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17 juillet 2023 1 17 /07 /juillet /2023 15:50

 

Un graphique très intéressant vient d'être publié sur un comparatif en termes d'évolution des salaires au sein de l'OCDE. Il inclut bien évidemment les effets de l'inflation . Et bien, surprise, il semble que ce soit la Belgique qui s'en sorte le mieux. C'est étonnant parce que ce pays a osé braver la doxa libérale qui lie stupidement hausse des salaires et inflation par la vieille idée stupide qui veut que la hausse des salaires alimente automatiquement l'inflation produisant la fameuse boucle prix-salaire. Ces thèses qui sont fausses, héritées de la fameuse courbe de Phillips dont on a déjà parlé, et qui sont assénées comme des vérités intangibles depuis 40 ans, sont une nouvelle fois prises au dépourvu par rapport à la réalité observée. Évidemment cela ne remettra pas en cause les politiques économiques menées, car les économistes officiels et les hommes politiques ne s'intéressent pas vraiment à la véracité des théories qu'ils emploient. Leurs objectifs sont ailleurs, c'est avant tout la défense des intérêts de leurs propres classes sociales. Et puis il faut bien dire que reconnaître comme fausses toutes les théories sur lesquelles ils fondent leurs politiques, ou sur lesquelles a été fondé la construction européenne dans son entièreté, ce serait remettre en question leurs propres compétences. Ne doutons donc guère sur l'influence que de telles données pourraient avoir politiquement parlant.

 

 

Normalement si l'économie était une véritable science, les thèses qui sont contredites à ce point par l'observation seraient immédiatement invalidées, mais ce n'est jamais le cas. Cela fait malheureusement longtemps que l'économie préfère les récits cohérents d'un point de vue logique à la méthode scientifique. Si l'on devait se référer à la hiérarchisation de l'évolution de la pensée d'Auguste Comte, je dirais que la pensée économique est restée au stade de la métaphysique, elle a même l'apparence parfois du stade précédent, celui du monothéisme religieux. Ainsi les économistes préfèrent de jolis récits logiques à une réalité complexe qui n'entre souvent dans aucun schéma facilement prédictible. Mais un véritable rapport scientifique à la réalité nécessite d'admettre son impuissance parfois à comprendre ou prédire un phénomène. Un véritable homme de science préfère dire " je ne sais pas" , plutôt que de dire qu'il sait quelque chose qu'il ignore. Tout ceci ne serait pas bien grave si les économistes se contentaient de faire des raisonnements en forme de robinsonnade dans leur coin, malheureusement leurs thèses non scientifiques sont employées dans le monde réel et cause d'innombrables catastrophes. Aux USA, il semble cependant que les autorités commencent à prendre un peu moins au sérieux la « science » économique et ce n'est pas plus mal. Même si toute la pensée économique n'est pas forcément à jeter bien évidemment.

 

Pour en revenir à notre cas belge, il est donc évident que ce pays remet en question la fameuse courbe de Phillips par sa situation même si ce n'était évidemment pas l'objectif du gouvernement belge qui souhaitait simplement défendre l'intérêt de ses citoyens en les protégeant de l'inflation. Il ressort donc de ces observations que l'inflation en Belgique, malgré la décision d'indexer les salaires sur cette dernière, ne fut pas plus forte que dans les autres pays de l'OCDE ou de la zone euro. Elle a même fortement ralenti exactement comme dans le reste de la zone euro. Au mois de juin, l'inflation en Belgique est ainsi retombée à 4,15%. Comme je l'ai dit dans un texte précédent, les mesures de la BCE sont parties d'un mauvais diagnostic et vont probablement provoquer une récession à laquelle la Belgique n'échappera probablement pas. On risque donc d'aller vers une déflation assez rapidement. Mais l'on constate empiriquement que le lien supposé entre inflation et hausse des salaires est loin d'être aussi évident ou aussi direct que ce que les économistes mainstream ont pu croire. Il reste cependant à voir les effets sur la balance commerciale. Car si l'engrenage entre hausse de l'inflation et salaire n'est pas évident, on peut se demander quels effets une hausse salariale de ce type peut produire sur la balance commerciale.

 

Inflation Belgique

La Belgique connaissait déjà depuis la crise du COVID un déficit de la balance commerciale. Le système belge indexe les salaires sur l'inflation depuis longtemps, depuis 1920 plus exactement. Il faut rappeler aussi que c'était également le cas de la France pendant les trente glorieuses. Cependant depuis 40 ans nos pays vivent en régime de libre-échange, on peut donc légitimement craindre qu'un tel mécanisme engendre automatiquement une dégradation de la balance commerciale en cas de forte inflation. Cependant là encore la Belgique semble casser les prédictions si la balance commerciale reste négative, ce qui n'est pas une bonne chose en soi, on ne note pas une dégradation de la balance commerciale suite à l'épisode inflationniste que nous venons de vivre. Encore une fois, on a ici la preuve que ce n'est pas parce quelque chose est logique, que c'est vrai dans le monde réel. Et c'est bien ce qui différencie un raisonnement scientifique d'un raisonnement métaphysique. La méthode scientifique s'appuie d'abord sur l'observation, peu importe si on n'a pas d'explication logique à y apporter. Comme disait Keynes quand les faits changent, je change mon point de vue, peu importe si cela paraît au premier abord illogique.

 

 

D'ailleurs alors que nous sortons d'un épisode de forte inflation petit à petit que peut-on constater sur les effets pratiques de ce phénomène ? Et bien tout d'abord qu'il a été accompagné d'une assez forte croissance économique. Cela n'a guère été noté, mais pour la première fois depuis extrêmement longtemps la croissance économique de la zone euro a été plus forte que la croissance mondiale. Un petit détail qui casse un peu l'idée que l'inflation c'est le drame. Bien sûr cette situation ne va pas durer puisque la BCE a comme seule mission d'enrayer l'inflation par ses supposées efficaces mesures de hausse des taux d’intérêt. Ensuite, on en a déjà parlé, mais cette inflation a désendetté les états. Parce que le PIB a grippé plus vite que les dettes en valeur absolues. S'en suit que la part de la dette dans le PIB a baissé par rapport à la situation préinflationniste confirme l'effet bien connu de l'inflation par les économistes keynésiens. L'inflation ronge bien les dettes et les rentes quoiqu'en disent les libertariens qui pullulent sur le web français. Au final, si les Français ont été bien éduqués depuis 40ans pour avoir une peur viscérale de l'inflation l'épisode récent devrait quand même faire réfléchir un peu nos citoyens. L'expérience historique au contraire des récits libéraux nous dit que sans inflation la situation économique est mauvaise. Il vaut mieux avoir une inflation à 3% et des salaires qui grimpent de 4% qu'une inflation à 2% et des salaires qui stagnent. Je crains cependant que cet épisode anormal que nous avons connu et qui est surtout la conséquence des mesures anti-COVID ne serve pas à changer le récit officiel concernant l'inflation. La peur de la hausse des prix est malheureusement trop ancrée dans la tête des Européens.

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