Pas vraiment, la Corée du Sud qui est le pays des monopoles privés par excellence reste un pays très innovant et un pôle important de la recherche mondiale. L’innovation et la créativité tiennent plus à la mentalité de la population et à son niveau d'instruction que de l'organisation économique est qui est très largement surestimé pour ces questions. Du reste dans nombre de secteurs, la concurrence peut également faire grimper les prix, car elle a un coût. Par exemple, les mutuelles en France ont des frais de gestion six fois plus élevés que la sécurité sociale. La multiplication d'acteurs sur un marché réduit mécaniquement les effets d'économie d'échelle et donc augmente le coût unitaire des services ou des biens produits. Et je ne parlerais pas du coût du marketing et des multiples coûts engendrés par le simple fait qu'il y a différents acteurs sur un même marché.

 

Bref si la concurrence peut avoir quelques qualités il ne faut pas en faire un remède miracle à tous les problèmes de nos sociétés et de nos économies. Le marché européen de l'électricité a au moins eu le mérite de montrer les limites des raisonnements libéraux en pratique. Malheureusement pour nous le logiciel ordo-libéral est littéralement incrusté dans la structure même de la construction européenne. L'UE étant en effet la seule structure politique du monde à avoir une politique économique intégré dans sa constitution. Le seul exemple historique précédent étant l'URSS qui n'a pas très bien fini comme vous le savez.

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17 août 2023 4 17 /08 /août /2023 16:37

 

 

Des élections ont lieu en ce moment chez nos amis argentins. Et c'est apparemment un candidat ultralibéral qui arrive en tête, ce qui est très inquiétant pour ce pays dont l'économie est déjà dans une situation extrêmement difficile. Ce pays traverse depuis plusieurs décennies de grosses difficultés et des crises à répétition. L'on pourrait y voir les effets d'un certain retard de développement si l'on oublie que pendant longtemps l'Argentine fut un pays prospère et même très riche . Au début du vingtième siècle, l'Argentine n'avait pas un niveau de vie plus bas que celui de la France. L'échec argentin c'est un peu l'exemple même de l'échec des pays latins d'Amérique du Sud qui sont pourtant des pays qui ont théoriquement tout pour réussir. On reviendra sur l'origine potentielle de ces problèmes en regardant avec l'aide des analystes d'Emmanuel Todd sur les structures familiales. Pour en revenir à ce pays, la première chose qui frappe à l'heure actuelle c'est l'hyperinflation. Cependant comme nous allons le voir l'image extrêmement négative que l'on peut avoir sur ce pays d'un point de vue économique est loin d'être aussi évidente en réalité. Une bonne part de cette image est surtout le fruit de notre ignorance et de la déformation produit par les médias français comme dans bon nombre de secteurs.

 

 

En effet, l'inflation en Argentine atteint des niveaux extrêmement élevés de plus de 100% d'après les estimations de certains experts. Cependant, il faut prendre avec des pincettes les arguments des économistes néolibéraux qui pullulent dans les médias et sur le net. Car si l'on fait le bilan de ces 20 dernières années, il est largement positif. Rappelons que dans les années 90, les élites d'Argentine avaient eu la riche idée de coller la valeur du peso argentin à celui du dollar. Effectivement, cela limitait l'inflation en permettant de réduire le coût des importations et cela a facilité l'investissement étranger, mais dans le même temps cela a fortement nui à la production locale. Cette surévaluation monétaire, tout à fait comparable à ce que la France subit depuis l'euro, a mis l'économie argentine en déficit commercial permanent. Le résultat fut la crise de 1998-99 qui entraîna un effondrement de la monnaie et une fuite des capitaux. L'Argentine nous montre ce qu'une erreur sur le plan monétaire peut produire comme catastrophe, c'est à méditer pour l'avenir français et l'euro.

 

Quoiqu'il en soit après cela, les élites locales sont revenues à la raison et ont également favorisé les productions locales. Je viens de remarquer au passage que la page Wikipédia ne donne que l'avis d'Eric Leboucher économiste ultralibéral qui se trompe fréquemment et dont la seule solution à tout problème économique est toujours la privatisation et la suppression de l'état. Le fait est que l'Argentine si elle a effectivement une forte inflation surtout ces cinq dernières années n'en demeure pas moins un pays dynamique nettement plus que la France. Le taux de chômage est 6,8% alors que le pays connaît encore une importante croissance démographique. Je rappelle que l'Argentine est un des rares pays au monde à avoir passé sa transition démographique et avoir encore un niveau de natalité raisonnable à 1,91 enfant par femme, mais ce taux était encore à 2,3 en 2015. Ce qui fait que la population s’accroît encore naturellement de 0,9% par an. Il faut souligner qu'il est nécessaire de créer plus un emploi pour maintenir le taux de chômage ou le réduire que dans un pays dont la population stagne ou décroît. C'est un facteur extrêmement important à prendre en compte quand on parle de ce genre de chose, mais c'est souvent ignoré par nos médias ou nos économistes mainstream qui préfèrent coller des bons ou mauvais points en fonction d'un ou deux paramètres maximum.

 

Balance commerciale de l'Argentine

Si l'on regarde au niveau de la balance commerciale, l'Argentine va bien, elle a même un excédent malgré son importante inflation. La situation du peso argentin est à mettre sur le dos de la fuite de capitaux. En effet, les possesseurs de capitaux n'aiment pas l'inflation et vont donc préférer investir à l'étranger plutôt que dans le pays. La question du contrôle des changes devrait donc sérieusement se poser à ce pays. Si l'on regarde du point de vue des inégalités, les réductions sont très importance depuis 20 ans. La part des 10% les plus riches s'est rétractée alors que celle des 10% les plus pauvres a augmenté au niveau d'avant la crise de 2001. Voir l'Argentine comme un échec est donc une vision de bourgeois et de rentier des grandes villes. Il ne faut jamais oublier que le point de vue qui prédomine dans les médias est essentiellement celui des riches, des rentiers et des hauts revenus. Et il est clair que ces couches sociales n'ont aucun intérêt à valoriser un modèle économique qui a mis leur puissance financière en déclin pendant presque deux décennies.

 

En un sens, la montée d'un ultralibéral est la conséquence de cette lutte des classes. En survalorisant l'importance de l'inflation et en négligeant tout le reste, la croissance économique, les inégalités, la balance commerciale positive, ils donnent à la situation argentine une image catastrophique alors que la réalité est tout autre. C'est un peu le macronisme inversé. En France tout va très mal, mais comme la politique économique est très favorable aux rentiers, elle est présentée comme formidable pour le pays. L'inflation semble être un mécanisme nécessaire aux sociétés fortement individualistes comme l'Argentine ou la France. En son absence les inégalités explosent et la société dysfonctionne en concentrant trop fortement le capital. L'inflation joue le rôle d'un lubrifiant social en quelque sorte favorisant la circulation des richesses au sein de la société. Des pays moins individualistes peuvent probablement vivre avec une faible inflation, mais ce n'est pas le cas de la France et encore moins de l'Argentine.

 

La similitude franco-argentine

 

Le lien que l'on pourrait faire entre la situation argentine et la situation française tient à la faible appétence nationale des élites économiques. La France partage avec une large partie de l'Amérique latine le fait d'avoir une élite économique peu patriote quand elle n'est pas carrément antinationale comme le parti actuellement au pouvoir en France. Cette similitude entraîne des effets macroéconomiques importants. Dès qu'elles en ont l'occasion, les élites de ces pays font fructifier leur argent à l'étranger et consommeront des produits importés plutôt que des produits nationaux. L'origine de ce comportement est probablement à mettre sur la similitude des structures familiales chères à Emmanuel Todd. L'argentine, tout comme l'essentielle de la zone sud-américaine, a une structure de famille de type nucléaire égalitaire, la même qui domine en France dans le bassin parisien. La différence c'est que contrairement à la France, les pays d'Amérique latine n'ont pas une large population avec des systèmes familiaux plus complexes comme les familles souches. La famille souche ayant probablement beaucoup joué dans la possibilité d'organisation état en France par son amour de l'autorité et de la hiérarchie. Cependant comme le souligne Todd dans ses derniers travaux, les structures familiales minoritaires en France sont en déclin.

 

La carte des structures familliales selon Emmanuel Todd

 

On peut donc imaginer que la France dans quelques décennies finira par ressembler aux nations d’Amérique du Sud fortement instables avec des affrontements de classe assez violents. Le retour d'ultralibéraux en Argentine montre un retour de l'intérêt des classes supérieures au pouvoir. Il y aura sans doute une politique violente de réduction des dépenses de l'état et de lutte contre l'inflation. Le pays aura probablement une nouvelle phase de réduction de l'inflation suivie d'une hausse du chômage et des inégalités. Ce qui semble caractériser les sociétés nucléaires égalitaires, c'est l'absence de solidarité du haut en bas de l'échelle économique. Si cette structure familiale est censée défendre une certaine vision égalitaire de l'homme, ce même imaginaire égalitaire empêche ses membres d'imaginer une politique vraiment nationale. Les sociétés comme la France ou l'Argentine semblent plus susceptibles que d'autres d'imaginer leur propre dissolution dans un monde global fait d'individus sans appartenance. Malheureusement pour elle ce n'est absolument pas la vision sociale des sociétés aux structures familiales plus complexes et inégalitaires.

 

 

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14 août 2023 1 14 /08 /août /2023 16:14

 

S'il y a un pays en Europe qui a fortement souffert pendant les deux derniers siècles c'est bien l'Irlande. Pays martyre et victime de l'Empire britannique, elle fut sacrifiée au nom de l'idéologie libérale au 19e siècle pendant la crise de la pomme de terre. La crise fit un million de morts sur une population totale de 8 millions et entraîna une énorme fuite de la population vers les Amériques. La crise fut si grave que le pays ne s'en est toujours pas remis puisque la population irlandaise actuelle n'est plus que de 5 millions d'habitants. Et tout cela sous la direction de la Grande-Bretagne. L'on voit fréquemment des néolibéraux parler de la famine produite par le communisme en Russie ou en Chine ils sont pourtant bien plus discrets sur ce crime . Car la Grande-Bretagne aurait très bien pu arranger les choses si elle l'avait voulu. Il s'agit donc d'un crime contre l'humanité, mais qui n'a jamais été reconnu comme tel. Imaginez même le sultan ottoman de l'époque où Abdülmecit Ier avait voulu aider la population irlandaise en envoyant une aide de 10000 livres sterling à l'époque, mais la Reine Victoria l'en découragea en limitant son aide à 1000 livres. Les dogmes du laissez-faire avaient été utilisés par les Britanniques pour simplement dépeupler l'île probablement un peu trop rebelle à leurs yeux.

 

Les effets démographique de la crise de la pomme de terre

 

Cette première absurdité montrait déjà que le marché libre pouvait être aussi catastrophique que le maoïsme ou les pires tyrannies de l'histoire. Mais l'Irlande, la nation martyre du libéralisme, a depuis quelques décennies décidé de devenir un nouvel exemple de ce que le libéralisme peut produire de plus absurde. En effet, l'Irlande depuis son entrée dans l'UE en 1973 a choisi une orientation économique des plus discutable et qui pourrait assez vite se retourner contre elle dans les années qui viennent même si aujourd’hui les libéraux voient en elle le succès de leurs dogmes délirants. En effet, il est de notoriété publique que l'Irlande est aujourd'hui le plus grand paradis fiscal de l'UE. Même si l'Irlande a révisé son taux d'imposition pour les sociétés qui est passé de 12.5% à 15%, elle reste le hub principal des grandes entreprises internationales en Europe. En matière commerciale, elle vit en parasitant le commerce européen littéralement. En effet en exportant officiellement à partir de l'Irlande, vous êtes dans l'UE tout en bénéficiant d'une très basse fiscalité. On voit tout de suite l'avantage pour les entreprises étrangères. Comme dans le cas de nombre de paradis fiscaux, il s'agit en réalité bien souvent d'un commerce fantôme. Les marchandises ne transitant pas vraiment par l'Irlande, le pays n'a pas du tout les infrastructures qu'on peut trouver dans les ports néerlandais ou allemands. Aucun port irlandais n'arrive dans le classement des 10 premiers ports d'Europe alors que ce pays a officiellement un gros excédent commercial.

 

C'est cette caractéristique de parasitage et d'illusion comptable qui fait produire à l'Irlande des chiffres économiques souvent très étrange. Par exemple en 2015 l'Irlande avait eu une croissance de 25% . C'est absolument impossible pour un pays normal même en investissant beaucoup, ça n'a aucun sens. Inversement ce pays avait très fortement souffert de la crise de 2008 pour les mêmes raisons. Il se trouve que les néolibéraux qui ont une mémoire à géométrie variable redonnent à nouveau à l'Irlande ses lettres de noblesse en ce moment même. En effet, le pays dégage d'énormes excédents budgétaires. Les libéraux sous-entendant ainsi que moins d'états, et moins de fiscalité, cela mènent vers le paradis économique. Ils oublient juste qu'un tel modèle économique n'est possible que dans de tout petits pays. Si un pays de la masse de la France s'amusait à faire ça, elle y gagnerait peu, car le pays pèse une partie importante du PIB de la zone euro. Ensuite, la concurrence fiscale que cela engendrerait conduirait à réduire encore les gains potentiels. Être un parasite fiscal n'a d'intérêt que pour une toute petite quantité de pays, tout le monde ne peut pas vivre en parasitant les autres par définition. Bref, on retrouve toujours les limites de la pensée libérale qui est un pseudocartésianisme mal fichu qui oublie les multiples interactions qui existent dans le monde réel.

 

Un modèle économique dangereux à long terme

 

Le modèle irlandais dans le monde tel qu'il évolue à l'heure actuel risque pourtant de rapidement se retourner contre ses promoteurs. Je crains le pire pour l'avenir de cette île. En effet, elle dépend entièrement du modèle néolibéral européen. Si l'euro et l'UE disparaissent et que les états européens reprennent en main leurs économies, ils ne tarderont pas à remettre en question la libre circulation des marchandises et des capitaux. Et là les états organisés autour de l'optimisation fiscale internationale se retrouveront dépourvus de recette avec tous les drames que cela pourrait engendrer. D'autant que l'Irlande avec sa spécialisation économique a simplement détruit ses capacités de production locales. À quoi bon produire quelque chose si vous pouvez ponctionner du revenu grâce aux multinationales implantées sur votre sol. On notera au passage que malgré sa « réussite » économique l'Irlande ne croule pas sous les emplois. Si le pays n'a pas un taux de chômage officiel important, ces activités parasitaires créent peu d'emploi par rapport aux chiffres de revenu qu'ils génèrent.

 

 

Et cette réalité conduit à un autre problème en plus du danger qu'il fait courir au pays à long terme. En effet, l'Irlande est un pays où les inégalités ont beaucoup progressé comme on peut le voir sur le graphique ci-dessous. Avec un modèle économique qui fonctionne en ponctionnant du revenu par des activités relativement fictives, ce n'est guère étonnant, même si les inégalités étaient déjà élevées avant la mise en place de ce modèle économique. L'autre curiosité dans le modèle économique irlandais en dehors du fait qu'il y est une Irlande à deux vitesses tient à l'évolution du PIB. En effet, officiellement, le PIB irlandais a fortement progressé ces vingt dernières années à tel point que le niveau de vie officielle irlandais est de cent mille dollars par habitant et par an. C'est plus de deux fois le niveau de vie français. Pourtant quand on regarde la consommation énergétique, elle stagne depuis 2001 à une époque où le niveau de vie était largement inférieur. Encore une fois comme dans le cas américain, il faut fortement se méfier des indices synthétiques comme le PIB. La consommation d'énergie sur la période de forte croissance économique théorique est stable alors que le PIB explose et que la population augmente sur la même période. C'est extrêmement curieux sauf si l'on admet que le rôle de parasite financier camoufle largement la réalité structurelle du pays.

 

 

Alors vous me direz que l'Irlande, jadis pays pauvre, a quand même eu raison de choisir ce modèle de développement. C'est une île sans ressource naturelle autre que la pêche. Grâce à son rôle de parasite fiscal et à son lien avec les USA dont une partie importante de la population est d'origine irlandaise, le pays a pu momentanément devenir très riche. Cependant comme je l'ai dit, gare au retour de bâton. La situation irlandaise me fait penser à l'île de Nauru qui était devenu le pays le plus riche du monde dans les années 60-90 grâce au phosphate de son sous-sol. Pendant la période de prospérité, l'ancien mode de vie est mort et les habitants se sont habitués au luxe. Malheureusement à la fin des années 90 c'est la fin. Aujourd’hui, l'île de Nauru est un dépotoir géant peuplé d'une population misérable qui n'est même plus capable de vivre comme le faisaient ses ancêtres. Le jour où la libre circulation des capitaux et des marchandises prendra fin, l'Irlande risque de se retrouver dans la même situation toute proportion gardée. Il aurait peut-être mieux valu avoir un développement moins rapide, mais plus équilibré. Un développement à base d'activités locales pour répondre aux besoins de la population plutôt qu'un modèle de croissance rapide fondé sur un parasitage du commerce européen. Comme on le voit avec l'Allemagne à l'heure actuelle, la spécialisation n'est pas quelque chose de pérenne surtout dans un monde qui change aussi vite.

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10 août 2023 4 10 /08 /août /2023 16:09

 

Le processus a probablement commencé avec la crise de 2008-2010 provoqué par le système des subprimes aux USA, mais la guerre en Ukraine et la compétition entre les USA et la Chine l'ont accéléré. Je veux bien évidemment parler de la déglobalisation à ne pas confondre avec la démondialisation même si l'on pourrait lier facilement les deux phénomènes. Tout dépend de la manière dont on décrit la globalisation et la mondialisation. Pour faire simple, on va dire que la globalisation concerne la question du commerce et de la spécialisation des nations dans le grand chaudron du marché mondialisé quand la mondialisation concerne plutôt la culture, les voyages, la science, etc.. On pourrait aussi qualifier par un certain degré la mondialisation, tout du moins celle de départ, d’américanisation tant la culture américaine a imprégné cette période où leur domination fut effectivement quasiment totale sur une grande partie de la planète. Cela n'a évidemment aucun rapport avec les mondialisations précédentes dominées par les puissances européennes.

 

Nous allons donc ici surtout parler de la globalisation, celle du commerce et de l'économie. Il est vrai que la prise de conscience de la fin de la globalisation est assez récente. En fait, c'est aujourd'hui avec les conflits commerciaux entre la Chine et les USA, ou encore la guerre en Ukraine qui provoque une prise de conscience dans la population et chez les dirigeants, qu'ils soient politiques ou chefs d'entreprise. Dans de plus en plus de secteurs économiques, la question de savoir si l'on pourra ou non continuer à commercer librement avec tel ou tel pays commence à vraiment prendre de l'importance. On voit par exemple que les investissements étrangers en Chine se sont effondrés. Cela ne sera pas vraiment un problème pour l'économie chinoise qui est aujourd'hui extrêmement autonome dans la plupart des secteurs économiques clefs. Mais cela démontre les effets de la guerre que se livrent maintenant les grandes puissances. En particulier les USA et leurs satellites (UE, Japon, Corée du Sud) contre les BRICS avec la Chine au centre. Cependant en matière purement économique la déglobalisation avait commencé bien avant. Si le commerce mondial continue d'augmenter en valeur et en volume, il n'augmente plus du tout au rythme d'avant 2008. Les derniers chiffres montrent une forte baisse des exportations en Asie sans oublier l'Allemagne. À tel point que la part du commerce mondial dans le PIB a même commencé à baisser, et cela bien avant la crise COVD comme on peut le voir sur le graphique ci-dessous.

 

Globalisation et crise de la demande mondiale

 

En fait d'un point de vue libéral, cette déglobalisation n'a aucun sens. Au contraire, la disparition de toutes les frontières commerciales et la grande mécanique de l'autorégulation des marchés devraient nous faire vivre dans un âge de très forte croissance économique et d'investissement. Sauf que ce n'est absolument pas le cas. En ignorant les problèmes macroéconomiques, particulièrement le problème de la demande, les lubies libérales ont simplement construit une structure économique fondamentalement viciée. Les revenus distribués à l'échelle du globe sont simplement insuffisants pour remplir les carnets de commandes des entreprises. C'est particulièrement vrai dans l'usine du monde, la Chine, qui connaît maintenant une déflation. Elle produit trop par rapport à ce qu'elle consomme et sa surspécialisation dans l'exportation se retourne contre elle. Évidemment les mesures américaines notamment dans le secteur des semiconducteurs n'arrangent rien, mais c'est avant tout la nature même de l'organisation économique mondiale qui a créé des pays qui produisent de d'autres qui consomment le problème. On est arrivé au bout du système en 2008 lorsque les USA se sont retrouvés en incapacité d’accroître encore davantage leurs dettes publiques et privées.

Car ce qui a permis à la globalisation néolibérale de continuer à croître alors qu'elle a cassé le salaria en occident, c'est bien la dette. Les libéraux sont généralement les premiers à se plaindre de la dette. Mon dieu la dette augmente, c'est affreux, les impôts augmentent c'est affreux, on va vers la banqueroute. On a tous entendu ces ritournelles régulièrement sur les grands médias et dans les revues spécialisées. On a même encore aujourd'hui des élucubrations sur la France communiste parce que l'état a une fiscalité importante. Ces économistes libéraux font bien sûr semblant de ne pas voir que la dette est en fait le corollaire au modèle économique qu'ils défendent ardemment depuis le milieu des années 70. En fait d'un point de vue macroéconomique je ne vois absolument pas comment les pays développés auraient pu continuer à avoir une croissance sans le gonflement des dettes privées et publiques. La globalisation a entraîné un vaste plan de délocalisation des productions en Asie, particulièrement en Chine. Ce phénomène a entraîné en occident une forte hausse du chômage et un fort ralentissement de la hausse des salaires et du niveau de vie. C'est particulièrement visible aux USA . À côté de ça les intermédiaires et la finance se sont gavés comme jamais.

 

 

À l'origine de ce plan stupide, il y avait la croyance dans l'égalité entre l'investissement et l'épargne, la bonne vieille idiotie de Jean baptiste Say. De fait si vous pensez que l'épargne est égale à l'investissement alors l'augmentation de l'épargne augmente mécaniquement la croissance par l'investissement. C'était tout le discours des économistes des années 70 avec la fameuse maxime d'Helmut Schmidt «les profits d'aujourd'hui sont les investissements de demain et les emplois d'après-demain» (novembre 1974). Sauf que c'était complètement faux, on en paie le prix aujourd'hui. La globalisation si elle a fait exploser les profits des entreprises n'a pas du tout fait exploser l'investissement en occident bien au contraire. Elle a surtout fait exploser les dividendes pour les actionnaires et les inégalités mettant en grand danger nos démocraties. Parce que ce qui pilote l'investissement c'est la demande et pas les profits. C'est pourtant simple à comprendre. Si vous baissez les impôts pour les boulangers par exemple, est-ce que cela va se traduire par une hausse de leur production ? Non, pourquoi le feraient-ils ? Si la demande en pain est stable pourquoi augmenteraient-ils leur production? Ce serait du gaspillage de ressource. À la limite, ils se désendettent, augmentent les salaires, mais en aucun cas ils n'embaucheront ou ils n'augmenteront leur production, ce serait irrationnel d'un point de vue économique. C'est là le fond du problème de la globalisation, elle est le produit de théories économiques totalement erronées qui ont conduit les anciens pays développés dans une impasse extrêmement grave pour leur avenir. On découvre aujourd'hui que créer des masses de salariés pauvres et fermer les usines n'a pas enrichi nos nations, mais les a appauvris. On aurait pu le prévoir, mais à l'époque dire des idioties permettait en passant à la télé de faire semblant d'être très intelligent.

 

La crise de la globalisation n'est donc pas une surprise, c'est plutôt la surprise qu'elle engendre qui est surprenante. Cela ne pouvait pas marcher tout simplement. Maintenant, la planète se retrouve avec des activités de productions concentrées à quelques endroits où la déflation se développe. Pendant que dans d'autres on consomme sans produire ce qui engendre de l'inflation par le truchement de l'endettement et de l'émission monétaire. La déglobalisation n'est donc pas un accident, mais une nécessité fondamentale pour l'économie mondiale. La Chine est beaucoup trop grosse pour continuer à vivre par ses exportations et l'occident a trop désindustrialisé ce qui le met dans une situation d'appauvrissement général et de fortes inégalités en interne. Le problème c'est que le découplage va être long et extrêmement laborieux. D'abord parce qu'une grosse partie des élites en occident n'a toujours pas renoncé à son modèle globalisé. En France en particulier les élites aiment à parler de réindustrialisation, mais rien dans leurs actions concrètes n’amène à penser qu'il y a un réel changement sur ce plan. La récente réduction du déficit commercial en France n'étant que le résultat de la baisse du prix de l'énergie et du retour à un fonctionnement normal de nos centrales nucléaires. Aux USA le discours est plus musclé, on fait de la subvention pour l'investissement industriel, mais c'est en fait très loin d'être à la hauteur des enjeux. Je pense que les USA vont surtout essayer de déplacer leurs usines de Chine vers des pays moins problématique pour eux sur le plan géopolitique. Mais ce n'est pas une réindustrialisation, ça, juste un moyen de gagner du temps, cela ne résoudra pas leur énorme déficit commercial. Ensuite, on a des générations de population qui n'ont pas été formées aux sciences et à l'industrie en nombre suffisant. Former aux sciences et aux métiers de l'industrie c'est plus long et laborieux que de former des youtubeurs, des coachs en séduction ou des livreurs Uber.

 

 

Du côté de la Chine, il va falloir une rupture avec le modèle exportateur. Le taux d'épargne en Chine est toujours à des niveaux délirants près de 46% du PIB. Les Chinois consomment trop peu par rapport à ce qu'ils produisent. Je ne vais pas jouer les conseillers pour la Chine, mais il est évident que ce pays souffre d'une crise énorme de surproduction à l'image des USA en 1929. Il leur faut un Front populaire ou un New Deal s'ils ne veulent pas tomber dans une déflation comme cela semble être le cas à l'heure actuelle. Encore une fois, la Chine est un pays immense, elle ne peut pas se comporter comme la Malaisie ou Singapour d'un point de vue macroéconomique en parasitant la demande d'autres nations. À dire vrai même l'Allemagne est déjà trop grosse pour ça ce qui a fait beaucoup de dégât en Europe. Les autorités de Pékin doivent pousser la population chinoise à moins épargner et à plus consommer. On peut imaginer beaucoup de façons de la faire, un vaste plan pour les familles avec comme objectif secondaire de relancer une natalité beaucoup trop basse serait un bon départ. Quoiqu'il en soit, la Chine ne peut pas continuer à attendre que l'Occident et surtout les USA continuent à jouer les locomotives de la demande globale, ce n'est plus possible, la Chine est trop grande pour ça. Et la déflation actuelle se traduit d'ailleurs déjà par une forte hausse du chômage chez les jeunes. Comme vous le voyez, la déglobalisation est inéluctable, et le contraire serait dramatique pour l'avenir de l'économie mondiale.

 

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24 juillet 2023 1 24 /07 /juillet /2023 16:02

 

Je ne ferai guère un long texte cette fois. La chaleur et la fatigue ayant eu raison de moi. Mais j'ai eu la mauvaise idée d'écouter un peu les propos de notre PDG actuel, il est difficile de le décrire comme président. Emmanuel Macron est un piètre orateur même s'il aime s'écouter parler, mais vous le savez, la qualité apparente du discours m'importe moins que son fond. Et il faut dire que je reste toujours éberlué par sa capacité à émettre des idées et des conclusions totalement en contradiction avec la réalité observée. Et surtout le plus incroyable, c'est les prétendus journalistes qui acquiescent en permanence à ses logorrhées interminables alors même qu'ils savent probablement pertinemment qu'il s'agit de mensonges grossiers. Il est vrai que depuis que les médias audiovisuels ont pris de l'importance dans le discours public, la norme est devenue le mensonge et tous les prédécesseurs de Macron ont passé leur temps à construire des discours souvent bien éloignés de leurs pratiques, mais avec la macronie on atteint vraiment un niveau sans précédent. Un peu comme si toutes les vertus classiques avaient vraiment disparu. Le sens de l'honneur, l'esprit attaché à la vérité et le fait d'avoir honte de mentir ainsi ont probablement cessé d'exister dans la couche sociale qui domine ce pauvre pays. Ce qui caractérise vraiment la macronie à mon sens c'est vraiment une absence totale de pudeur publique. Ils osent tout.

 

Ainsi donc à l'issue de ses cent jours qui n'étaient qu'un énième plan de communication pour remplir l'agenda médiatique, Macron accouche d'un discours sur une France littéralement imaginaire. À commencer par les émeutes que le pays a connues récemment et dont la conclusion de Macron est l'urgence qu'il y a à censurer les réseaux sociaux. Pardons, il ne veut pas censurer, mais « mettre un ordre public numérique ». Un peu à l'image de la lutte contre le terrorisme qui a surtout servi à mettre en place des lois et des politiques liberticides, les émeutes servent ici de prétexte bien grossier visant à faire probablement taire les critiques du pouvoir. On a pourtant vu dans un texte récent sur ces émeutes que le fond du problème est anthropologique. Une différence de structure familiale entre les populations d'origine immigrées et la structure familiale française qui entraîne un problème éducatif chez les garçons maghrébins. Le problème n'est pas qu'éducatif, il est éducatif et migratoire. Un détail dont ne parlera jamais un immigrationniste compulsif comme Macron. Il faut donc absolument contrôler le discours public pour que rien ne dérange le récit officiel. Mais dominer la totalité des médias officiels n'est pas suffisant. Il faut vraiment faire taire toute critique potentielle. Et c'est normal quand on dirige un pays en fabriquant littéralement une réalité fantasmagorique et la présentant comme le monde réel. Car la France de Macron c'est un peu comme l'univers de Barbie, qui a été mis en avant par le film qui vient de sortir dans les salles obscures. C'est un univers en toc qui ne correspond en rien au monde réel. Un monde réel que nos élites ont probablement abandonné l'idée de changer.

 

En effet quand vous laissez la totalité des pouvoirs à des structures étrangères comme l'Union européenne ou la BCE et que vous n'avez plus aucun pouvoir réel vous ne pouvez plus rien changer à la situation de votre pays. Alors il y a deux possibilités soit vous l'avouez, mais vous risquez soit de pousser à la révolte la population, soit de perdre votre emploi. En effet, à quoi bon avoir un parlement, des ministres, et un président s'ils n'ont aucun pouvoir ? Autant mettre directement un gouverneur allemand ou américain à la tête du pays, on fera des économies sur les salaires. Ou alors vous maintenez votre utilité en jouant un spectacle. En ce sens, mettre un dirigeant immature qui aimait le théâtre est tout à fait à propos. Jouer la comédie c'est sa véritable vocation et il le pratique en jouant le président de la France même s'il sait au fond qu'il n'a aucun pouvoir et qu'il ne fait qu'appliquer des directives qui viennent d'ailleurs. L'avantage cependant avec Macron c'est que c'est tellement grossier que la population commence à s'en apercevoir et c'est probablement ce qui inquiète le pouvoir.

 

Quelques exemples de mensonges grossiers. Le chômage est, paraît-il, à un niveau extrêmement bas. Les médias nous parlent sans arrêt d'employeurs qui manquent de main-d’œuvre oubliant que la France est le pays d'Europe où le taux d'emploi non pourvu est le plus bas. Même le Figaro commence à se poser des questions sur la réalité du chômage. Je rappelle que l'état a surtout fait des efforts pour rayer les chômeurs des listes et maximiser l'apprentissage. Un apprentissage qui est loin de garantir l'emploi contrairement au discours ambiant, car en réalité à force de le favoriser les apprentis prennent simplement des emplois qui auraient pu devenir des CDI s'il n'y avait pas autant d'aide pour l'apprentissage. C'est un simple de jeu de chaise musicale où l'on troc de vrais emplois contre des statut précaire d'apprentie. En clair pour gonfler l'apprentissage, on a en partie cassé l'emploi dans ces secteurs. L'état français que les libéraux de tout poil présentent comme un état communiste est en réalité totalement néolibérale. On distribue d'immenses sommes aux entreprises et l'on peut dire qu'une grosse partie des impôts français servent en réalité à nourrir le système capitaliste. C'est particulièrement vrai depuis que Macron est arrivé au pouvoir d'ailleurs.

 

 

L'autre mensonge répété en boucle est le mirage de la réindustrialisation. Celui-là est carrément évident. Il n'y a aucun phénomène de réindustrialisation en France, aucune donnée pour corroborer ce discours à commencer par la production manufacturière qui est toujours inférieure à ce qu'elle était avant la crise du COVID et ce n'était déjà pas très glorieux. Et cerise sur le gâteau, elle a même reculé en janvier dernier, et pour cause avec des prix de l'énergie totalement délirants il n'y a aucune raison pour que la situation de l'industrie s'améliore. Et l'on n’entend toujours pas Macron sur la question du marché européen de l'énergie pourtant largement responsable de l'explosion récente des faillites d'entreprises. Mais c'est vrai que ses maîtres ne désirent pas y mettre fin. Il ne suffit pas de dire qu’on fait de la réindustrialisation pour la réaliser, on n'est pas dans Harry Potter. D'autant que les chiffres du commerce extérieur eux non plus ne corroborent pas le discours sur la réindustrialisation. En 2022, la France a enregistré le plus gros déficit extérieur de son histoire avec 164 milliards d’euros, même sur la production agricole nous devenons importateurs, ce n'était probablement jamais arrivé à notre pays même en temps de guerre. Autre indice de l'absence de réindustrialisation, les importations de bien d'équipement rebaissent cette année. Rappelons que les biens d'équipement sont le gros indicateur de l'activité de production. En effet pour faire des usines il faut des machines-outils souvent complexes, la France n'en produisant pratiquement pas une réindustrialisation se traduirait par une forte hausse des importations des biens d'équipement. L'année dernière à cause en partie de l'inflation, les importations en valeur des biens d'équipement avaient grimpé de 30%, on aurait pu y voir un indice de réindustrialisation, mais le soufflé est retombé, cette année la hausse est estimée entre 5% et 10% soit les effets directs de l'inflation. Difficile de dire qu'on réindustrialise alors que les outils principaux de la réindustrialisation ne sont pas achetés. Ajoutons à cela que la France est toujours lanterne rouge des pays de l'OCDE en matière de robot par habitant et cela ne s'arrange pas non plus. La startup nation ressemble bien à un pays du tiers-monde en devenir.

 

La startup nation n'a pas de robot

 

J'aurais pu continuer ici à montrer le décalage formidable qu'il y a entre le discours de Macron et la réalité française. Il est important de le rappeler puisque les médias et les journalistes ne le font plus du tout. Les données sont pourtant extrêmement faciles à trouver. Mais à l'ère d'internet il y a mieux que la censure, c'est l'occupation du temps de cerveau disponible par de faux problèmes et des concours d'ego dans les médias. Le remaniement ministériel récent n'avait aussi qu'une seule fonction continuée d'occuper les médias et la population alors que rien n'a changé ou ne changera de fondamental. Les services de l'état font encore leur boulot en donnant régulièrement les données, mais personne n'en fait rien comme si la réalité n'intéressait plus personne. Un peu à l'image des dirigeants byzantins à la fin de l'Empire romain d'Orient alors que les turcs étaient derrière les remparts de la ville, on préférait discuter du sexe des anges. Si le mensonge et la tromperie sont compréhensibles de la part des dirigeants français qui ont littéralement abandonné tout pouvoir au profit d'institutions bureaucratiques étrangères, le fait que bon nombre de Français préfèrent l'ignorer est extrêmement inquiétant. Je sais que je ne dois pas retomber dans mes travers pessimistes, mais il n'y a vraiment aucun indice que ce pays puisse un jour se sortir de son agonie actuelle.

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17 juillet 2023 1 17 /07 /juillet /2023 15:50

 

Un graphique très intéressant vient d'être publié sur un comparatif en termes d'évolution des salaires au sein de l'OCDE. Il inclut bien évidemment les effets de l'inflation . Et bien, surprise, il semble que ce soit la Belgique qui s'en sorte le mieux. C'est étonnant parce que ce pays a osé braver la doxa libérale qui lie stupidement hausse des salaires et inflation par la vieille idée stupide qui veut que la hausse des salaires alimente automatiquement l'inflation produisant la fameuse boucle prix-salaire. Ces thèses qui sont fausses, héritées de la fameuse courbe de Phillips dont on a déjà parlé, et qui sont assénées comme des vérités intangibles depuis 40 ans, sont une nouvelle fois prises au dépourvu par rapport à la réalité observée. Évidemment cela ne remettra pas en cause les politiques économiques menées, car les économistes officiels et les hommes politiques ne s'intéressent pas vraiment à la véracité des théories qu'ils emploient. Leurs objectifs sont ailleurs, c'est avant tout la défense des intérêts de leurs propres classes sociales. Et puis il faut bien dire que reconnaître comme fausses toutes les théories sur lesquelles ils fondent leurs politiques, ou sur lesquelles a été fondé la construction européenne dans son entièreté, ce serait remettre en question leurs propres compétences. Ne doutons donc guère sur l'influence que de telles données pourraient avoir politiquement parlant.

 

 

Normalement si l'économie était une véritable science, les thèses qui sont contredites à ce point par l'observation seraient immédiatement invalidées, mais ce n'est jamais le cas. Cela fait malheureusement longtemps que l'économie préfère les récits cohérents d'un point de vue logique à la méthode scientifique. Si l'on devait se référer à la hiérarchisation de l'évolution de la pensée d'Auguste Comte, je dirais que la pensée économique est restée au stade de la métaphysique, elle a même l'apparence parfois du stade précédent, celui du monothéisme religieux. Ainsi les économistes préfèrent de jolis récits logiques à une réalité complexe qui n'entre souvent dans aucun schéma facilement prédictible. Mais un véritable rapport scientifique à la réalité nécessite d'admettre son impuissance parfois à comprendre ou prédire un phénomène. Un véritable homme de science préfère dire " je ne sais pas" , plutôt que de dire qu'il sait quelque chose qu'il ignore. Tout ceci ne serait pas bien grave si les économistes se contentaient de faire des raisonnements en forme de robinsonnade dans leur coin, malheureusement leurs thèses non scientifiques sont employées dans le monde réel et cause d'innombrables catastrophes. Aux USA, il semble cependant que les autorités commencent à prendre un peu moins au sérieux la « science » économique et ce n'est pas plus mal. Même si toute la pensée économique n'est pas forcément à jeter bien évidemment.

 

Pour en revenir à notre cas belge, il est donc évident que ce pays remet en question la fameuse courbe de Phillips par sa situation même si ce n'était évidemment pas l'objectif du gouvernement belge qui souhaitait simplement défendre l'intérêt de ses citoyens en les protégeant de l'inflation. Il ressort donc de ces observations que l'inflation en Belgique, malgré la décision d'indexer les salaires sur cette dernière, ne fut pas plus forte que dans les autres pays de l'OCDE ou de la zone euro. Elle a même fortement ralenti exactement comme dans le reste de la zone euro. Au mois de juin, l'inflation en Belgique est ainsi retombée à 4,15%. Comme je l'ai dit dans un texte précédent, les mesures de la BCE sont parties d'un mauvais diagnostic et vont probablement provoquer une récession à laquelle la Belgique n'échappera probablement pas. On risque donc d'aller vers une déflation assez rapidement. Mais l'on constate empiriquement que le lien supposé entre inflation et hausse des salaires est loin d'être aussi évident ou aussi direct que ce que les économistes mainstream ont pu croire. Il reste cependant à voir les effets sur la balance commerciale. Car si l'engrenage entre hausse de l'inflation et salaire n'est pas évident, on peut se demander quels effets une hausse salariale de ce type peut produire sur la balance commerciale.

 

Inflation Belgique

La Belgique connaissait déjà depuis la crise du COVID un déficit de la balance commerciale. Le système belge indexe les salaires sur l'inflation depuis longtemps, depuis 1920 plus exactement. Il faut rappeler aussi que c'était également le cas de la France pendant les trente glorieuses. Cependant depuis 40 ans nos pays vivent en régime de libre-échange, on peut donc légitimement craindre qu'un tel mécanisme engendre automatiquement une dégradation de la balance commerciale en cas de forte inflation. Cependant là encore la Belgique semble casser les prédictions si la balance commerciale reste négative, ce qui n'est pas une bonne chose en soi, on ne note pas une dégradation de la balance commerciale suite à l'épisode inflationniste que nous venons de vivre. Encore une fois, on a ici la preuve que ce n'est pas parce quelque chose est logique, que c'est vrai dans le monde réel. Et c'est bien ce qui différencie un raisonnement scientifique d'un raisonnement métaphysique. La méthode scientifique s'appuie d'abord sur l'observation, peu importe si on n'a pas d'explication logique à y apporter. Comme disait Keynes quand les faits changent, je change mon point de vue, peu importe si cela paraît au premier abord illogique.

 

 

D'ailleurs alors que nous sortons d'un épisode de forte inflation petit à petit que peut-on constater sur les effets pratiques de ce phénomène ? Et bien tout d'abord qu'il a été accompagné d'une assez forte croissance économique. Cela n'a guère été noté, mais pour la première fois depuis extrêmement longtemps la croissance économique de la zone euro a été plus forte que la croissance mondiale. Un petit détail qui casse un peu l'idée que l'inflation c'est le drame. Bien sûr cette situation ne va pas durer puisque la BCE a comme seule mission d'enrayer l'inflation par ses supposées efficaces mesures de hausse des taux d’intérêt. Ensuite, on en a déjà parlé, mais cette inflation a désendetté les états. Parce que le PIB a grippé plus vite que les dettes en valeur absolues. S'en suit que la part de la dette dans le PIB a baissé par rapport à la situation préinflationniste confirme l'effet bien connu de l'inflation par les économistes keynésiens. L'inflation ronge bien les dettes et les rentes quoiqu'en disent les libertariens qui pullulent sur le web français. Au final, si les Français ont été bien éduqués depuis 40ans pour avoir une peur viscérale de l'inflation l'épisode récent devrait quand même faire réfléchir un peu nos citoyens. L'expérience historique au contraire des récits libéraux nous dit que sans inflation la situation économique est mauvaise. Il vaut mieux avoir une inflation à 3% et des salaires qui grimpent de 4% qu'une inflation à 2% et des salaires qui stagnent. Je crains cependant que cet épisode anormal que nous avons connu et qui est surtout la conséquence des mesures anti-COVID ne serve pas à changer le récit officiel concernant l'inflation. La peur de la hausse des prix est malheureusement trop ancrée dans la tête des Européens.

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13 juillet 2023 4 13 /07 /juillet /2023 16:21

 

 

Risquons-nous pour une fois à faire des prospectives. C'est un exercice dangereux qui souvent peut se retourner contre vous parce que la réalité se déroule rarement comme on l'imaginait. C'est que le réel est toujours infiniment plus complexe que l'image que nous pouvons nous en faire même pour les plus sages et les plus avertis des penseurs. Que dire, même Emmanuel Todd, notre Hari Seldon contemporain, se trompe parfois. Il va sans dire que n'ayant pas la prétention d'égaler notre démographe préféré, je ne m'offusquerai guère si vous ne preniez pas très au sérieux le texte suivant. D'ailleurs, je m'étais déjà amusé à faire quelques prospectives et ce n'était pas forcément très concluant. Pour les plus anciens qui suivent le blog depuis longtemps, savent qu'en 2017, au premier tour des élections, j'avais appelé à voter Macron par cynisme. Mais il ne s'agissait pas vraiment d'un engouement pour sa personne et son programme, c'était simplement parce qu'il était le seul candidat capable d'unifier le camp bourgeois, et donc de mettre fin à l’essuie-glace droite-gauche qui paralysait le pays alors. En 2017, le RN parlait encore d'une sortie de l'euro et l'espoir pouvait nous faire penser que la domination d'un néolibéral comme Macron mettrait le RN au pouvoir en moins de 5 ans. Je ne me suis guère trompé sur l'agenda macroniste, par contre le RN n'est pas encore passée en 2022 et il a même tourné casaque en devenant européiste ce qui est le comble.

 

Vous le voyez, on peut donc se tromper même en réfléchissant beaucoup. C'est pourquoi il est sage de toujours prévoir ses propres erreurs et de comprendre que le monde est soumis à des facteurs qui sortent généralement de nos propres prédictions. Comme disait Keynes, il faut prendre en compte l'incertitude radicale et ce n'est pas facile. Une chose que les dirigeants occidentaux sous influence américaine ont largement oubliée, la sagesse n'étant plus une vertu pour eux. Le texte d'aujourd'hui se consacre donc à la guerre en Ukraine. Enfin, pas à la guerre en elle-même, je ne suis pas spécialiste, ni au fait des dernières manœuvres, et encore moins adepte de stratégie militaire. Je laisse ça aux gens qui sont plus compétents ou à ceux qui prétendent savoir en faisant de grandes déclarations tonitruantes sur les antennes de LCI ou BFM. Sortons du discours lénifiant sur la nullité russe et leur effondrement immédiat qui doit se produire depuis le début du conflit et imaginons maintenant que tous nos spécialistes, souvent trop atlantistes pour être indépendants, se soient trompés . Imaginons un instant qu'en réalité ce pays perde, même avec tous les soutiens de l'OTAN, qui est pratiquement en guerre ouverte avec la Russie puisque fournissant des tonnes de matériel et de soutien économique à l'Ukraine. Notre président vient même tout seul de décider d'envoyer des missiles SCALP en Ukraine nous impliquant dangereusement dans le conflit.

 

La défaite de l'OTAN

 

C'est avec cette hypothèse hautement improbable si l'on en croit nos nombreux spécialistes de plateau télé que nous allons réfléchir ici. Quelles seraient les conséquences pour notre pays, pour l'Europe, les USA et pour le reste du monde ? La première conséquence bien évidemment serait un découpage probable de l'Ukraine. Je doute fortement que la Russie cherche à s'accaparer les terres hostiles de l'ouest. On irait probablement vers un partage de l'Ukraine entre plusieurs partis en fonction du peuplement culturel local. Je ne serais d'ailleurs pas étonné que la Hongrie ou même la Pologne en profite. Ils ont des territoires peuplés avec des populations de leur culture sur ces terres. Rappelons d'ailleurs que la Pologne avant son partage en 1795 entre la Prusse, l'Autriche, et la Russie avait un immense territoire. Une bonne part de l'Ukraine actuelle en faisait d'ailleurs partie. Ce n'est pas un hasard si les Polonais sont si bruyants dans ce conflit, ils détestent les Russes, mais ils ont aussi des intérêts en Ukraine si je puis dire. Donc on peut dire que la victoire russe sonnerait le glas de l'Ukraine actuelle qui serait probablement réduite à une petite proportion de ce qu'elle est aujourd'hui. On n'est pas non plus à l’abri d'un déplacement massif de population comme on l'a connu lors du tracé des frontières actuelles entre l'Allemagne et la Pologne. Plusieurs millions d'habitants avaient dû être déplacés pour permettre un tracé de frontière simple dans une région où l'histoire avait laissé des mélanges complexes de populations. Après guerre, c'est près de 12 millions d'Allemands qui ont été déplacés de force pour donner un ordre d'idée.

 

Le plus dramatique dans l'affaire n'est pas tant la perte de territoire que l'Ukraine aurait pu facilement éviter en ne cherchant pas le conflit, c'est plutôt l'immense coût humain pour eux. Dans un pays qui a subi déjà une hémorragie démographique avec des fuites de population par l'émigration depuis la fin de l'URSS, une natalité dramatiquement basse s'ajoute maintenant une quantité épouvantable de morts. Tout ça pour probablement finir découpé en morceau. Il n'y a pas à dire, les gens qui ont encouragé ce pays à faire monter les tensions avec la Russie sont des criminels. Je pense notamment à monsieur Hollande et à madame Merkel qui ont avoué n'avoir jamais eu l'intention de faire appliquer les accords de Minsk. Car de toute manière, que l'Ukraine perde ou non ses territoires de l'Est, elle aura quand même perdu parce qu'elle n'est pas près de se remettre de l'énorme hémorragie démographique à laquelle ce conflit, qui était pourtant largement évitable, l'a conduite.

 

Plus près de nous les conséquences sur l'Europe, elles sont déjà là en fait. On en a déjà parlé, mais la rupture avec la Russie est un drame économique massif pour le continent en particulier pour l'Allemagne où la situation de l'industrie surtout celle de la chimie est catastrophique. La combinaison d'un choix énergétique douteux, celui des énergies « renouvelables » intermittentes couplées au gaz s'est révélé dramatique avec la coupure brutale de la Russie. L'explosion du prix de l'énergie alimenté par la spéculation et les effets du stupide marché européen de l'énergie ont fait le reste. C'est simple, cette crise a fait de la zone euro une zone en déficit commercial, alors qu'elle avait des excédents jusque là. En cas de victoire russe, rien ne va s'arranger. La Russie a compris que les états européens n'étaient que des vassaux sans aucune autonomie décisionnelle. S'ajoute à cela une forte hostilité de certains membres comme les pays scandinaves ou la Pologne qui rend tout réchauffement diplomatique improbable. L'Europe sera donc laissée à son sort par la Russie. Plus vassalisée que jamais, l'UE prendra probablement dans un premier temps une apparence de plus en plus ouvertement américaine. On le voit justement en ce moment avec la nomination d'une citoyenne américaine Fiona Scott Morton à la tête des affaires européennes chargée de la concurrence. L'empire US ne prend même plus la peine de cacher la réalité de la construction européenne à ses membres.

 

 

Le destin de l'Europe ne s'écrit plus sur cette partie du monde, malheureusement d'autres l'écriront à sa place. C'est donc aux USA chez nos maîtres que nous allons tourner maintenant notre regard. A première vu, la défaite en Ukraine n'est pas une mauvaise chose pour les USA, dans un premier temps tout du moins. En effet, leur but réel a été de couper le lien entre les Européens de l'Ouest et la Russie et c'est un succès que la guerre soit gagnée ou pas. De plus, la peur de l'ogre imaginaire russe permet d'étendre l'OTAN et donc en apparence de sauver la structure. Mais en réalité à long terme cette défaite est une catastrophe pour les USA. Tout d'abord d'un simple point de vue du matériel miliaire, qui va acheter des armes à un pays qui perd sans arrêt ? L’Ukraine a été largement alimentée par du matériel US, si elle perd c'est donc que ce matériel ne vaut pas grand-chose. Que ce soit vrai ou non, c'est l'image que va renvoyer cette défaite. Ensuite d'un point de vue diplomatique, cette défaite s'ajoute à la débâcle récente en Afghanistan que les gens n'ont pas oublié. On peut donc imaginer que la défaite provoque une accélération du recul des USA sur le plan international en dehors de ses satellites directs (UE, Japon, Corée du Sud). Mais n’oubliez pas que l'épée de Damoclès du statut monétaire du dollar est toujours au-dessus d'eux. Ils ne peuvent se permettre de trop reculer. Or ici la plupart des pays qui comptaient sur le parapluie américain pour les protéger ou ceux qui avaient peur d'une intervention US vont réfléchir à cet aveu pratique de faiblesse.

 

Les USA vont donc probablement perdre encore plus rapidement leur contrôle sur le reste du monde. Ils pourraient donc être tentés d'un redressement avec un conflit direct avec la Chine qui est leur véritable adversaire stratégique en mettant le feu sur la question taïwanaise. Provoquant en fait leur propre mort en réalité, car je ne vois pas très bien comment ils pourraient gagner un tel conflit. Étrangement de la vitesse à laquelle l'Empire US et le dollar s'effondreront dépendra le sort de l'Europe. Un effondrement du rôle du dollar et un retrait de l'Empire US rapide permettraient aux Européens de peut-être revenir en scène et de reprendre leur indépendance. Si la mort de l'Empire est plus lente, un effondrement qui est à mes yeux inéluctable, quelle que soit l'évolution en Ukraine, l'Europe de l'Ouest risquerait de ne jamais se relever. Les USA vont littéralement nous piller pour résoudre leurs propres problèmes et cela déjà commencés. Réduire les Européens à la misère pourrait relancer un processus d'émigration massif vers les USA en vidant l'Europe de sa population. Les USA espérant ainsi contrebalancer leur propre déclin démographique pour peser plus face à la Chine et demain à l'Inde.

 

Pour le reste du monde il est clair que la défaite de l'OTAN en Ukraine sera vue comme un coup de sifflet international pour vomir l'occident et les USA. Et cela a déjà commencé. On voit même des aberrations nationalistes comme le président Lula qui intime aux Européens de verser des réparations aux nations colonisées d’Amérique du Sud, oubliant que les descendants des colonisateurs vivent en fait chez lui et dans le reste de l’Amérique latine. On voit également Erdogan donner des leçons d'humanisme à la France qui serait incroyablement raciste avec son passé esclavagiste. Alors même que les Ottomans ont été le plus grand trafiquant d'esclaves de l'histoire et qu'ils ont massacré bon nombre de peuples y compris musulmans comme les mamelouks d’Égypte. Ces attaques grotesques et fausses montrent que ces pays ne craignent plus les pays occidentaux ou d'éventuelles représailles. En cas de défaites en Ukraine on devrait connaître un redoublement de violence verbale et politique, les Occidentaux jouant les boucs émissaires bien pratiques pour certains régimes. On voit ici le désastre pour la France qui jusqu'à Sarkozy avait réussi à maintenir une relative liberté de ton. En faisant réintégrer la France au commandement intégré de l'OTAN nos élites ont sabordé notre avantage qui aurait permis justement à l'Europe de sortir son épingle du jeu en ce moment. Mais voilà, on ne refait pas l'histoire.

 

On ne sait pas encore quelle organisation économique et politique succédera à l'ordre américain. Les BRICS sont bien placés pour restaurer un nouvel ordre après la fin de la guerre en Ukraine. Mais n'imaginez pas par contre un paradis pacifique. La disparition de l'Empire américain ou sa simple rétractation sur son île- continent avec ses vassaux qu'il conduira à l'agonie, ne conduira pas à un moment pacifique. Dès l'ennemi commun disparu, les nouvelles puissances commenceront à se chamailler. On voit poindre à long terme un conflit au moins économique et politique entre la Chine et l'Inde. Les deux superpuissances du 21e siècle n'ont aucune raison de se comporter différemment de celles du passé, le monde est ainsi fait. Quoiqu'il en soit, on peut considérer que le conflit actuel est un nexus historique. Si dans tous les cas l'occident et l'empire américains sont condamnés à court terme à un fort déclin politique et économique. La vitesse à laquelle ce déclin se ferra dépendra du conflit ukrainien. Les USA vont probablement chercher un statu quo, un moyen de perdre en pratique, mais sans perdre médiatiquement. De façon à ralentir leur recul impérial et éviter la chute immédiate du dollar. Il est possible que les russes acceptent une telle chose, ce qui compte pour eux étant la fin de la menace sur les populations du Dombass et la neutralité de l'Ukraine. Mais si la défaite est officialisée, les choses pour les USA pourraient aller beaucoup plus vite et produire des effets dramatiques sur leur poids géopolitique et militaire. Nous sommes à un tournant, et il est dommage que les Européens se soient mis dans une situation qui les condamnes à perdre dans tous les cas.

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10 juillet 2023 1 10 /07 /juillet /2023 16:46

 

Alors que les crises se succèdent et que l'Europe, désormais terre de déclin et d'agonie industrielle, continue de se suicider lentement, le reste du monde commence à préparer l'après occident. Ou plus exactement l'après-empire américain. Puisqu’en réalité ce que l'on nomme l'occident à l'heure actuelle n'est que les USA plus les états satellisés à l'époque de la Seconde Guerre mondiale incluant l'Europe de l'Ouest, le Japon, et la Corée du Sud. Les signes en la matière ne trompent pas . La crise ukrainienne a montré la faiblesse de l'occident et son incapacité à simplement arrêter la Russie. L'ordre international américain qui avait une certaine légitimité après guerre, a laissé de plus en plus la violence et la force de devenir son seul et unique moyen d'action. L’incapacité des USA à accepter le partage du pouvoir avec les puissances montantes en particulier la Chine condamne de facto cet ordre à l'anéantissement. Les nouvelles puissances montantes n'acceptant plus l'ordre ancien, particulièrement celui du rôle du dollar qui a agi et continue d'agir comme un formidable aspirateur de richesse pour les USA. Ces derniers pouvant acheter le monde entier avec des dollars qui ne tient qu'à eux d'émettre, comme disait de Gaulle. Ils ne s'en sont d'ailleurs pas caché dernièrement en subventionnant largement la production sur leur territoire pour attirer les industriels européens en particulier.

 

L'origine de la névrose américaine

 

Cette trajectoire de conflit entre les puissances montantes et l'ancienne puissance dominante n'a rien de nouveau. C'est quelque chose qui s'est souvent produit dans l'histoire, la dernière fois cela avait débouché sur deux guerres mondiales. Mais la situation actuelle diffère dans le sens où il est quand même peu probable que l'on en vienne à une guerre directe entre les protagonistes. Les USA ont beau multiplier les rodomontades contre la Chine, ils savent bien qu'ils ne pourraient pas gagner une telle guerre, ensuite un tel conflit aurait un coût tellement délirant pour toutes les parties que le jeu n'en vaut certainement pas la chandelle. On reste donc sur une guerre informelle faite de mesure économique, de lois, et de conflits militaires par vassaux interposés comme c'est le cas en Ukraine. Mais au fond, nous pourrions ici expliciter rapidement l'origine de cette obsession américaine pour le maintien du statu quo international, alors qu'il est évident qu'ils ne se sont déjà plus la première puissance économique du monde, comme nous l'avons vu dans un texte précédent. Après tout, qu'est-ce que cela peut bien faire d'être premier second ou troisième ? Que la Chine et l'Inde passent devant les USA ne devrait guère choquer puisque ces pays sont largement plus peuplés. Ce n'est pas plus choquant que les USA pèsent plus que la Grande-Bretagne qui leur a pourtant donné naissance. Il n'y a que 65 millions de Britanniques alors que les USA ont aujourd’hui 330 millions d'habitants. Pourtant personne ne s'en offusquera en Grande-Bretagne, me semble-t-il.

 

Mais il y a plusieurs raisons à ce comportement de mauvais perdant de la part des USA. On pourrait tout d'abord souligner la mentalité américaine elle-même qui ne supporte pas d'être derrière. On y voit ici l'effet de la destinée manifeste sur la mentalité locale. Les USA ne se voient pas autrement qu'en tant que nation indispensable. Celle qui croît infiniment et remplit le monde entier. Si à l'origine la destinée manifeste était un délire de calviniste colonisant un continent faiblement peuplé, surtout après les épidémies qui ont ravagé la population locale. Cette destinée manifeste est devenue planétaire quand les USA sont devenus la grande puissance montante. Sa seconde application fut la célèbre doctrine Monroe qui interdisait aux autres puissances d'intervenir sur le continent américain que les USA considéraient comme leur. Après la Seconde Guerre mondiale, la destinée manifeste semblait donc devoir s'appliquer au monde entier. Le monde entier devait devenir les USA et cela commença en Europe de l'Ouest. L’apogée de ce délire de puissance caractéristique fut atteint dans les années 90 avec la fin de l'URSS, pendant deux décennies nous vécûmes dans la destinée manifeste américaine. Mais en réalité, des fissures commençaient déjà à apparaître à l'époque, en particulier depuis les années 70 l'économie américaine réelle commençait à s’affaiblir. Et plus profondément la dynamique démographique qui avait permis aux USA cette fabuleuse expansion durant deux cents ans s'est étiolée.

 

En effet, on l'oublie souvent, mais c'est avant tout la dynamique démographique qui a permis la montée en puissance des USA. Et contrairement à une idée reçue, cette dynamique n'était pas uniquement due à l'immigration loin de là. Jusqu'à l'après-guerre, les Américains faisaient beaucoup d'enfants, beaucoup plus que les Européens. Alors que les pays les plus féconds d'Europe de l'Ouest étaient à 3 enfants par femme dans les années 1900, les USA eux étaient encore à plus de 4. En réalité à part la Russie de l'époque, aucun pays européen ne devançait les USA sur le plan de la natalité. Ajoutons à cela une baisse précoce de la mortalité infantile. Et c'est bien cette dynamique qui va faire passer les USA en tête des puissances occidentales. Cette dynamique démographique a fait croire aux USA qu'effectivement leur destinée était manifeste, mais elle a cessé depuis. La seule dynamique démographique qu'ils connaissent aujourd'hui étant celle de l'immigration latino-américaine de plus en plus mal intégrée.

 

Le second facteur très important dans la peur des USA de perdre leur statut de seule et unique superpuissance tient à la monnaie. Nous en avons déjà longuement parlé, mais comme nous allons rapidement parler de monnaie internationale, il faut bien parler du statut du dollar. Pendant l'entre-deux-guerres l'instabilité économique mondiale fut en partie liée au fait que l'ancienne superpuissance britannique n'avait plus les moyens de maintenir l'ordre monétaire international fondé autour de la livre sterling. Et la nouvelle puissance américaine ne jouait pas encore son rôle. Ce fut la cause de beaucoup de désagrément surtout pour la Grande-Bretagne qui devait choisir entre son économie ou le maintien de la valeur monétaire de la livre. La surévaluation de la monnaie britannique fut un vrai problème pour les industriels anglais qui n'avaient plus les avantages technologiques qu'ils pouvaient avoir quelques décennies plus tôt. Le libre-échange anglais avait favorisé la naissance de puissances industrielles concurrentes, notamment celle des USA et de l'Allemagne, qui étaient des pays farouchement protectionnistes. Une situation pas si différente de celle qu'on connaît aujourd'hui l'Ancien Monde se meurt, mais le nouveau tarde à arriver. Pendant la conférence de Bretton-Woods en 1944, les USA et la Grande-Bretagne négocièrent pour savoir quel devait être l'ordre monétaire qui succéderait à celui des années folles. Deux plans furent alors proposés, celui de Harry Dexter White, le représentant américain qui voulait faire du dollar la nouvelle monnaie internationale. Et le représentant de la Grande-Bretagne John Maynard Keynes qui proposa une solution originale, celle du Bancor, dont nous allons reparler ensuite.

 

Évidemment étant donné les rapports de force de l'époque, les Anglais ne purent imposer leur solution pourtant certainement la plus sage à long terme y compris pour les USA. Le dollar devint une monnaie internationale garantie sur l'or jusqu'en 1973. Les problèmes qu'occasionne une monnaie internationale de réserve qui est aussi une monnaie nationale sont nombreux. Keynes qui avait eu la charge de la gestion du trésor britannique en savait quelque chose. Et c'est bien pourquoi les Américains eurent été bien inspirés d'écouter ses conseils d'alors. Un économiste belgo-américain Robert Triffin a résumé cette problématique par son célèbre paradoxe portant son nom, le dilemme de Triffin. Un pays qui gère une monnaie internationale et nationale doit faire face à un déficit commercial structurel. En effet, les autres pays doivent impérativement accumuler des excédants pour obtenir la monnaie internationale, ce qui construit mécaniquement un déficit chez le pays qui produit la monnaie en question. Dès les années 60, les USA connaissent un déficit commercial qui va devenir permanent pour atteindre aujourd'hui plus de 1000 milliards de dollars par an.

 

Il faut bien expliquer également que le fait de posséder la monnaie internationale qui en plus n'est plus gagé sur l'or rend la production locale inutile en quelque sorte. Avec ce rôle de monnaie internationale, il est un peu arrivé aux USA, ce qui est arrivé aux Espagnols avec l'or des Amériques. Les producteurs locaux deviennent inutiles puisque l'on peut acheter tout et n'importe quoi avec des dollars qu'on peut produire indéfiniment tout comme l'or qui sortait des mines. D'autant plus que le rôle du dollar oblige les autres nations à maintenir tout de même la valeur de leur monnaie par rapport à celle des USA. Ce qui en fait conduit les autres pays à dévaluer quand les USA impriment de la monnaie de façon excessive. Les USA exportent donc par ce mécanisme leur inflation. Mais vous comprendrez maintenant le problème. La base industrielle et productive des USA ayant été progressivement détruite par des décennies de dollar international, la perte de leur avantage monétaire représenterait une descente aux enfers économiques absolument terrible. Quelque chose d'aussi violent que la perte des colonies d’Amérique pour l’Espagne pour continuer dans notre comparatif. On comprend mieux ici la peur qui anime en réalité les élites américaines et leur profonde angoisse vis-à-vis d'une situation qui pourrait leur être fatale. C'est là à mon avis que se trouve le vrai ressort de l'impérialisme agressif des USA de ces dernières années.

 

 

Le Bancor de Keynes

 

Évidemment ce que j'ai expliqué ici est bien connu. En France, c'est même le général de Gaulle lui-même qui l'avait ouverte expliqué dans sa célèbre conférence de 1962. C'est dans ce contexte de crise du système monétaire international que les BRICS font avancer leurs pions. La Chine en particulier qui est la nouvelle superpuissance économique essaye de changer le système, mais sans pour autant vouloir l'effondrement du système actuel qui la toucherait aussi. D'où la relative lenteur des changements. Le dollar perd du terrain au profit d'autres monnaies en particulier le Yuan chinois, mais de façon progressive. Les autorités de Pékin comprennent bien le danger qu'il y aurait en un effondrement brutal de la monnaie américaine. Bon nombre d'entreprises et d'activités dans le monde seraient durement frappées. D'autres par la consommation américaine jouent toujours un rôle très important dans la demande mondiale. La simple division par deux du déficit commercial US en 2008 avait entraîné une récession planétaire.

 

    Mais au-delà du rythme du changement de système, il faut aussi avoir un plan de remplacement. Car si le rôle du dollar est clairement devenu un problème, l'économie mondiale ne peut pas fonctionner sans une monnaie internationale pour les échanges. Et si le dollar disparaissait brutalement, il serait remplacé par une nouvelle devise, probablement le Yuan. Mais je pense que les autorités chinoises n'ont pas du tout envie de cela, car ce serait se retrouver dans la même situation que les USA avec le dilemme de Triffin dans quelques décennies. Les autorités de Pékin en ont conscience puisque le dirigeant de la banque centrale chinoise monsieur Zhou Xiaochuan avait même fait l'éloge du Bancor de Keynes pendant la crise de 2008 justement. La récente proposition d'une monnaie commune entre les BRICS qui ne soit pas une monnaie nationale relance donc la vieille idée de Keynes, celle du Bancor qui avait été proposé pendant les accords de Bretton Woods.

 

L'idée de Keynes était simple, aucune nation ne doit avoir une monnaie nationale qui soit aussi une monnaie internationale, car cela rend inévitables les problèmes à terme. Malheureusement, l'or et les métaux ont l'énorme problème d'être limités en quantité. L'utilisation d'un métal ou d'un groupe de matière première comme monnaie internationale produirait mécaniquement des effets dépressifs en limitant artificiellement la hausse de la masse monétaire. Chose que les libertariens et les libéraux qui prônent ce genre de solution évitent soigneusement de dire. On doit donc créer une monnaie internationale qui n'appartient à aucun état en particulier, mais qui ne stérilise pas non plus la croissance. Celle-ci pourrait être un panier monétaire dont l'évolution se ferait au prorata des monnaies membres du système un peu à l'image de l'ancien SME. Cependant, contrairement à l'ancien SME , Keynes proposait de mettre fin aux grands déséquilibres commerciaux et financiers. En effet, le système de Keynes punissait les pays excédentaires et favorisait plutôt les relances de la demande intérieure et le plein emploi. C'est ce qui a manqué au SME et à l'euro au passage. Si nous avions mis des mesures pour empêcher le mercantilisme de certaines nations au sein de la zone euro, nous n'aurions probablement pas tous ces problèmes à l'heure actuelle en Europe. Keynes ne croyait pas au doux commerce de Montesquieu, mais il pensait que le commerce devait être rendu doux par des mesures de rétorsion.

 

Il reste à voir si les BRICS, menés par la Chine, iront dans le sens de Keynes cette fois, et s'ils ne reproduiront pas les erreurs américaines. En tout cas, il est claie que le temps du dollar est compté. L'empressement maladroit des USA pour se réindustrialiser le plus vite possible montre un état de panique à Washington. Reste à voir si ces mesures seront réellement capables de redresser leur situation, j'en doute fortement. Même plusieurs siècles après l'Espagne n'a toujours pas vraiment retrouvé le niveau de développement qu'elle avait avant son âge d'or par rapport aux autres nations européennes. Il en ira probablement de même pour les USA qui ne retrouveront probablement pas le poids qu'il pouvait avoir avant leur rôle monétaire.

 

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6 juillet 2023 4 06 /07 /juillet /2023 14:56

 

Alors que les signes de récession se multiplient, que l'inflation chute rapidement, la BCE continue à vouloir augmenter ses taux directeurs. Or comme le note le Financial Times, l'inflation en zone euro devient négative en moyenne annuelle. Contrairement au discours ambiant, l'inflation que nous avons connue n'avait pour ainsi dire aucun rapport avec les politiques monétaires menées contrairement à ce que beaucoup racontent sur le net et dans les médias. Il s'agit là d'une des idées reçues du libéralisme le plus répandu. Contrairement aux idées reçues, l'inflation n'est pas forcément le produit d'une politique monétaire expansive, loin de là. Comme nous l'avons vu récemment les bénéfices de certaines entreprises, le marché européen de l'énergie et les sanctions stupides sur la Russie ont eu nettement plus d'effets sur l'inflation que les politiques monétaires. Par contre, la hausse des taux d'intérêt, elle, a bien eu un effet dépressif. En effet, nombre de pays européens vivent grâce à des bulles immobilières et la hausse des taux a condamné en réalité ces activités. Ce n'est pas forcément une mauvaise chose à long terme puisqu'il fallait bien crever la bulle. Mais cela va avoir des conséquences importantes sur la demande et donc sur la croissance globale en Europe.

 

L'Europe va donc redécouvrir que déflation rime avec récession. L'hypothèse d'un Bruno Lemaire génial qui avait prévu la récession et donc la déflation pour faire des emprunts indexés sur l'inflation se réalise. Quoique la baisse des recettes fiscales produite par une déflation compensera malheureusement probablement les éventuelles économies que nous ferions sur une baisse de la dette concomitante avec la déflation des OAT indexées sur l'inflation. Trêve de plaisanterie, il semble donc bien que nous nous dirigions vers une grave récession. Le tout sur fond de crise générale et de méfiance de plus en plus forte vis-à-vis de l'avenir. Les émeutes récentes dont nous avons longuement parlé précédemment n'arrangeant pas une situation particulièrement morose. D'ailleurs comme l'avait si bien décrit Keynes, cet esprit morose se voit dans la course à l'épargne. Si le taux a baissé après l'épisode délirant du COVID, il reste à des niveaux élevés. C'est d'autant plus étrange que l'inflation a plutôt tendance à faire perdre du pouvoir d'achat aux épargnants, car rares sont ceux à avoir une épargne dont le taux est supérieur à l'inflation que nous avons connu récemment. Mais contrairement aux axiomes de base du libéralisme, les individus ne sont pas forcément rationnels. En tous cas, ce n'est pas rationnel dans le sens de l'optimisation économique. D'autres facteurs rentrent en compte comme la peur, le pessimisme ou le manque de confiance dans les institutions. L'épargne apparaît alors comme un moyen de sécuriser l'avenir, au cas où une catastrophe nous tomberait dessus.

 

 

 

Ce sont avant tout des mécanismes psychologiques complexes qui régissent le comportement des individus. Des comportements que même des spécialistes ont souvent du mal à décrire ou à prévoir. Penser donc en termes d'homoeconomicus optimiseur de son taux de profit et de son intérêt économique semble bien réducteur pour décrire une réalité bien plus complexe. Les crises ont au moins une qualité, elles nous rappellent régulièrement à quel point l'économie tel qu'elle est pratiquée aujourd'hui, n'est pas une science. Une métaphysique tout au plus, au sens que lui donnait Auguste Comte, mais certainement pas une science. En effet, les multiples incohérences entre les thèses de l'économie dominante et les faits observés devraient instantanément invalider ces thèses si les économistes avaient réellement un comportement scientifique. Or ce n'est pas le cas. Nous avons donc un taux d'épargne qui reste élevé alors même que l'inflation est très forte, ce qui est un comportement irrationnel d'un point de vue purement économique. L'homoeconomicus libéral  vient de trépasser en Europe de l'Ouest.

 

L'euro met parterre les théories néoclassiques

 

Nous avons déjà longuement parlé des effets de l'euro en matière macroéconomique. Le fait d'avoir un seul instrument pour gérer des peuples aux besoins très disparates rend l'exercice pénible, pour ne pas dire impossible même pour le plus talentueux des économistes. Et la crise actuelle montre une nouvelle fois les effets délétères de cette monnaie unique. En effet, les taux d'inflation ont fortement divergé entre les pays européens. Ainsi de l'Espagne en Italie on passe du simple au double en termes d'inflation. Donc quel est le bon taux d'intérêt à pratiquer pour la BCE ? Évidemment elle va appliquer un taux d'intérêt qui sera adapté à la moyenne de l'inflation de la zone euro. Et donc un taux d'intérêt qui ne sera bon ni pour l'Espagne ni pour l'Italie, car il sera trop fort pour la première et trop faible pour la seconde. Je me rends compte que malheureusement il est plus simple d'expliquer en pratique les méfaits de l'euro pendant les crises. Si chacune de ces nations avait gardé sa monnaie, son taux directeur serait donc bien mieux adapté à son contexte.

 

La divergence des taux d'inflation en zone euro en 2022

 

Mais en réalité le plus étonnant c'est bien que malgré le fait qu'ils partagent la même monnaie les Européens n'ont pas la même inflation. De la même manière qu'en pratique ils ne peuvent pas vraiment emprunter au même taux sur les marchés financiers, ce qui fait dire à certains que l'euro est une fausse monnaie unique, il n'y a pas eu non plus de convergence sur les taux d'inflation. Cela prouve ici l'invalidité de l'idée d'une inflation uniquement produite par les politiques monétaires. En effet si tel était le cas nous aurions eu depuis la création de l'euro une fusion des taux d'inflation en Europe . Or rien de tout ceci ne s'est produit. Chaque nation continue d'avoir ses propres spécificités en dépit de l'unification monétaire. Montrant ainsi en pratique la validité des thèses qui disent que ce sont les nations qui font les monnaies et non l'inverse comme on put bêtement le croire les européistes. Comme pendant la crise de 2008-2010, la sortie de l'euro devrait être une évidence, mais entre les médias de masse aux mains de quelques intérêts privés ou les hommes politiques déconnectés dont le seul but est d'affirmer qu'ils n'ont jamais tort. Je vois mal la situation s'orienter rapidement dans cette direction.

 

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29 juin 2023 4 29 /06 /juin /2023 15:42

 

Alors que l'été arrive et que la crise énergétique est toujours bien là avec des prix toujours beaucoup trop élevés en France, il semble bien que nous nous dirigions aussi vers une baisse importante des prix de l'immobilier. C'est tout du moins ce qu'affirment les spécialistes du secteur, on peut par exemple lire cet article de La Tribune qui en parle avec une chute de 5% en moyenne en France. Alors évidemment ce journal qui s'adresse à une certaine catégorie de la population présente cela comme une catastrophe. Cependant, il faut bien expliquer aussi que l'immobilier en France a atteint des niveaux totalement aberrants ces vingt dernières années. Il suffit de regarder la courbe de Friggit pour s'en convaincre. Cet indicateur met en rapport les prix du logement par rapport aux revenus disponibles et c'est édifiant. C'est la marque claire d'une bulle qui aura durée 20 ans et peut-être plus. On ne sait pas encore vraiment si cette baisse sera durable. Et pour les loyers c'est exactement la même chose, on sait très bien que même les classes moyennes plutôt aisées n'arrivent plus à se loger à Paris par exemple ce qui est absurde.

 

 

Il est donc à mon sens plutôt étrange de trouver la fin de la bulle comme un drame si ce n'est bien évidemment si vous êtes vous-même quelqu'un vivait de la spéculation immobilière. En effet, cette baisse des prix n'est pas un drame si vous vivez dans votre logement. Que son prix baisse ou augmente ne change strictement rien à votre vie en réalité. L'impression d'enrichissement ou d'appauvrissement en fonction du marché de l'immobilier n'a de sens que pour ceux qui vendent et qui achètent particulièrement pour ceux qui en font un commerce. Certains objecteront que cela va nuire à la croissance et casser l'industrie du BTP, et c'est vrai en partie. Cependant, comment qualifier une industrie du BTP qui a continué à croître ces vingt dernières années alors que toutes les autres industries ont périclité ? Pendant longtemps, on prenait l'immobilier comme un indicateur de la santé économique du pays et pendant les trente glorieuses cela avait du sens. En effet à l'époque nous consommions alors ce que nous produisions, la France avait une économie relativement fermée et pas de déficits commerciaux extérieurs. De fait, la bonne santé du marché de la construction signifiait une bonne santé de la demande et donc une croissance économique réelle.

 

Avec la bulle immobilière de moins en moins de personnes peuvent le devenir.

 

Mais voilà, depuis plusieurs décennies, nous avons désindustrialisé, délocalisé et détruit l'essentiel de notre appareil productif. Le libre-échange, le franc fort, l'acte unique européen, puis Maastricht et l'euro ont détruit notre économie physique. À partir de la mise en place de l'euro, la France va petit à petit construire une économie fantasmagorique avec dans son cœur la bulle immobilière qui va créer une croissance artificielle basée sur une demande soutenue par la hausse des prix immobiliers. C'est exactement comme avec les subprimes aux USA sauf que contrairement à eux, grâce à l'euro, et aux taux d'intérêt faibles, la bulle ne dégonflera pas entre 2008 et 2010. Un fait d'ailleurs étrange qui a été noté par certains économistes, dans nos pays l'immobilier est un meilleur placement que les investissements boursiers. Non seulement ils sont moins risqués, mais cerise sur le gâteau, ils rapportent plus. C'est absurde, sachant l'immobilier ne produit rien et ne crée rien contrairement à l'industrie ou à l'agriculture.

 

La speculation immobilière rapporte plus que la spectulation financière à long terme dans nos pays.

 

C'est évidemment le résultat d'une anomalie macroéconomique. Le marché immobilier à cause de son rôle devenu crucial dans les pays désindustrialisés comme la France, les USA ou la Grande-Bretagne a été soutenu par tous les moyens. En Europe, les taux d'intérêt très bas pendant un long moment ont maintenu cette hausse artificielle. Rappelons également que la transition démographique et le vieillissement ont aussi favorisé ces hausses sans parler des changements de mœurs comme l'explosion du célibat. Il fallait plus de logements qu'avant pour le même nombre d'habitants. Mais tout ceci est condamné. En premiers lieux parce que notre population va finir par baisser à cause de la démographie. Et surtout parce que les taux ne pourront pas revenir rapidement à des niveaux bas, les banques centrales biberonnées à l'idéologie néolibérale vont maintenir les taux hauts pour soi-disant lutter contre l'inflation même si ça n'a aucun rapport comme nous allons le voir tout de suite.

 

 

L'inflation et les bénéfices

 

En effet, l'inflation qui se maintient a forcé les grandes banques centrales à des réactions plus ou moins rationnelles. Malheureusement, elles réagissent toujours avec les idées reçues de leur milieu et l'idéologie qui les anime même si nous savons d'expérience que les outils économétriques ne sont pas toujours ce qu'ils paraissent être. La phase d'inflation actuelle n'est pas celle des années 70, qui n'était pas l'inflation qui existait après guerre en France. Rappelons que pendant les trente glorieuses, loin d'être le fléau tant décrié, l'inflation a accompagné au contraire le développement du pays. On constate d'ailleurs empiriquement que les pays qui ont une croissance réelle ont aussi bien souvent une inflation plus ou moins élevée. De sorte que si une inflation excessive peut parfois être mauvaise, l'absence d'inflation est, elle, généralement, un très mauvais signe économique. Car la déflation est le vrai grand danger des nations et des systèmes économiques modernes, mais nos dirigeants l'ont complètement oublié. Sauf au Japon probablement où la déflation, qui ronge le pays depuis longtemps, est combattue avec obstination.

Mais en bonnes protectrices de la rente, les banques centrales ont donc décidé des politiques de lutte contre l'inflation par la hausse des taux d'intérêt. Ces politiques sur les taux étaient déjà moqués par Keynes et quelques autres économistes hétérodoxes dans les années 30. Les effets macroéconomiques sont peu contrôlés en réalité. La seule chose que cela fait est de casser les emprunts et donc la demande. L'espoir des banques centrales est donc de réduire la demande pour faire baisser l'inflation. Seulement, voilà, une étude récente montre que l'inflation actuelle n'est pas du tout le fruit d'une demande trop élevée. Au contraire, la zone euro et les USA se dirigent vers une récession à grande vitesse. Une évolution que la hausse des taux ne va faire qu'accélérer en réalité. D’après cette étude de l'OCDE, ce sont bien les marges et les bénéfices des entreprises qui ont nourri l'inflation, cela n'a rien aucun rapport avec une demande trop élevée ou une surchauffe de l'économie. Encore une fois, il est étrange de voir que nos sociétés qui disent être régies par la raison se contentent en réalité de régurgiter des idées reçues anachroniques pour gérer des situations de crises. Ce fut particulièrement visible pendant la crise du COVID, mais c'est exactement la même chose en matière économique.

 

 

Les banques centrales loin d'analyser la réalité de terrain se sont contentées d'agir sans réfléchir. Il y a de l'inflation, vite augmentons les taux d'intérêts, même si cela ne sert à rien, que l'inflation ne vient pas de la demande, et que cela va provoquer un effet boomerang assez violent en réalité. Car bien évidemment nous en revenons ici à la première partie du texte consacré à la bulle immobilière. Ce qui a permis la survie de la bulle immobilière en France et dans une grande partie de la zone euro fut la faiblesse des taux d'intérêt qui ont été vraiment très bas pendant longtemps. En réalité au lieu de repenser le modèle économique en 2008, on a voulu relancer la machine sans changer son programme. Et cela a partiellement marché, la bulle à regonfler, cela a maintenu une demande artificielle et la croissance a continué malgré l'indicateur du déficit commercial qui montrait que la France avait un problème par exemple. La hausse des taux condamne le modèle de croissance qui a prévalu en Europe et aux USA depuis 2008 sans qu'aucune alternative n'ait été réellement pensée. On parle de réindustrialisation en ce moment, Macron n'a que ça à la bouche. Mais pour l'instant on ne voit rien de probant dans les statistiques. On fait de grosses annonces, mais les faillites d'entreprises se multiplient. Même aux USA les indicateurs de la production manufacturière sont mauvais ce qui infirme le côté réindustrialisation. Beaucoup de communication à peu d'action réelle. Du reste pour la France et la zone euro je ne vois guère comment nous pourrions réindustrialiser avec des prix de l’électricité toujours à des niveaux absurdes. L'industrie est grosse consommatrice d'énergie.

 

Ce qu'il y a de certain c'est que la forte de baisse de l'immobilier dans un pays comme la France ne peut que provoquer une forte baisse de la croissance et donc une forte poussée du chômage. Je fais cependant confiance aux statisticiens officiels pour camoufler tout cela sous un tas d'indicateurs bidon et frelatés. Quant à l'inflation, je pense qu'elle va effectivement finir par ralentir, ne serait-ce que par les effets de la récession. En réalité dans les années qui viennent, je ne serais guère étonné que nous nous retrouvions en déflation cette fois. Entre la baisse de la population active, les politiques économiques absurdes et la fin de la bulle immobilière sans parler de l'écrasement sous le poids de la dette, voilà une situation des plus probables. Peut-être ici faudra-t-il y voir le vrai génie de Bruno Lemaire, il avait prévu la déflation à venir et c'est pour ça au fond qu'il a créé des OAT indexées sur l'inflation. Bruno Lemaire est un génie incompris en fait.

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