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2 novembre 2022 3 02 /11 /novembre /2022 16:11

 

Une grande partie des Français a été choquée par le mouvement radical qui s'est constitué contre la construction de bassine de retenue d'eau des Deux-Sèvres . Alors que la France subissait déjà les contrecoups de l'influence des mesures écologiques prises dans le domaine de l'énergie depuis plus de trente ans, voilà que les Français découvrent stupéfait que les mouvements écologistes peuvent aller jusqu'à la violence extrême pour obtenir se qu'ils désirent. Et cela alors que les projets de bassines ont suivi les contraintes démocratiques classiques avec autorisation préfectorale. Les projets ont été plusieurs fois réévalués, les agriculteurs ont été associés au projet qui consiste simplement à stocker de l'eau lors des périodes plus riches en eau en prévision des périodes sèches, rien de nouveau ou de révolutionnaire en somme . Au passage, la civilisation maya pratiquait déjà le stockage d'eau dans le Yucatan . Cette civilisation avait même pour particularité d'avoir construit son lieu de développement sans fleuves, uniquement grâce au stockage des eaux de pluie lors des saisons humides qui ruisselait dans des canaux traversant toutes les villes mayas. Comme quoi cette question du stockage de l'eau pour faire face aux variations climatiques n'est pas vraiment nouvelle.

 

Alors pourquoi cette violence écologiste alors que les projets ont déjà mit de l'eau dans leur vin ? Parce que le mouvement en question porte en lui une vérité révélée, il se bat pour le bien, celui de la terre et de l'avenir de l'humanité. Et pour un partage de l'eau équitable. Tout du moins, c'est ce que semblent croire , le verbe est important, les gens qui participent à ces mouvements. Et il en va de même pour tous la plupart des mouvements écologistes. Plus généralement, nous constatons depuis quelques décennies un durcissement des positions sur tout un tas de sujets et pas seulement sur la question écologique. Le mouvement Woke aux USA a lui-même fourni une grande vague de ces sujets sur lesquels il ne saurait y avoir d'avis divergent ou de tête qui dépasse. Mais alors que l'occident s'est toujours targué d'être le défenseur de la liberté d'expression , de la liberté de penser, comment se fait-il qu'aujourd'hui elle se restreigne, qu'elle recule ? Le gouvernement français qui a fait fermer la chaîne russe RT ou qui vient de couper le sifflet au site de streaming vidéo Rumble parce qu'ils n'allaient pas dans le sens que voudrait l'état français montre la dérive d'autant que cela ne choque plus personne chez les prétendus journalistes français. Les universités elles-mêmes font la chasse aux sorcières des enseignants qui ne daignent pas coller à la nouvelle doxa intellectuelle.

 

En un sens, c'est symptomatique de la dérive générale en occident. L'on ne veut plus sortir de son milieu intellectuel fermé. On ne veut plus entendre une opinion autre que la sienne et lorsque cela arrive, les personnes s’agacent, elles ne donnent pas d'arguments et en viennent souvent à l'affrontement. C'est d'autant plus choquant pour un français qui a connu un peu la France des années 70-80 où tout se disait et où l'on cherchait même souvent la confrontation intellectuelle. Que s'est-il donc passé depuis ? Pourquoi est-il aujourd'hui aussi difficile d'avoir un avis divergent, quel que soit le sujet ? On pourrait parler du Covid, de la guerre en Ukraine, ou de la politique énergétique, à chaque fois on tombe dans l'excès dans un sens ou dans l'autre . Nous pourrions ici parler du rôle néfaste des médias, je l'ai déjà fait dans un texte précédent. Ils jouent effectivement un rôle important dans la montée aux extrêmes dans tous les sens du terme. Ils embrument généralement les débats plus qu'ils ne les éclairent. Mais le fond est probablement ailleurs. Nos sociétés sont fragilisées, les individus sont réduits à eux même. Et l'absence de structure collective forte comme pouvait l'être la religion ou les partis politiques d'autrefois, les pousse à chercher du collectif autrement. C'est probablement l'anomie structurelle de nos sociétés et la réaction des individus à celle-ci qui produit ces phénomènes. Et c'est chez un auteur pourtant écologiste que l'on va chercher une réponse satisfaisante à ce questionnement, Jacques Ellul.

 

Du triomphe de l'anomie au retour du religieux

 

Jacques Ellul est un auteur prolifique et important pour les questions les plus importantes du monde moderne. Son livre « Le Grand Bluff technologique » reste une critique acerbe et tout à fait intéressante du système technicien dans lequel nous vivons. La récente affaire du Covid et du lien de corruption entre l'industrie pharmaceutique et la médecine peuvent largement s'expliquer par la vision du système technicien tel que nous le décrivait Jacques Ellul. Mais si cet auteur a beaucoup parlé de l'industrie, de l'écologie et des limites du progrès tel que nous le concevons, il a aussi bien décrit l'étrange époque dans laquelle nous sommes. Dans son livre « Les nouveaux possédés », il nous dépeint un occident qui n'est pas en voie de devenir athée, mais bien au contraire un occident en voie de redevenir païen. Loin d'avoir libéré l'homme, l'effondrement de la croyance religieuse classique, chrétienne dans nos contrées, aurait poussé l'homme à croire à de nouvelles fariboles. Lorsque Ellul écrit cela, nous sommes dans les années 70 et il s'étonne alors du retour des médecines dites traditionnelles, de la cartomancie, de l'astrologie, etc. Ce retour des croyances primitives prenait alors un aspect des plus primitifs. À cela s'ajoutaient aussi les phénomènes des idoles, qu'elles soient musicales, télévisuelles ou sportives. Le simple fait que l'on ait nommé cela des idoles en dit plus longuement qu'un long discours sur le lien avec les phénomènes religieux.

 

Alors est-ce que cela signifie que les gens croient à nouveau réellement dans ces choses, dans les esprits, dans les fantômes, dans la magie ou dans les extraterrestres ? Probablement pas en fait, mais comme le disait Ellul cela donne du sens commun, une référence commune, voir même une culture commune. Le retour du religieux dans la modernité ne concerne pas tant que ça le besoin d'irrationalité face à une science qui malgré le fait qu’elle semble expliquer beaucoup de choses admet aussi qu'elle ne sait et ne peut pas tout. C'est avant tout le besoin de collectif que viennent remplir ces nouvelles croyances. Elles fournissent un langage commun à ceux qui participent à la croyance, et elle devient quasiment identitaire. Il suffit d'avoir croisé des végans extrêmes par exemple pour savoir que beaucoup de choses chez eux se réfèrent à leur croyance végan. Le comportement alimentaire bien sûr, mais aussi le comportement vestimentaire, le comportement éducatif et même les liens sociaux les plus basiques comme la façon de parler ou de se coiffer. Ils sont aussi souvent très prosélytes et ne comprennent pas que vous n'adhériez pas à leurs visions des choses. Tel un témoin de Jéhovah, ils vous regardent souvent de haut. Les végans sont un cas extrême évidemment, mais ils véhiculent bien le caractère religieux de ces comportements. S'ils ne sont pas de la même obédience, ils ne sont pas si éloignés que ça des salafistes issues, eux, d'une ancienne religion. Loin d'être uniquement le support d'une idée, la croyance est avant tout ici le véhicule du lien social. Elle permet de se reconnaître chez l'autre et donc de faire cause commune et de faire société. Les phénomènes de modes comme les tatouages ou les phénomènes musicaux relèvent aussi de ce type de mécanisme. La plupart des gens ne regardent pas le foot par intérêt réel, mais parce qu'il permet de créer du lien avec les collègues au travail.

 

En offrant un langage commun, des références communes, la religion, la croyance collective, fait la société, elle rend possible la vie commune. Donc quand vous vous attaquez à ça, vous créez une attaque d'une violence inouïe pour les membres de cette communauté, car vous remettez en cause ce qui les socialise. Et cela même si vous avez parfaitement raison, la question de la rationalité d'entre pas ici en ligne de compte. L'on voit ici le problème de nos sociétés modernes. Autrefois la croyance en France c'était le christianisme et même les athées de l'époque avaient pour langage commun et comme ennemie une seule chose, la croyance chrétienne . Cela donnait du sens à notre société . Tout le monde chez les croyants allait à la messe, pendant que les athées se réunissaient contre elle . Cela structurait la société qu'on soit pour ou contre. Et pendant que le langage commun organisait la vie sociale, les sujets sérieux pouvaient être abordés collectivement de façon rationnelle, parfois avec des engueulades bien sûr, mais aussi à coup d'arguments construits et d'études scientifiques. La religion, le lien collectif et la vie politique étaient réellement séparés. Malheureusement, la mort réelle du christianisme a également laissé les athées et les laïcs bien esseulés. L'agonie de la croyance collective est un phénomène ancien surtout en France. Emmanuel Todd pense, probablement à juste titre, que c'est l'effondrement de la croyance religieuse qui provoqua la Révolution française puisque la monarchie s'appuyait sur la croyance chrétienne. Donc les premières religions de substitution sont apparues et ont commencé à apparaître à cette époque.

 

Le nationalisme excessif, le libéralisme, le communisme sont des mouvements qui dans un sens à un moment donné de l'histoire ont pris des atours de religion. En définitive, toute idée, toute pensée, tout phénomène peut devenir religieux à partir du moment où il devient commun à nombre de personnes. Quand Marx écrit le Capital, il ne tient pas à en faire une bible et pourtant des millions de gens vont en faire une religion sans dieu. Le penseur le plus rationnel et le plus attaché à la recherche de la réalité et à la méthode scientifique peut se voir dépasser par sa création lorsque celle-ci devient le jouet de lien collectif. C'est tout le problème du monde actuel, en ayant perdu ses repères traditionnels l'occident a en quelque sorte perdu la boule. Chaque sujet peut se voir transformer en guerre religieuse entre croyant et non-croyant, entre hérétiques et orthodoxes. Des sujets aussi sérieux que l'économie, l'énergie, la politique migratoire ou la géopolitique deviennent des prétextes à la reconnaissance communautaire de groupe religieux. Tu es poutinien si tu ne critiques pas la Russie en tout lieu, tu es anti-russe si tu ne soutiens pas Poutine. Tu n'es pas pour le vaccin anti-Covid de Pfizer alors tu es un anti-science et un anti-vaccin. On le voit, les sujets à discorde sont nombreux, et pour cause, n'importe quoi peut alimenter ce phénomène. Et pour couronner le tout, les médias comme on l'a vu aggravent la situation pour ne pas dire qu'ils y participent. L'être humain aime faire partie d'un groupe, c'est dans sa nature, mais il est bien malheureux que l'Occidental moderne ait troqué ses appartenances classiques pour en revenir à un paganisme à géométrie variable. C'est qu'il est bien difficile de diriger une société dans laquelle nul sujet ne peut être pensé en dehors du cadre d'un affrontement dogmatique manichéen.

 

Le capitalisme exploite les nouvelles religions

 

Mais si ce phénomène de montée aux extrêmes et de guerre religieuse s'avère être une catastrophe pour la société en général, il n'en va pas de même pour les capitalistes et les marchands de tapis. L'on pourrait ici remarquer que les médias de masse adorent les affrontements cultuels. C'est bankable comme on dit communément. Plus généralement, le commerce communautaire est en plein boom. Le plus voyant celui du communautarisme musulman est extrêmement rentable avec le hallal qui est désormais sur toutes nos étales, alors même que le hallal est une invention de l'Iran des années 70 qui n'a rien de traditionnel dans l'islam, mais passons ce détail. Le séparatisme nutritionnel participant au séparatisme spatial et culturel qui monte dans les banlieues françaises. Le bio et la nourriture végane font faire des superprofits à l'agro-industrie. Les tatoueurs font une masse de revenus sur une mode qui fera probablement passer ses adeptes pour des imbéciles quand ils auront 70 ans . Mais ce n'est pas grave, les dermatologues feront fortune ensuite. Et comble de l'invention idéologique moderne, voilà que le wokisme a créé de toute pièce un super business sur les opérations de changement de sexe que l'on ne saurait critiquer. Attention à vous si vous avez le malheur de dire qu'un homme à qui on coupe les testicules ne devient pas une femme, même avec des hormones, mais un eunuque.

 

Ces diverses modes, ces mouvements de croyances forment un tissu complexe de relations humaines qui s'entrechoquent et rendent la société littéralement ingouvernable. Impossible de faire vivre réellement des croyants de l'islam salafistes avec des transsexuels LGBT . Le capitalisme des communautés encourage par intérêt financier un phénomène qui disloque en réalité le tissu social et participe à sa fragmentation . Mais ce phénomène ne sera probablement pas éternel, il n'est certainement que transitoire un peu comme la multiplication des sectes chrétiennes avant le concile de Nicée. Ce phénomène affaiblit de toute façon progressivement l'occident . Incapable de prendre une direction rationnelle mue comme il l'est par des modes religieuses passagères, à l'image des conflits entre iconoclastes et iconodoules dans l'Empire romain d'Orient. Mais comme les conflits religieux de cette époque, cela pourrait bien lui être fatal à long terme.

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