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19 septembre 2024 4 19 /09 /septembre /2024 16:01

 

Nous venons d'apprendre que notre cher nouveau premier ministre semble très mal s'entendre avec le président en exercice, ce dernier ne voulant guère acquiescer aux propositions de formation du nouveau gouvernement. Il faut dire que notre Heliogabale national, alias Macron, ne semble pas s'être aperçu qu'en perdant deux élections, dont une qu'il avait organisée lui-même, il avait de facto perdu une grande part de sa légitimité. Pourtant il se comporte comme s'il venait de gagner une élection présidentielle, et qu'il avait la majorité absolue à l'Assemblée nationale, en voulant imposer un gouvernement au Premier ministre, alors que rappelons-le, c'est le Premier ministre qui forme le gouvernement. Le président n'a théoriquement que le pouvoir de nommer le Premier ministre. Si l'on peut imaginer que les postes ministériels en pratique sont souvent négociés entre le président et le Premier ministre ainsi que le reste de l'appareil du parti politique qu'ils représentent lorsqu'une élection vient d'être gagnée, et donc lorsque la légitimité est à son maximum, il en va différemment lorsqu'on est dans une situation de cohabitation problématique.

 

Pourtant notre président fait comme si de rien n'était depuis plusieurs mois. Selon la pratique institutionnelle normale, il aurait dû démissionner en réalité au lendemain des législatives. Cela ne veut pas dire que les problèmes français auraient été réglés, y compris politique, car la France est largement divisée, et la population n'a toujours pas vraiment compris dans sa masse, qu'elle ne peut garder son état social en restant dans l'UE et dans l'euro. Les Français ont fait le choix à partir de Maastricht d’abandonner leur souveraineté, mais ils n'ont pas compris, je pense, dans l'ensemble ce que cela signifiait pour leur vie de tous les jours. Il faut dire que les médias et les hommes politiques d'alors ont tout fait pour camoufler la chose. En un sens, les Français pensaient probablement que la France pourrait continuer indéfiniment à limiter les inégalités internes tout en démolissant son industrie et ses capacités productives en étant dans l'UE et dans l'euro. Aujourd'hui, on assiste en quelque sorte à un retour sur terre, l'augmentation de la dette n'étant plus vraiment possible. À cette situation politique assez ubuesque s'ajoute donc la situation globale du pays dont on dit qu'elle est catastrophique, même si je pense que l'on exagère assez dramatiquement la question de la dette alors que c'est surtout pour l'industrie, nos déficits commerciaux et notre natalité qu'on devrait essentiellement s'inquiéter.

 

 

La crise gouvernementale actuelle découle donc de l'arrivée en bout de course de la stratégie de camouflage des effets de l'euro par l'endettement. On a maintenu des activités économiques en compensant les destructions d'emplois productifs dans l'industrie par l’avalanche d'endettement qui permit le maintien artificiel de la demande. La bulle immobilière qui explosa en particulier sous Sakorzy était en fait liée à cette réalité, nos déficits commerciaux croissant au même rythme que notre industrie s'installait en Europe de l'Est et ailleurs. De la même manière, l'ouverture du marché des capitaux a permis aux grandes fortunes de s'installer partout où la fiscalité était nettement plus basse. Les entreprises américaines déclarent par exemple plus d'activité en Irlande que dans l'ensemble de l'UE ce qui est évidemment absurde, le pays n'ayant que 5 millions d'habitants. Il s'agit simplement d'une fuite fiscale qui engendre d'énormes coûts dans les autres pays et des manques à gagner pour les états qui sont compensés par la fiscalité sur les classes moyennes et les pauvres. En ce sens, la gauche a parfaitement raison de souligner l'injustice fiscale actuelle en France, le problème c'est que les mêmes qui critiquent cette situation ne veulent surtout pas s'attaquer aux causes à savoir l'UE, l'euro et la libre circulation des capitaux.

 

Il n'y a pas de bonne solution dans le cadre conventionnel actuel

 

Nous sommes donc à la croisée des chemins comme on dit communément. Mais on continue à faire semblant de croire que nos débats franco-français sans questionnement sur l'UE et l'euro sont à même de résoudre nos problèmes, évidemment non. J'entends les longues litanies droites et à gauche tout aussi fausses les unes que les autres. À droite on fustige les dépenses publiques parlant de gestion en bon père de famille et de gaspillage des méchants fonctionnaires. Sauf que comme je l'ai dit précédemment, les énormes dépenses de l'état depuis la mise en place de l'euro ont été surtout pour le secteur privé que ce soit sous forme de baisse d'impôt ou de subventions directes. Ce ne sont pas les services publics, en particulier la santé et l'éducation ou la recherche qui ont bénéficié de ces hausses de dépenses. En vérité, une grande partie du système entrepreneurial français ne tient plus que grâce aux dépenses de l'état. Si l'on purgeait d'un coup le système pour mettre fin à la gabegie, on assisterait à une hécatombe dans le secteur privé. Or vous n'êtes pas sans savoir que le secteur privé est déjà en grande difficulté. Il ne s'agit pas de dire ici qu'il ne faut rien changer aux dépenses de l'état, mais il faut bien prendre en considération le contexte.

 

Alors vouloir réduire massivement les dépenses de l'état ailleurs que dans les subventions aurait des répercussions massives sur le fonctionnement des services publics déjà passablement abîmé par 40ans d'idéologie néolibérale. Autant dire les choses clairement qu’il s'agirait en réalité d'une privatisation massive puisque l'état ne pourrait tout simplement plus assurer le service minimum dans les écoles ou les hôpitaux si l'on baissait les dépenses à la hauteur des besoins pour équilibrer le budget. Comme nous l'avons déjà vu, l'endettement est d'ailleurs l'un des outils du néolibéralisme pour imposer des privatisations. Et on ne doutera pas un seul instant des vraies intentions en la matière de la part d'européistes compulsifs comme Macron ou Barnier. Le discours permanent sur la dette oubliant comme par hasard ses vraies origines vise très clairement à justifier une démolition massive des dernières structures publiques, les néolibéraux rêvent de privatiser totalement depuis des décennies comme la santé, les retraites ou l'éducation. Il faut toujours se méfier des discours ne donnant pas l'entièreté des faits, ils ont toujours un objectif caché.

 

Mais de l'autre côté de l'échiquier, le discours n'est guère meilleur. Alors que la gauche, pendant la campagne des législatives, a littéralement ignoré les problèmes macroéconomiques ne parlant de que hausse des salaires, la voici maintenant avec ses solutions clef en main à base de hausse des impôts pour les plus riches. Comme je l'ai dit effectivement il y a un problème d'imposition des plus riches et des grosses entreprises. Mais il faut bien comprendre qu'augmenter les taux ne résoudrait rien puisque nous sommes en situation de libre circulation des capitaux. C'est toute la structure de notre économie qu'il faut repenser avant de taxer à nouveau les plus riches. Et je pense que les gens qui proposent ça le savent très bien, l'ISF dans le cadre économique actuel, c'est de la poudre aux yeux, et du marketing un peu démagogique, rien d'autre. Il faut préalablement rendre son pouvoir économique à l'état et donc remettre des frontières que ce soit sur les capitaux ou les marchandises. Ce n'est pas parce qu'un discours est moralement juste qu'il parviendra aux objectifs qu'il se fixe en apparence. Et de la même manière que les baisses d'impôt démagogique d'Emmanuel Macron sur les plus riches n'ont pas ramené la croissance et l'investissement, l'inverse ne ramènera pas non plus l'argent dans les caisses de l'état. Il faut d'abord éliminer le cadre eurolibéral et cela ne peut pas se faire instantanément ni avec un gouvernement faible comme c'est aujourd'hui notre situation.

 

Dévaluer, monétiser.

 

Alors, résumons la situation française. On a beaucoup de dettes, un déficit commercial qui même s'il s'est un peu réduit est extrêmement élevé et traduit la désindustrialisation du pays. Les impôts en général sont trop haut et ne peuvent pas être augmentés. L'imposition des riches et des grandes entreprises n'est pas possible dans le cadre actuel puisqu'ils pourraient largement l'éviter en mettant leurs activités dans des paradis fiscaux comme l'Irlande. Pour les réductions des dépenses, c'est plus facile à dire qu'à faire et si l'on met fin aux subventions pour les entreprises on risque un effondrement économique complet du secteur privé. Il reste donc la solution de la démolition de l'état providence et la destruction de l'école publique de la santé et des retraites par la privatisation. Par élimination, on sait déjà ce que l'UE et ses agents locaux vont prôner. Une politique à la grecque qui évidemment n'aura pas d'effets positifs à terme puisque l'expérience montre que ce genre de politique casse complètement le PIB et que finalement les réductions de dépenses seront plus que compenser par l'effondrement des recettes fiscales. Rappelons que la Grèce ne s'est jamais rétablie et qu'elle a une dette aujourd'hui plus forte qu'elle ne l'était lorsque la troïka bruxelloise et allemande a pillé le pays.

 

Vous voulez vraiment une solution grècque en France en voyant ça?

 

Mais la solution grecque, qui en réalité n'est pas une solution puisque la Grèce ne s'est jamais vraiment rétablie, n'est pas la seule possibilité qui nous reste, même si les experts de plateau télé vous diront qu'on n’a pas le choix. En vérité, on a le choix, et on a même plein de solutions, mais pour cela il faut un peu réfléchir, connaître l'histoire économique, et sortir du cadre de la raison libéral qui est justement à l'origine de tous nos problèmes. Et cela tombe bien, puisque la Grèce en 2008 a coulé en même temps qu'un autre pays, il s'agissait de l'Islande. Un pays dont les économistes mainstream n'aiment pas trop parler parce qu'il a été une véritable claque dans le visage des penseurs de l'économie orthodoxe. D'une part, l'Islande à l'époque a refusé de payer pour les banques privées. Ce fut un choix salutaire, mais unique en Europe. Alors que les Islandais ont simplement appliqué le principe de responsabilité. Pourquoi en effet faire payer aux citoyens les âneries des spéculateurs privés. Rappelons qu'à l'époque la France a doublé sa dette publique pour sauver les banques sans qu'aucune véritable mesure ne soit prise à leur encontre. On n'a même pas séparé les banques d'affaires des banques de dépôt.

 

 

Ensuite, l'Islande a fortement dévalué sa monnaie, mais dans de très grosses proportions jusqu'à 70%. Le résultat fut évidemment une forte inflation puisque les produits importés coûtaient d'un seul coup beaucoup plus cher. Alors vous allez me dire que c'est un désastre, en apparence oui, puisque l'inflation a atteint à son pic un joli 13% annuel. Sauf que l'économie s'est vite rétablie justement grâce à ça. En effet, l’Islande est devenue beaucoup plus compétitive et la balance commerciale s'est rééquilibrée. La dévaluation ayant favorise les forces productives du pays au détriment des rentes. Rappelons que la dévaluation revient à taxer les importations, et à subventionner les exportations, cela sans avoir besoin d'une politique administrative coûteuse et de façon totalement neutre, toutes les entreprises productrices en bénéficiant à égalité. La dévaluation n'a par contre aucun effet sur ce qui est produit et consommé localement bien évidemment. L'autre effet de cette politique fut une diminution de la dette par l'effet inflationniste.

 

L'effet de la dévaluation islandaise se passe de commentaire sur le commerce extérieur

 

On peut donc faire la même chose pour la France, ce qui supposerait bien évidemment une sortie préalable de l'euro et de l'UE. On pourrait très bien monétiser une partie importante de la dette avec la banque de France. On peut même en abroger une part même si cela effraie les orthodoxes, ce ne serait pourtant pas du tout la première fois en France et en Europe. C'est même assez courant en réalité d'un point de vue historique. Cela s'accompagnerait d'une dévaluation monétaire vis-à-vis des autres monnaies du monde et surtout de la zone euro. D'ailleurs, la sortie de la France de la zone euro pourrait avoir un effet de réévaluation monétaire de la monnaie unique, la zone euro ayant déjà de très forts excédents commerciaux. Cela rendrait d'un seul coup les entreprises françaises beaucoup plus compétitives sans coût pour l'état français. Comme l'a souligné Jacques Sapir dans sa dernière interview, cette dévaluation permettrait également de supprimer les subventions aux entreprises devenues inutiles pour la compétitivité externe. De quoi faire plus de 60 milliards d'économies par an, on arrive déjà aux critères de Maastrich rien qu'avec ça. Je rajouterai ici que l'inflation qui en résulterait, probablement pas aussi forte que celle qu'a connu l'Islande en 2010, pourrait être utilisée pour réduire le poids des rentes. En indexant les salaires sur l'inflation tout en ayant une inflation plus importante que les intérêts, vous réduisez en effet mécaniquement les rentes accumulées au fil des décennies. Ce n'est pas à négliger, car les inégalités en France sont surtout le fait des rentes foncières et financières plus que sur les revenus.

 

La dette de la Grèce est toujours là

 

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16 septembre 2024 1 16 /09 /septembre /2024 15:44

 

L'actualité donne toujours l'impression de l’accélérer en permanence. Nous parlions il y a encore peu de temps des élections en Allemagne et de la montée de l'AFD et du BSW, des partis eurosceptiques, anti-immigration, et voilà que les effets politiques commencent déjà à se faire sentir. Visiblement, les élites allemandes ont décidé de faire différemment des élites françaises dont la seule méthode pour calmer les choses consiste à faire taire les gens qui ne votent pas bien. Alors qu'en France il y a en permanence de tentative pour étouffer le vote RN et plus généralement le vote contestataire. Les élites étant persuadées d'avoir toujours raison, les dirigeants allemands semblent plus pragmatiques et rationnels, en essayant de répondre aux attentes des électeurs. Enfin en essayant de faire semblant de répondre aux problèmes des électeurs. Car ne soyons pas naïf, l'Allemagne ferme ses frontières pour l'instant, mais dans le même temps signe des accords pour faire venir des immigrés de certains pays spécifiques, à l'image d'accords récents avec l’Ouzbékistan.

 

Quoiqu'il en soit, on voit bien que la forteresse tranquille du néolibéralisme européen commence à sérieusement connaître des fissures dans ses murs. L'accumulation de mauvaises nouvelles économique avec là encore l'Allemagne au cœur montrant les limites du modèle économique européen basé sur les excédents commerciaux, contrition salariale, et le laissez-faire général en matière macroéconomique. La zone euro est la lanterne rouge de la croissance depuis plus de 20 ans, mais elle vient enfin de s'en apercevoir comme on a pu le voir avec le rapport de monsieur Draghi. Alors le rapport Draghi finira bien sûr dans les poubelles parce qu'il n'y a en réalité rien à attendre de l'UE et de sa structure bureaucratique apatride, nous en avons déjà amplement parlé sur ce blog, mais au moins l'UE commence à comprendre qu'elle n'est ni dynamique, ni en croissance, et qu'elle est même l'homme malade de l'économie planétaire. On peut dire que c'est déjà un petit progrès.

 

Les solutions envisagées par Draghi sont de toute manière contraires à toute la philosophie de l'UE et de la zone euro. Elles ignorent totalement en plus les problèmes structurels que connaît la zone euro avec les très grands déséquilibres que cette monnaie unique a engendrée et qui a cassé la croissance de nombreux pays membre comme la France et l'Italie. Faire une relance par l'investissement sans rien changer à la structure de l'euro et de l'UE revient à concentrer encore une fois les activités dans certaines zones et à laisser couler les zones déjà en fort déclin. Car n'en doutait pas l'Allemagne serait le principal gagnant d'un tel effort, Draghi parlant d'injecter 750 milliards d'euros dans l'économie européenne. L'industrie étant concentrée à l'Est et en Allemagne c'est là que se ferait l'essentiel des effets. Mais l'Allemagne a déjà des problèmes de main-d'œuvre et il n'est pas certain qu'elle puisse réellement profiter pleinement de telles injections monétaires. Comme nous l'avions vu, la zone euro est une zone monétaire non optimale. Si les capitaux et les marchandises s'y déplacent librement, ce n'est pas le cas des habitants qui restent globalement ancré sur leur territoire. L'UE n'est pas les USA. La dynamique de l'emploi en Allemagne ou aux Pays-Bas ne fera pas se déplacer massivement les populations italiennes ou françaises dans ces pays.

 

Encore une fois le problème de fond et dont ne parle évidemment pas Draghi qui est un européiste c'est que l'UE n'est pas une nation et les Européens ne sont pas un peuple. Il est dès lors bien difficile d'y pratiquer des politiques uniques à une telle échelle. Si le laissez-faire a été le fer de lance de l'UE, c'est aussi parce que c'est la seule politique uniforme qui puisse être pratiquée à cette échelle puisque c'est une non-politique en réalité. Le plan Draghi s'il était appliqué dans l'UE actuelle augmenterait massivement l'investissement en Allemagne, en Autriche ou même en Pologne , mais augmenterait surtout la consommation en France par exemple. Bref, de quoi aggraver encore un peu plus les énormes déséquilibres de la zone sans forcément résoudre le problème de croissance à long terme. En réalité, résoudre les problèmes macroéconomiques de l'UE et de la zone euro c'est un peu comme essayer de résoudre la quadrature du cercle, on n’y arrive pas.

 

Réindustrialiser la France

 

À mes yeux, il n'y a rien à attendre de l'UE. Quand bien même elle aurait des gens compétents et plein de bonnes intentions au pouvoir, ce qui n'est clairement pas le cas avec l'actuelle occupante de la présidence de la commission. Un plan « Marshall » à l'échelle de l'UE se transformerait vite en fiasco surtout pour la France qui est maintenant dans une situation commerciale et industrielle assez dramatique. En quelque sorte si Draghi a l'immense mérite de mettre fin au mythe du laissez-faire économique en soulignant les besoins d’investissements massifs en Europe, il n'aborde pas le cœur du problème européen qui est l'impossibilité d'une politique économique unique à une telle échelle. L'hétérogénéité des besoins et des spécificités nationale rend impossible une gestion à une telle échelle. Résoudre les problèmes européens ne peut être que précédé d'une rupture avec la monnaie unique et le marché commun. Chaque pays doit d'abord retrouver une liberté monétaire, fiscale, frontalière et budgétaire avant de véritablement pouvoir redynamiser le continent.

 

Alors en supposant que des élites un peu moins apatrides arrivent un jour au pouvoir en France et veuillent réellement redresser le pays que devraient-ils faire en premier ? Comme nous l'avons déjà abordé, la priorité absolue n'est pas d'augmenter les salaires comme le veulent de façon démagogique les gauchistes. Si les salaires sont effectivement trop bas en France, le pays est trop dépendant des importations pour se permettre à l'heure actuelle une forte hausse des salaires. Et si celle-ci s'avère obligatoire pour des raisons politiques, il ne faudra pas alors hésiter à faire comme de Gaulle en 58 et dévaluer fortement le franc de 30% ou plus suivant les conditions. Je rappellerai ici que les dévaluations reviennent à taxer les importations du montant de la dévaluation, mais aussi de subvention aux exportations puisque le prix des marchandises locales sont réduites en proportion vis-à-vis de l'étranger. C'est pour cela que les dévaluations ont de tels effets macroéconomiques. La priorité absolue d'un gouvernement doit d’abord être un retour à l'équilibre de la balance commerciale. C'est encore plus vrai lorsque vous avez votre propre monnaie. Il est d'ailleurs probable que l'euro a agi sur nos élites comme une drogue déresponsabilisante puisqu'il leur a semblé que la situation commerciale n'avait plus d'importance avec l'euro. Ce qui était passablement faux, les effets ont mis juste plus de temps à se faire sentir et les dégâts sur notre industrie sont après plus de 20 ans de surévaluation monétaire absolument catastrophique.

 

L'essentiel est un retour à l'état stratège. Un état qui fait de la planification un gros mot depuis qu'on l'associe au communisme alors que la planification est en réalité la pratique de toute organisation visant à organiser des stratégies de développement. Les entreprises font de la planification, les gens font de la planification dans leur vie de tous les jours, et même les chirurgiens ou les médecins quand ils vous soignent en font, s'interdire de le faire à l'échelle nationale fut d'une bêtise intersidérale, le symbole du dogmatisme du tout marché des années 80. La stratégie visera en premier lieu à ouvrir des usines pour produire sur le territoire national ce dont la population a besoin. Contrairement aux discours courant sur cette question, je ne pense pas que viser les industries les plus complexes dès le départ soit très judicieux. Au contraire, la réindustrialisation devait plutôt se faire sur les techniques les plus faciles à récupérer comme l'industrie sidérurgique ou l'industrie textile. La France à l'heure actuelle serait totalement incapable de faire directement une industrie de semi-conducteur ou alors cela se réduirait à de l'assemblage sur notre sol.

 

Les matières premières sont aussi essentielles pour l'indépendance énergétique

 

L'exploitation de matière première est aussi un bon moyen de relancer des industries et de faire repartir la machine à produire. Cela tombe puisque les bonnes nouvelles s'accumulent depuis quelques années. La France semble avoir sous son sol quelques réserves de matières intéressantes. On l'avait vu il y a quelque temps avec l'hydrogène blanc dont on parle de plus en plus, mais c'est aussi le cas du lithium ou encore de l'hélium découvert dans la Nièvre. Et n'oublions pas les immenses ressources maritimes dont la France dispose et qu'elle serait bien inspirée d'exploiter au lieu de se l'interdire stupidement par dogmatisme pseudoécologique. La réindustrialisation en France doit se faire surtout par le bas, en commençant par le plus simple et le plus accessible. Il faut sortir de l'idée de faire pousser des usines clef en main qui ne nous rendraient pas vraiment une indépendance nationale, mais nous soumettraient en fait à des autorités étrangères pas vraiment intéressées par l'indépendance française.

 

Il faudra aussi clairement arbitrer à l'avenir sur la nature des emplois dans le pays. Jusqu'à présent la France ne se souciait guère de la nature de ses emplois qu'ils soient industriels ou tertiaire. Dans un pays qui souffre avec le franc fort puis l'euro d'un chômage de masse, ce n'était pas une priorité. Mais nous allons vers un déclin rapide de la population en âge de travailler. Il faudra donc à nouveau arbitrer entre l'emploi industriel, l'emploi tertiaire, et agricole. Les emplois de production devant être fortement valorisée, car ce sont les seuls qui permettent d'équilibrer les comptes extérieurs. Rappelons aussi au passage que ce type d'arbitrage est impossible dans les contraintes actuelles de l'UE.

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12 septembre 2024 4 12 /09 /septembre /2024 15:46

 

Il me semble impératif de rappeler de temps en temps des données factuelles sur certains sujets que ce soit sur la démographique, sur la mesure du PIB, de l'inflation, etc.. En effet le débat public est beaucoup distordu par des idées reçues qui sont trop souvent soit parcellaires soit carrément fausses. Nous l'avons souvent vu sur les questions démographiques par exemple, encore beaucoup trop de gens sont convaincus que la planète est surpeuplée que nous sommes dans une explosion démographique, alors que la réalité mondiale est plutôt une direction vers une grande diminution rapide dans les décennies qui viennent. S'accorder sur les données et la réalité que l'on peut mesurer c'est mettre le débat sur un autre niveau et commencer à pouvoir chercher des solutions aux problèmes de la société. Car comme le disait notre bon vieux mathématicien Henri Poincaré, un problème bien posé est un problème à moitié résolu. Tout le problème actuel tient en grande partie à cette fausse présentation de la réalité, la forme caricaturale de ce phénomène fut d'ailleurs probablement la guerre en Ukraine ou la ridicule prévision de Bruno Le Maire sur l'effondrement économique de la Russie. Quand on ne regarde pas les données réelles, on arrive à ce genre d'absurdité intellectuel.

 

Aujourd'hui nous allons rapidement parler de l'histoire récente de la monnaie française et des effets sur l'économie du pays. Mon but est évidemment de rendre clairs les effets dramatiques de l'euro sur l'économie du pays puisque tant de gens pensent encore qu'on peut s'en sortir en gardant cette monnaie absurde. Nous avons même de nouveau un militant de l'européisme le plus obtus comme nouveau premier ministre, c'est dire si la situation de la France ne s'arrange pas sur cette question. C'est d'ailleurs l'une des bizarreries de notre époque, l'euro était plus critiqué lors de sa mise en place au début des années 2000, alors qu'il pouvait encore y avoir des incertitudes, qu'aujourd'hui alors qu'il a fait la démonstration en pratique de ses effets néfastes. Il faut dire qu'entre temps les médias ont été fortement concentrés entre les mains de quelques milliardaires, l'état s'est mis à subventionner les journaux, et que donc l'information en France n'est plus du tout « libre », surtout sur ce de tel sujet.

 

Nous arrivons donc au paradoxe actuel d'une France laminé par une surévaluation monétaire depuis trente ans, mais dont les élites veulent impérativement persister dans cette direction. Jacques Sapir l'a très bien dit dans son dernier interview que je vous recommande à voir chez Olivier Berruyer. L'euro n'a pas d'avenir. C'est une monnaie qu'on passe notre temps à sauver en détruisant nos économies et en mettant nos industries en berne et nos jeunes au chômage. Cette idolâtrie monétaire doit cesser et c'est pour cela qu'il faut regarder l'histoire récente de la monnaie française parce qu'elle explique en très grande partie les évolutions économiques du pays particulièrement sa désindustrialisation.

 

L'euro n'a pas commencé en 1999

 

Taux de change Dem/Fr

 

Commençons par nous attaquer à une affirmation qui n'est pas totalement vraie, en tout cas pour la France. L'euro n'est pas né en 1999 pour la France. C'est vrai pour les autres membres de la zone euro, mais pas pour notre pays. Pourquoi dis-je cela ? Parce que le taux de change du franc a été en réalité indexé sur le deutschemark allemand dès la fin des années 80. C'est une chose dont on ne parle jamais, mais la politique du franc fort n'était pas une politique de monnaie forte, mais d'indexation du franc sur la monnaie allemande. Une véritable soumission de notre pays à l'Allemagne qui nous a coûté extrêmement cher même si les effets ont varié dans le temps. En un sens, les élites irresponsables qui dirigent le pays depuis cette époque ont fait un peu la même chose que les Argentins des années 80-90 qui ont stupidement indexé leur monnaie au dollar, vous connaissez les crises que cela a produit. Et bien ce fut exactement la même chose entre la France et l'Allemagne, toute proportion gardée bien évidemment.

 

Cette relation malsaine mise en place par nos élites qui pensait qu'une monnaie « forte » était le gage d'une bonne économie va alors faire exploser le chômage. Ce fut le premier effet de l'indexation du franc sur le deutschemark. En premier lieu parce que la démographie allemande et française commençait à diverger fortement, la France ayant maintenu une croissance démographique naturelle plus soutenue. Il fallait plus de croissance en France qu'en Allemagne pour ne serait-ce que maintenir le taux de chômage. Évidemment donner la même évolution monétaire à deux pays aux démographies divergentes ne peut que produire une catastrophe chez l'un des protagonistes. En l'occurrence la France avait besoin alors d'une plus grande souplesse monétaire. La France est un pays qui a de plus besoin de plus d'inflation que l'Allemagne pour fonctionner essentiellement parce qu'il y a moins d'organisation intermédiaire qu'en Allemagne où les syndicats sont très puissants. La seule manière de faire du dialogue social efficace en France c'est de laisser filer l'inflation pour permettre aux chefs d'entreprises de faire grimper les salaires tout en augmentant leurs prix sans avoir à trop rogner sur leurs marges.

 

 

Dès le départ cette indexation a eu donc des effets délétères sur la croissance et l'emploi. Mais pas trop sur la balance commerciale. Il faut dire que dès 1989 l’Allemagne passe de pays excédentaire à pays déficitaire. La réunification de l’Allemagne a eu cet effet sur l'économie germanique qui a connu alors une dégradation de sa balance commerciale. Alors que l'Allemagne de 1988 connaît un excédent record de 4% du PIB, elle passe dès 1991 à un déficit de près de 2% . Mais c'est un bon déficit, car il traduit surtout des investissements massifs à l'Est et une forte croissance économique contrairement aux déficits français actuels. Durant tout la période des années 90 l'Allemagne va connaître une balance déficitaire, mais aussi une croissance nettement supérieure à ce qu'elle va avoir après la mise en place de l'euro et le gonflement absurde de ses excédents. Quoiqu'il en soit, c'est durant cette période que la balance commerciale française va s'améliorer. C'est particulièrement vrai à partir de 1995-96 parce qu'un phénomène extérieur va frapper. Le Franc, on l'a vu, est collé au deutschemark depuis 1987, mais à partir de 1995-96 la monnaie allemande subit les effets du déficit commercial, ainsi que les effets de la bulle internet et de la croissance qui gonfle aux USA. Le deutschemark se dévalue fortement à cette époque comme on peut le voir sur le graphique suivant. Cette période qui va de 1996 à 2003 va être la fameuse période de forte croissance en France.

 

 

 

Il faut rappeler aux plus jeunes cette étrange période historique qui précéda le suicide économique définitif que fut la mise en place de la monnaie unique. Jacques Chirac le gaulliste de faïence pour paraphraser Marie-France Garaud avait dissous l'Assemblée nationale sur un coup de tête stupide, un peu comme Macron récemment. Évidemment il perdit, et comme il n'avait pas l'étoffe d'un gaulliste il ne démissionna pas. Ce qui était pourtant le sens des institutions. Nous nous retrouvâmes donc dans une cohabitation entre le PS gouvernemental et le président qui était du RPR à droite. Monsieur Lionel Jospin, ex-trotskiste, devint Premier ministre, mais il a eu une chance qu'il n'a pas comprise à l'époque, et que les socialistes n'ont d'ailleurs toujours pas compris, ce fut celle du passage du franc fort au franc faible. C'est que la période fut en fait la dernière période de véritable croissance économique en France. J'étais alors au lycée puis en IUT, je m'en souviens très bien. Les socialistes qui se vantaient de résoudre les problèmes économiques par la magie des 35h qui arrivèrent pourtant après cette courte période. La cagnotte Jospin qui ne savait pas quoi faire de l'argent gagné parce que les comptes sociaux étaient au vert pour la première fois depuis longtemps. Le taux de chômage qui baissait, etc..

 

Taux de change dollar/Dem

Le drame de cette époque est que personne, en dehors de quelques auteurs comme Emmanuel Todd et quelques autres, n'a souligné le fait que c'était la dévaluation du deutschemark, et donc du franc, qui avait donné à la France une véritable bouffée d'air frais. Les socialistes ont vraiment cru que leur politique avait un effet macroéconomique. Et cela reste encore ce type de raisonnement que tiennent certains analystes économiques, ce que je regrette fortement. Car souligner le fait que la dévaluation massive fut une bénédiction pour notre économique souligne encore plus la catastrophe que fut le franc fort puis la mise en place de l'euro. Hélas, c'est aussi cette période bénie de courte durée qui permit en pratique la réalisation de la monnaie unique. Les comptes étant au vert, nous pûmes nous suicider en toute tranquillité. La période suivante fut celle d'une hausse constante de l'euro. L'Allemagne ayant digéré la RDA, elle se mit à reconstruire petit à petit son excédent commercial pendant que la balance commerciale française plongea.

 

C'est sous le pathétique Jean-Pierre Raffarin que le pays a connu ses premiers déficits commerciaux de la nouvelle ère quand l'euro dépassa les 1,2 dollar pour un eu environ. Pour maintenir sa croissance, la France plongea dans la dette publique et la dette extérieure. Une croissance alimentée non plus par l'industrie et l'activité productive, désormais moribondes, car plongé dans la concurrence totale avec l'Allemagne et les nouveaux pays venus de l'Est, mais par les bulles immobilières. On délocalisa massivement. L'industrie automobile fut celle qui fit le plus impressionnant plongeon. La croissance française fut avant tout alimentée par la bulle immobilière dont nous ne sommes guère sortis depuis même après la crise de 2008. Il faut également souligner entre 2003 et 2005 les effets des politiques de lois Hartz sous le chancelier de « gauche » Gerhard Schroeder le grand « ami » de Chirac qui cassa les salaires en Allemagne et permit au pays d’accroître considérablement ses excédents au détriment des pays du sud en particulier de l'Italie et de l'Allemagne. Ces pays ne pouvant plus dévaluer pour compenser ces politiques agressives.

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9 septembre 2024 1 09 /09 /septembre /2024 15:16

 

Le chancelier allemand semble sortir d'un seul coup d'un long sommeil qu'il avait entamé depuis la destruction du pipeline Nord Stream 2. Il a en effet pris une orientation clairement plus pacifique lors de sa dernière intervention soulignant le besoin d'arriver rapidement à un traité de paix entre la Russie et l'Ukraine. Peut-être les derniers résultats électoraux dont nous avons parlé récemment l'ont-ils un peu poussé à changer son fusil d'épaule. Ou alors peut-être est-ce les derniers chiffres catastrophiques de l'industrie allemande ? On apprend d'ailleurs que Volkswagen prépare des délocalisations massives hors de l'Allemagne. L'irresponsabilité de l'UE qui impose la voiture électrique alors que les producteurs européens ne sont pas près, couplés à la folie des sanctions contre la Russie et l'explosion de Nord Stream 2 a été cette fois fatale à l'industrie allemande. Tant que les idioties européennes ne touchaient que les pays secondaires comme la France, l'Italie ou l'Espagne le système pouvait semblant de continuer à fonctionner, mais la destruction du cœur industriel de l'UE sera mortelle.

 

C'est d'autant plus vrai que comme nous l'avions expliqué l'Allemagne est désormais en proie à une concurrence asiatique et particulièrement chinoise de plus en plus féroce. Même sur ses métiers les plus avancés comme les machines-outils, la Chine grimpe très vite. Il ne reste probablement que les robots industriels comme secteur dans lequel les anciennes puissances technologiques comme l'Allemagne et le Japon dominent encore. Et cela ne durera probablement pas très longtemps. La montée en gamme chinoise va mettre fin à l'existence de tous les autres gros exportateurs mercantilistes de par son énormité. L'idée que la spécialisation de plus petits pays dans des secteurs très spécifiques a un avenir est pour le moins discutable. Jusqu'à présent, l'Allemagne comme d'autres pays plus petits comme la Suisse ou la Suède ont fait ce pari en pensant que la Chine ne finirait pas par produire des produits de pointe, ces pays se sont trompés. La Chine dominera la quantité et la qualité, elle a les hommes et le niveau de formation pour le faire. Mais nous n'allons pas reparler de ça dans ce texte, car nous l'avons fait dans d'autres.

 

Le rapport à la question énergétique est en fait assez simple. Pendant longtemps, les pays occidentaux n'avaient pas besoin d'importer de l'énergie. Durant le premier âge industriel, c'était même l'Europe et les USA qui exportaient du charbon. La Grande-Bretagne a décollé en premier en partie parce qu'elle pouvait extraire de son sol du charbon en quantité. Avec l'arrivée du pétrole puis du gaz, le vieux continent est petit à petit devenu dépendant de l'extérieur pour son approvisionnement énergétique. Mais ce n'était pas un problème parce que l'Europe pouvait encore équilibrer ses importations par l'exportation de ses biens de production. Mais voilà la globalisation imposée par Washington à partir des années 70 et les vagues de délocalisations ont petit à petit affaibli les capacités de production de nos pays, USA en tête d'ailleurs. Et le reste du monde s'est développé en particulier l'extrême orient. Si les USA ou l'Europe pouvaient encaisser la concurrence japonaise puis coréenne, ces pays restant à une échelle assez restreinte, la Chine c'est autre chose. Et si aujourd'hui nous avons toujours besoin du reste du monde pour faire tourner nos économies, le reste du monde a de moins en moins besoin de nos productions puisque la Chine pourvoit à tous leurs besoins. Et la crise terminale que connaît l'industrie allemande n'est finalement que l'aboutissement d'une vision à court terme qui a fait croire aux Européens et plus généralement aux Occidentaux qu'ils seraient toujours en avance sur le reste du monde en particulier sur la Chine.

 

Même sur les machines industrielles la Chine passe devant
C'est mal barré pour la Start-up nation

 

C'est ce mécanisme fondamental qui aujourd’hui explique le changement de centre de l'économie mondiale qui est passé de l'Atlantique au pacifique en attendant de passer à l'océan indien peut-être un jour. Alors cette évolution était probablement inéluctable à long terme, en effet la démographie étant ce qu'elle est l'Asie serait de toute manière devenue le centre du monde un jour ou l'autre. Mais sans la globalisation l'Europe et les USA ne se seraient probablement pas autant vidés de leur capacité de production et nous aurions encore des moyens pour vendre aux pays producteurs d'énergie. Là la globalisation nous met dans une double dépendance énergétique, mais aussi manufacturière. Et la dégringolade allemande ne va faire que précipiter cette réalité.

 

La souveraineté énergétique ou la mort

 

La question de la souveraineté énergétique se pose donc encore plus aujourd'hui qu'elle ne pouvait le faire au lendemain du premier choc pétrolier. Car face à la montée en puissance de la Chine, puis du reste de l'Asie, n'oublions pas que des pays comme l'Inde, le Vietnam, ou l'Indonésie, arrivent, et ce sont de très gros pays qui vont vouloir leur part de gaz et de pétrole, nous n'avons pas beaucoup de solutions. La première solution, la plus improbable, c'est de continuer comme cela et d'investir massivement dans la recherche et l'industrie de pointe pour éviter d'être largué par la Chine et les autres. C'est le fameux fantasme de la société de la connaissance vendu par les vendeurs de nuages du globalisme dans les années 2000. Les mêmes qui vendaient les entreprises sans usines à la Serge Tchuruk. La dernière mouture de ce fantasme étant la star-tup nation de Macron qui finit en faillite. Je vous le dis tout de suite, c'est impossible. Ce fut la voie de l'Allemagne et d'autres pays qui l'ont beaucoup mieux pratiqué que la France, mais on voit qu'aujourd'hui ça fonctionne de moins en moins bien. Les USA qui font également ce pari ne semblent pas comprendre que les innovations techniques que leurs labos mettent au point finissent en réalité par participer à leur déficit commercial. Plus les USA « innovent » par l'entremise de leurs laborantins, essentiellement asiatiques d'ailleurs, plus leurs déficits sur les biens avancés augmentent.

 

En effet, quand Apple, Nvidia ou Intel mettent de nouveaux produits sur le marché, ces derniers ne sont pas produits aux USA, mais en Asie, creusant ainsi les déficits du pays. Et ne parlons pas du fait que même les emplois de points dans la recherche sont maintenant délocalisés. Cette stratégie est donc une impasse en réalité. Il en va de même en France et en Europe. Du reste, nos pays vieillissent et auront de plus en plus de mal à produire les chercheurs et les ingénieurs pour concurrencer les nouveaux venus. Pire, je pense qu'à terme, l'essentielle de la recherche mondiale se fera en Asie, c'est d'ailleurs déjà le cas en réalité. Non seulement nous devrons importer notre énergie, mais également les denrées et les sciences du nouveau centre du monde. Il faut bien avoir ça en tête avant d'avancer des solutions à nos problèmes de dépendance. L'Asie représente déjà la majeure partie des dépôts de brevet par exemple. La seule Corée du Sud dépose plus de brevets que l'ensemble de l'UE...

 

La seconde voie est celle du déclin inéluctable. Face au déclin de nos capacités de production, il ne restera plus qu'à jouer sur les salaires et le pouvoir d'achat. En réalité, c'est la voie la plus probable, car c'est celle qui résultera du laissez-faire actuel sur le plan commercial et économique. Pour vendre à l'étranger pour pouvoir encore importer l'énergie, il nous faudra baisser les salaires et faire en sorte que produire chez nous soit avantageux. Évidemment cela détruira une grande quantité d'emploi et entraînera la fin de la société de service dans laquelle nous vivons. Les chocs économiques que les élites européennes préparent notamment en France tournent très certainement autour de ce genre de stratégie. En gros, l'UE et les USA connaîtront le même sort que l'Europe de l'Est après l'effondrement de l'URSS, une forte baisse du niveau de vie, et très probablement une forte hausse de la mortalité générale. L'immigration de masse bassement qualifiée fait peut-être partie de cette stratégie de tiers-mondisation. La nouvelle main-d’œuvre abondante remplaçant les autochtones servant à terme à produire dans les futures usines chinoises délocalisant chez nous parce que les salaires y seront alors très faibles. Est-ce vraiment ça que l'on veut pour l'avenir de la France et de l'Europe ?

 

La dernière voie est peu probable également même si c'est la préférable, c'est celle de la réaction politique forte à visée souverainiste et protectionniste. Il s'agit de rendre nos économies beaucoup moins dépendantes des importations et de parier surtout sur le marché intérieur en arrêtant les lubies globalistes. Mais cette voie nécessite aussi une véritable stratégie énergétique d'autonomie. À l'image de ce que la génération de Pierre Messmer a fait avec le parc nucléaire français, nous devons à tout prix mettre fin à nos dépendances extérieures en matière énergétique, mais aussi technologique. Une telle stratégie ne sera bien évidemment pas viable avec l'UE actuelle qui est une machine à produire de la dérégulation économique ouverte aux quatre vents, encore moins avec l'euro. Mais cela ne veut pas dire qu'elle ne peut pas être pratiquée par une coopération entre pays non plus. Après tout la première Europe, celle de la CEE a assez bien fonctionné tant qu'elle visait à favoriser le développement du marché intérieur avec le protectionnisme sous la forme du tarif extérieur commun.

 

Sur la question énergétique, nous devons déployer toutes les possibilités que nous donnent nos territoires. On pense évidemment au nucléaire de quatrième génération, qui permettrait l'utilisation de tout l'uranium disponible et pas seulement de l'uranium 235 qui ne représente que 1% des réserves, mais aussi du thorium. Il faut donner un grand coup d'accélérateur à la recherche de ressource comme l'hydrogène blanc qui semble assez prometteur et en plus renouvelable si l'on en croit les travaux Philippe de Donato, le chercheur du CNRS à qui nous devons la découverte récente du plus grand gisement d'hydrogène naturel de la planète actuellement connu. Nous devons également relancer la question des barrages hydraulique puisque EDF affirme qu'on pourrait nettement augmenter notre production hydroélectrique avec les STEP en stockant de l'énergie. Ce genre de stockage pourrait rendre utiles les énergies intermittentes en stockant l'énergie sous forme hydraulique par pompage. La gravité restituant ensuite l'énergie pour les besoins plus importants à certaines périodes. Cela réduirait l'énorme inconvénient intermittent actuel des panneaux solaires et de l'éolien.

 

La production de gaz et le pétrole de schiste commencent déjà piquer du nez aux USA

 

On oubliera par contre l'hypothèse de l'utilisation du gaz et du pétrole de schiste. Il y en a en France et probablement beaucoup, mais les puits s'épuisent très vite. Les USA qui ont beaucoup employé ces sources d'énergie montrent déjà des signes de faiblesses. Si les USA ont réussi à redevenir indépendants sur le plan énergétique, qui n'a pas permis d'équilibrer leurs comptes extérieurs au passage, ils semblent avoir atteint un plafond qui commence à décliner. Comme nous l'apprend ce très bon texte de l'ENS de Lyon sur les hydrocarbures de schiste, on épuise très vite les puits. Leur durée de vie est d'à peine 6 ans. Est-ce que cela vaut le coup de ruiner nos sous-sols pour une ressource énergétique qui nous alimenterait peut-être pour seulement une génération dans le meilleur des cas? Quoiqu'il en soit plus que jamais, la question de la souveraineté énergétique se pose. Si l'Allemagne espère sans doute se rabibocher avec la Russie, je ne suis pas certain qu'elle y parvienne contrairement aux prédictions de Todd. Car si l'Allemagne a besoin de Moscou, l'inverse n'est plus vrai. Et l'Asie s'avère être probablement un bien meilleur client avec un plus grand avenir. Bref, soit l'Europe et la France redeviennent autonomes sur le plan énergétique et industriel, soit elles vont devenir vraiment très pauvre à terme.

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5 septembre 2024 4 05 /09 /septembre /2024 16:25

 

Flânant souvent sur les réseaux sociaux, même si je ne suis pas un grand pratiquant, je constate souvent de la part d'économistes américains en particulier, une adulation disproportionnée des pays d'Europe de l'Est. C'est notamment vrai des économistes plutôt de droite, trumpiste même, si l'on veut une référence politique locale. Ils voient l'Europe de l'Est comme étant l'Europe d'autrefois forcément meilleure et surtout débarrassée du « virus » socialiste. Car s'il y a bien un truc très américain, c'est la peur, pour ne pas dire la haine paranoïaque, du socialisme, même si je ne suis pas certain, pour la plupart, qu'ils comprennent vraiment les concepts qu'ils emploient. La faible connaissance qu'ils ont de l'histoire européenne particulièrement moderne explique aussi sans doute ces idées reçues. Il faut aussi comprendre que les USA depuis quelques années, tentent de renverser le centre de gravité de l'UE, leur chose. L'UE qui était centrée essentiellement sur l'Allemagne, la France et l'Italie, pour le faire aller vers l'Est, en particulier la Pologne.

 

L'affaire s'est d'ailleurs accélérée probablement avec la sortie de la Grande-Bretagne de l'UE. En effet les Britanniques ont toujours été un peu les agents doubles pour les USA. La tournure néolibérale de l'Europe s'est surtout affirmée à partir de la rentrée de la Grande-Bretagne dans le marché commun. La fin du tarif extérieur commun arrive avec les Anglais dans la CEE. Et n'oublions pas que comme disait Churchill lui-même, si les Anglais doivent choisir entre le continent et le grand large, ils choisiront toujours le grand large. La sortie de la Grande-Bretagne de l'UE a donc en un sens affaibli la position des USA et leur influence. Ils se sont donc tournés vers les pays de l'Est et en particulier la Pologne qui est plus américaine que les Américains. Et ce n'est pas le Premier ministre Donald Tusk qui va inverser cette réalité, celui-ci étant ouvertement proaméricain. La Pologne a d'ailleurs multiplié ses actes de soumission à Washington, surtout en matière militaire, les Polonais préférant toujours acheter américain plutôt qu'Européen. Après on peut comprendre par l'histoire ce choix même si à mon avis il est erroné. Les Polonais ont beaucoup souffert de leurs voisins que ce soit avec l'Allemagne ou avec la Russie et leurs alliés historiques comme la France n'ont pas été à la hauteur quand les drames que nous connaissons tous sont advenus.

 

Si l'on peut très bien comprendre la position polonaise, le problème c'est qu'elle est membre de l'UE et qu'elle a été massivement aidée par l'ouest. Le manque de réciprocité devrait questionner un peu les donateurs. Pour revenir à notre sujet, on voit donc assez facilement l'intérêt pour les USA de favoriser les pays de l'Est au détriment de ses anciens satellites. C'est d'autant plus vrai que jusqu'ici les USA ont essayé avec succès de séparer l'Europe de l'ouest de la Russie leur grand adversaire régional. La guerre en Ukraine est parvenue pour l'instant à cet objectif et l'Allemagne a été la première victime économique de la stratégie américaine. Celle-ci, qui était un peu sortie de la pensée géostratégique, s'est retrouvée fort dépourvue lorsque le gaz russe s'est retrouvé sous sanction. Les USA ne veulent pas d'une Europe indépendante et font tout pour la maintenir sous leur domination comme l'a rappelé Emmanuel Todd qui vient de faire un interview au Figaro pour la sortie d'une BD originale basée sur ses travaux. Donc la passion soudaine des Américains pour l'Europe de l'Est n'est pas innocente, elle découle en grande partie des intérêts US. Il y a aussi bien évidemment l'effet diaspora puisque bon nombre d'Américains sont d'origine polonaise ou d'autres pays de l'Est. Ils sont d'ailleurs assez bien représentés dans les hautes fonctions publiques aux USA.

 

Mais la passion pour l'Est ne concerne pas que les économistes et géostratèges américains, on la trouve aussi chez nos politiques et penseurs en France. Les droitards du RN ou du zemmourisme voient la Pologne ou la Hongrie comme des paradis perdus pour nous. Sans immigration ces pays paraissent comme la France des années 60, bien moins multiculturelle et moins criminogène. Et il est vrai de ce point de vue que l'Europe de l'Est agit un peu comme un conservatoire, mais il ne faudrait pas croire pour autant qu'ils sont une solution pour l'avenir du continent, car comme nous allons le voir rapidement sur les questions démographique cela ne va pas bien dans ces pays. Il y a aussi parfois ces discours lénifiants sur l'esprit d'entreprises qui serait resté à l'Est ou sur les valeurs chrétiennes qui auraient subsisté dans ces régions expliquant leur meilleure santé économique. Ce genre de discours comme ceux des économistes américains tendent à oublier que ces pays ont largement bénéficié de l'UE tout en évitant soigneusement d'entrer dans la zone euro. Des détails très importants pour expliquer la divergence actuelle entre les économies de l'Est et de l'Ouest.

 

La réalité des pays de l'Est

 

Croissance polonaise en % du PIB

 

Rappelons brièvement que l'UE n'est pas la zone euro. Si tous les membres de la zone euro sont membres de l'UE l'inverse n'est pas vrai. Les pays scandinaves par exemple n'ont pas pu se décider à se suicider avec les autres membres, pas plus que les pays de l'Est à l'exception de la Croatie, de la Slovénie et de la Slovaquie, et des pays baltes, tous anciens membres du bloc de l'Est, mais rentrés dans la zone euro. Cependant, il s'agit là de tout petit pays d'un point de vue démographique, à peine 18 millions d’habitants au total, soit la population des Pays-Bas ou la moitié de la Pologne. Si l'on s'intéresse à l'Europe de l'Est c'est surtout la Pologne, la Hongrie et la République tchèque qui intéresse pour des raisons démographiques évidentes même s'il ne s'agit pas ici de dénigrer qui que ce soit. Si l'on se place du point de vue purement macroéconomique, c'est les pays les plus massifs qui comptent. En l’occurrence ces trois pays représentent pratiquement 60 millions d'habitants, soit l'équivalent de la France ou de l'Italie. Ils ont eu nécessairement plus d'effet sur les salaires et la concurrence en Europe que les quelques ex-pays du bloc soviétique qui ont rejoint la zone euro.

 

Ces pays ont donc gardé leur monnaie tout en bénéficiant des transferts européens. Certains y verraient le sens même de la construction européenne, la solidarité entre les nations, mais comme nous l'avons vu dans le cas de la Pologne il n'y a pas de réciprocité. C'est donc en soi discutable pour ceux qui ont payé très chèrement l'entrée des pays de l'Est dans le cadre de la construction européenne. Sachant qu'en plus une bonne partie des délocalisations se sont faites dans ces pays, on peut résumer la chose au fait que les pays de l'Ouest ont payé pour détruire leur propre base industrielle. Emmanuel Todd est ici à mon avis un peu à côté de la plaque lorsqu'il décrit la France ou les USA comme des pays qui vivent aux crochets des autres. Car comme je l'ai dit dans un autre texte concernant la Chine et il en va de même ici avec les pays de l'Est, ces derniers ont largement bénéficié de libre-échange, avec en plus dans ce cas là des investissements publics massifs pour leur développement. C'est à se demander qui a exploité qui exactement. Les grands perdants dans l'affaire furent la France, l'Italie et plus généralement le sud de l'UE.

 

 

 

Le rattrapage du niveau de vie

 

Du point de vue du niveau de vie, il y a un certain rattrapage. Il faut dire que la Pologne par exemple a bénéficié d'une croissance nettement supérieure à la moyenne Européenne ces 20 dernières années. Dans un sens c'est tout à fait normal puisque le pays était en retard, mais comme je l'ai dit elle n'est jamais rentrée dans l'euro ce qui est un avantage certain. Il suffit de regarder les variations du taux de change entre le zloty et l'euro pour voir que la monnaie a largement servi de mécanisme de régulation économique entre les deux zones monétaires. Il n'est pas certain que la Pologne aurait connu la même croissance en étant entrée dans l'euro. Du reste même si les pays l'Est ont gagné en niveau de vie ils restent globalement plus pauvres que l'Ouest. En devenant l'usine de l'Allemagne et d’autres pays de l'ouest, ils se sont probablement fermé des opportunités de développement originales qui leur soient propres. Et si la Pologne s'est industrialisée, c'est surtout grâce à l'Allemagne. Ainsi cette année, le pays a connu un record d'investissement avec 41 milliards d'euros en provenance d'Allemagne. De fait, parler de modèle des pays de l'Est n'a aucun sens, ils parasitent littéralement les économies de l'ouest avec l'aide des dirigeants de ces pays à travers les mécanismes européens. Et contrairement de la Chine, ces pays ne donnent pas l'impression de créer des structures industrielles qui leur sont propres. La différence tenant peut-être au fait que la Chine contrairement aux pays de l'Est a obligé les entreprises occidentales à des transferts de technologie.

 

L'excédent commercial de l'Est est structurel

 

Cela met le développement des pays de l'Est en sursis quelque part. En effet, que l'Ouest change son fusil d'épaule que l'UE, que l'euro disparaissent, et la situation pourrait devenir dramatique pour l'Est de du contient, car les industriels occidentaux partiraient aussi vite qu'ils sont venus. Cependant pour l'instant cette situation a permis à ces pays de devenir lourdement excédentaire commercialement parlant. On parle souvent de l'excédent allemand qui est problématique, mais il en va de même pour les pays de l'Est. Si l'on regarde pour les trois principaux pays Pologne, Hongrie, Rep. Tchèque, c'est un gros 77 milliards d'excédent commercial pour l'année 2023 c'est certes moins impressionnant que les 200 milliards d'excédent allemand, mais cela pèse aussi sur le reste de l'UE. D'autant que ces excédents sont structurels et permanents comme ceux de l'Allemagne. Comme nous le voyons ici rapidement, les pays de l'Est ne sont pas un modèle économique contrairement à ce que racontent certains économistes. Leur modèle comme celui de l'Allemagne n'est pas imitable puisqu'il se base avant tout sur un avantage comparatif lié au coût du travail. Du reste si toute l'UE s'alignait sur les salaires de l'Est, qui achèterait leurs produits ? On en revient toujours à cette illusion qu'est l'accumulation d'excédent porteuse de gros problèmes géopolitiques.

 

Il n'y a pas de miracle démographique à l'Est

 

Mais il y a un autre facteur qui fait d'eux un non-exemple, celui de la démographie. Là encore, les fantasmes jouent à fond sur cette partie du monde. La Pologne, qui s'affiche très catholique, a moins d'enfants que la France laïque, ou la Suède quasi athée. Bref, il n'y a pas d'exception de l'Europe de l'Est sur le plan démographique. Alors certes il y a des mesures très fortes affichées dans les discours des politiques locaux, mais ces politiques, pour l'instant, ne semblent pas avoir d'incidence démographique sur ces pays contrairement au sabordage de la politique familiale en France malheureusement. Le vieillissement touche donc aussi ces pays et il y a fort à parier que l'immigration de masse les touchera aussi dans les années qui viennent. D'autant que le patronat allemand qui dirige localement y sera très favorable. Leur modèle économique les mettant aux mains d'un patronat étranger, je crains que ces pays ne deviennent un peu comme les terres coloniales d’autrefois, des territoires où on fait venir de la main-d’œuvre étrangère pour produire localement et réexpédier les marchandises ailleurs. Et le gouvernement Tusk vient déjà de simplifier les contraintes pour l'immigration légale par manque de main-d’œuvre. Le paradis de nos chers droitards va vite se transformer démographiquement comme le reste de l'UE sous la pression du capital adulé par ces derniers.

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29 août 2024 4 29 /08 /août /2024 15:55

 

 

Vous vous souvenez peut-être d'un petit texte que j'ai écrit l'année dernière sur la dépression qui vient de Chine. Et bien nous y sommes pratiquement puisque le pays semble rentrer dans une période déflationniste. La Chine semble remplir toutes les cases de la grande dépression américaine de 1929, même si les conditions d'application, l'environnement économique et géopolitique mondial sont très différents. Nous allons rappeler brièvement l'explication de Keynes de la crise de 1929 qui l'a vécu. D'ailleurs, Keynes a profondément changé sa manière de penser pendant cette crise qu'il pensait transitoire au début. Il était parfaitement libéral dans les années 20 et c'est bien cette crise qui l'a poussé à réfléchir sur les mécanismes qui avaient produit cette catastrophe. Et si la crise de 1929 est juste un événement historique, certes important, mais moins que la seconde guerre mondiale pour les français et les Européens en général, il faut bien voir qu'aux USA c'est très différent. Comme le dit souvent Philippe Grasset sur son site dedefensa, les USA ont cru mourir pendant la crise de 29.

 

Cette dichotomie qu'il y a sur l'importance de la crise de 1929 entre l'Ancien Monde et les USA tient probablement à la nature de la nation américaine où l'économie tient une place centrale. Cette nation étant après tout très récente avec des fondations moins solides qu'il n'y paraît au premier abord. Quoiqu'il en soit à l'époque Keynes compris rapidement que la source de la crise venait d'un problème de demande insuffisante.L'hypothèse aussi farfelue que ridicule de l'égalité entre l'épargne et l'investissement qui avait été mis en avant par Jean-Baptiste Say était tombée en disgrâce. En effet si l'épargne est égale à l'investissement, il n'y aurait jamais de crise, en tout cas pas de cette nature. Or en 1929 les populations se mirent à réduire leur consommation, et la thésaurisation accentua la crise de la demande . L'augmentation de l'épargne n'augmenta pas l'investissement qui aurait en toute logique compensé la baisse de la consommation suivant les raisonnements classiques. C'est à cette occasion que Keynes et son groupe de Bloomsbury mirent en avant le fait que ce qui pilote l'investissement c'est avant tout la demande.

 

Vous pouvez augmenter les marges des entreprises comme vous le voulez, par des baisses d’impôt, des baisses de salaires et tout l'attirail de la politique « raisonnable » des libéraux, cela n'aura aucune incidence sur l'investissement. Et c'est très simple à comprendre. Une entreprise n'investit que si elle pense que cet investissement va permettre d'augmenter les bénéfices ou au moins maintenir sans situation comptable. Pourquoi donc investir si vous pensez que la demande va stagner ou même diminuer ? Dans ce cadre-là, toute augmentation des marges des entreprises se transforme inéluctablement en thésaurisation. Soit les entreprises se désendettent quand elles ont des dettes, soit elles gardent leur argent bien au chaud. C'est pour cela que toutes les tentatives pour augmenter la croissance ou créer des emplois par des baisses de charge en France ont systématiquement échoué et échoueront encore. C'est pour ça également que la politique de subvention de monsieur Macron, qui arrose les entreprises comme jamais, ne fonctionne pas et qu'il n'y a pas de réindustrialisation. Même si à cela il faut ajouter le facteur négatif du libre-échange et de l'euro.

 

La grande dépression de 1929 fut étrangement aussi le fruit pourri du progrès technique en quelque sorte. Il faut rappeler que les USA qui étaient à la pointe de l'industrie avec l'Allemagne à l'époque connaissaient depuis peu une véritable révolution avec le fordisme. La révolution fordiste n'a pas eu de précédent en termes de rythme et n'aura probablement jamais d'équivalent à l'avenir. Le fordisme qui fut une rationalisation scientifique des processus de production et de l'organisation du travail permit alors des gains de productivité monstrueux qui se traduiront rapidement par un effondrement des prix des voitures Ford. Le fordisme fera vite des petits puisque toute l'industrie suivra. Et si Henry Ford a vite compris que les salaires devaient augmenter au rythme des gains de productivité, cela ne sera pas le cas dans l'ensemble de l'industrie américaine. La crise de surproduction est donc paradoxalement créée par le progrès technique et organisationnel, cas les gains de productivité, à demande constante, produisent du chômage et donc une baisse de la demande. Pour ne pas augmenter le chômage avec des gains de productivité, il faut soit augmenter la demande, soit baisser le temps de travail par tête. Après guerre nous ferons les deux en même temps ce qui a permis une amélioration significative des conditions de vie. Comme le disait Keynes, les gains de productivité sont une aubaine pourvu qu'on les utilise sinon c'est un désastre. D'où le nom de son célèbre texte « La pauvreté dans l'abondance » qui montrait tout le paradoxe du progrès technique et productif, qui pouvait produire de la misère alors qu'il n'aurait pas due.

 

La crise financière de 1929 va donc enclencher cette récession qui ne se résorbera pas naturellement parce que contrairement à ce que pensent les libéraux il n'y a pas d'équilibre naturel au marché. Ils peuvent s'équilibrer à n'importe quel niveau de chômage et ils peuvent même continuer à descendre jusqu'à ce que nous soyons tous morts comme disait Keynes. Ce qui a freiné les crises pour que nous n'en arrivions pas à la mort généralisée, ce fut en grande partie grâce à la dynamique démographique. En effet, même si les marchés ne s'autorégulent pas, la croissance démographique naturelle tendait à faire croître naturellement la demande. De la même manière, les rigidités sociales faisaient que les salaires ne pouvaient pas baisser indéfiniment. En fait, ce sont des facteurs essentiellement externes aux marchés qui ont permis de sauver ces derniers à une époque où l'on croyait encore à la toute-puissance de la main invisible.

 

De la déflation chinoise à la crise planétaire

 

Maintenant que nous avons parlé rapidement de la crise de 1929, vous comprenez probablement le problème avec la Chine. Ce pays qui était encore très pauvre dans les années 70 a su tirer parti de l'extrême stupidité du capitalisme occidental. Grâce aux accords de libre-échange qui ont été en réalité accompagnés d'un fort protectionnisme coté chinois, ces derniers obligeant le transfert de technologie aux entreprises occidentales s'installant dans le pays pour profiter de l'énorme main-d’œuvre pas chère chinoise, le pays a pu s'industrialiser rapidement. Le rattrapage n'est pas une nouveauté, mais l'exemple japonais avait montré qu'un rattrapage plus autocentré produisait quand même des tensions notamment sur l'inflation sans parler des conditions sociales qui étaient souvent éprouvantes. La Chine grâce à la bêtise à courte vue de l'occident a pris un ascendant très rapide en matière de production. Et les transferts de technologie et la création de producteurs locaux ont permis aux Chinois de vraiment décoller. Le modèle chinois est avant tout un modèle opportuniste qui visait à rattraper le niveau technique occidental et l'on peut dire que cela a très bien fonctionné. Le problème c'est que maintenant que la Chine a rattrapé l'occident, elle ne peut plus attendre que la croissance ne vienne que des exportations comme elle le fit longtemps.

 

La Chine est déjà la première puissance économique mondiale

 

En effet, l'économie chinoise réelle a dépassé celle des USA vers 2017, évidemment on ne parle pas du PIB exprimé en dollar qui ne veut pas dire grand-chose, mais en parité de pouvoir d'achat. La Chine aujourd'hui pèse en PPA plus que les USA ou l'UE, chose que les Occidentaux, perdus dans leurs illusions comptables, auront du mal à admettre. Il suffit pourtant de voir les villes chinoises et l'incroyable développement du pays alors que l'occident a plutôt tendance à stagner depuis vingt ans, surtout en Europe. Mais même si la Chine pèse plus que l'UE ou les USA, elle a encore une grosse population relativement pauvre. Rappelons que la Chine fait 1,4 milliard d'habitants en contre seulement 330 millions pour les USA et 450 millions pour l'UE. En rattrapant l'occident à vue de nez la Chine devrait donc peser à terme trois fois plus au moins que ces deux entités. Elle est encore assez loin de ça. Le problème c'est que la Chine a un modèle économique tourné vers l'exportation, et ce modèle a du mal à muter. Les gains de productivité très importants que la Chine a faits et qu'elle fait encore aujourd'hui tendent de plus à faire tomber le pays dans le piège de la crise de surproduction, comme celle des USA de 1929.

 

Cette crise est protéiforme, mais elle est marquée par deux indices importants. Le premier, c'est la montée importante du chômage, en particulier chez les jeunes, alors même que le pays vieillit extrêmement vite, la natalité étant très basse depuis les années 80. Le second facteur est la baisse des prix. Dans les secteurs de technologie avancée, on assiste à une véritable déflation. Et la déflation ce n'est pas bon du tout. D'une part parce que cela réduit les marges des entreprises qui peuvent se retrouver en difficulté, d'autre part parce que cela nourrit l'attente des consommateurs. En effet, pourquoi consommer maintenant si le prix baisse bientôt ? Ajoutons à cela cette caractéristique étrange de l'économie chinoise qui est un taux d'épargne de près de 50% . Les Chinois épargnent trop et ne consomment pas assez. Une part importante de cette épargne est liée à l'absence de système social élaboré qui met un frein à la confiance de la population dans l'avenir. On épargne pour ses vieux jours en quelque sorte. Mais si le raisonnement tient la route à titre individuel, il est catastrophique quand tout le monde fait la même chose à l'échelle du pays.

 

La déflation est déjà là en Chine

 

Alors vous me direz, la Chine entre en crise, et alors, en quoi cela nous concerne. Le problème est le poids de l'économie chinoise. C'est elle qui a été le véritable moteur de l'économie mondiale ces dernières décennies. Elle est au cœur de la production mondiale comme l'étaient les USA de 1929, aujourd’hui la Chine produit par exemple l’essentiel de l'acier mondial, elle était en 2023 à 1019 millions de tonnes sur une production mondiale totale de 1892 millions de tonnes à titre de comparaison, le Japon, qui est le troisième producteur derrière a Chine, est à seulement 87Mt, les USA à 81Mt. Bref, une crise de surproduction en Chine ne peut que rapidement s'étendre à toute la planète qui est devenue totalement dépendante de l'économie chinoise. Et la déflation va pousser les producteurs chinois à s'orienter encore plus vers les exportations. Le résultat on le voit déjà dans les balances commerciales, la Chine voit ses excédents déjà énormes augmenter encore. Dans ces conditions, on peut parier sur le fait que la déflation chinoise s'exporte en détruisant les derniers restes des industries occidentales par exemple. Ce qui se passe dans le domaine de l'automobile n'est qu'un début d’aperçu de ce qui nous pend au nez.

 

L'excédent chinois grimpe mettant en danger les pays déficitaires

 

Rajoutons à cela que contrairement aux USA de 1929, la Chine n'a pas une démographie qui pourrait corriger naturellement l'effet déflationniste. Au contraire, à l'image de l'Allemagne et du Japon, la démographie locale et le déclin de la masse de la population active risquent d'aggraver dans les années qui viennent l'insuffisance de la demande et donc accroître les excédents commerciaux. Les problèmes de la Chine sont désormais les problèmes du monde, c'est le sens même de ce qu'on voulut les Occidentaux avec leur stupide globalisation. Alors on pourrait espérer que les autorités chinoises corrigent le tir avec une politique intérieure plus expansionniste, mais je ne parierai pas dessus. Si l'état chinois est très fort pour faire des politiques de grands travaux, le pays croule déjà sous les infrastructures. À ce stade de développement, il faudrait surtout un état providence pouvant réduire les incertitudes des Chinois sur leur avenir personnel, ce qui pourrait les pousser à moins épargner. Mais la mentalité locale se prête-t-elle à une telle évolution ? Les autres régions du monde n'auront que deux choix, soit se laisser détruire par la déflation chinoise qui détruira toute leur production, soit faire du protectionnisme. Pour l'instant, les USA annoncent vouloir faire du protectionnisme, tout comme le Canada qui vient de mettre en place des droits de douane à 100% sur les voitures chinoises.

 

Mais ce genre de politique montreront vite leurs limites, les entreprises chinoises pouvant facilement passer par d'autres pays limitrophes pour assembler et exporter vers ces pays. C'est le concept même de libre-échange généralisé qu'il va falloir abandonner sous peine de véritablement connaître une descente aux enfers d'un point de vue économique. La pauvre UE, elle, tout endiguée comme elle est dans ses conceptions libérales complètement anachroniques, finira probablement comme l'Empire ottoman au 19e siècle dans les poubelles de l'histoire.

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26 août 2024 1 26 /08 /août /2024 15:22

 

Les médias bégaient régulièrement surtout lorsqu'ils parlent d'économie. Alors que nous n'avons toujours aucun Premier ministre et que le président de la république, qui a pourtant perdu toute légitimité après deux grosses défaites, s'entête à vouloir continuer de tout contrôler, voilà que les médias nous ressortent la grande peur de la dette. Ils ne sont pas les seuls d'ailleurs, le grand patronat, pourtant largement subventionné par l'état à coup de milliard, s'inquiète lui aussi de la désastreuse dette publique française. Il est quand même incroyable que les gens ne découvrent qu'aujourd'hui l'irresponsabilité d'Emmanuel Macron et de ses ministres en matière de finances publiques. Car la dégradation des comptes publics n'est pas nouvelle. C'est au moment des prises de décisions absurdes comme le confinement qui a été compensé par un déluge d'aide économique aux entreprises, distribuée souvent sans aucun sérieux qu'il fallait hurler au risque pour la dette du pays.

 

Les subventions publiques aux entreprises. Une sujet qui n'est jamais abordé par les médias.

 

C'est au moment du quoiqu'il en coûte, lorsque la France s'est endettée du double de ce qu'elle a reçu auprès de l'UE qu'il fallait hurler à l'arnaque. Et que dire des milliards distribués pour compenser le prix de l'électricité qui a explosé à cause de l'absurde marché européen de l'énergie. Mais l'argent n'a pas été perdu, il a été transféré bien au chaud dans les comptes en banque des faux producteurs d'électricité qui font semblant de faire vivre ce faux marché. Emmanuel Macron a-t-il des liens avec certains de ces fournisseurs ? Mystère. Mais c'est le genre de question que la presse qui nous parle sans arrêt de la dette française devrait peut-être se poser, du moins si elle avait encore un semblant de sens de l'éthique journalistique. Car vociférer sans cesse sur la dette sans jamais parler de son origine c'est quand même un petit peu problématique. Soyons un peu suspicieux, à moins que le but soit d'associer volontairement la hausse de la dette aux dépenses publiques et aux services publics. Serait-ce vraiment leur but ?

 

 

En réalité, la dette française depuis longtemps grimpe par à-coup. C'est très visible sur les graphiques concernant la dette publique. On voit très bien les effets de la crise de 2008 ainsi que les effets des politiques sur le Covid. Cette évolution montre que ce ne sont pas les services publics qui sont responsables de la hausse contrairement à tout le discours brodé inlassablement par les idéologues de plateau télé. Les origines de la dette publique sont toujours soigneusement camouflées alors qu'ils sont souvent scandaleux. Parle-t-on par exemple des emprunts indexés sur l'inflation ? Une aberration économique qui a été particulièrement utilisée sous monsieur Macron et son ministre Bruno Lemaire. Là encore ne faudrait-il pas enquêter sur une éventuelle corruption au plus haut niveau de l'état? Puisqu'il semble, quand même, que notre pays devient de plus en plus une simple république bananière, et l'état un outil de ponction d'argent pour des intérêts privés. Les gens de droite crient souvent « Où va l'argent ?» en parlant des impôts trop élevés, et en soupçonnant généralement les « assistés » qui sont à leurs yeux les pauvres, les chômeurs, et les immigrés, mais la réalité est tout autre. Cependant, il faut effectivement se poser la question de savoir comment sont utilisés nos impôts, mais il faut se poser la question avec tout le sérieux nécessaire et ne pas chercher des boucs émissaires faciles comme le font souvent les droitardés comme certains les appellent.

 

Le discours sur la dette, un simple outil pour privatiser ?

 

On voit donc bien la déconnexion entre les discours publics sur la dette et la réalité de l'origine de celle-ci. Cette origine est toujours ignorée dans le débat, car le but est d'utiliser cette dette comme justification à des politiques de réduction, non pas de la dépense publique, mais des services publics, ce qui est très différent. Nos dirigeants politiques et leurs laquais médiatiques utilisent la dette comme un outil de communication pour camoufler leurs vraies intentions. L'affaire n'est pas nouvelle, la grande peur de la dette était déjà là dans les années 70-80 alors même que les hommes aux affaires comme Raymond Barre ont tout fait pour justement faire grimper la dette publique. Pendant ce temps-là, les véritables problèmes comme la dette extérieure et des déficits commerciaux furent largement ignorés surtout depuis la mise en place de l'euro. Cette dichotomie qui ignore les réelles problématiques du pays tout en s'inquiétant de faux problème dans une visée de casse sociale est caractéristique de l'état néolibéral. Un état qui n'est pas pour le tout privé comme peuvent l'être les libertariens, mais un état qui est au service d'acteurs privés.

 

Le néolibéralisme est en quelque sorte du communisme, mais pour quelques bourgeois et entreprises. L'état n'est pas affaibli, il est transformé dans sa nature et dans ses objectifs. Pour reprendre les célèbres propos de Montesquieu, l'état est devenu l'affaire de quelques particuliers et produit la licence de tous et la destruction du bien commun. L'état néolibéral est quelque part probablement le résultat du vide qui habite désormais les modernes qui n'ont plus ni religion ni attachement national réel. Il est un peu l'incarnation de l'égoïsme absolu résultant de la société anomique actuelle. La question de la dette publique et de son traitement nous révèle en quelque sorte la réalité de l'état français actuel et le comportement profond de notre personnel politique. Ils peuvent se gargariser du bien commun, de l'intérêt général et de toutes ces choses qui autrefois avaient du sens, en pratique ils ne font plus que de la redistribution de richesse à l'envers si je puis dire. Dans le cadre de cette réalité, il est à mon avis futile de débattre pour savoir si la dette est à un niveau dangereux ou pas. Ce que font quelques économistes comme David Cayla qui débattait récemment avec Charles Gave, le financier, sur la dangerosité ou non de la dette publique. Car savoir si la dette est à 98% ou 110% en prenant en compte l'inflation et le taux nominal, finalement ça n'a pas vraiment d'importance si l'on y réfléchit bien.

 

Les seules questions qui vaillent la peine c'est d'où viennent ces dettes ? Comment attribue-t-on le budget de l'état ? Qui y gagne et qui y perd ? La question de l'origine de la dette doit être mise en avant bien plus que son volume. Le rôle en particulier de Sarkozy en 2008 et de Macron depuis 2017 doivent être vraiment soulignés, car c'est eux qui ont fait exploser la dette récemment. Il ne faut pas oublier non plus la question de l'émission monétaire et de la privatisation de facto de celle-ci à partir des années 70. En obligeant l'état à emprunter sur les marchés financier, on a mécaniquement fait exploser les dettes puisque la masse monétaire ne peut plus augmenter que sous la dette et donc avec des intérêts. Et rappelons que la dette après guerre était énorme, plus de 160% du PIB, elle fut pourtant réduite massivement en quelques années. C'est à l'inflation et à l'augmentation de la masse monétaire qu'on doit cette rapide décroissance, il ne faut pas l'oublier. Le véritable problème pour la France c'est son absence d'indépendance nationale avec l'euro, et la désindustrialisation massive produite par le laissez-faire.

 

Dans toute cette affaire, il faut aussi reparler de l'euro et de ses effets délétères sur l'économie qui ont cassé la croissance française depuis 25 ans. La dégradation de notre compétitivité externe et l’impossibilité de dévaluer ont grandement joué sur la croissance et ont mécaniquement été compensées par l'endettement pour continuer à avoir une maigre croissance. Il ne faut donc pas tomber dans le piège néolibéral qui consiste à réduire la question de la dette à une simple affaire comptable, c'est bien plus que cela. Et il faut bien marteler dans la tête des gens que ce n'est pas le socialisme fantasmé français qui est responsable de la dette, mais bien les idiots qui ont prôné la dérégulation généralisée, l'euro, et l'amoindrissement de l'intervention étatique sur le plan économique. Une grande partie de la dette est le produit du laissez-faire, une compensation fort coûteuse aux errements des politiques de dérégulation qui ont conduit à l'impasse économique actuelle.

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15 août 2024 4 15 /08 /août /2024 16:00

 

Nous allons aujourd'hui revenir sur les fondamentaux et parler à nouveau de l'euro. Je suis tombé sur un très intéressant graphique combinant l'évolution du taux de change entre la lire italienne et le deutschemark et l'évolution de la production manufacturière italienne. On voit très clairement la coupure liée à l'euro et à la politique mercantiliste germanique qui a consisté à casser les salaires allemands juste après la mise en place de la monnaie unique. Les fameuses lois Hartz, mises en place par le chancelier Gerard Schröder, ne furent qu'une stratégie de domination de la zone euro. En effet, comme l'avait bien remarqué Emmanuel Todd, les baisses de salaires allemands ne pouvaient pas permettre une amélioration de la compétitivité externe contre des pays comme la Chine aux salaires infiniment plus bas, surtout au début des années 2000. La stratégie allemande était donc forcément tournée contre ses voisins avec qui pourtant elle venait de créer une structure qui normalement devait se baser sur la coopération pour fonctionner à minima.

 

L'euro a commencé en réalité en France en 1987 avec le franc fort parité fixe avec l'Allemagne

 

On ne le dira pas assez, l'euro fut un projet bricolé n'importe comment. Au-delà de la question des dogmes économiques néolibéraux ou ordolibéraux qui ont concouru à en dessiner les contours l'euro répondait à plusieurs surtout à plusieurs fantasmes particulièrement chez les élites françaises. Tout d'abord, nos « élites » ont toujours eu horreur des variations monétaires. On pourrait ici citer Keynes qui parlait un français comme un peuple de vieux paysans assis sur leurs tas d'or, mais même si l'image était un peu exagérée, elle avait un fond de vérité. La France depuis le 19e siècle s'acharne à faire de la monnaie un veau d'or qu'elle idolâtre. L'affaire est donc ancienne et ne touche pas que les grotesques dirigeants que nous avons depuis une cinquantaine d'années. Comme je l'avais déjà dit dans un autre texte, l'euro n'était pas une première. Au 19e la France avait créé l'union latine qui incluait bien d'autres pays que les pays latins contrairement à ce que son nom pouvait insinuer. Même la Russie a fait partie de ce système, une appartenance qui permettra la naissance en partie des fameux emprunts russes de triste mémoire. Ce genre de chose était possible parce qu'il y avait déjà à l'époque l'esquisse d'un monde sans frontière avec des monnaies rigidifiées de marnière arbitraire par le pouvoir politique. Évidemment avant la guerre de 1914 c'était plus facile à gérer puisqu'il y avait encore l'étalon or et que l'on n'hésitait pas trop à faire du protectionnisme lorsque les balances commerciales étaient trop déséquilibrées.

 

Le suicide Italien avec l'euro ressort ici particulièrement fortement. Pas de dévaluation = destruction de l'industrie

 

Entendons nous bien, je ne mets pas les fluctuations monétaires sur un piédestal non plus. Avoir de fortes variations en permanence peut-être fortement perturbantes pour les économies, et il est possible qu'un système à change fixe soit préférable. Le problème c'est qu'il faut bien réguler le commerce et les déséquilibres commerciaux et financiers entre les nations à un moment donné. Or nous vivons dans un système de change flottant depuis 1971 quand Nixon abandonna le dollar garanti or. S'il y avait une certaine rigidité monétaire après guerre c'était parce qu'il y avait un dollar garanti sur l'or, mais aussi une régulation du commerce et de la finance internationale. La rigidité monétaire était alors compensée par la variabilité des droits de douane, des quotas et le contrôle de la circulation des capitaux. Et même à l'époque, il y avait parfois des réajustements monétaires. Rappelons que de Gaulle à peine arrivé au pouvoir fait dévaluer le franc deux fois en 1958. Une première fois de 20% par rapport au dollar, puis une seconde fois quelques mois plus tard de 17%. Ce fut une sacrée dévaluation bien plus élevée que celle du Japon récent pour donner un exemple. Avec les critères médiatiques d'aujourd'hui, on aurait parlé d'effondrement monétaire dramatique. Pourtant cela fit énormément de bien à l'économie française qui connut une décennie absolument magnifique sur le plan économique même si l'inflation était de 4 à 5 % par an.

 

 

Nos élites sont donc traversées par le dogme de la rigidité monétaire, mais elles ignorent parfaitement les contraintes qui vont avec. C'est pour cela en grande partie qu'elles ont aussi mal conçu l'euro. Quelqu'un de sérieux aurait mis l'accent sur la nécessité d'équilibrer les balances des paiements entre les pays membres de la zone par exemple. Si une clause existe en théorie sur la question, personne n'a encore remis en question les politiques d'accumulation d'excédent de l'Allemagne vis-à-vis de ses voisins alors que c'est la première cause des crises que les pays du sud connaissent. Il aurait fallu punir les pays excédentaires en les poussant à consommer plus ou en permettant aux pays déficitaires de réguler par des taxes ou des quotas leur commerce avec le pays excédentaire de façon à revenir à l'équilibre. Au contraire, la zone euro a été conçue pour punir les victimes et valoriser les agresseurs commerciaux comme l'Allemagne. Faisant ainsi de la zone euro une zone prédatrice à l'extérieur puisqu'elle accumule les excédents commerciaux tout en ayant une croissance économique réelle de plus en plus faible.

 

Le second facteur qui fit prendre cette orientation macroéconomique suicidaire à la France fut la peur de l'Allemagne. Mais, on ne le dira jamais assez, il était stupide d'avoir peur de l'Allemagne en 1990. La France et l'Italie ont en réalité pratiquement rattrapé leur retard sur l'Allemagne dans les années 80-90. Et c'est bien en voulant coller nos monnaies à la leur que nous allons petit à petit refabriquer l'Allemagne impérialiste que nous connaissons aujourd'hui. Car en abandonnant les dévaluations tout en laissant les frontières ouvertes sur le commerce et les capitaux, nous avons mécaniquement favorisé ce pays. D'une part parce qu'il était géographiquement bien mieux placé que nous pour bénéficier de l'arrivée des pays de l'Est, mais aussi des matières premières russes. D'autre part parce que l'Allemagne étant un pays de famille souche, sa population est mécaniquement plus facile à contrôler et à organiser. Baisser les salaires collectivement c'est possible en Allemagne parce qu'il y a tout un tas de corps intermédiaires comme les syndicats permettant une baisse générale des salaires ou l'inverse. En France ou en Italie, c'est simplement impossible, vous auriez des grèves et des affrontements. Chez nous la dévaluation est un moyen de réguler les contestations sociales parce qu'il n'y a pas de corps intermédiaire fort. Pour la même raison, l'inflation permet de donner de la fluidité à l'économie en rongeant les rentes petit à petit. Sans un minimum d'inflation, l'économie française ne fonctionne plus. C'est le gros facteur qui explique cette divergence économique apparue à partir de la mise en place de monnaie unique entre les pays du nord et ceux du sud.

 

La rigidité monétaire est un suicide dans un monde de change flottant.

 

En un sens, la zone euro c'est un peu le résultat d'un rêve éveillé. Les Européens se sont construit leur petit monde avec leur modèle étrange, mélange de politiques complètement contradictoires très favorable aux rentes et très défavorable à l'investissement productif et aux salariés. Le problème c'est que les Européens sont intégrés dans l'économie mondiale et que leurs délires ont des effets graves non seulement chez eux, mais aussi dans d'autres régions du monde. C'est que le reste du monde n'est pas aussi attaché à la rigidité monétaire que les Européens. Le magazine The Economist vient de sortir quelques graphiques sur son célèbre indice macroéconomique basé sur la comparaison du prix des Big Mac. Le but de cet indice est de sortir de l'illusion monétaire produite par les taux de changes flottants. Comme nous l'avions déjà expliqué, comparer le niveau de vie entre pays en se basant sur des PIB exprimés en dollar n'a aucun sens. En effet, les prix ne sont pas les mêmes partout et il peut se révéler très difficile de faire des comparaisons réaliste. C'est pour cela qu'à titre personnel j'utilise à minima les PIB exprimés en parité de pouvoir d'achat prenant en compte l'inflation pour comparer les pays. Mais même ainsi il y a des problèmes l'inflation n'étant pas forcément mesurée de la même manière suivant les pays. Les économistes ont tendance à prendre leurs indicateurs trop au sérieux, ce n'est malheureusement pas de la physique.

 

L'indice Big Mac consiste à comparer le prix du Big Mac suivant les pays. Étant donné que ces produits sont relativement standardisés suivant les pays, on peut en conclure que la comparaison des prix est valable à l'internationale. Donc en fonction de la quantité de Big Mac que les salariés d'un pays peuvent se payer en moyenne vous pouvez ainsi mesurer le pouvoir d'achat réel de chaque pays sans passer par la case illusion monétaire. Et bien grâce à cet indicateur The Economist vient de mesurer que la plupart des pays du monde ont des monnaies sous-évaluées par rapport au dollar. En gros, le niveau de vie dans beaucoup de pays est plus élevé que ce que la valeur en dollar dit de leur PIB/habitant. On le savait déjà le niveau de vie occidental est très largement surestimé, ou si l'on veut être poli, le niveau de vie de l'Asie en particulier est très largement sous-estimé. The Economist montre ainsi que le Yen est sous-estimé de 44%, le dollar taïwanais de près de 60%, le Yuan de 40% . À l'inverse l'euro est l'une des rares monnaies surestimées de 6,5%, le pire étant le franc suisse surestimé de 42%. Le rôle de monnaie de réserve et de refuge n'aidant probablement pas.

 

Alors comme toujours dans ce domaine, on peut dire c'est formidable, la monnaie surévaluée permet d'acheter moins cher des matières premières et des marchandises. Mais à l'inverse cela veut dire aussi que vos productions coûtent plus cher vis-à-vis de l'extérieur, donc vos producteurs en pâtissent. Rappelons que l'industrie européenne déjà pas très florissante depuis 20 ans commence à couler depuis l'explosion des prix de l'énergie. L'Allemagne qui avait bénéficié de l'euro, de la destruction de ses voisins et du gaz pas cher russe connaît maintenant une véritable désindustrialisation. L'expérience montre que les monnaies surévaluées produisent des catastrophes à long terme en détruisant les capacités productives. Les corrections arrivent ensuite et sont particulièrement violentes, l'exemple le plus significatif étant un pays comme l'Argentine qui navigue de krach en crise avec quelques courtes années de redressements depuis que ce pays a stupidement indexé sa monnaie sur le dollar dans les années 90. À l'inverse les pays qui sous-évaluent leur monnaie se portent généralement mieux même si cela veut dire qu'ils vivent probablement en dessous du niveau de vie qu'ils pourraient avoir. Cependant tant que la question du statut du dollar et de la monnaie internationale ne sera pas réglée, il est peu probable que nous revenions à un système monétaire plus équitable. Les grands perdants seront donc ceux qui rêvent d'un taux de change fixe dans un monde de change flottant, les Européens. Nous allons malheureusement nous réveiller bien dépourvus.

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5 août 2024 1 05 /08 /août /2024 16:01

 

La situation financière commence à inquiéter avec la très forte baisse des marchés financiers japonais. Il faut dire que la bourse japonaise vient de connaître sa plus forte baisse depuis 1987. C'est le résultat à court terme de la faible hausse des taux d'intérêt de la part de la banque centrale japonaise qui vient de rompre avec sa très longue politique de taux zéro. Cette politique des taux bas avait commencé suite aux crises des années 90. Les Japonais ont cependant probablement surestimé les effets des politiques des taux bas et sous-estimé les effets pervers dans une économie dérégulée et complètement incrustée dans la finance mondiale. En effet, si vous raisonnez en circuit économique fermé, la politique des taux bas peuvent augmenter l'endettement privé et participer à la relance d'une demande déprimée. Cependant dans une économie dérégulée sur le plan financier, les étrangers peuvent aussi emprunter chez vous. Depuis 2008, la Boj a maintenu ses taux d'intérêt à zéro, ce qui signifie que même aux USA et en Europe où les taux ont beaucoup baissé suite à la crise économique pour maintenir la demande, les taux restait nettement plus haut qu'au Japon. De fait, les spéculateurs avaient tout intérêt à emprunter en Yen pour prêter en dollar ou en euro.

 

C'est cette mécanique qui vient de se gripper avec la légère remontée des taux de la Boj à 0,25% provoquant un mini crack de la finance japonaise. Cependant comme vous le savez l'économie mondiale est relativement chancelante avec une Chine qui connaît une forte hausse du chômage et une Europe qui plonge dans la récession la France la première. Même les USA connaissent des difficultés malgré les énormes déficits et l'endettement gargantuesque dont nous avons parlé récemment. Cette crise financière pourrait être le déclencheur d'un effet en cascade typique des systèmes non gouvernables pour les connaisseurs de la science de l'automatique. Car la globalisation a comme caractéristique essentielle d'être sans gouvernail à son échelle. Certes, les USA ont depuis la mise en place de la globalisation servie d'état global en régulant la demande planétaire, mais ils sont désormais trop petits pour vraiment contrôler le système qu'ils ont fabriqué. La dérégulation économique planétaire a jeté l'ensemble des forces productives et des salariés dans une guerre économique sans merci dans les années 70. Et comme nous l'avons vu dans notre texte sur le mercantilisme, ou sur la croissance US, c'est bien l'endettement croissant de certains états qui accumulent les déficits commerciaux qui maintiennent un semblant de croissance mondiale depuis 50 ans.

 

Dès lors à chaque crise financière la panique arrive, car au fond les autorités des grandes banques centrales et du système financier savent pertinemment que le système global actuel n'est pas viable. Il ne tient que grâce à de grosses rustines financières contrôlées principalement par la Réserve fédérale américaine et au bon vouloir des gros pays à excédent comme les gros producteurs de matière première qui maintiennent artificiellement la valeur du dollar. Mais à chaque crise la peur de la perte de contrôle réapparaît. Cette nouvelle crise ne fait pas exception. Il est trop tôt pour dire si cette crise « japonaise » va s'exporter aux autres bourses même si la probabilité est très forte, le Japon faisant partie des plus gros détenteurs de dette américaine, surtout depuis que la Chine se débarrasse petit à petit de ses avoirs américains. Alors vous me direz que pour une fois la bourse s'alignerait sur la réalité économique de la planète qui n'est guère reluisante en particulier dans les anciens pays industriels largement en déclin.

 

 

C'est oublier un peu vite la contrainte dont je viens juste de parler. C'est l'endettement général qui permet le maintien d'un semblant de demande. En effet, la course à la globalisation a fait croître les dividendes des actionnaires, les bénéfices des multinationales, mais il a réduit la solvabilité des consommateurs. C'est d'autant plus vrai que le grand pays qui a profité de la globalisation, la Chine, n'a pas du tout fait croître sa demande au rythme de ses capacités de productions, conduisant le pays à accumuler excédent sur excédent. La Chine a ainsi un taux d'épargne grotesque frôlant les 50% du PIB. Et le pays atteint maintenant presque les 1000 milliards de dollars d'excédent commercial. Si les banques centrales des pays surendettés réduisent leurs injections de dette, le système pourrait simplement produire une panne générale de la demande mondiale entraînant des crises en cascade un peu partout sur la planète. Dans les pays mercantilistes déjà en crise comme la Chine ou pire l'Allemagne, le choc pourrait être terrible.

 

Remettre la finance dans sa bouteille nationale

 

Ces crises à répétition ne sont pas le fruit du hasard, mais le produit d'un système dysfonctionnel depuis le début. Les gens l'ont sûrement oublié et c'est peut-être aussi l'effet d'une ignorance volontairement organisé, mais le monde d'après guerre, celui des trente glorieuses a été aussi celui d'un monde sans crise financière. Et pourtant le monde d'après-guerre n'était pas un monde tranquille, il y a eu tout un tas de conflits militaires. Les pays européens ont dû faire face à la fin de leurs empires coloniaux et la France a même dû faire des guerres au Vietnam et en Algérie. Pourtant d'un point de vue économique tout était beaucoup plus stable. La bourse de Paris ne régissait pas vraiment l'économie nationale et peu de gens s’intéressaient réellement aux aventures boursières. Ce n'est qu'à l'arrivée des années 70 que la bourse a repris la place qu'elle tenait avant la crise de 1929 et la Seconde Guerre mondiale. C'est que le monde d'après-guerre avait une vision claire des effets de la bourse et de la finance. Aux USA les lois sur la séparation entre banque de dépôt et banques d'affaires avaient été mises en place sous Roosevelt. En France l'état empruntait à la banque de France pour investir et non sur les marchés financiers.

 

Les contrôles du change et les taxes sur la circulation financières avaient emprisonné le mauvais génie de la finance dans les frontières nationales. Keynes l'avait très bien expliqué à son époque, s'il était important de maîtriser les frontières commerciales pour éviter les grands déséquilibres, et permettre une régulation de l'économie avec le plein emploi, la finance devait elle être totalement autarcique. Il n'y a en réalité aucune raison pour faire appel à du capital étranger contrairement aux idées reçues. En effet, la seule chose qui demande des devises étrangères est le commerce extérieur. Si vous avez un déficit commercial avec un pays, vous êtes obligé d'emprunter de la monnaie de ce pays pour votre commerce. Mais ce problème après guerre avait été réglé par les droits de tirage spéciaux et la monnaie internationale qu'était le dollar garanti or. La question de la monnaie internationale est donc ici très forte, mais nous en avons déjà largement parlé dans d'autres textes. En dehors de cette question commerciale, il n'y a pas de raison pour faire appel à du capital étranger. Je vais vous apprendre un truc incroyable, mais le capital, ça se fabrique ex nihilo.

 

Après guerre la France était techniquement ruinée avec une énorme dette et pourtant le pays est reparti très vite. Comment fut-ce possible ? Simplement parce que l'état a émis la monnaie nécessaire au retour de la croissance économique. Si l'excès d'émission monétaire peut être mauvais et produire de l'inflation, la trop faible émission monétaire peut à l'inverse produire des dépressions et réduire l'activité d'un pays en deçà de ses capacités de production réelles. Si vous avez des personnes formées, des machines et de l'énergie pour répondre à vos besoins, il serait stupide de faire vivre votre population dans la misère simplement parce que vous n'avez pas le capital monétaire pour faire fonctionner votre économie. La financiarisation de ces 50 dernières années a fait croire à la population que le capital était une espèce de matériaux rare pour lequel on doit se battre dans une compétition planétaire se faisant à coup de défiscalisation, et de détérioration de l'état providence qui va avec. Il y aurait quelque part une mine productrice de capital et nous aurions tout intérêt à nous battre pour attirer ce capital rare sur nos terres en baissant les taxes au maximum. C'est tout simplement absurde. Les discours grotesques sur le besoin de cajoler financièrement les milliardaires allant dans le même sens.

 

Un pays qui maîtrise sa monnaie n'a pas besoin d'attirer des capitaux étrangers. Encore une fois, le seul besoin de capitaux que nous ayons est celui concernant le déficit de la balance des paiements. D'où l'importance qu'il y a à réindustrialiser, et à équilibrer la balance commerciale du pays. En dehors de ça, il suffit d'émettre la monnaie nécessaire au fonctionnement du pays sans excès pour que le système fonctionne sans capital étranger. Mieux que ça en fermant les frontières des capitaux et en remettant le contrôle des changes, vous mettez fin à l'évasion fiscale et à l'instabilité produites par les crises financières dont celle qui risque de nous tomber dessus avec les événements actuels. On aurait pu croire que la crise de 2008 aurait lancé les élites dans une réflexion minimale sur l'organisation économique de nos pays, mais il n'en a rien été. Elles ont juste mis le problème sous le tapis en balançant des milliers de milliards d'euros sur les marchés en endettant les puissances publiques et en prenant quelques mesurettes pour faire plaisir au contribuable mis à contribution lourdement.

 

Malheureusement, un système structurellement instable ne deviendra pas stable par magie. Il n'y a aucune raison à cela. D'autant que la planète échappe de plus en plus aux puissances occidentales en déclin rapide sous l'effet du libre-échange et de la désindustrialisation. Or les puissances montantes ne semblent pas vouloir remplacer l'occident et les USA en particulier en tant que régulateur mondial de l’activité économique. Une telle situation ne peut que produire à terme de plus en plus de crises. Il est plus que temps de réfléchir au fond et à la nature de notre modèle économique. Sans tomber dans les caricatures grotesques de la gauche pseudorévolutionnaire, le capitalisme globalisé où tout le monde achète ce qu'il veut n'importe où n'importe quand n'est qu'une machine à produire des crises, de la pauvreté et des inégalités. Ce globalisme libéral est aujourd'hui tout aussi malade que le modèle soviétique des années 70-80 et il est temps de s'en rendre compte pour essayer d'inventer autre chose en étant un peu pragmatique pour une fois.

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25 juillet 2024 4 25 /07 /juillet /2024 15:49

 

De nombreux économistes soulignent l'écart qui se creuse en termes de croissance entre l'Europe et les USA. Le décrochage européen n'est pas nouveau, il est d'ailleurs concomitant à la mise en place de l'euro même si rares sont les économistes à vouloir l'admettre, du moins chez les économistes médiatiques. Et le décrochage européen n'est pas qu'avec les USA, globalement l'UE est la lanterne rouge de la croissance mondiale depuis plus de vingt ans même si curieusement les médias qui nous vendent l'UE comme un miracle économique n'en parlent guère, et pour cause. Alors nous pourrions tout de suite expliquer ce décrochage par la nature de la monnaie unique. En effet, la zone euro n'est pas une zone monétaire optimale. Si en théorie le capital, le travail et les marchandises sont en libre circulation sur le territoire, il n'y a ni homogénéité fiscale ni homogénéité des salaires et du marché de l'emploi. Les territoires nationaux loin d'être complémentaire sont en compétition permanente pour attirer les capitaux et les productions chez eux.

 

Comparaison des comportements économiques entre les USA et l'UE
Le coût de l'euro pour les perdants

 

Cette concurrence salariale, fiscale et normative a entraîné le continent dans une course massive au moins-disant salarial dont les gagnants furent les pays à bas salaire d'un côté, et les paradis fiscaux de l'autre. Pour les pays perdant comme la France ou l'Italie les années 2000-2024 furent perdus sur le plan économique ces pays stagnant malgré une forte explosion de l'endettement dans le cas de la France. Rappelons qu'il y a même une étude allemande qui était parue en 2017 et qui avait estimé le coût des pertes de la monnaie unique pour la France à près de 60000 euros par français entre 1999 et 2017, c'était pire encore pour les Italiens. La situation depuis ne s'est certainement pas arrangée depuis, surtout avec l'arrivé d'Emmanuel Macron qui n'a fait qu'endetter le pays pour rien, tout en aggravant la situation industrielle du pays. On le voit, l'euro par nature a cassé la croissance du continent, et empêche certains pays de s'adapter à la situation économique globale par des variations monétaires. L'euro à lui seul peut expliquer la situation du continent, mais d'autres facteurs s'ajoutent à cela.

 

 

Le premier est l'obsession mercantiliste qui touche les élites allemandes et l'ensemble du continent par effet de domination idéologique et politique. Nous avons récemment parlé du mercantilisme. Une politique qui doit être impérativement combattue. Cette obsession de l'accumulation d'excédents commerciaux est en soi problématique, puisque pourvoyeuse de crises chez les pays déficitaires. Contrairement à ce que pensait François Mitterrand, tous les pays du monde ne peuvent pas dégager d'excédent en même temps. Les excédents des uns faisant les déficits des autres, il est bien évident qu'un monde équilibré et sans crise ne peut advenir que si tous les pays du monde équilibrent à peu près leur balance des paiements sur une certaine période. Or il y a eu un grand changement avec l'arrivée de l'euro en 1999, l'UE et la zone euro sont petit à petit devenues des zones d'excédent commercial. L'euro qui a favorisé l'économie allemande a aussi comme caractéristique d'être sous-évalué pour l'économie allemande permettant à ce pays d'accumuler des excédents énormes. En temps normal le deutsche mark se serait réévalué par rapport au dollar et aux autres monnaies du monde. Mais l'euro étant une monnaie partagée par l'ensemble de la zone euro, les autres pays, moins performant sur le plan commercial, ont tiré l'euro vers le bas en quelque sorte.

 

Le résultat fut cette étrange situation qui a fait de l'une des plus grosses zones économiques de la planète une zone mécaniquement excédentaire vivant en dessous du niveau de vie qu'elle pourrait avoir en réalité depuis 20 ans au moins. La zone euro a en quelque sorte plombé l'économie mondiale en s'acharnant à vouloir accumuler des excédents. Mais le plus grave c'est que tout ceci n'est pas le produit d'une véritable politique, c'est la nature même de la construction européenne qui conduit cette structure à ce comportement malthusien. Ajoutons à l'euro l'obsession pour les équilibres budgétaires même en cas de récession. En effet alors que l'UE est à nouveau en marche vers la dépression, les autorités européennes multiplient les remontrances à l’égard des quelques pays qui dépassent les limites des 3% . Rappelons que cette limite des 3% fut un choix totalement arbitraire pris à l'époque pour faire plaisir aux Allemands et les inciter à faire la monnaie unique. On ne rappellera jamais assez le caractère totalement fantaisiste et irrationnel de la construction européenne. À l'heure actuelle si l'UE était gérée par des gens compétents et non des bureaucrates engoncés dans leurs croyances ésotériques, la Commission européenne sermonnerait l'Allemagne et l'inciterait à dépenser plus et à consommer plus au lieu de taper sur la France. Comme l'avait très bien vu Keynes, c'est les pays qui accumulent les excédents le problème, pas ceux qui ont trop de déficits. Une Allemagne relançant sa demande intérieure prendrait son rôle de leader au sérieux, ce qui n'est malheureusement pas le cas. Il y aurait pourtant tant à faire dans ce pays comme un vaste plan de relance de la natalité par des politiques familiales généreuses.

Les USA et la croissance à crédit

 

L'UE est donc devenue avec l'euro une zone structurellement excédentaire cherchant sa croissance dans la demande extérieure. Elle n'est pas la seule à fonctionner ainsi, la Chine est dans une situation similaire. C'est même pire dans son cas, car les excédents gonflent de plus en plus. Si dans le cas de l'Allemagne on peut y voir l'effet d'une idéologie de l'excédent comme le produit d'une pensée économique erroné, dans le cas de la Chine il s'agit très clairement d'une stratégie de puissance. La Chine utilisant globalement la même approche que l'Empire britannique au 19e siècle. Car les excédents chinois mettent le pays dans une situation de domination financière et commerciale absolue vis-à-vis de leurs débiteurs. Au milieu de cette guerre commercial entre un bloc européen suicidaire et une Chine conquérante, il y a les USA et leur empire du consommateur en dernier ressort comme l'avait dénommé Emmanuel Todd dans son vieux classique « Après l'Empire ». Tout se passe en effet comme si au milieu de cette lutte pour des excédents commerciaux les USA étaient la seule région à s’inquiéter plutôt de la demande globale.

 

On pourrait ici discuter longuement sur cette vision économique américaine. Les USA ont une vision économique plutôt néolibérale depuis 50 ans, mais ce pays reste profondément marqué par la crise de 1929. Il faut rappeler que pour les USA cette crise fut un événement plus important que les deux guerres mondiales. De leur point de vue la crise de 1929 fut un peu une vision de fin du monde dans un pays qui consacre le matérialisme et l'économie comme des fondamentaux absolus de la nation. L'idée même de se retrouver dans une situation de dépression économique et de chômage massif les terrifie. C'est sans doute cette aversion qui les a poussés à ne jamais aller au bout des délires néolibéraux. En effet depuis les années 70 malgré la domination absolue des idéaux néolibéraux sur la vision économique des élites, les USA n'ont jamais hésité à lutter contre l’affaiblissement de la demande national par les dépenses publiques sous une forme ou sous une autre. Il faut dire aussi que leur statut monétaire les a largement protégés des conséquences en matière d'inflation et de fuite de capitaux en régime de libre circulation des capitaux.

 

 

Mais voilà même aux USA les effets des politiques keynésiennes s'estompent avec l'ouverture aux échanges de plus en plus grands. C'est un graphique venant de The Kobeissi Letter qui résume le problème. Le multiplicateur keynésien est désormais inférieur à un. Il faut maintenant pratiquement deux dollars de dette supplémentaires pour fournir un point de PIB en plus. En 1960 un dollar de dette en plus produisait 8 $ de PIB en plus, vous voyez la chute. Ce phénomène est facile à expliquer si l'on comprend que la logique de la relance keynésienne suppose que le marché ainsi régulé produit la majeure partie de ce qui est consommé par le pays. Quand vous faites une dépense supplémentaire, vous nourrissez la consommation et si les consommateurs achètent des produits locaux l'argent circule dans l'économie. C'est la fameuse formule du multiplicateur keynésien K =1/(1-p) p étant la propension à consommer. Évidemment si vos consommateurs préfèrent consommer les produits importés, le multiplicateur baisse. On peut voir d'ailleurs deux trajectoires nationales intéressantes et opposées en ce moment même. D'un côté les USA qui même avec quelques mesures protectionnistes reste un pays qui importe beaucoup et qui voient leur multiplicateur keynésien tomber nettement en dessous de un. Et le l'autre la Russie qui sous les effets des mesures commerciales se retrouvent à devoir produire elle-même tout ce qu'elle consomme se retrouvant avec un multiplicateur keynésien largement au-dessus de un.

 

Si les USA ont effectivement encore un bon réflexe en matière macroéconomique, ils sont désormais dans une contradiction macroéconomique qui va leur demander de choisir. Ils ne vont plus pouvoir continuer à relancer leur économie sans s’inquiéter pour leur dette extérieure et intérieure gigantesque. Si les plans de relance augmentent moins vite le PIB que la dette, vous avez un problème croissant. Pour l'instant, les USA sembleraient s'orienter vers une politique plus protectionniste, mais c'est encore assez timide, car comme nous l'avons vu, ils cherchent plus à nuire à la Chine qu'à vraiment réindustrialiser. Mais on peut sérieusement se demander à quoi va ressembler à l'avenir l'économie mondiale avec deux gros blocs (l'UE et la Chine) cherchant pour des raisons différentes à accumuler des excédents commerciaux croissants.

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