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3 août 2023 4 03 /08 /août /2023 16:25

 

 

Frédéric Lordon s'est lâché dans son dernier texte sur son blog. Il s'est lâché, mais à mon sens il s'est largement fourvoyé en passant d'un rôle d'intellectuel plutôt spécialisé dans l'économie puisque c'est sa formation et son métier à penseur gauchiste un poil caricatural. Alors je préciserai en préambule que je n'ai rien contre Lordon à la base. Personnellement, je lis tout le monde y compris les gens de gauche, et j'ai souvent apprécié ses analyses économiques même si son style d'écriture est souvent fastidieux à lire. Mais il a aussi ses travers et je trouve que dernièrement son enfermement idéologique à la gauche de la gauche à rabougri son intellect sans vouloir être méchant. Je préférais le Lordon qui écrivait sur la globalisation et la finance, que le Lordon décrivant une France fasciste hautement fantasmagorique. Car Frédéric Lordon dans son dernier texte fait sans le vouloir une apologie du concept de lunette sociologique cher à Pierre Bourdieu. Il a une vision du monde qu'il colle sur la réalité sans même se soucier un instant de la véracité de ses propos. Trop enfermé dans le monde de la gauche pourrissante française, il ne voit plus le réel que dans ses dogmes littéralement. Voyant dans la police un organe uniquement raciste ne comprenant peut-être pas que les policiers ne sont guère racistes, mais que la réalité les fait probablement détester l'immigration plus qu'aucun discours de Marine Le Pen. Encore faudrait-il que monsieur Lordon comme tous les donneurs de leçon de gauche aient un jour mis les pieds dans les quartiers et vécu ce que vivent bon nombre de Français à longueur d'année. Quand l'essentiel des agressions sont perpétrés par des gens d'origine extraeuropéenne, cela produit une réaction normale du corps policier. Vous avez plus de chance d'être contrôlé par la police quand vous êtes basané parce que statistiquement il y a beaucoup plus de crime qui provient de ces populations. Ce n'est pas un hasard si l'on a aujourd'hui beaucoup plus d’aumôniers musulmans dans les prisons que chrétiens. L'inversion accusatoire de la gauche est un non-sens absolu et les dernières émeutes que la gauche a voulu grossièrement confondre avec des mouvements sociaux ont encore une fois prouvé cette malheureuse réalité française.

 

Comme je l'ai dit dans mon texte sur ces émeutes, on peut très bien expliquer la situation avec une analyse nuancée. Le fait que les jeunes garçons d'origine africaine pour faire large ont un échec scolaire largement plus élevé que les garçons français explique probablement largement la fuite dans l'économie souterraine propice à la violence. Ce n'est donc pas directement l'immigration qui est responsable de la forte délinquance et de l'effondrement des quartiers dits « sensibles ». Mais elle est clairement un facteur important qui joue et jouera encore dans les décennies qui viennent. Malheureusement, la gauche qui fait du clientélisme électoral vis-à-vis des populations immigrées qui sont un électorat captif, a tout intérêt à nier cette réalité comme le prônait la célèbre fondation Terra Nova. Mais les fonctionnaires de l’état voient la réalité, pas seulement la police d'ailleurs, tous les gens qui sont en contact avec le public et la masse. Que dire à des médecins, infirmières, pompiers ou enseignants qui sont régulièrement victimes de la violence dans ces quartiers ? Qu'ils sont racistes parce que leurs yeux voient ce qu'ils voient ? Monsieur Lordon, vous croyez que c'est par racisme que les enseignants fuient la Seine Saint-Denis? Ou bien simplement pour éviter les agressions à répétition et avoir une vie plus tranquille ? Il en va de même pour la police qui n'a que trop conscience de ces réalités tribales qui font aujourd'hui le lit du quotidien des Français.

 

Pour monsieur Lordon donc la police est raciste, c'est acté puisqu'elle a eu le malheur de tirer sur un jeune d'origine étrangère. On oubliera subitement les nécessités de l'enquête pour mesurer la part du vrai et du faux ainsi que le contexte. On juge sans savoir en quelque sorte, et les critiques que la gauche fait régulièrement contre la droite, parfois à raison, elle montre ici qu'elle ne se l'applique pas à elle-même dans ce cas. Le policier a-t-il tiré parce que le jeune était d'origine étrangère ou parce que son comportement a poussé le policier à agir ? Il ne faut jamais avoir été dans une situation difficile pour croire que l'on agit toujours de façon rationnelle et posée. Mais évacuons cette affaire et parlons des manifestations. La police a été brutale sur les manifestants des gilets jaunes ou pendant les manifestations sur les retraites, était-ce par racisme aussi ? Les minorités ethniques étaient pourtant assez peu représentées dans ces manifestations et pourtant la police n'y a pas été de main morte, c'est le moins qu'on puisse dire. Et j'objecterai au passage sur la comparaison faite entre les dernières émeutes de petits cons de banlieue et les manifestants réels des gilets jaunes aux questions sur les retraites. Ces phénomènes n'avaient rigoureusement rien à voir. Et l'on a constaté d'ailleurs que l'état mettait plus de moyens pour contrôler de vrais manifestants que pour lutter contre la voyoucratie et le lumpenprolétariat caractéristique des émeutes. Il ne s'agit pas ici d'excuser tous les actes de policier. Ce sont des humains comme les autres et l'on peut y voir aussi des abrutis et des gens violents. Et la justice doit effectivement être exemplaire sur les agents de l'État. Car plus que tout autre citoyen ils sont les garants de la vie collective. Mais utiliser des faits divers pour jeter l'opprobre sur toute une profession qualifiée de raciste, c'est plus que grotesque. C'est d'autant plus vrai que la police française est infiniment moins violente que la plupart des polices de l'OCDE. S’il est vrai que l'Angleterre fait mieux que nous en termes de mort par des policiers nous faisons nettement mieux que l'Autriche, la Nouvelle-Zélande, le Canada, et ne parlons pas des champions toute catégorie, les USA. Quand on regarde les chiffres réels, on relativise le discours sur la violence policière française. Mais le réel intéresse-t-il monsieur Lordon qui veut sa petite révolution, j'en doute ?

 

Si la police française est ultraviolente que dire de celle du Canada ou des USA?

 

La France est surtout en danger de nihilisme

 

Passons maintenant au cœur de ce qu'il y a dans l'esprit de monsieur Lordon et probablement de ce qu'il y a à gauche, enfin pas tout la gauche puisque visiblement le PCF de monsieur Fabien Roussel est aujourd'hui d'extrême droite s'il faut en croire le texte de Lordon. La dérive fasciste de l'état français. Alors puisque le pouvoir macronien ne tient plus qu'à sa police c'est la police qui détient le véritable pouvoir, et la confusion du pouvoir entraînerait une dérive fasciste de l'état français. Je suis le premier à critiquer Macron et sa politique. Ce type est un désastre, et son gouvernement un ramassis d'incompétents et de traîtres corrompus. Mais le fascisme c'est vraiment autre chose. À dire vrai je ne comprends pas bien ces anachronismes dans l'époque actuelle. Le fascisme est un phénomène étroitement lié à une forme de nationalisme dévoyé. Qu'il fut promu par la bourgeoisie ne signifie pas que le contexte français actuel puisse produire le même type de dérive. Certes, ce sont les mêmes couches sociales qui dominent la France actuelle d'une main de fer. Mais le libéralisme culturel et économique a broyé toute forme d'amour nationale permettant de produire même un patriotisme minimal de survie. Alors produire un nationalisme de type fasciste c'est encore moins probable. La triste vérité c'est que l'amour de la patrie est tellement faible en France que même un mouvement de défense minimal des intérêts du pays y est impossible. C'est ce qui explique la grande faiblesse économique du pays d'ailleurs.

 

À mon humble avis, Lordon et la gauche française en générale souffrent de trouble d'analyse lié à son trop grand enfermement idéologique. À force de n'écouter que les gens avec qui ils sont d'accord, ils ont fini par ne plus penser du tout. C'est comme cela qu'on se retrouve avec des Sandrine Rousseau comme représentants politiques. Ils collent des plaques idéologiques à une réalité qui n'a rien à voir avec ce que l'on observe. La France de 2023 n'est pas l'Italie ou l'Allemagne des années 30. C'est un pays exsangue, sans corps collectif et sans croyance. Nous ne souffrons pas d'un excès de nationalisme détourné par une petite élite qui le transforme en fascisme, nous souffrons d'une absence de croyance collective. C'est l'anomie qui frappe les citoyens français et qui a tué la politique. Les partis fascistes à leur grande époque rassemblaient des millions d’individus, aujourd’hui les partis politiques, même les plus grands, peinent à recruter et se retrouvent avec une qualité de personnel fortement diminuée. La seule chose qui rassemble encore la population française ce sont des activités éparses comme le travail, les loisirs et les quelques événements locaux qui subsistent. L’individualisme excessif hérité de 40 ans de néolibéralisme a tout balayé. Dans ce contexte-là, il n'y a absolument aucune chance pour qu'un mouvement fasciste puisse advenir.

 

C'est d'ailleurs ce manque de croyance collective et de mouvement collectif qui paralyse aussi le pays. Le Macronisme n'est pas une force politique, c'est la résultante de l'absence de force politique dans le pays, il n'existe que parce qu'il n'y a rien en face. Il est l'ombre de l'ancienne politique qui existait jusqu'alors, une sorte de résidu politique fusion du PS, RPR, UDF. C’est l'incarnation du néant individualiste. Comme le disait Montesquieu, à la fin de la sa vie, dans une république mourante qui n'a plus le sens du patriotisme, les gens se servent au lieu de servir. Il n'y a plus de sens de l'intérêt général, c'est le chacun pour soi. Nous sommes dans ce stade-là et pas dans un stade préfasciste. Le mouvement de la police et les mouvements corporatistes prennent tout leur sens ici. Ce sont les dernières structures collectives qui permettent encore à l'individu de s'incarner dans quelque chose. On a donc le corps policier, le corps de la grande administration, le corps enseignant, le corps patronal, etc.. Et chacun de ces corps défend uniquement son bout de gras et ne voit que l'intérêt de son propre collectif. C'était la même chose lors des manifestations, au final chacun ne voyait que son propre intérêt à court terme, et personne n'est plus capable d'accepter qu'il y est un intérêt collectif qui lui soit parfois supérieur. Là est la grande maladie de notre temps et en définitive, je pense d'ailleurs que c'est plus mortel pour un peuple que le fascisme essentiellement fantasmé de l'extrême gauche.

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commentaires

D
Le danger fasciste existe, c'est l'alliance de la gauche, des Verts et des Centristes. Les régions qui votent centriste, donc les régions les plus opposées à la révolution française, ont porté Macron au pouvoir, soutenus par les plus âgés de cette génération-là. Macron est élu par les vieux qui vont disparaître petit-à-petit, la gauche ne peut plus gagner les élections principales, ne reste que leur alliance. Ce serait l'union de la petite bourgeoisie girondine. <br /> Cette alliance paraît peu probable mais ils n'ont jamais eu d'adversaires sérieux devant eux. Ils ont fait tomber de Gaulle, par exemple.
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