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22 juin 2023 4 22 /06 /juin /2023 16:14

 

J'ai lu récemment un argument de monsieur Delamarche, un économiste plutôt libéral si j'en crois son passif, mais qui critique souvent le gouvernement actuel et l'Europe. Malheureusement il le fait souvent pour de mauvaises raisons à mes yeux. Dernièrement dans l'une de ses émissions, il a affirmé que les USA faisaient une attaque contre l'UE et il en déduisait à mon avis de façon un peu trop rapide que les USA voulaient détruire l'UE et l'euro. S'il est évident que la crise en Ukraine et l'affaire Nordstream sont directement des attaques contre les pays européens, en particulier l'Allemagne que les USA voulaient séparer totalement de la Russie. Il est par contre beaucoup moins évident de voir dans cela l'envie des USA de déstructurer l'UE et l'euro. Car en vérité, la construction européenne est elle-même le produit d'une volonté américaine. On l'a déjà dit et c'est quelque chose d'assez connu, les pères fondateurs de l'Europe étaient des proaméricains qui ne s'en sont d'ailleurs jamais cachés.

 

Robert Schuman qui a voté les plein pouvoir à Pétain, faut-il le rappeler, était carrément le représentant des intérêts américains dans l'Europe d'après-guerre. C'est sous leur influence qu'il participera à la signature de tous les traités européens. Jean Monnet l'autre « grand » de la construction européenne était carrément banquier aux USA. Il était un ennemi politique acharné de de Gaulle et il voulait dissoudre la France dans « les États-Unis d'Europe ». Les USA ne se sont donc jamais opposés à la construction européenne bien au contraire. Il est beaucoup plus facile de dominer un ensemble soumis à la même structure bureaucratique qu'un ensemble de peuples disparates aux intérêts contradictoires. Les USA ont d'ailleurs très vite compris que les intérêts divergents des Européens les obligeraient toujours à faire appel à eux pour résoudre in fine leurs différends. Et loin d'avoir renforcé le continent, la construction européenne l'a considérablement affaibli comme nous allons le voir tout de suite. Quoiqu'il en soit, il est absurde de penser que les USA font tout pour détruire l'UE, ce n'est absolument pas dans leur intérêt. Ils ont d'ailleurs globalement condamné le Brexit, même si par nature la Grande-Bretagne reste totalement leur vassal.

 

L'euro quant à lui n'a jamais représenté une menace. Mal conçue dès le départ, cette monnaie a surtout cassé définitivement la croissance économique du continent. Or en affaiblissant la dynamique économique, les Européens ne sont plus assez fort pour avoir le courage d'une indépendance par rapport aux USA. On l'a vu dans l'affaire ukrainienne. Les Européens suivent les USA même lorsque leurs actions sont largement en leur défaveur. Je ne parlerai pas non plus de l'incroyable mouvement de corruption à l'intérieur des instances européennes. Washington a totalement vérolé l'institution qui ne fonctionne plus que dans l'intérêt des USA et de leurs entreprises. Les USA seraient donc bien idiots de favoriser le retour à l'indépendance des nations européennes vis-à-vis de l'UE.

 

La panne économique européenne

Contrairement à une idée reçue l'Allemagne aussi a connu un ralentissement économique depuis l'euro

Pour en revenir à notre sujet de base pourquoi l'UE a-t-elle affaibli le continent ? Ce n'est pas forcément évident à comprendre, beaucoup de gens croient au principe que l'union fait la force. Mais ils oublient que parfois une alliance ou une union mal conçue peut tout au contraire affaiblir un groupe. Des dissensions permanentes, une incapacité à faire passer l’intérêt général devant ses propres intérêts peuvent avoir des conséquences dramatiques pour une alliance ou une union et rendre celle-ci fortement contre-productive. Et c'est exactement ce qui s'est passé avec la construction européenne. Certains pays, dont l'Allemagne, ont fait une stratégie non coopérative au sein de l'UE. Ils se sont servis de cette dernière, non pour accroître l'indépendance du continent, mais simplement pour faire valoir leurs propres intérêts à court terme. Les pays qui ont joué le jeu de l'Europe à l'image de la France se sont donc retrouvés perdant de la construction européenne. Si la structure même de l'UE et de l'euro était mauvaise, il faut bien rappeler aussi que le comportement de certains pays dont la première puissance du continent n'a pas été pour rien dans cet échec.

 

Le grand ralentissement économique de l'euro

 

Je rappelle tout de même que la baisse des salaires en Allemagne a eu lieu à l'époque de la mise en place des lois Hartz entre 2003 et 2005 c'est-à-dire au lendemain de la mise en place de l'euro. Il était donc clair que la stratégie allemande était de détruire l'industrie française et italienne. Ce fut donc une stratégie non coopérative évidente de la part de l'Allemagne. Cependant même si les participants à l'UE et à l'euro avaient réellement joué le jeu de la coopération, il est très probable que la situation se serait quand même dégradée. C'est d'ailleurs une chose que l'on souligne rarement, l'UE ne souffre pas seulement de l'égoïsme à courte vue de certains de ses membres, c'est la structure même de l'UE et de l'euro qui casse la croissance et la dynamique économique de plusieurs façons.

 

Les processus d'unification économique ne sont pas nouveaux loin de là. La France elle-même a subi une unification économique qui a d'ailleurs été défavorable à certaines régions et favorisé la concertation des richesses dans d'autres. Et cela malgré l'homogénéité relative du pays en termes de culture de langue de niveau de vie et même en prenant en compte la grande solidarité nationale. Nous le savons aujourd'hui, les territoires sont fortement inégaux sur le plan géographique et une unification monétaire et politique peut faire amplifier considérablement ces inégalités, même petites au départ. Il n'y avait donc aucune chance pour que la construction européenne échappe à cette réalité historique. Même sans parler des différences en terme purement économique, nous avons vu par exemple dans mon texte concernant l’asymétrie commerciale que la situation du commerce fluviale favorisait naturellement l'Allemagne, les Pays-Bas et l'Europe de l'Est en termes de coût de transport. La suppression des frontières a donc naturellement favorisé la localisation de l'industrie dans ces régions fluviales et cela a tué nos propres ports puisque le premier port de transport de marchandises français n'est même plus en France, mais en Belgique. L'UE a donc structurellement concentré les richesses et l'industrie dans certains endroits. Pas de chance, la France n'avait pas la géographie qui lui aurait permis de sortir son épingle du jeu.

 

Cependant à la différence d'une vraie nation, même si théoriquement l'UE n'a plus de frontières intérieures, il reste les frontières culturelles et linguistiques. Donc à la différence des unifications nationales historiques l'on ne voit pas les grands mouvements de population qui aurait dû suivre l'industrie. En gros si l'industrie va en Allemagne, la population française aurait dû aller y vivre pour continuer à bosser. Mais voilà, les Allemands sont des Allemands, et les Français ne parlent pas l'allemand. L'unification européenne a donc produit une concentration d'activité dans certains lieux sans produire la demande qui allait avec. En effet en allant vivre en Allemagne, les Européens qui auraient fait le chemin auraient donc eu des salaires et auraient consommé, tirant ainsi la croissance de l'Allemagne et du continent. Au lieu de cela ils sont restés en grande majorité dans leurs pays désindustrialisés. Le problème a été partiellement corrigé par les aides sociales, le chômage et la dette des pays désindustrialisés. Mais on voit bien qu'il s'agit là d'un problème d'absence de cohérence du système européen. L'UE produit naturellement des pays surendettés qui finiront par faire faillite sans produire une croissance forte dans les pays qui bénéficient de la structure européenne. On remarquera que ce phénomène favorise aussi le mercantilisme des pays gagnants du système. Puisque la demande intérieure européenne est cassée par l'unification, alors il est naturel que les pays industriels cherchent une demande à l'extérieur de la zone. Ce qui explique le mercantilisme obsessionnel de l'Allemagne et de quelques autres membres de l'UE.

 

J'ajouterais à cela la technostructure européenne d'une lenteur invraisemblable et qui est en réalité une surcouche bureaucratique bien inutile. La France a-t-elle vraiment besoin de nourrir tout un aréopage de fonctionnaires européens pour faire sa politique agricole ? Nous n'aurions dû faire à l'échelle européenne que les choses pour lesquelles il était plus économique de faire les choses ensemble. Au lieu de cela, la bureaucratie européenne a cherché à étendre toujours plus son domaine de gestion jusqu'à ne plus rien laisser aux états membres. Nos élites ont cherché pendant 40 ans à faire de la décentralisation en France pour théoriquement mieux gérer un pays trop centralisé, alors qu'étrangement dans le même temps ils ont centralisé des politiques nationales fonctionnelles à l'échelon européen. Les rendant ainsi plus coûteuses et moins efficientes . Il est d'ailleurs assez drôle de penser que c'est Giscard le Girondin refoulé qui a le plus œuvré pour cette concentration à l'échelle du continent.

 

L'autre facteur de crise est l'euro . C'est même lui qui a le plus accéléré la dégradation de l'économie continentale. On voit clairement un ralentissement économique à partir de la mise en place de la monnaie unique. Les problèmes évidents de l'euro avaient été prédits par nombre d'économistes de tous les courants d'ailleurs. La zone euro n'étant pas une zone monétaire optimale, nous courions vers la catastrophe. En effet, il faut bien comprendre que dans la globalisation économique et financière actuelle la monnaie était devenue le dernier instrument de régulation du commerce extérieur. Grâce à la dévaluation, un pays ayant des déficits commerciaux pouvait améliorer sa compétitivité externe et donc réduire ses excédents. À l'inverse, un pays accumulant des excédants voyait sa monnaie s'apprécier, ce qui avait tendance à réduire ses mêmes excédents en le rendant moins compétitif. L'unification monétaire empêche cela et conduit donc à des déséquilibres permanents que ce soit en termes de déficit ou d'excédent. En plus, l'euro a un taux de change qui va être la résultante de la moyenne européenne par rapport à l'exercice extérieur de la zone euro. Il sera donc souvent trop fort pour la France et beaucoup trop faible pour l'Allemagne nourrissant mécaniquement les graves problèmes des pays déficitaires.

 

Ces inconvénients monétaires, ou ces avantages monétaires s'ajoutent bien évidemment aux problématiques précédentes de mon texte. Ajoutons aussi que l'ajustement monétaire était un moyen de gérer simplement les grandes différences qui existent entre les démographies du continent ainsi que les différentiels d'inflation. Pour résumer, en matière monétaire et économique, il est plus simple d'avoir plein d'instruments pour gérer des situations disparates plutôt que n'en avoir qu'un seul. L'idée européenne au fond était une idée stupide qui consistait à croire qu'en minimisant le nombre d'instruments et d'outils à disposition des hommes politiques nous arriverions à mieux gérer nos nations. Seulement, voilà dans le monde réel avec une seule monnaie, il est impossible de répondre aux besoins de chaque nation. Avec une seule politique de taux d'intérêt, il est bien difficile de gérer des inflations qui varient du simple au triple suivant les nations. Avec une seule politique économique, il est bien difficile de gérer à la fois des pays qui sont en manque d'effectif pour leurs entreprises, pendant que d'autres croulent sous le chômage. Non vraiment, l'Europe fonctionnerait bien mieux sans l'UE et sans l'euro, car alors chaque nation aurait alors des réponses bien mieux adaptées à ses propres problèmes.

 

 

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