Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
25 décembre 2023 1 25 /12 /décembre /2023 15:19

 

Je vois de nombreuses personnes s'inquiéter de la possibilité d'un nouvel élargissement de l'UE à des pays qui ne sont pas censés pouvoir y rentrer. On parle bien évidemment ici de la Moldavie et de l'Ukraine en particulier. On notera aussi il y a peu le vote pour l'ouverture d'un dossier de candidature pour la Géorgie à l'entrée dans l'UE. Je précise tout d'abord que je n'ai absolument rien contre ces pays. L'Ukraine en particulier me fait plus pitié qu'autre chose. Une nation qui avait tout pour elle et qui par la corruption de ses élites sous influence américaine et occidentale s'est suicidée dans un conflit absurde avec la Russie. Il s'agit vraiment d'un peuple et d'une nation à plaindre plus qu'autre chose. Et le meilleur moyen de l'aider serait de vite pousser à la négociation avec Moscou pour arrêter l’hémorragie de la jeunesse qui hypothèque vraiment l'avenir de ce pays. Le plus étonnant est en fait l'attrait que peut avoir l'UE pour ces pays. Les statistiques sont pourtant formelles, la zone euro est la zone économique avec la plus faible croissance mondiale depuis 20 ans. Une zone économique en déclin, et qui s'affaiblit d'année en année. Il est possible bien évidemment que l'attrait de l'UE tienne aux diverses aides, mais l'entrée de pays aussi pauvre n'aura comme seul effet qu'une dilution encore plus grande d'aides de plus en plus difficiles à pomper puisque les pays les plus  « riches » du continent le sont de moins en moins à l'image de la France ou de l'Italie.

 

Il est donc sans doute probable que la seule véritable motivation soit d'ordre militaire. Et c'est là que la réalité du projet « Européen » apparaît à savoir que l'UE n'est plus que l'extension économique de l'OTAN. En effet, l'entrée dans le camp occidental, c'est-à-dire sous la coupe de l'empire américain, se fait par l'OTAN et l'UE qui vont de pair. Cet élargissement comme tous les précédents caractérise en réalité l'étalage de l'influence impérial américain. Il n'y a rien d'européen dans le processus. C'est sans doute parce que cela rend visible cette réalité que même certains européistes convaincus ont peur de ces nouveaux élargissements. Ils ne veulent peut-être pas que le poteau rose soit trop voyant. Le fait est que l'UE s'étendra autant que l'OTAN, et que le souhaitent les USA. Je ne serais même pas étonné d'une adhésion d'Israël à l'UE en plus de la Turquie ou des pays du Maghreb tant qu'on y est. Au moins, la réalité de la construction européenne va enfin apparaître même aux yeux des plus aveugles.

 

Alors évidemment cet élargissement va être catastrophique pour les actuels membres de l'UE . Je ne parle évidemment pas de la Moldavie qui au-delà du fait qu'il s'agisse d'un pays corrompu ne pèse pas grand-chose avec à peine 2,6 millions d'habitants. Cette région aurait d'ailleurs très bien pu faire partie de la Roumanie, qui elle est déjà dans l'UE. C'est surtout l'Ukraine qui va encore aggraver les déséquilibres internes de l'UE. L'obsession d'avoir une main-d’œuvre toujours moins chère va ici prendre toutes ses aises. En effet, les salaires en Ukraine sont bien plus faibles que dans le reste de l'Europe. Le salaire en Ukraine c'est 370€ par mois (avant le conflit), autant vous dire que les Polonais ou les Hongrois ne feront plus le poids. On devrait donc avoir des délocalisations vers l'Ukraine à partir de ces pays. Pour la France vous me direz que cela ne changera plus grand-chose puisque l'industrie est déjà partie en Europe de l'Est, en Asie et même au Maroc. Par contre, cela aura un effet sur les derniers agriculteurs du pays. Si cet élargissement se fait, on devrait donc assister à la totale destruction de tout ce qui reste de production dans notre pays, c'est-à-dire plus grand-chose. Notre vertigineux déficit commercial ne devrait donc pas s'améliorer avec cette entrée à moins que la banqueroute nationale ne produise un effondrement de la demande interne, mais c'est une autre histoire.

 

L'élargissement qui pourrait enfin tuer l'UE

 

Les élargissements précédents de la construction européenne ont toujours agi comme un mécanisme d'affaiblissement collectif. C'est d'ailleurs assez surprenant de voir que leurs promoteurs ont toujours cru que cela serait l'inverse. À l'origine il n'y avait que six pays dans la construction européenne, la France, l'Allemagne de l'Ouest, L'Italie et le Benelux. C'était un peu l'empire carolingien sur le plan des frontières avec une certaine cohérence macroéconomique, le niveau de vie étant assez homogène. Une telle structure à cette échelle pouvait paraître raisonnable à l'époque même si pour le plus grand malheur de cette construction le ver atlantiste était dans le fruit dès le départ. Rappelons que les fondateurs de la construction européenne (Schuman et Monnet) étaient de notoires agents de l'Empire américain et ne s'en cachaient pas d'ailleurs . Mais cette première construction européenne basée à l'origine sur l'acier et le charbon va relativement bien fonctionner. Elle avait aussi, il faut le rappeler, un tarif extérieur commun de plus de 30% qui favorisait le commerce entre les membres plutôt qu'avec les pays extérieurs. Et chaque pays conservait sa monnaie, ce qui permettait des ajustements en cas de déséquilibre commercial. Cette première Europe, sur laquelle en fait se sont faites toutes les véritables avancées de la construction européenne, a duré de 1957 à 1973. C'était les trente glorieuses et la période keynésienne de l'économie avec une forte régulation macroéconomique sur le plan financier et commercial.

 

Le premier élargissement va déjà être fatal à cette construction puisqu'il se fait par l'introduction de la Grande-Bretagne, de l'Irlande et du Danemark. Au passage, les pays scandinaves qui n'avaient pas été membre de l'UE jusque là ne s'en portaient pas plus mal. L'évolution du niveau de vie fut comparable à celle des membres de l'UE de la fin de la Seconde Guerre mondiale jusqu'à leur entrée dans la CEE. Preuve, s'il en est, qu'il ne faut pas trop surestimer les effets de la construction européenne sur la dynamique économique même pendant cette période de forte croissance. On peut le dire, cette entrée de la Grande-Bretagne va seller l'idée d'une Europe puissance politique. Et c'était sans doute la volonté des Anglais, nuire à une potentielle union politique. C'est d'ailleurs une tradition anglaise depuis longtemps celui d’empêcher la naissance d'une très grande puissance sur le continent. À partir de là on peut dire que tous les élargissements successifs vont petit à petit diluer les capacités politiques de la construction européenne qui va devenir un simple marché aux principes néolibéraux.

 

Ce qui va véritablement mettre fin à une véritable cohérence européenne n'est pas seulement l'élargissement constant qui va par nature diluer l'autorité et engendrer une cacophonie politique, c'est aussi l'obsession pour la dilution de toute forme de régulation par les frontières. L'UE ne veut pas protéger ses membres de la concurrence étrangère. Elle n'a donc pas comme définition la création d'une organisation de solidarité entre membres contrairement à ce qu'elle affirme, elle est au contraire une structure de dilution des nations membre sans substitution à une solidarité supérieure. Ce que l'on a vu de la construction européenne depuis son élargissement de 73, c'est la transmutation d'une structure qui organisait la solidarité à une plus grande échelle en une structure qui empêche toute forme de solidarité réelle. La seule solidarité qui existe dans l'UE est en fait très secondaire, ce sont les transferts directs par les aides européennes, mais qui ne représentent rien par rapport aux PIB du continent. L'UE s'est muée en une machine à imposer la globalisation néolibérale dont les populations européennes dans leur ensemble ne voulaient pas. Elle favorise le dumping fiscal et salarial. Elle fait de la richesse de la diversité des nations un mécanisme d'abaissement général des conditions de travail tout en favorisant les rentes et le capital. Ce n'est guère étonnant de voir l'état dans lequel elle est aujourd’hui sur le plan macroéconomique.

 

Alors lorsque l'on a compris cette évolution et la situation dans laquelle nous sommes aujourd’hui, il est bien évident qu'un nouvel élargissement n'est qu'une goutte d'eau dans un système qui de toute façon était condamné dès 1973. À partir du moment où l'UE est devenue une machine à globaliser et à vider toute forme de solidarité réelle, elle se condamne à disparaître à terme. On peut même voir dans l'élargissement sans fin qui s'accélère un moyen pour rapidement en finir avec cette structure qui n'a plus de sens depuis longtemps. Les risques conflits avec la Russie qu'engendre notamment l'entrée de l'Ukraine dans l'UE pourraient sérieusement envenimer les choses entre les états membres. Et certains pourraient simplement dire que l'UE n'a plus aucun intérêt pour eux, à part engendrer des risques géopolitiques pour eux. C'est notamment le cas pour les pays de l'Est. De plus, rappelons que la situation économique de l'Allemagne est aujourd'hui catastrophique. On pourrait très bien voir émerger de véritable mouvement anti-UE en son sein avec la dégradation rapide du pays. L'élargissement absurde est donc peut-être la ruse de l'histoire pour mettre fin à ce truc qui n'aurait probablement jamais dû exister et qu'on appelle construction européenne.

Partager cet article
Repost0

commentaires

L
L'Ukraine nouveau Bangladesh de l'Europe ? (Je préfère ce terme à celui d'UE car l'Europe chère à certains identitaires n'a jamais existé qu'à travers des fantasmes d'ordre administratif dont l'UE est le dernier avatar). C'est hélas bêtement plausible puisque la caste dirigeante européenne veut bien entendre parler de relocalisations industrielles à condition que ce soit aux mêmes conditions salariales que celles qui motivèrent les délocalisations ! <br /> De la même manière, il ne faut pas chercher plus loin la raison majeure de la politique migratoire forcenée qu'elle met en œuvre à marche forcée. <br /> Pour parler trivialement les autochtones blancs (ou non) ne seront tolérés sur leur propre terre que s'ils acceptent de travailler au tarif esclave nègre et, comme vous l'avez vous-même souligné, la gauche européenne n'est pas la dernière à se livrer benoitement à ce calcul infect (et sottement puisque ses propres progénitures en subiront les conséquences).<br /> On touche ici au génie du capitalisme financier mondialisé, lequel arrive toujours à reculer pour mieux sauter avec une réactivité stupéfiante tant il est totalement dépourvu du moindre scrupule. <br /> Ne serait-ce qu'à moyen terme en effet on peut se demander à quoi lui servira de ressusciter son empire colonial non pas seulement au sein de ses alliés ruinés et vassalisés mais jusque dans ses propres campagnes et faubourgs ? <br /> L'empire colonial dans sa forme ultime (celle où l'hégémon américain avait liquidé tous les anciens empires concurrents y compris le contre-modèle communiste) n'avait en effet de sens que dans la mesure où le reste du monde n'était plus qu'un vaste espace colonisé à des degrés divers, situation de "fin de l'histoire" qui n'a guère duré que deux courtes décennies à compter de la chute de l'union soviétique.<br /> Dans la mesure au contraire où désormais quatre-vingt-pour-cent de l'humanité se montre disposée de près ou de loin à pactiser avec un nouveau contre-modèle, lequel, en plus de battre en brèche l'hégémon sur son propre terrain idéologique (celui de l'efficacité économique), se montre sans cesse plus apte à contrer sa puissance militaire, on peut se demander ce qu'espèrent réellement ce que j'appelle les anciennes élites coloniales de l'empire en déshérence.<br /> Sauver ce qu'il restera à sauver de leur patrimoine ? Sans doute y parviendront-elles souvent. Mais sur le plan de leur pouvoir, la dialectique implacable qui a toujours gouverné les jeux de puissance de l'histoire humaine jouera contre elles et ne leur laissera pas d'autres choix que de se soumettre aux nouveaux maîtres ou disparaître.<br /> J'ai toujours considéré ainsi les théories dépressives sur le Nouvel Ordre Mondial comme l'ultime expression culturelle du nouveau totalitarisme instauré  par la caste mondialiste occidentale. <br /> Expression archaïque puisque tout pouvoir qui perd sur le terrain aura tendance à se réfugier dans la magie (les gadgets technologiques n'ont rien arrangé à ce niveau) et la magie seule  peut donner aux peuples l'illusion que le même pouvoir garde le contrôle et triomphe - regardez un Macron sortir inlassablement des gros rats blancs de son chapeau.<br /> Au bout compte le pouvoir restera au bout du meilleur fusil et fabriquer un bon fusil relève de tout sauf de la magie. <br /> Il y aura donc des vainqueurs et des vaincus -ce qu'annonce probablement le prochain ouvrage de Todd- et nous auront la piètre consolation de voir nos anciennes élites régner pour la dernière fois sur les mêmes décombres que les nôtres, au-delà des vains règlements de compte qu'ils subiront des justiciers girardiens de la vingt-cinquième heure.<br /> Dans l'immédiat, je me demande si le temps appliqué avec lequel Poutine mène sa guerre en Ukraine n'est pas un moyen obligé de retarder au maximum les projets économiques cousus de fil blanc de la caste occidentale, soit d'opposer la stratégie au long cours à la réactivité névrotique de celle-ci.<br /> Poutine a en fait encore plus besoin d'une guerre longue que les américains, dans la mesure où le poids du temps pèsera d'abord sur le dos des européens, les cons de ce dîner d'ogres calculateurs.<br /> Les mêmes européens qui devront se faire une raison ; il n'y a rien à attendre de l'empire américain aux abois, avec  Trump ou un autre, (les gaulliste auto-proclamés qui se bercent d'illusions là-dessus me navrent). Le plus dur sera d'admettre que la suzeraineté russo-chinoise nous donnera au moins une chance de respirer, par-delà tous les fantasmes sur un pouvoir financier céleste et invincible.<br /> <br /> PS : Non, toujours pas de blog. J'écris à temps perdu sur les réseaux interlopes, surtout Telegram et VK, parfois avec un succès relatif mais ce qui me désole est que ce sont mes billets à l'emporte-pièce où je me lâche trivialement à l'occasion qui semble le plus intéresser. <br /> Signe des temps sans doute. En tout cas je préfère relire Philippe Murray plutôt que mes conneries. <br /> Pour un blog plus soutenu il me manque la culture économique et surtout la rigueur d'analyse d'un Yann ou d'un Bruno Bertez (ce libéral que j'aime bien). <br /> Je crois qu'il y a toujours une part d'intuition poétique dans mes propos d'autodidacte dilletante, ce qui me conduit souvent d'ailleurs à me contredire.<br /> Je vous souhaite une très bonne nouvelle année au cas où on ne se relirai pas d'ici là.
Répondre
Y
Rien à rajouter à votre commentaire. Nous vivons la fin de la domination occidentale sur le monde. Une domination qui a été plus courte que ce que beaucoup disent, elle s'étend en réalité du début du 19e au début du 21e siècle, guère, plus à mes yeux.<br /> <br /> À titre personnel je pense que c'est essentiellement la technique et la machine à vapeur qui ont donné à l'occident cette domination momentanée. Comme beaucoup d'inventions qui dans l'histoire humaine ont fini par brutalement déséquilibrer des rapports de force avant d'être finalement assimilé par tous, ramenant le monde à un nouvel état d'équilibre. Dans les périodes précédentes du 15e au 19e, la domination occidentale était en réalité toute relative. L'Empire ottoman, les Moghols et l'Empire Qing pesaient bien plus que les plus grandes puissances européennes. On l'a juste complètement oublié par eurocentrisme. La puissance thermique et la science moderne ont permis ce court laps de temps où l'occident a dominé en partie seulement la planète. Nous revenons maintenant à l'histoire plus classique l'Europe n'étant un petit bout de terre assez isolé du cœur démographique de la planète que représente la Chine et l'Inde. Là où l’essentiel de l'économie et de la science mondiale se fera dans le siècle qui vient. <br /> <br /> Pour les pays d'Europe finalement c'est un retour à leur histoire, celle de petits pays qui devront faire preuve d'inventivité pour survivre face au géant. Comme on l'a toujours fait par le passé. Vouloir faire un gros machin pour ressembler à la Chine ou aux USA, c'est une impasse et on le voit bien. Je pense qu'après moult tumultes et l'effondrement de la façade impériale américaine les pays d'Europe reviendront à leurs traditions même si on va en passer par la case misère et pauvreté de masse. Pour les USA l'histoire va être beaucoup plus dure, je pense. Ce pays faiblement uni par l'appât du gain et sa destinée manifeste aura beaucoup de mal à accepter de n'être qu'un pôle parmi d'autres et pas le meilleur loin de là. L'hypothèse d'une implosion violente et d'une espèce de guerre civile n'est vraiment pas à exclure.
D
"Pot aux roses", je crois.
Répondre