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20 novembre 2023 1 20 /11 /novembre /2023 16:06

 

Nous avons régulièrement parlé sur ce blog des questions démographiques. Vous le savez maintenant, l'avenir de l'humanité n'est pas un avenir à la « soleil vert », c'est-à-dire un monde surpeuplé sans aucune ressource notamment alimentaire, au point de manger ses vieux sous forme de pastille, mais plutôt un monde de vieillards décrépits dans une société en voie de dépopulation rapide. Je ne suis pas le premier à écrire sur le sujet bien évidemment. C'est d'ailleurs John Manyard Keynes qui fut le premier à vraiment réfléchir sur la question du déclin démographique sur l'économie. Il fut l'un des rares penseurs à réfléchir à un déclin à long terme des populations dans un monde qui ne cessait pourtant de croître. Ce fut tout à son honneur de penser le monde d'après qui commençait à poindre en Grande-Bretagne son pays natal lorsqu'il écrivit sur le sujet, mais aussi dans la déjà vieille France voisine qui avait déjà passé sa transition démographique bien avant tout le monde. Si le mythe malthusien d'une humanité condamnée à la misère par la surpopulation avait décliné après la guerre devant le constat d'un génie humain semblant plus fort que les raisonnements bassement comptables du malthusianisme. La prévision de Keynes sur une Grande-Bretagne en déclin démographique était par contre bien vraie.

 

Soleil Vert le Film qui a accompagné les délires malthusiens du club de Rome

 

La baisse de la population mondiale n'est bien évidemment pas pour tout de suite. La natalité de la planète est d'ailleurs encore supérieure au seuil de renouvellement à 2,3 enfants par femme environ, mais cela baisse vite. Si l'évolution se maintient au rythme de ces dernières années, on devrait voir la natalité mondiale tomber en dessous du seuil de 2,1 dans les dix ans qui viennent. C'est-à-dire demain pour ainsi dire. Alors bien évidemment les spécialistes de plateau télé vont ressortir les discours sur la nécessité de l'immigration pour compenser. Mais ils n'ont pas vraiment réalisé qu'à long terme plus personne n'aura de main-d’œuvre à proposer pour compenser les populations vieillissantes des anciens pays riches. Au-delà de la question de l'assimilation de ces populations et des problèmes que cela peut générer, il y a un simple problème d’arithmétique. Vers 2050, il n'y aura simplement plus de territoires à forte natalité dans le monde et susceptibles de fournir de la main-d’œuvre. Du reste, les pays encore jeunes à cette époque seront sûrement en plein boom économique et auront encore moins envie de fournir de la main-d’œuvre à un occident décrépi. Il suffit d'observer aujourd'hui des pays comme le Vietnam qui était encore il y a peu de temps un fournisseur de main-d’œuvre immigrée, mais qui est maintenant un pays dynamique qui récupère de plus en plus de jeunes d'origine vietnamienne qui ont grandi dans d'autres nations. Rien n'interdit de penser que beaucoup d'immigrés vivant actuellement en France pourraient simplement quitter le pays pour rentrer dans leur pays d'origine avec de meilleures perspectives économiques à l'avenir. Étant donné l'état de la France et les faibles perspectives du pays, ce ne serait pas très étonnant à terme.

 

On le voit donc, la solution qui consiste à tricher avec la pyramide des âges en important de la main-d’œuvre et en jouant un peu les négriers des temps modernes n'a pas d'avenir. Chose étonnante, le discours que je tiens ici a été pour une fois tenu sur la revue de droite conservatrice Causeur. Les commentaires sous l'article furent gratinés, les lecteurs de cette revue étant convaincus que la France finira en Califat à cause du grand remplacement. La réalité est un peu différente, l'immigration de masse n'ayant probablement pas un avenir durable sur nos terres. Pour en revenir à notre sujet, il s'agit donc ici de réfléchir un petit peu à des conséquences à long terme d'une baisse de la population. Nous partons du principe donc que cette évolution est durable, c'est-à-dire qu'il n'y a donc pas de redressement de la natalité à plus ou moins long terme, et que l'immigration n'existe plus pour boucher artificiellement les trous.

 

 

Déclin démographique = déclin économique ?

 

Il existe bien évidemment un pays qui correspond à peu près déjà à ces critères, c'est bien évidemment le Japon. Dernièrement, le pays a fait l'objet d'une campagne de dénigrement en France. La presse libérale présentant le Japon comme un pauvre pays en déclin parce qu'il accepte son déclin démographique et ne fait pas d'immigration de masse. Il faut rappeler que la presse française est avant tout une presse bourgeoise qui s'adresse à des cadres supérieurs. Cette population aime l'immigration surtout pour ses petits besoins personnels comme le montre une étude récente sur l'usage des livraisons à domicile. Les CSP+ votant à gauche aimant particulièrement les services qui ne sont rentables qu'avec un usage massif de population d’immigrés sous-rémunérés. Donc le Japon c'est un peu leur Némésis. Un pays affreusement réactionnaire qui rejette l'immigration. D'où cette étrange campagne présentant un Japon dont le PIB serait dépassé par l'Allemagne et tombant à la quatrième place économique mondiale. C'est absolument ridicule. Le PIB exprimé en dollar ne permettant pas des comparaisons internationales. Le Japon pèse en réalité encore aujourd’hui beaucoup plus que l'Allemagne. Cependant, il est vrai que le déclin démographique entraîne un ralentissement mécanique de la croissance. Mais le Japon sans immigré depuis 20 ans n'a pas vraiment à rougir pour l'instant face à une Allemagne qui effectivement fait de l'immigration de masse, mais n'a pas de croissance plus forte. En réalité, malgré l'immigration très importante qu'elle a reçue depuis 20 ans l'Allemagne n'a pas eu de croissance plus forte que le Japon sur la période. On pourrait y voir un des effets de l'euro, mais indéniablement en pratique dire que le Japon va mal à cause de son manque d'immigration ne colle pas aux données.

 

 

Il y a cependant une limite à faire du Japon, un exemple pour l'avenir de l'humanité. En effet, si le Japon peut compter sur une population travailleuse, productive et sur une automatisation massive pour compenser le manque de main-d’œuvre dans la production. Le Japon compte beaucoup sur les exportations pour compenser son déclin de la demande intérieure. C'est d'ailleurs l'une des raisons de la chute récente du Yen. Le Japon pour maintenir ses exportations face à la concurrence très violente de la Chine a fait ce que faisait la France autrefois, il a dévalué. D'où une perte relative du poids du PIB exprimé en dollar. La dévaluation a deux effets, d'une part elle augmente le prix des importations ce qui rend les produits étrangers moins compétitifs sur son marché intérieur. Cela peut nourrir l'inflation à court terme dans les pays trop dépendants aux importations comme la France par exemple. Et dans le même temps, cela rend les productions japonaises moins chères à l'exportation. Le Japon a fait deux dévaluations compétitives ces vingt dernières années. La première en 2013 et la seconde l'année dernière. C'est cela qui a produit ce déclin apparent, mais qui n'est qu'un artefact comptable lié à l'erreur qui consiste à comparer des pays avec des PIB exprimés en dollar.

 

Si le progrès technique peut permettre de compenser les effets sur la production de la diminution de la population par l'automatisation massive, il ne compense pas par contre les effets sur la demande. On peut faire des robots pour produire, mais pas des robots pour consommer. (Quoique dans un monde de shadoks) Les pays comme le Japon ou l'Allemagne et donc demain la Chine dont la natalité s'est effondrée vont donc avoir tendance à court terme à compenser leur manque de demande intérieure par les exportations. Ils vont pomper la demande des autres pays et ainsi compresser la demande mondiale. C'est déjà le cas dans l'UE avec une Allemagne qui a cassé la croissance du continent grâce en grande partie à l'euro. Cependant en pratique si l'on raisonne comme Keynes, on pourrait compenser cet effet de baisse de la demande. Il suffirait en théorie de compenser la baisse de la demande provoquée par la baisse de la population par une hausse de la demande par tête. En gros si l'on augmente le niveau de rémunération par individu plus rapidement que ce que provoque la baisse de la population sur la demande globale, on compense théoriquement les effets d'une baisse quantitative de la population. Et comme la propension à consommer de la population est généralement plus forte chez les pauvres que chez les riches, une société qui tend à décroître démographiquement devrait donc lutter pour accroître plus vite le revenu des plus pauvres. On le voit ici pour compenser notre déclin démographique, il faudrait consommer plus, et être plus riche en réalité que nous ne le sommes. Malheureusement étant donné les mentalités actuelles qui tendent plutôt à vouloir accroître les inégalités, il n'est pas certain que cette solution puisse être politiquement praticable.

 

On doit donc convenir que la dépression démographique aura comme effet une réduction durable de la demande. Une baisse constante de la demande poussant mécaniquement à la déflation. Cela veut dire moins d'investissement et des consommateurs qui préfèrent attendre et épargner plutôt que de consommer tout de suite. Le pire est qu'il est probable qu'une telle évolution entraîne une aggravation de la dépression démographique. Les perspectives baissières à long terme entraînant une dégradation des conditions de vie réduisant encore plus la natalité des familles. L'humanité pourrait donc se diriger à terme vers une espèce de dépression du type 1929, mais sans aucune perspective de sortie à long terme. En effet même pendant la crise de 1929, la croissance démographique faisait naturellement contrepoids à la crise de la demande. La population augmentant naturellement, la demande augmentait de façon mécanique même si la croissance par tête était faible. Mais ce mécanisme de sauvegarde n'existe plus maintenant dans nos pays. Et il est à craindre que notre société ne finisse dans un marasme interminable. Cela rend d'autant plus importantes les politiques de relance de la natalité. Car les solutions purement économiques à ce problème seront difficiles à pratiquer et même probablement impossibles à faire dans l'univers mental dans lequel nous sommes.

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