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3 novembre 2023 5 03 /11 /novembre /2023 15:10

 

Nous avons souvent parlé sur ce blog des USA. Le fait est que ce pays joue un rôle particulier depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et que malheureusement les orientations de nos élites et leurs politiques nous ont trop fortement liés à ce pays pour que nous puissions totalement l'ignorer. Que nous le voulions ou non, à l'heure actuelle, notre destin est lié en grande partie à l'évolution des USA. De fait, nous allons parler ici rapidement de la nature du modèle économique américain. Pourquoi de sa nature me direz-vous ? C'est que l'on présente régulièrement les USA comme un modèle économique par bien des aspects. Surtout à l'heure où l'Europe s'enfonce dans le marasme eurolibéral que sa monnaie unique a mécaniquement provoqué. Les USA dont l'apparente croissance économique contraste avec le reste du vieux monde semble donc devenir à nouveau un modèle avec le père Biden et ses injections monétaires comme nouvel apôtre d'un nouveau modèle économique. Même notre grand président François Hollande dit de lui qu'il est le meilleur président que les USA aient connu depuis des décennies, c'est dire.

 

De la même manière, la gabegie économique que représente la politique de Macron est en soi le produit des USA. Je soupçonne notre président d'avoir voulu imiter grossièrement Biden en faisant une injection monétaire qu'il pense être keynésienne dans l'économie française. C'est ce qui explique l'énorme explosion du déficit public et l'accroissement de la dette qui en découle. Un déséquilibre qui commence à sérieusement inquiéter en haut lieu et qui pourrait être fatal à l'économie française. Car cette politique n'a pas réellement eu d'effet sur la croissance économique et donc sur les rentrées fiscales contrairement à la politique US. Mais c'est que notre président n'a pas vraiment compris une chose, ce qui marche aux USA ne marche pas ailleurs. Parce que la structure de l'économie américaine et son rôle à l'échelle internationale n'ont rien avoir avec celui d'un pays normal.

 

Les USA ne sont pas un modèle imitable

 

Comme l'avait très bien décrit Emmanuel Todd en 2003 dans son livre « Après l'empire », les USA sont devenus le consommateur en dernier ressort, l'état keynésien de la planète entière. Il n'en a pas toujours été ainsi. Il fut un temps où les USA étaient un pays normal jusqu'en 1944 très exactement et aux accords de Bretton Woods. À l'époque, les grandes puissances préparaient déjà l'après-guerre, le sort de l'Allemagne et du Japon n'étant plus alors qu'une affaire de temps. C'est à cette époque que fut organisée cette réunion pour structurer l'économie d'après-guerre qui ne pouvait plus être structurer par l'ancien système. Le déclin de la Grande-Bretagne condamnait le retour de la livre sterling comme monnaie d'échange international. Les USA qui représentaient alors à eux seuls la moitié de la richesse mondiale imposèrent leur dollar comme monnaie internationale et celui-ci était alors gagé sur l'or. C'est-à-dire que le dollar pouvait être converti n'importe quand en or. Ce qui garantissait une stabilité de la valeur monétaire et garantissait la confiance des puissances étrangères dans le fait de détenir des dollars dans leurs caisses.

 

Les USA de 1945 étaient une énorme puissance industrielle qui accumulait les excédents commerciaux. Une puissance industrielle construite derrière des droits de douane extrêmement élevés avec plus de 50%, en moyenne, entre la fin de la guerre de Sécession et 1945. Il ne faut jamais oublier que la puissance industrielle US s'est construite grâce au protectionnisme massif en plus de leurs immenses ressources naturelles et de leur éloignement géographique qui constituait lui aussi une forme de protectionnisme naturel. Et c'était tout le problème, il fallait réduire ces excédents pour permettre aux autres nations de retrouver une dynamique économique. Le plan Marshall et les politiques d'après guerre ont consisté à reconstruire les pays ravagés par la guerre et leur industrie. Le rôle du dollar permit aux USA d'importer des marchandises d'Europe et du Japon moins cher. Cela a participé à la hausse du niveau de vie américain et à la reconstruction de l'Europe et du Japon. La balance commerciale américaine s'est réduite, revenant à l'équilibre. Donc dans ce premier temps les accords de Bretton Woods avaient un sens et ont produit de brillants effets économiques. Malheureusement comme l'avait très bien prévu Keynes, qui était le représentant britannique lors de la conférence de Bretton Woods, le fait de faire d'une monnaie nationale une monnaie internationale était en soi un grave problème à long terme.

 

Très rapidement le fait de pouvoir importer des marchandises en émettant des dollars, qu'il ne tient qu'à eux d'émettre, va produire une destruction progressive de l'appareil productif américain. Le rattrapage des USA par l'Europe et le Japon va faire connaître dès la fin des années 60 des déficits extérieurs aux USA. La guerre du Vietnam va finir par achever la balance commerciale du pays dans les années 70. Et en 1971, le président Richard Nixon se retrouve à devoir faire un choix, car le coût de la guerre du Vietnam et les déficits commerciaux mettent le pays en danger. En effet, les USA n'ont pas assez de stock d'or pour couvrir leurs déficits. Si les pays étrangers, à l'image de la France de De Gaulle, se mettent à réclamer de l'or plutôt que des dollars c'est la banqueroute. Plutôt que de revenir sur le libre-échange et rééquilibrer la balance commerciale, Nixon va mettre fin à l'accrochage du dollar à l'or. La plupart des problèmes de l'économie mondiale actuelle viennent de ce choix crucial. En faisant cela, Nixon n'a pas sauvé l'économie américaine et son industrie, il lui a juste permis de vivre à crédit indéfini au croché du reste de la planète. Ce fut une stratégie maline à court terme, mais probablement catastrophique pour l'avenir du monde et des USA eux-mêmes.

 

 

Les USA sont devenus une nation de pillards

 

Depuis cette date, le dollar n'étant plus gagé sur rien, il devient possible d'en émettre autant que les USA le veulent. Le rôle détenu par la monnaie américaine leur permet d'importer en payant avec du simple papier. La valeur du dollar qui devrait se déprécier est maintenue par les autres régions du monde parce que cette monnaie est essentielle au commerce mondial et en particulier au commerce des matières premières. Ainsi les autres nations sont-elles obligées d'acheter des titres de dette exprimés en dollar ou d'avoir des réserves de cette monnaie pour pouvoir commercer, ce qui maintient artificiellement la valeur du dollar. Et par ce mécanisme les USA exportent leur inflation monétaire. D'où la célèbre phrase « le dollar c'est notre monnaie, mais votre problème ». C'est le véritable fond du problème depuis plus de 40 ans. Et les diverses crises que nous traversons encore aujourd'hui sont liées à ça, il faut bien le comprendre. Même le conflit israélo-palestinien est le produit de cette problématique, les USA ayant besoin d'avoir des appuis dans le Moyen-Orient pour maintenir l'usage du dollar qui permet aux USA de maintenir leur croissance artificielle. Israël c'est un peu le porte-avions américain géant de la région qui permet de contrôler l'énergie de l'Europe et de l'Asie et ainsi de maintenir le recyclage du dollar et des dettes US. C'est en ce sens qu'on peut vraiment penser les USA comme un empire puisque la source de leur richesse est un système d'exploitation d'autres peuples.

 

Les BRICS ont évidement conscience du problème et cherchent à trouver un substitue au dollar. Le problème étant que le dollar, un peu comme le logiciel Windows, est devenu un standard dont il est bien difficile d'échapper. Les Européens auraient pu y arriver si l'euro n'avait été qu'une monnaie de réserve, malheureusement les concepteurs de cette monnaie en ont fait une monnaie fiduciaire unique liant des économies fortement disparates. Transformant ainsi l'avantage que la monnaie européenne aurait pu représenter en inconvénient qui affaiblit le continent depuis sa mise en place. Mais le pillage que les USA exercent à l'encontre de la planète ne s'arrête pas aux questions commerciales et aux flux de capitaux. La possibilité d'émission monétaire infinie leur permet littéralement d'acheter le monde gratuitement. Entreprises, territoires, ressources, tout est susceptible d'être racheté par l'oncle Sam. Cette possibilité monétaire leur donne une puissance disproportionnée par rapport à leurs capacités réelles. Car comme nous l'avons dans mon texte consacré au poids réel de l'économie américaine, les USA sont aujourd’hui une puissance de seconde zone sur l'industrie et la production. C'est-à-dire sur le cœur de ce qui fait la puissance réelle d'une nation. La Chine est déjà la première puissance réelle de l'économie mondiale. Mais le dollar permet encore aux USA de peser très fortement même si cette puissance se casse la figure dès que le dollar ne suffit plus. Dans la crise ukrainienne, on a en effet vu les limites de la puissance monétaire dès qu'il s'agissait de produire des choses concrètes comme des obus et que là les USA ne pouvaient pas les acheter aux concurrents chinois ou autre.

 

Dernier point sur cette question du pillage, celui des hommes. L'économie américaine étant complètement déconnectée de la réalité du fonctionnement du monde réel, elle achète aussi la population qui lui fait défaut. Ne faisant plus assez d'enfants depuis longtemps et connaissant de graves difficultés dans l'enseignement de ses propres jeunes, les USA sont devenus dépendants de l'immigration de masse pour faire tourner leur économie. On présente souvent le dynamisme économique des USA grâce à l'immigration comme formidable. C'est oublier un peu vite que ce type de dynamisme n'est possible que si vous éliminez la contrainte du capital à investir. Les USA n'ont pas besoin d'une grosse épargne pour investir, ils impriment des billets et des titres de dette. Les puissances étrangères payant à leur place les problèmes induits par cette augmentation de la masse monétaire comme l'inflation. L'Europe n'a pas cette chance et l'immigration y est du coup beaucoup moins profitable, engendrant des coûts importants nécessitant des investissements supplémentaires.

 

La magie de l'économie américaine n'est donc pas le produit d'un miracle ou d'une supériorité de leur modèle, mais bien d'un système de prédation dont nous serions bien avisés de sortir. Car il n'y a rien de plus dangereux qu'un modèle de société qui ne paie pas le prix de son confort et qui ne s'inquiète pas des équilibres à long terme. Si toute la planète se comportait comme les USA, il n'y aurait plus de jeunes bien formés et la planète deviendrait invivable en deux générations maximum. Heureusement, il est probable que la fin de ce modèle de prédation arrive assez vite. Les USA sentent d'ailleurs assez bien leur propre faiblesse et le ras-le-bol général que leur empire produit sur la planète du moins en dehors de la pauvre Europe totalement asservit à leurs intérêts. La multiplication des conflits à l'heure actuelle vient de cette inquiétude pour le maintien inconditionnel de leur statut monétaire. Et même Biden vient de reconnaître que les prochaines années vont déterminer le sort du monde pour la fin du 21e siècle. L'humanité a besoin que les USA redeviennent une nation normale qui ne vit pas au-dessus de ses moyens pour ne pas entraîner l'extinction pure et simple de notre espèce à long terme.

 

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commentaires

L
Bonjour Yann,<br /> Non je n'étais pas mort, cela a failli seulement (deux infarctus dont le premier en plein confinement fut à deux doigts d'être fatal de par ma condition de non-vacciné militant).<br /> Beaucoup remettent même en question le statut de monnaie unique de l'euro puisque ce sont les États membres respectifs qui impriment en fait toujours la monnaie (une lettre codée désigne bien l'origine nationale des billets) et qu'ils empruntent à des taux notoirement très différents.<br /> Il s'agirait plutôt d'un système de change fixe 1 pour 1 qui me fait penser au niveau des contraintes à un étrange étalon or mais sans ses avantages puisqu'il n'y a pas d'or en jeu ! <br /> Concernant le sort des économies européennes par rapport aux USA, je crois que la messe est dite. Pour les Américains l'Europe n'est plus qu'un boulet stratégique à entretenir avec pour seule contrepartie d'être une terre coloniale à piller. Il n'y a en tout cas rien à attendre des changements politiques internes aux USA si ce n'est l' importation par mimétisme de leur guerre civile larvée ou déclarée. <br /> Vu la très faible marge de résilience de l'Europe à tout niveau, je ne lui vois d'autre salut, dans le cas d'un effondrement de l'Amérique, que d'être ramassée par une mère moins marâtre qui lui trouvera encore un intérêt stratégique, mais pas forcément dans l'intérêt confortable de ses habitants.
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Y
Très content de vous revoir. Et effectivement on pensait le pire. J'espère que votre santé va mieux même si cela a du être difficile vue la situation des hôpitaux français. J'en sais quelque chose avec ma pauvre mère qui y a été récemment confronté. <br /> <br /> A titre personnel je pense que l'effondrement des USA, tout du moins de leur empire, aura un effet salutaire sur l'Europe. Une partie du problème vient d'un comportement presque adolescent des élites européennes par rapport à l'oncle Sam. Le coté irresponsable des élites du continent vient de leur infantilisme par rapport à ce pays. Sa disparition en tant qu'agent d'influence aura dans un premier temps un effet de panique sur le continent, ravivant aussi de potentiels conflits malheureusement. Mais cela rendra à mon avis leur liberté aux européens. Parce qu'on ne le dira jamais assez, nous vivons essentiellement dans une servitude volontaire vis-à-vis des USA. Si nous le voulions réellement nous pourrions rapidement nous passer d'eux.
A
le blog de Bruno Bertez, fondateur du journal La Tribune , en a fait son cheval de bataille de la collusion des élites européennes aux anglo saxons :<br /> "<br /> Je soutiens que la classe dominante en Europe a son argent, sa fortune aux USA en dollars , peu importe que ce soit dans les paradis fiscaux soi disant extra territoriaux, car ils sont eux aussi Anglo saxons.<br /> <br /> Je soutiens que l’euro n’est pas une monnaie souveraine mais un sous avatar du dollar, un serf du dollar , même pas un associé du dollar. Surtout pas un concurrent!<br /> <br /> Pourquoi ?<br /> <br /> Parce que l’euro est une monnaie structurellement dollarisée!"<br /> <br /> https://brunobertez.com/2022/08/30/editorial-le-suicide-economique-et-social-de-leurope-provoque-par-les-etats-unis-et-aide-par-les-dirigeants-europeens-a-bien-sur-une-cause-mais-elle-est-non-dite-non-sue-cachee/
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Y
De toute façon on voit bien que l'euro n'a jamais été un concurrent sérieux. Dès le début ce n'était pas le but. Sinon nous aurions fait une monnaie commune, qui aurait d'ailleurs pu aussi être utilisé par d'autres nations que les nations européennes pour les échanges de matières premières par exemple.