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31 juillet 2023 1 31 /07 /juillet /2023 16:09

 

La crise actuelle au Niger que beaucoup de gens ont vu comme un signe de la fin de la Françafrique n'a pas du tout la même signification à mes yeux. Je sais qu'il s'agit ici d'un sujet épineux et controversé, les passions qui gouvernent excessivement les modernes tendant à transformer les faits dans un sens plus conforme à leur imaginaire. Nous vivons dans une époque où les récits semblent avoir plus d'importance que les faits et la réalité. C'est vrai dans tous les domaines qu'ils soient politiques, économiques, scientifiques ou même culturels. Nos présupposés confortables qui nous permettent de décrire le monde deviennent prépondérants sur ce que l'on observe en réalité. On l'a vu dans le cas de la guerre en Ukraine avec cet incroyable écart qu'il y a entre l'imaginaire des médias, des élites occidentales, et la réalité de terrain. La Russie ne s'est pas effondrée, et c'est même l'Europe de l'Ouest qui s'effondre économiquement. On en a parlé également sur les questions économiques en nous demandant si les USA étaient réellement encore la première puissance économique de la planète dans ce texte. Il était assez évident en prenant en compte tous les facteurs que la Chine est déjà la première puissance mondiale. Mais nous devons admettre qu'il y a une difficulté à accepter ces réalités, particulièrement dans les grands médias.

 

La Françafrique est morte depuis longtemps

 

Il en va de même pour les rapports que nous avons avec les anciennes colonies françaises. Des deux côtés des fantasmes demeurent qui décrivent bien souvent un monde qui n'existe pas, ou qui n'existe plus s'il n’a jamais vraiment existé. Je n'écrirais pas ici une ode à la colonisation pour simplement avoir le plaisir de contredire les discours gauchistes sur les questions coloniales. De nombreux historiens ont déjà parlé de ces questions qui ont fait couler beaucoup d'encre. Est-ce que la colonisation fut un désastre pour l'Afrique ou pas ? La question reste à trancher, il est indéniable que le grand problème de la colonisation de l'Afrique fut la création de nations artificielles, produites non par l'histoire des populations locales, mais par les besoins des nations colonisatrices. Paul Bairoch qui a longtemps écrit sur le sujet a souligné le fait que si l'Afrique a clairement souffert de la colonisation, les pays l'ayant pratiqué n'en ont pas vraiment tiré bénéfice. La colonisation de l'Afrique contrairement à la colonisation de l’Amérique fut un coût pur pour les pays qui l'ont pratiqué. C'est ce qu'il avait écrit dans ses livres parlant du sujet, dont le plus célèbre, Mythes et Paradoxes de l'histoire économique. On pourrait également citer Jacques Marseille qui avait montré que le colonialisme fut un obstacle au développement économique des pays qui l'ont pratiqué. Le raisonnement simpliste qui veut donc que les bénéfices des uns se fassent au détriment des autres est ici fortement discutable. Certains Français et certaines familles se sont enrichis par la colonisation, mais la France non.

 

Paradoxalement, le plus grand mal que la colonisation a pu faire est également son plus grand apport, celui de la médecine moderne. En effet, la médecine européenne va faire s'effondrer la mortalité en Afrique, ce qui est en soi une bonne action, et pourtant c'est cette même bénédiction qui va plonger le continent dans la misère. Comme je l'ai expliqué à de nombreuses reprises, la transition démographique est un des principaux pourvoyeurs de prospérité. Cependant dans le cas africain la baisse de la mortalité a été tellement rapide, et la fécondité de base du continent tellement élevée, que cela a engendré une croissance de la population difficilement gérable même avec tout le talent du monde. En 1900, le continent n'avait que 80 millions d'habitants alors que la France en faisait 45. Aujourd'hui, l'Afrique fait 1,2 milliard d'habitants. C'est une croissance absolument invraisemblable qui aurait mis à genou n'importe quelle organisation sociale ou économique. C'est là encore ce que Paul Bairoch soulignait dans un de ses autres livres « Le tiers-monde dans l'impasse ». On a ici la démonstration qu'une action qui n'était pas mauvaise ni dans ses intentions ni dans sa pratique s'est révélée à long terme désastreuse pour le continent. Vous voyez ici que la réalité est beaucoup plus complexe qu'une affaire manichéenne de grands méchants colonisateurs. L'Afrique ne doit pas plus sa misère à sa fainéantise, comme certains extrémistes de droite le disent parfois, qu'à la méchante colonisation de la vision gauchiste. C'est le fruit de diverses conditions qui ont conduit à la déstructuration. Heureusement, le continent a entamé vraiment sa transition démographique et on peut espérer à terme une amélioration de la situation des Africains. La fin de la transition démographique pourrait d'ailleurs participer à terme à une normalisation des rapports avec les anciennes puissances coloniales. Moins de peur d'invasion démographique d'un côté, et un rattrapage économique de l'autre mettant fin aux contentieux de l'autre.

 

Pour en revenir à notre sujet allons-nous condamner les colonisateurs français et anglais pour avoir réduit la mortalité infantile de l'Afrique parce que cela a conduit le continent à une transition démographique trop rapide? Évidement non, ce serait amorale. Il aurait probablement mieux valu que les Européens ne mettent jamais les pieds sur ce continent, mais on ne peut pas refaire l'histoire. Quoiqu'il en soit depuis quelques décennies déjà les états africains sont indépendants, la grande partie de la décolonisation a eu lieu dans les années 60. Et c'est postérieurement à cette date que l'on a parlé de Françafrique pour décrire les liens qui sont restés entre les anciennes colonies et la France. Mais la Françafrique est essentiellement une construction mentale de gauche, si c'est l'invention d'un journaliste français du journal l'Aurore. C'est la gauche qui va dépeindre ces relations comme une forme de maintient de l'empire colonial français. Mais comme on va le voir en chiffre la réalité c'est que la Françafrique est vraiment quelque chose qui appartient au passé.

 

La France est un bouc émissaire facile

 

La France est un pays en déclin rapide. Un déclin dont l'origine est essentiellement démographique. Je ne parlerai pas ici de ça, mais le simple fait que la France soit passée de 45 millions à 68 millions d'habitants alors que dans le même temps l'Afrique est passée de 80 millions à 1,2 milliard d'habitants explique les changements de rapport entre la France et ses ex-colonies. Sur le plan macroéconomique, l'Afrique ne représente plus que 5% de nos exportations (0,6% pour la zone CFA). À l'inverse la France ne représente plus que 7% des exportations africaines. D'autres pays pèsent largement plus que nous dans cette région du monde à commencer par la Chine qui mange littéralement le continent petit à petit. La Chine a accaparé une grande partie de la production minière africaine. Une simple carte expliquera bien mieux qu'un long discours sur le côté fantasmagorique de la Françafrique. La Chine est désormais le principal partenaire commercial de l'Afrique et de très loin. Il y a aujourd’hui près de un million de chinois en Afrique, bien plus que de ressortissants français. Si la Françafrique avait réellement existé, pensez-vous sérieusement que nos élites auraient laissé faire cet accaparement ? Pour moi la Françafrique est donc essentiellement une construction intellectuelle de gauche, un résidu de la période décoloniale dont certains n'ont pas encore compris qu'elle était finie depuis longtemps. La France est un petit pays qui a quelques restes de son époque glorieuse, mais rien d'autre. Et avec Macron elle a même fini par perdre ses quelques restes de crédibilité internationale.

 

 

Alors pourquoi cette haine de la France ? Certains nous expliquent que la France soutiendrait les dictateurs et qu'il s'agirait de la principale raison. Comme si la Chine ou la Russie ou les autres nations ne soutenaient pas des dictateurs dans tel ou tel pays de la planète. On évitera de citer les Anglo-saxons dont c'est la spécialité. La vérité c'est que la France obéit la plupart du temps au régime en place. La plupart des interventions françaises en Afrique ont été faites sur la demande des pays concernés comme ce fut le cas au Mali. Nous ferions peut-être mieux ne plus du tout intervenir en Afrique, mais dire qu'il s'agit d'une pure action française en oubliant les demandes des dirigeants locaux c'est un peu déformer la réalité. Il ne s'agit pas ici de défendre tout le temps les actions de nos dirigeants, mais je commence à m'agacer du fait de nous mettre sur le dos tous les conflits de ce continent comme cela a pu être le cas avec l'affaire de la guerre au Rwanda.

 

La vérité à mon sens c'est qu'elle est surtout un bouc émissaire facile à utiliser dans les médias. S'il y a de la corruption dans certains pays, est-ce de la faute de celui qui corrompt, ou de celui qui est corrompu ? Je critique souvent notre avachissement face aux USA ou à l'Allemagne, mais je souligne aussi que les principaux responsables de notre avachissement sont les élites françaises elles-mêmes. Et les Français sont en grande partie responsables de leur malheur puisqu'ils remettent sans arrêt au pouvoir des gens qui pillent leur propre pays. C'est la même chose en Afrique même si les situations sont disparates suivant les nations. En Algérie par exemple, il est extrêmement clair que la francophobie gouvernementale dont font montre les autorités est utilisée essentiellement pour des questions intérieures. Accuser la France de tous les maux est un exutoire facile pour éviter d'avoir à parler des mauvaises politiques pratiquées ou des choix douteux qui sont faits par les dirigeants. Et le grand avantage c'est que la France est un pays faible dont en plus les dirigeants n'hésitent pas à vomir l'histoire et la culture. Détester la France ne coûte donc pas grand-chose et permet de se faire bien voir par une population engluer dans l'imaginaire du passé. Le tout avec des idéologues de gauche qui expliquent que tous les problèmes africains viennent de la colonisation européenne et française.

 

Je sais que mon propos pourra choquer certain, mais il est à mon sens important de remettre les choses dans leur contexte et de ne pas tomber non plus dans des positions trop manichéennes et radicales. On peut clairement voir la main de Moscou dans les événements récents et c'est de bonne guerre puisque la France a soutenu l'Ukraine contre ses propres intérêts d'ailleurs. La Russie ne fait que profiter d'un climat général antifrançais dans ces pays. Mais ce climat ne reflète pas une réalité tangible, c'est bien plus souvent un fantasme basé sur les actions passées supposées d'une partie de la population de ces pays. D'un point de vue factuel l'Afrique et la France ont déjà divorcé depuis longtemps, il ne reste que quelques liens humains plus ou moins épars et surtout une énorme population africaine installés sur le sol français. La francophonie elle-même tendra petit à petit à disparaître non seulement parce que les locaux veulent s'en débarrasser, mais surtout parce que la langue française n'est plus une langue importante que ce soit pour l'économie, les sciences ou la culture. Ma défense de la France dans cette affaire ne tient pas à une position impérialiste loin de là. Je pense même que notre pays ferait mieux de réduire au minimum ses rapports avec les anciennes colonies pour réduire les fantasmes locaux. Mais je n’adhérerai jamais à un discours visant à faire de notre nation le monstre qu'elle n'a jamais été. Surtout dans un contexte où l'on voit d'autres puissances utiliser ces fantasmes pour défendre leur propre précarré comme la Russie, la Chine ou les USA.

 

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commentaires

D
On aurait pu essayer une politique de developpement qui profite à toutes les parties.<br /> Tous les investissements productifs auraient pu être remboursés par la France à condition que les achats sont faits à des entreprises françaises. Ca ne couterait rien puisque l'argent revient dans l'economie française. <br /> Si ces pays sont trop peuplés pour obtenir un effet visible sur la durée d'une géneration, on pourrait créer des ilôts de prosperité qui seraient des modeles pour le reste du pays. Tous les services publics que l'on trouve en France serait presents, hopitaux et transports notamment. Les industriels investiraient plus volontiers. <br /> L'immigration se dirigerait vers ces zones, sans avoir à se depayser, à faire des demarches administratives... La diaspora d'Europe pourrait même être attirée, et faire profiter le pays de leur formation. Je pense que l'immigration ne cherche pas que de l'argent, mais un ensemble de choses qui rendent la vie plus confortable et sure.<br /> Après tout les emirs du golfe ont les moyens de lancer des projets de villes nouvelles de plusieurs millions d'habitants. On pourrait se passer bien sur, du côté "m'as tu vu" et hors sol.<br /> En tous cas, c'est ce qu'on aurait pu faire il y'a 20 ou 30 ans quand la France était capable de produire des biens d'équipement. J'avoues ne pas savoir si ce serait possible actuellement.
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Y
C'est compliqué. Je pense personnellement qu'il aurait mieux valu couper les ponts pour un moment. Qu'on essaie de faire les choses bien ou pas il y aurait quand même eu du ressentiment même irrationnel. C'est dans la nature humaine. D'autant que les élites locales n'hésitent pas à se servir de la France pour se défendre de leurs propres erreurs. Quand au développement tant que la transition démographique n'est pas fortement avancé le développement est quasiment impossible. Créer des ilots c'est possible en théorie mais c'est bon pour des pays fortement administrés et organisés comme la Chine. Créer un tel système dans des pays africains aurait créé de la colère et de la jalousie probablement.