Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
6 juillet 2023 4 06 /07 /juillet /2023 14:56

 

Alors que les signes de récession se multiplient, que l'inflation chute rapidement, la BCE continue à vouloir augmenter ses taux directeurs. Or comme le note le Financial Times, l'inflation en zone euro devient négative en moyenne annuelle. Contrairement au discours ambiant, l'inflation que nous avons connue n'avait pour ainsi dire aucun rapport avec les politiques monétaires menées contrairement à ce que beaucoup racontent sur le net et dans les médias. Il s'agit là d'une des idées reçues du libéralisme le plus répandu. Contrairement aux idées reçues, l'inflation n'est pas forcément le produit d'une politique monétaire expansive, loin de là. Comme nous l'avons vu récemment les bénéfices de certaines entreprises, le marché européen de l'énergie et les sanctions stupides sur la Russie ont eu nettement plus d'effets sur l'inflation que les politiques monétaires. Par contre, la hausse des taux d'intérêt, elle, a bien eu un effet dépressif. En effet, nombre de pays européens vivent grâce à des bulles immobilières et la hausse des taux a condamné en réalité ces activités. Ce n'est pas forcément une mauvaise chose à long terme puisqu'il fallait bien crever la bulle. Mais cela va avoir des conséquences importantes sur la demande et donc sur la croissance globale en Europe.

 

L'Europe va donc redécouvrir que déflation rime avec récession. L'hypothèse d'un Bruno Lemaire génial qui avait prévu la récession et donc la déflation pour faire des emprunts indexés sur l'inflation se réalise. Quoique la baisse des recettes fiscales produite par une déflation compensera malheureusement probablement les éventuelles économies que nous ferions sur une baisse de la dette concomitante avec la déflation des OAT indexées sur l'inflation. Trêve de plaisanterie, il semble donc bien que nous nous dirigions vers une grave récession. Le tout sur fond de crise générale et de méfiance de plus en plus forte vis-à-vis de l'avenir. Les émeutes récentes dont nous avons longuement parlé précédemment n'arrangeant pas une situation particulièrement morose. D'ailleurs comme l'avait si bien décrit Keynes, cet esprit morose se voit dans la course à l'épargne. Si le taux a baissé après l'épisode délirant du COVID, il reste à des niveaux élevés. C'est d'autant plus étrange que l'inflation a plutôt tendance à faire perdre du pouvoir d'achat aux épargnants, car rares sont ceux à avoir une épargne dont le taux est supérieur à l'inflation que nous avons connu récemment. Mais contrairement aux axiomes de base du libéralisme, les individus ne sont pas forcément rationnels. En tous cas, ce n'est pas rationnel dans le sens de l'optimisation économique. D'autres facteurs rentrent en compte comme la peur, le pessimisme ou le manque de confiance dans les institutions. L'épargne apparaît alors comme un moyen de sécuriser l'avenir, au cas où une catastrophe nous tomberait dessus.

 

 

 

Ce sont avant tout des mécanismes psychologiques complexes qui régissent le comportement des individus. Des comportements que même des spécialistes ont souvent du mal à décrire ou à prévoir. Penser donc en termes d'homoeconomicus optimiseur de son taux de profit et de son intérêt économique semble bien réducteur pour décrire une réalité bien plus complexe. Les crises ont au moins une qualité, elles nous rappellent régulièrement à quel point l'économie tel qu'elle est pratiquée aujourd'hui, n'est pas une science. Une métaphysique tout au plus, au sens que lui donnait Auguste Comte, mais certainement pas une science. En effet, les multiples incohérences entre les thèses de l'économie dominante et les faits observés devraient instantanément invalider ces thèses si les économistes avaient réellement un comportement scientifique. Or ce n'est pas le cas. Nous avons donc un taux d'épargne qui reste élevé alors même que l'inflation est très forte, ce qui est un comportement irrationnel d'un point de vue purement économique. L'homoeconomicus libéral  vient de trépasser en Europe de l'Ouest.

 

L'euro met parterre les théories néoclassiques

 

Nous avons déjà longuement parlé des effets de l'euro en matière macroéconomique. Le fait d'avoir un seul instrument pour gérer des peuples aux besoins très disparates rend l'exercice pénible, pour ne pas dire impossible même pour le plus talentueux des économistes. Et la crise actuelle montre une nouvelle fois les effets délétères de cette monnaie unique. En effet, les taux d'inflation ont fortement divergé entre les pays européens. Ainsi de l'Espagne en Italie on passe du simple au double en termes d'inflation. Donc quel est le bon taux d'intérêt à pratiquer pour la BCE ? Évidemment elle va appliquer un taux d'intérêt qui sera adapté à la moyenne de l'inflation de la zone euro. Et donc un taux d'intérêt qui ne sera bon ni pour l'Espagne ni pour l'Italie, car il sera trop fort pour la première et trop faible pour la seconde. Je me rends compte que malheureusement il est plus simple d'expliquer en pratique les méfaits de l'euro pendant les crises. Si chacune de ces nations avait gardé sa monnaie, son taux directeur serait donc bien mieux adapté à son contexte.

 

La divergence des taux d'inflation en zone euro en 2022

 

Mais en réalité le plus étonnant c'est bien que malgré le fait qu'ils partagent la même monnaie les Européens n'ont pas la même inflation. De la même manière qu'en pratique ils ne peuvent pas vraiment emprunter au même taux sur les marchés financiers, ce qui fait dire à certains que l'euro est une fausse monnaie unique, il n'y a pas eu non plus de convergence sur les taux d'inflation. Cela prouve ici l'invalidité de l'idée d'une inflation uniquement produite par les politiques monétaires. En effet si tel était le cas nous aurions eu depuis la création de l'euro une fusion des taux d'inflation en Europe . Or rien de tout ceci ne s'est produit. Chaque nation continue d'avoir ses propres spécificités en dépit de l'unification monétaire. Montrant ainsi en pratique la validité des thèses qui disent que ce sont les nations qui font les monnaies et non l'inverse comme on put bêtement le croire les européistes. Comme pendant la crise de 2008-2010, la sortie de l'euro devrait être une évidence, mais entre les médias de masse aux mains de quelques intérêts privés ou les hommes politiques déconnectés dont le seul but est d'affirmer qu'ils n'ont jamais tort. Je vois mal la situation s'orienter rapidement dans cette direction.

 

Partager cet article
Repost0

commentaires