C'est aujourd’hui officiel donc la France se dirige vers sa première panne électrique depuis 1978. C'est un peu cocasse pour moi puisque je suis né en 1978. Nous arrivons aujourd'hui à la conclusion logique du laissez-faire libérale depuis les années 70. Pendant longtemps la France a vécu sur les acquis de l'époque de l'économie mixte, mais cette période est aujourd'hui largement terminée. Désindustrialisé par 40 ans de libre-échange et de libre circulation des capitaux, auquel on peut rajouter la disparition de l'état stratège, le franc fort, puis l'euro, la France n'est plus que l'ombre d'elle même. Le président gouverneur de province qui vient de cirer les pompes du grand frère américain a encore une fois montré dans quel état est le pays réduit à quémander une action des USA pour ne pas trop compromettre notre économie. Une demande qui a bien évidemment été totalement ignorée. Pourquoi donc les USA devraient-ils renoncer au protectionnisme simplement parce que les Européens ont été assez stupides pour inscrire le libre-échange comme seule doctrine économique possible dans leurs traités ?
L'UE est aujourd'hui empêtrée dans les contradictions produites de sa propre structure d'organisation. Elle est structurellement incapable de s'adapter à un monde qui change parce qu'elle n'est qu'une bureaucratie organisée autour de traité pensé à des époques totalement différentes avec des rapports de force économiques totalement différents. Et une bureaucratie n'a pas la possibilité de changer elle-même ses structures de fonctionnement. Elle peut s'agiter, se raidir, mais pour toujours appliquer un peu plus la doxa de sa structure. Dans le cas d'une nation, une bureaucratie problématique sera changée par la politique produite par un choc électoral par exemple. Le politique qui obéit aux intérêts du peuple et de la nation a la légitimité pour changer le fonctionnement d'une bureaucratie. Car il est le dépositaire de l'autorité du peuple et a donc le pouvoir de le faire. Mais dans le cas de l'UE, c'est tout bonnement impossible. La seule possibilité étant une unanimité des états pour changer les principes même de l'UE. Autant dire qu'il est tout simplement impossible dans un cadre démocratique de changer la structure européenne pour lui permettre de s’adapter à la réalité actuelle du monde. Un monde qui retrouve petit à petit sa position d'avant la révolution industrielle avec un occident de plus en plus excentré des plus grands producteurs de richesses de la planète situés en Asie.
La France est un pays en voie de sous-développement sur continent en déclin.
Le monde a changé. Le centre économique de la planète se situe maintenant en Asie avec la Chine à sa tête, mais l'occident fait comme s'il était encore au centre du monde. La réaction protectionniste américaine semble montrer tout de même une prise en compte de la réalité, même si le protectionnisme américain est trop timoré et parcellaire. En plus, les subventions ne sont pas le protectionnisme le plus efficace qui soit en plus d'être douloureusement coûteux. On entend d'ailleurs globalement beaucoup moins de critiques vis-à-vis de la nouvelle politique de Biden par rapport à l'époque de Trump. Et ce n'est pas uniquement à cause du changement de personnel politique, mais bien parce qu'aujourd'hui les USA sentent qu'ils sont en déclin rapide. Rien n'indique cependant que ce nouveau protectionnisme ait un effet majeur sur la situation dans un proche avenir, le déficit commercial américain est trop généralisé pour que quelques subventions arrangent la situation. Mais nous avons déjà longuement parlé des USA dans ce texte, je ne reviendrai pas dessus. L'annonce récente d'Apple qui compte délocaliser une partie de sa production de Chine confirme mon hypothèse. Apple ne ferme pas ses usines en Chine pour les ouvrir aux USA, mais pour aller en Inde ce qui va accélérer encore la prise de poids de l'Asie en développant l'autre future superpuissance planétaire que sera ce pays dans une ou deux générations.
L'UE dans tout ça semble comme tétanisé, perdu au milieu de son néolibéralisme de plus en plus suranné. Elle est désormais la seule région du monde à prôner l'ouverture au commerce totale et le laissez-faire pratique. Le reste de la planète pratique allègrement protectionnisme, subvention et préférence pour les producteurs locaux. En un sens, l'UE rappelle de plus en plus l'URSS pour son organisation bureaucratique, son dogmatisme et l'Empire ottoman pour la négligence phénoménale qu'elle porte aux questions macroéconomiques. L'UE a totalement intériorisé le laissez-faire, à tel point qu'elle ne prend strictement aucune mesure susceptible d'un peu défendre les producteurs locaux. Au milieu de ça les états membres qui réclament des mesures passent leur temps à pérorer dans le vide . Même l'Allemagne s'agite dans l'impossibilité de faire quoique ce soit sauf regarder son industrie partir faute de gaz russe pour la faire tourner.
Au milieu de cette débandade, il y a la France et son président agité et grand communicant. Pour communiquer, il communique, mais même la meilleure des communications ne fonctionnera plus quand les gens constateront dans les faits l'inanité des propos. Macron pourra toujours dire "il n'y aura pas de panne électrique" quand la moitié du pays n'aura plus d'électricité, les faits parleront d'eux même. Un peu comme le vaccin que tout le monde doit prendre même si tout le monde voit bien que c'est un produit médiocre au mieux. Le mensonge n'a d'efficacité que s'il est employé avec modération et sagesse. Mais comme le président sent quand même que cette fois ça ne passera pas, l'on voit poindre de nouvelles excuses. Ce n'est pas la faute de Macron, mais uniquement de ses prédécesseurs. Oubliant que monsieur Macron est tout de même à la tête de l'état depuis plus de cinq ans et qu'avant cela il était en charge du ministère de l'Économie. Il est bien évident que sa présidence n'est pas seule coupable, mais il n'a strictement rien fait pour arranger les choses. Bien au contraire, il a accéléré et il voulait fermer 14 réacteurs nucléaires pour faire plaisir aux idéologues du climat et de l'écologie.
La France est donc maintenant dépourvue d'un système énergétique à la hauteur de sa consommation, elle va devoir s'habituer aux restrictions et aux pénuries. Pénuries qui vont surtout accélérer le déclin industriel du pays déjà bien entamé comme le note dans cet interview l'ancien président d'EDF Loïk Le Floch-Prigent . Pire que ça, prisonnière des traités européens et des dogmatismes macro-économiques néolibéraux, on ne voit pas très bien comment la France pourrait à court terme relancer sa filiale électronucléaire. En effet pour ceux qui l'ignoreraient, le nucléaire français a été financé à une époque où l'état n'empruntait pas sur les marchés financiers. C'est l'état à travers un emprunt à la banque de France qui a financé l'investissement à hauteur de 65 milliards en euro constant d'après ce site. Un emprunt sans intérêt qui a vite été comblé par les retours sur investissement du nucléaire et par l'inflation. Aujourd'hui, comment pourrait-on financer un tel investissement sûrement très supérieur ? Alors même que la France est désormais menacée par le FMI pour sa gestion économique . Sans rompre avec le dogmatisme néolibéral, je ne vois pas très bien comment nous allons concrètement sortir du problème. Les emprunts sur les marchés financiers sont trop coûteux et les taux vont fortement grimper dans les années qui viennent.
La marché européen de l'énergie est une catastrophe, tout le monde en convient aujourd'hui. L'UE est paralysée et enfermée dans ses dogmes . Les mesures de rétorsion contre la Russie n'ont fait qu'une seule victime, l'Europe de l'Ouest. Le monde devient protectionniste et abandonne petit à petit les lubies du marché libre des années 80-90. Mais nous restons là enfermés dans nos certitudes libérales et notre supériorité morale. Profitons-en, il ne nous restera que ça bientôt. Loin d'avoir renforcé le continent, la construction européenne l'a probablement définitivement fait sortir de l'histoire. Sans électricité, sans médicaments et peut-être bientôt sans nourriture, faute d'engrais en quantité suffisante, les années qui viennent en France risquent d'être douloureuses et plus grave on ne voit pas du tout de portes de sortie politique. Qui osera rompre avec le libéralisme et l'UE ? Et surtout les électeurs comprendront-ils enfin quel est le problème ? Amusant la galerie avec des sujets totalement secondaires, la gauche comme la droite continue à jouer le jeu de la communication des médias mainstream. Mais ce qui pouvait exister dans les années 80-90, quand l'économie fonctionnait encore à peu près, va devenir hautement problématique dans les années de pénurie. Le ridicule débat sur la corrida montre qu'il y a encore beaucoup trop de gens en haut qui semblent ignorer la situation du pays ou ne pas en prendre la gravité.