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27 juin 2011 1 27 /06 /juin /2011 18:20

  Chevenement.jpg Il est invincible, il a survécu à l'isolement, au coma, aux années Mitterrand et au tournant de la rigueur de 83. Jean Pierre Chevènement semble donc vouloir à nouveau se lancer dans une candidature et il a pour cela produit un texte d'une grande qualité sur le site de rue89. Son texte fait d'ailleurs un peu tache sur un site dont la qualité globale est à mon sens très discutable, mais on se fiche un peu de cela pour l'instant. Ce qui frappe surtout dans l'analyse de Chevènement c'est sa proximité avec les textes et les analyses les plus fortes que l'on peut trouver chez les alternatifs de gauche ou de droite. On retrouve chez lui les stratégies de sortie sur l'euro d'un Sapir et les thèses protectionnistes d'un Todd. On peut ne pas être d'accord sur nombre de points ou sur l'agencement des politiques qu'il cherche à promouvoir, mais force est de reconnaître la grande rigueur et la grande cohérence de ses propositions. On pourrait cependant se poser quelques questions sur l'opportunité d'engager une course à la présidentielle à son âge. Et surtout de le faire seul dans son coin, en aggravant ainsi l'extraordinaire division actuelle des républicains souverainistes. Un homme de sa trempe, de son âge et de son expérience devrait au contraire essayer de rassembler tous ceux qui sont assez proches de ses convictions sur les sujets essentiels. Je parle ici bien sûr de Nicolas Dupont Aignan, mais aussi des gens du M'PEP, voir du PG si ce parti se décide enfin à trancher sur les questions européennes. Il pourrait même convaincre Montebourg de larguer un PS condamné à la dérive toujours plus libérale et ainsi montrer une ouverture réelle.  Après tout l'exemple de Chevènement qui a essayé sans succès depuis 1983 de faire changer le PS d'avis sur le libéralisme, devrait pousser Montebourg à abandonner cette idée. 

 

Quelques divergences avec les propositions de Chevènement



  Sur le constat de la crise actuelle, je ne crois pas qu'il y est de divergence quelconque. On retrouve à peu près les mêmes analyses chez Todd, Lordon, Sapir, chez le M'PEP, à DLR , chez Montebourg, etc. Bref, on ne discutera pas sur la question de l'analyse de la situation si ce n'est que Chevènement arrive en très peu de mots à bien définir les problèmes. Chevènement explique aussi en quoi la gauche n'a toujours rien compris à ces problèmes. Je parle bien évidemment de la gauche dite de gouvernement, et Montebourg et les quelques protectionnistes du PS ont beaucoup de mal à exister au sein de cette structure naturellement libérale. On voit déjà poindre là les attaques classiques contre la personne de Chevènement qui en cas de débandade du PS en 2012 sera probablement accusé d'avoir divisé la gauche. En vérité, c'est bien plutôt l'hypocrisie et la schizophrénie des dirigeants du PS qui poussent la gauche à la division et à la perte de son vivier électoral naturel. Au point que les think tanks du PS à l'image de Terra nova vont jusqu'à prôner l'abandon des couches populaires. On se demande vraiment qui divise la gauche à ce compte. Quoi qu'il en soit Chevènement ne doit pas avoir peur à mon sens de faire acte de division et de proposer un rassemblement le plus large possible.

 

Sur le plan purement économique, je constate que Chevènement reste tout de même en priorité dans une stratégie d'échelonnement sur l'euro et le protectionnisme. Il propose ainsi en premier lieu de tenter la stratégie toddienne consistant à tordre le bras de l'Allemagne. C'était en effet l'un des plans de bataille de Todd, jusqu'à il y a peu. Il se trouve que malheureusement l'Allemagne ne montre aucun signe apparent d'une quelconque volonté de changer de stratégie économique globale. Il est vrai aussi que le comportement des dirigeants français actuels, extrêmement suiveurs ne risque pas de les y pousser. On peut donc penser ici que le plan A de Chevènement est, soit une proposition purement stratégique visant à convaincre un électorat encore indécis sur le sort de l'Europe actuelle, soit le résultat d'un retard dans l'analyse géoéconomique du moment.



Le plan B de Chevènement est déjà beaucoup plus réaliste et à mon avis il a sa faveur, car en pratique on voit mal comment redresser la situation en l'état actuel de l'euro. Ce plan B consiste à faire de l'euro une monnaie commune, c'est une stratégie qu'il a en commun avec DLR et une bonne part des alternatifs. C'est la solution optimale dans le sens où l'on empêche les dévaluations compétitives en cascade tout en permettant aux pays les plus en difficultés de revenir à des niveaux de parité plus raisonnables pour leur économie. On regrettera qu'il n’y ait pas de plan C concernant l'euro parce que malheureusement il y a de grandes chances pour que même cette solution ne soit pas praticable ou en tous cas avec tous les pays membres de la zone euro actuelle. De ce fait et toujours dans la même optique. Le plan C pourrait consister à créer une nouvelle zone monétaire du type SME(système monétaire européen), mais avec un nombre plus restreint d'états. Je suis persuadé que les pays latins et la Grèce seraient assez faciles à convaincre, on pourrait en profiter pour lancer comme le propose d'ailleurs Chevènement dans son plan B un élargissement de ce nouvel euro à d'autres zones. En particulier celle du sud de la méditerranée qui pourrait ainsi bénéficier ainsi d'une monnaie de réserve et d'investissement qui les protègerait des attaques spéculatives. Je cite Chevèenment:


« Elle permettrait surtout l'extension de la zone euro à la Grande-Bretagne, aux pays scandinaves, aux PECO's qui s'en tiennent, à juste titre, éloignés, mais aussi à la Russie, à l'Ukraine, aux pays de l'Euroméditerranée, etc. Ce serait un système réaliste pour tout le monde, où des ajustements de parité négociés permettraient de corriger les déséquilibres commerciaux excessifs. »

 

Je rappelle au passage qu'une monnaie commune est très différente d'une monnaie unique. Dans un tel système, chaque pays a sa propre monnaie, mais pour pouvoir dévaluer il doit y avoir des règles construites pour éviter les dévaluations agressives. La règle d'or étant l'équilibre des balances des paiements de chaque état membre. En quelque sorte, un tel euro pourrait mettre en place les bases d'un nouveau Bretton Woods. Un système dans lequel les déséquilibres sont évités et qui favorise les relances intérieures plutôt que la recherche d'excédents commerciaux. L'euro aurait dû servir à cela, mais sa construction sous forme de monnaie unique visant à produire un état fédéral fantasmagorique a produit l'effet inverse. Un contrôle des entrées et des sorties de capitaux complèterait parfaitement un tel système et éviterait les problèmes qu'a pu connaître l'ancien SME.

Autre point de divergence ce sont les questions du nucléaire et de l'énergie qui sont tout de même des points très importants. Si je suis moi même partisan d'un débat serein sur les questions énergétiques. On ne peut pas réduire l'accident de Fukushima à un simple accident qui résulterait de la folie japonaise ayant consisté à confier à des acteurs privés la charge du parc nucléaire nippon. Si cela a probablement joué, c'est oublier un peu vite que l'URSS, qui ne respectait pas vraiment les mécanismes du capitalisme, a elle-même connu une catastrophe majeure en ce domaine. Le fait est que le nucléaire actuel n'est pas une bonne chose et que les calculs de risque sur ces questions sont particulièrement mal venus. Car en cas d'accident le prix à payer est beaucoup trop grand. L'autre point est que l'uranium s'épuise et qu'il ne peut en aucun cas constituer une garantie d'indépendance énergétique. J'aurai aimé que Chevènement ouvre ici d'autres pistes comme le thorium dont nous avions ici parlé. Ou encore les nombreuses énergies alternatives qui sont loin de s'arrêter aux panneaux solaires et aux éoliennes. C'est d'autant plus dommage que sa position pronucléaire sera utilisée à son encontre pour le qualifier de passéiste. Un qualificatif qui sera utilisé également pour son programme économique.

 

Pour un grand rassemblement d'esprits souverains

 

       On le voit s'il y a des divisions sur certains sujets, on peut très bien passer outre. Et proposer un programme minimal concernant essentiellement le retour à la souveraineté nationale sur tous les plans. Les sujets causant des conflits pouvant être réglés par l'usage du suffrage universel si besoin est.  Chevènement est l'homme le plus à même de faire ce rassemblement et de se mettre au-dessus des divisions secondaires. Si sa tentative de 2002 a échoué, il faut bien voir que les conditions ont profondément changé et changerons d'ailleurs encore d'ici l'élection présidentielle. En effet, il se pourrait bien que l'euro éclate avant même l'élection ce qui ne serait pas sans provoquer quelques effets sur celle-ci. Un tel rassemblement est d'ailleurs tout à fait capable de vider le FN de ses électeurs, et entre cet électorat et tous les abstentionnistes déçus par trop de lutte d'égo chez les politiques, il y a du monde à rassembler. D'autant qu'une ligne protectionniste propre, c'est à dire non entaché par le passé du FN, pourrait convaincre les électeurs que l'on sait nombreux à être favorable à de telles mesures. Je me demande d'ailleurs si le sondage récent sur le protectionnisme n'a pas décidé Chevènement à se lancer finalement en campagne. Les propositions de Chevènement visant à faire un plan A, ou un plan B, suivant telle ou telle condition, est assez proche de la méthodologie de Jacques Sapir, et des idées que défendent le M'PEP ou DLR. Il serait donc dommage de ne pas tenter de faire une convergence vers un programme commun. L'idée d'une confédération européenne peut ainsi très bien se mélanger à l'Europe à géométrie variable d'un Nicolas Dupont Aignan. Moyennant quelques précisions et réflexions sur ce que serait une confédération européenne. Mais la certitude et la volonté d'améliorer la situation de l'économie européenne et française par la régulation commerciale, le retour à un système monétaire raisonnable et des politiques de grands projets industriels sont des points de convergence suffisamment puissante pour réunir les souverainistes des deux rives. Il faut espérer que Chevènement se décidera enfin à prendre le risque de réaliser son destin national. Quitte à se fâcher définitivement avec des esprits trop étroits pour comprendre ce que signifie l'intérêt supérieur de la nation et du peuple de France. Après tout que doit donc Chevènement au PS à part des quolibets, des caricatures absurdes et des trahisons?

 

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commentaires

D
<br /> <br /> Je suis deçu de voir le nom de Chevenement dans la liste des membres du club privé "Le Siecle". C'est le seul homme politique souverainiste que j'ai vu dans cette longue liste de mondialistes.<br /> <br /> <br /> <br />
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Y
<br /> <br /> @Emmanuel B<br /> <br /> <br /> Enfin il me semble que le plus probable c'est une candidature Aubry ou Hollande. Je veux bien que le PS change mais cà ne sera probablement pas pour cette élection. Or l'histoire n'attend pas.<br /> <br /> <br /> @D.T<br /> <br /> <br /> C'est normal c'est leur gagne pain les marchés. Beaucoup d'économistes vivent de l'investissement spéculatif et du système bancaire actuel. Ils ne vont pa cracher dans la soupe. S'il y a bien un secteur ou il y a un problème de croisement d'intérêt c'est bien dans le milieu des économistes. Comment juger de<br /> façon neutre un système qui nous rémunère?<br /> <br /> <br /> <br />
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D
<br /> <br /> Remarquez de quelle façon est traitée la monetisation de la dette par le financier Marc Fiorentino.  Dur à supporter pour lui de voir de l'argent echapper aux marchés...<br /> <br /> <br /> http://www.latribune.fr/actualites/economie/international/20110209trib000599974/le-plus-gros-detenteur-de-la-dette-americaine-n-est-plus-la-chine-c-est.html<br /> <br /> <br /> <br />
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E
<br /> <br /> Je trouve un peu étrange votre idée du PS "naturellement libéral". Ce n'est pas que j'ai d'immenses illusions sur ce parti mais force est de constater que c'est bien là en ce moment que se<br /> produisent les glissement d'opinion qui comptent. Dans les dernières semaines, on a pu voir, par exemple, un débat Montebourg-Guaino faire la une des Inrockuptibles, entendre Edwy Plénel faire<br /> l'éloge de Montebourg ou S. Royal opter pour le protectionnisme (même si c'est encore du bout des lèvres). Je n'aime guère ces personnages incarnant une gauche morale qui me sort souvent par les<br /> yeux, mais il faut bien reconnaître que les Joffrin, terranovistes et alii se retrouvent toujours un peu plus isolés et non le contraire.<br /> <br /> <br /> <br />
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