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4 décembre 2022 7 04 /12 /décembre /2022 15:42

 

C'est aujourd’hui officiel donc la France se dirige vers sa première panne électrique depuis 1978. C'est un peu cocasse pour moi puisque je suis né en 1978. Nous arrivons aujourd'hui à la conclusion logique du laissez-faire libérale depuis les années 70. Pendant longtemps la France a vécu sur les acquis de l'époque de l'économie mixte, mais cette période est aujourd'hui largement terminée. Désindustrialisé par 40 ans de libre-échange et de libre circulation des capitaux, auquel on peut rajouter la disparition de l'état stratège, le franc fort, puis l'euro, la France n'est plus que l'ombre d'elle même. Le président gouverneur de province qui vient de cirer les pompes du grand frère américain a encore une fois montré dans quel état est le pays réduit à quémander une action des USA pour ne pas trop compromettre notre économie. Une demande qui a bien évidemment été totalement ignorée. Pourquoi donc les USA devraient-ils renoncer au protectionnisme simplement parce que les Européens ont été assez stupides pour inscrire le libre-échange comme seule doctrine économique possible dans leurs traités ?

 

L'UE est aujourd'hui empêtrée dans les contradictions produites de sa propre structure d'organisation. Elle est structurellement incapable de s'adapter à un monde qui change parce qu'elle n'est qu'une bureaucratie organisée autour de traité pensé à des époques totalement différentes avec des rapports de force économiques totalement différents. Et une bureaucratie n'a pas la possibilité de changer elle-même ses structures de fonctionnement. Elle peut s'agiter, se raidir, mais pour toujours appliquer un peu plus la doxa de sa structure. Dans le cas d'une nation, une bureaucratie problématique sera changée par la politique produite par un choc électoral par exemple. Le politique qui obéit aux intérêts du peuple et de la nation a la légitimité pour changer le fonctionnement d'une bureaucratie. Car il est le dépositaire de l'autorité du peuple et a donc le pouvoir de le faire. Mais dans le cas de l'UE, c'est tout bonnement impossible. La seule possibilité étant une unanimité des états pour changer les principes même de l'UE. Autant dire qu'il est tout simplement impossible dans un cadre démocratique de changer la structure européenne pour lui permettre de s’adapter à la réalité actuelle du monde. Un monde qui retrouve petit à petit sa position d'avant la révolution industrielle avec un occident de plus en plus excentré des plus grands producteurs de richesses de la planète situés en Asie.

 

La France est un pays en voie de sous-développement sur continent en déclin.

 

Le monde a changé. Le centre économique de la planète se situe maintenant en Asie avec la Chine à sa tête, mais l'occident fait comme s'il était encore au centre du monde. La réaction protectionniste américaine semble montrer tout de même une prise en compte de la réalité, même si le protectionnisme américain est trop timoré et parcellaire. En plus, les subventions ne sont pas le protectionnisme le plus efficace qui soit en plus d'être douloureusement coûteux. On entend d'ailleurs globalement beaucoup moins de critiques vis-à-vis de la nouvelle politique de Biden par rapport à l'époque de Trump. Et ce n'est pas uniquement à cause du changement de personnel politique, mais bien parce qu'aujourd'hui les USA sentent qu'ils sont en déclin rapide. Rien n'indique cependant que ce nouveau protectionnisme ait un effet majeur sur la situation dans un proche avenir, le déficit commercial américain est trop généralisé pour que quelques subventions arrangent la situation. Mais nous avons déjà longuement parlé des USA dans ce texte, je ne reviendrai pas dessus. L'annonce récente d'Apple qui compte délocaliser une partie de sa production de Chine confirme mon hypothèse. Apple ne ferme pas ses usines en Chine pour les ouvrir aux USA, mais pour aller en Inde ce qui va accélérer encore la prise de poids de l'Asie en développant l'autre future superpuissance planétaire que sera ce pays dans une ou deux générations.

 

L'UE dans tout ça semble comme tétanisé, perdu au milieu de son néolibéralisme de plus en plus suranné. Elle est désormais la seule région du monde à prôner l'ouverture au commerce totale et le laissez-faire pratique. Le reste de la planète pratique allègrement protectionnisme, subvention et préférence pour les producteurs locaux. En un sens, l'UE rappelle de plus en plus l'URSS pour son organisation bureaucratique, son dogmatisme et l'Empire ottoman pour la négligence phénoménale qu'elle porte aux questions macroéconomiques. L'UE a totalement intériorisé le laissez-faire, à tel point qu'elle ne prend strictement aucune mesure susceptible d'un peu défendre les producteurs locaux. Au milieu de ça les états membres qui réclament des mesures passent leur temps à pérorer dans le vide . Même l'Allemagne s'agite dans l'impossibilité de faire quoique ce soit sauf regarder son industrie partir faute de gaz russe pour la faire tourner.

 

Au milieu de cette débandade, il y a la France et son président agité et grand communicant. Pour communiquer, il communique, mais même la meilleure des communications ne fonctionnera plus quand les gens constateront dans les faits l'inanité des propos. Macron pourra toujours dire "il n'y aura pas de panne électrique" quand la moitié du pays n'aura plus d'électricité, les faits parleront d'eux même. Un peu comme le vaccin que tout le monde doit prendre même si tout le monde voit bien que c'est un produit médiocre au mieux. Le mensonge n'a d'efficacité que s'il est employé avec modération et sagesse. Mais comme le président sent quand même que cette fois ça ne passera pas, l'on voit poindre de nouvelles excuses. Ce n'est pas la faute de Macron, mais uniquement de ses prédécesseurs. Oubliant que monsieur Macron est tout de même à la tête de l'état depuis plus de cinq ans et qu'avant cela il était en charge du ministère de l'Économie. Il est bien évident que sa présidence n'est pas seule coupable, mais il n'a strictement rien fait pour arranger les choses. Bien au contraire, il a accéléré et il voulait fermer 14 réacteurs nucléaires pour faire plaisir aux idéologues du climat et de l'écologie.

 

La France est donc maintenant dépourvue d'un système énergétique à la hauteur de sa consommation, elle va devoir s'habituer aux restrictions et aux pénuries. Pénuries qui vont surtout accélérer le déclin industriel du pays déjà bien entamé comme le note dans cet interview l'ancien président d'EDF Loïk Le Floch-Prigent . Pire que ça, prisonnière des traités européens et des dogmatismes macro-économiques néolibéraux, on ne voit pas très bien comment la France pourrait à court terme relancer sa filiale électronucléaire. En effet pour ceux qui l'ignoreraient, le nucléaire français a été financé à une époque où l'état n'empruntait pas sur les marchés financiers. C'est l'état à travers un emprunt à la banque de France qui a financé l'investissement à hauteur de 65 milliards en euro constant d'après ce site. Un emprunt sans intérêt qui a vite été comblé par les retours sur investissement du nucléaire et par l'inflation. Aujourd'hui, comment pourrait-on financer un tel investissement sûrement très supérieur ? Alors même que la France est désormais menacée par le FMI pour sa gestion économique . Sans rompre avec le dogmatisme néolibéral, je ne vois pas très bien comment nous allons concrètement sortir du problème. Les emprunts sur les marchés financiers sont trop coûteux et les taux vont fortement grimper dans les années qui viennent.

 

La marché européen de l'énergie est une catastrophe, tout le monde en convient aujourd'hui. L'UE est paralysée et enfermée dans ses dogmes . Les mesures de rétorsion contre la Russie n'ont fait qu'une seule victime, l'Europe de l'Ouest. Le monde devient protectionniste et abandonne petit à petit les lubies du marché libre des années 80-90. Mais nous restons là enfermés dans nos certitudes libérales et notre supériorité morale. Profitons-en, il ne nous restera que ça bientôt. Loin d'avoir renforcé le continent, la construction européenne l'a probablement définitivement fait sortir de l'histoire. Sans électricité, sans médicaments et peut-être bientôt sans nourriture, faute d'engrais en quantité suffisante, les années qui viennent en France risquent d'être douloureuses et plus grave on ne voit pas du tout de portes de sortie politique. Qui osera rompre avec le libéralisme et l'UE ? Et surtout les électeurs comprendront-ils enfin quel est le problème ? Amusant la galerie avec des sujets totalement secondaires, la gauche comme la droite continue à jouer le jeu de la communication des médias mainstream. Mais ce qui pouvait exister dans les années 80-90, quand l'économie fonctionnait encore à peu près, va devenir hautement problématique dans les années de pénurie. Le ridicule débat sur la corrida montre qu'il y a encore beaucoup trop de gens en haut qui semblent ignorer la situation du pays ou ne pas en prendre la gravité.

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23 novembre 2022 3 23 /11 /novembre /2022 16:48

 

Que se passe-t-il en Chine ? Depuis le début de la crise du COVID, la société chinoise et ses autorités semblent devenue complètement folles avec des actions d'une très grande brutalité pour vaincre une maladie dont on sait aujourd'hui qu'elle s'avère peu dangereuse pour la grande majorité de la population. Alors sur internet on trouve tout un tas d'explications. Certains diront que c'est le résultat d'une connaissance particulière, la Chine sachant quelque chose sur le COVID que nous ne connaissons pas. Cette hypothèse est très peu vraisemblable, avouons-le. Le Covidisme, cette espèce d'hystérie folle qui a touché la chine, comme les autres pays, mais il a peut-être bénéficié dans ce pays d'une peur historique des maladies transmissibles. Il y a d'abord une triste tradition locale des maladies et des épidémies. On doit à la Chine bon nombre des épidémies qui ont frappé le monde à commencer par la grande peste noire dont les Chinois ont été les premières victimes d'ailleurs. Plus qu'ailleurs, la peur des épidémies est en quelque sorte fortement intériorisée historiquement parlant. Ensuite, il y avait eu en 2003 une épidémie avec le virus H5n1 qui avait touché l'être humain alors qu'il s'agissait d'un virus touchant normalement les volailles. Cette épidémie avait fait très peur à l'époque et elle a tué pas mal de gens en Asie. Donc la réaction chinoise disproportionnée peut sans doute s'expliquer en partie par ces expériences historiques malheureuses. Est-ce que cela explique la mise en quarantaine de villes entières pour quelques cas, probablement pas. Et on n’a jamais vu la Chine faire ça pour d'autres épidémies.

 

D'autres pensent plus sérieusement qu'il s'agit d'un mécanisme de changement d’orientation économique utilisant le COVID comme prétexte. Il est vrai que la Chine a tout intérêt à réorienter à terme sa production vers sa consommation intérieure. Ce pays a de moins en moins besoin de l'occident en matière de savoir-faire industriel et technique, donc sa dépendance aux exportations ne semble plus si avantageuse pour eux. Et la Chine qui est déjà la première puissance industrielle de la planète est aussi déjà un monstre de la science et de l'innovation technologique. Les imbéciles qui pensent que l'occident et les USA en particulier ont la capacité de continuer à dominer l'innovation et la technique ne semblent pas réaliser à quel point il est déjà bien tard en la matière. Et de toute façon étant donné la masse démographique chinoise, il est inéluctable qu'elle devienne le centre de l'innovation et de la science planétaire avant d'être rejointe dans quelques années par l'Inde. Au passage, la Chine vient d'annoncer le développement d'un réacteur nucléaire spécialement conçu pour être déployé sur leur future base lunaire. La Chine utiliserait donc le Covid pour forcer son système économique à être moins dépendant de l'étranger que ce soit du point de vue des importations ou des exportations. Une espèce d'isolationnisme volontaire sous couvert d'épidémie en quelque sorte, c'est plausible, mais pas totalement convaincant.

 

Autre hypothèse, celle de la volonté de garder le mandat céleste en ne reconnaissant pas ses torts. Cela peut paraître anachronique comme argument, mais même en France on sait que reconnaître ses torts peut être désagréable pour le pouvoir. L'acharnement à ne pas réintégrer les soignants non-vaccinés en France tient très clairement de ce fait. En Chine où le pouvoir n'est pas démocratique, mais bureaucratique et méritocratique, le fait de reconnaître être allé trop loin est probablement encore plus difficile que chez nous. Donc le gouvernement garderait sa stratégie de zéro Covid comme seule possibilité pour ne pas se prendre une vindicte populaire en quelque sorte et perdre sa légitimité. Un peu comme les ingénieurs de Tchernobyl qui n'ont pas réagi correctement en partie par peur de la réaction des supérieurs . En reconnaissant leurs torts, les autorités de Pékin auraient donc peur de perdre l'autorité « divine » qui est la leur, celle de l'infaillibilité. C'est une hypothèse à prendre en compte d'autant qu'elle peut expliquer aussi en partie les errements du pouvoir politique français à reconnaître ses innombrables erreurs depuis 40 ans en matière économique ou plus récemment en matière énergétique et médicale .

 

Une crise due à une stratification sociale progressive ?

 

Dernière hypothèse, celle qui me semble la plus concevable serait que la Chine a des problèmes d'ordre sociologique produit par son développement très rapide. Et le Covid serait un prétexte pour contrôler la population locale et étouffer des révoltes dont nous n'aurions aucun écho en occident. Le contrôle de l'information en Chine étant passablement sophistiqué. Alors, pourquoi pencher sur cette hypothèse qui n'exclut pas toutes les autres d'ailleurs ? Tout d'abord comme nous l'a appris Emmanuel Todd dans ses œuvres, la dynamique des populations et des mouvements politiques est liée en grande partie à l’anthropologie, aux structures familiales et au niveau d'instruction générale. Or il est possible que la Chine soit atteinte comme nous l'avons été d'un blocage progressif de la poussée du niveau scolaire. La partie très éduquée de la population commence peut-être comme celle d'occident à se penser réellement supérieure au reste de la population et commence à ne plus supporter l'égalité de traitement théorique du régime chinois. Une hypothèse que l'on peut accompagner des chiffres sur l'explosion des inégalités en Chine depuis 20 ans comme le montre ce graphique. On voit sur le graphique l'explosion des richesses des 0,001% les plus riches avec en parallèle l'appauvrissement relatif des 50% les moins riches. Il faut quand même garder en tête que contrairement à la France ou aux USA les 50% les moins riches se sont quand même enrichis ces 20 dernières années, mais clairement pas autant que les plus riches, d'où l'accroissement des inégalités.

On constatera au passage que la montée des inégalités commence au début des années 2000 au moment de l'entrée de la Chine dans l'OMC. Si la globalisation a fait énormément souffrir l'occident, il a déformé aussi l'économie chinoise dans la répartition des richesses. On mettra aussi en parallèle la forte baisse de l'inflation en Chine à cette époque. Comme à l'accoutumée l'inflation rongeait les rentes. La forte inflation chinoise des années 80-90 permettait probablement à la Chine d'éviter les concentrations de richesse excessives, en baissant fortement le capital s'est excessivement concentré dans le haut de la pyramide des revenus. Et ce d'autant plus rapidement que le pays connaissait une croissance très élevée. La globalisation a permis à la Chine d'avoir une croissance de la production sans avoir à se soucier des débouchés puisque les débouchés c'était l'occident. Elle n'a pas eu à équilibrer son système et la question du partage de la valeur ajoutée entre les salariés et le capital. Ajoutons à cela que comme on l'a vue il y a peu de temps les Chinois ont une forte propension à épargner ce qui nuit encore plus à la circulation des richesses . Avec l'affaiblissement de la demande occidentale, la Chine a donc un problème, comment passer d'une société d'exportation à une société qui se fonde surtout sur la demande intérieure ?

 

Donc il se pourrait que la Chine soit traversée actuellement par des tendances au conflit entre les nouvelles classes sociales dominantes issues de la hausse du niveau d'instruction et la rigidité du régime chinois théoriquement encore communiste. Un peu comme ce fut le cas à la fin des années 60 chez nous avec la hausse du poids des diplômés qui se mettent à faire cavalier seul. En Chine les diplômés du premier cycle universitaire atteignent déjà 15% de la population. Ceux du second et troisième cycle 6,8% d'après cette étude. Même si c'est très inférieur à ce qu'on connaît chez nous aujourd'hui, on parle de près d'un million de personnes tout de même, c'est la Chine. La création d'une communauté de haut diplômé importante en Chine aura probablement les mêmes conséquences à terme que chez nous, une rupture avec le bas peuple. Tant que les diplômés sont peu nombreux ils ne peuvent pas faire société à eux seuls, mais dès qu'ils commencent à représenter un pourcentage significatif, la séparation spatiale et culturelle peut s'opérer. Mais la Chine n'est pas la France ou les USA c'est un système anthropologique communautaire peu adepte des inégalités et assez autoritaire. La nouvelle bourgeoisie des diplômes pourrait avoir beaucoup plus de mal que chez nous à prendre totalement le contrôle de la société.

 

À ces problèmes d'ordre sociologique et économique s'ajoute aussi le problème du vieillissement accéléré. La Chine doit sa réussite en partie à la transition démographique. Certains ont conclu un peu trop rapidement qu'il s'agissait du résultat de la politique de l'enfant unique, mais si l'on regarde Taïwan qui a suivi une évolution démographique similaire sans la politique de l'enfant unique, on doit bien admettre qu'il ne faudrait pas surévaluer l'influence de cette politique sur la transition démographique. D'ailleurs, la similitude époustouflante entre l'évolution de la natalité en Chine et à Taïwan, alors que les deux régimes politiques sont très différents, montre d'une part le poids de la culture locale sur la démographie, d'autre part montre aussi que Taïwan c'est bien la Chine quoi qu'on en dise. En plus, l'état chinois depuis quelques années a arrêté justement cette politique de l'enfant unique pour redresser la barre d'une natalité beaucoup trop faible maintenant. Or la natalité n'a pas vraiment redémarré. La natalité est aujourd'hui de seulement 1,16 enfant par femme sachant que le seuil de reproduction est à 2,05 . À cela il faut ajouter la surmasculinité des naissances qui augmente encore le seuil du nombre d'enfants par femme nécessaire au renouvellement des générations. Autant le dire tout de suite la Chine a un énorme problème, pire encore que celui du Japon toute proportion gardée. Si cette question de la démographie n'explique bien évidemment pas la politique du zéro Covid elle participe probablement à un phénomène de doute au plus haut niveau de l'état et peut concourir à des prises de décisions qu'on peut juger assez extrêmes.

 

 

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20 novembre 2022 7 20 /11 /novembre /2022 16:07

 

J'avais écrit sur ce blog il y a quelques années un texte sur les monnaies fondantes et les monnaies locales. Les problèmes économiques actuels font ressurgir cette question. Et c'est évidemment dans le pays le plus dynamique de la planète, la Chine, que cette question semble vouloir pousser le gouvernement à tenter des politiques macroéconomiques originales. En effet, le gouvernement chinois semble vouloir introduire un yuan numérique à la valeur dégressive au fil du temps. Ce qui correspond à la définition des monnaies fondantes. Une solution à la concentration des richesses et au manque de circulation de la monnaie qui avait été pensée par l'économiste iconoclaste d'origine argentine Silvio Gesell.

 

L'origine de la monnaie fondante

 

La définition de la monnaie et l'importance ou non qu'on lui donne dépend souvent chez les économistes de leurs églises d'appartenance idéologique. Ce qui en soit est problématique, puisqu'une science qui n'arrive pas à s'accorder sur la définition claire de son unité de mesure, peut-elle vraiment être décrite comme une science ? C'était ce genre de détails qui faisait sourire notre économiste hétérodoxe préféré Bernard Maris qui nous a quittés trop vite dans les affreuses circonstances que l'on connaît tous à l’hebdomadaire Charlie Hebdo. Il parlait à juste titre de scolastique économique, l'économie partageant avec la scolastique médiévale son côté très logique et en même temps son côté très peu scientifique. Le dernier texte de l'économiste Eric Monnet montrant le peu d'intérêt que portent les économistes à la pratique rigoureuse de la science qui consiste surtout à se confronter aux faits et non seulement à la logique d'un discours. L'économie semble par moment en être restée au stade de la métaphysique, le stade intermédiaire entre la religion et la méthode scientifique si l'on se fit aux réflexions d'Auguste Comte sur le sujet.

 

Pour en revenir à notre sujet, les économistes libéraux, vous diront que la monnaie n'est qu'un voile. Elle est une mesure de la valeur d'échange et rien d'autre. Elle n'a pas de valeur en elle-même, elle est neutre. On pourrait ici dire que les libéraux ont pris un peu leur désire pour des réalités. Ils ont en fait simplifié le problème parce que la monnaie c'est en fait simple et très compliqué à la fois. C'est effectivement le moyen d'échange qui nous simplifie la vie, mais c'est aussi un moyen d'accumulation. Le capitalisme est même fondé sur ça. La monnaie permet les dettes, ou plus précisément permet une représentation précise des dettes. Et contrairement à ce que beaucoup croient, la monnaie est en fait née bien après la dette. Parmi les premiers écrits des anciennes civilisations comme Sumer, on a retrouvé des quittances de dette alors que la monnaie telle que nous la connaissons n'avait pas encore été inventée. Mais est-ce si surprenant ? Dès leur plus jeune âge les enfants se prêtent des objets entre eux avec comme sous-entendu que l'un prête à l'autre, et vis-versa . C'est le fameux principe de « donner, recevoir, rendre » cher à Marcel Mauss. Quelque chose que l'on fait instinctivement et qui participe au fonctionnement collectif en faisant circuler la richesse et les moyens de production.

 

L'on pourrait aussi critiquer le fait que la monnaie est certes un moyen de mesure d'un échange, de l'évaluer de façon plus pratique. Mais que cette évaluation est une mauvaise mesure de l'échange dans le sens où il y a perte d'information au passage. Et c'est là qu'intervient la théorie de Silvio Gesell. En effet si la monnaie permet une évaluation instantanée de la valeur d'échange, elle n'est pas soumise aux mêmes contraintes physiques que les biens ou les services qu'elle a permis d'échanger. Si vous achetez une baguette de pain à votre boulanger, cette baguette va perdre rapidement de sa valeur puisqu'elle se dégrade avec le temps, que vous la consommiez ou non. Cette dégradation temporelle tout y est soumis dans notre univers, les hommes, les animaux, les denrées, et même l'univers lui-même. Mais la valeur monétaire non. Non seulement vous pouvez la stocker indéfiniment, mais en plus vous pouvez l'utiliser, la placer et même la faire fructifier pour produire de l'argent avec de l'argent. Ce n'est pas un hasard si les grandes religions se méfiaient tant de l'intérêt, dans une société stagnante l'usure peut rapidement concentrer la richesse entre peu de mains et devenir ainsi une catastrophe biblique, si je puis dire. Tout cela par le simple fait que l'argent ne perd pas de valeur et que l'intérêt la fait même s’accroître « gratuitement » aux yeux de possesseur du capital. Le taux d'intérêt composé est l'arme la plus puissante qui puisse être pour renverser des nations et des empires.

 

Bien évidemment la concentration des richesses ne pouvant être éternel dans le monde réel à un moment donné, cette accumulation explose ou est rongée par la guerre, les révolutions ou l'inflation. Le mieux étant une régulation par l'impôt et les politiques macroéconomiques, mais il faudrait pour cela quelques dirigeants éclairés, à la manière d'un Roosvelt ou d'un de Gaulle, personnages de qualité dont nous sommes malheureusement bien dépourvus à notre époque. Je rappellerais pour les ignares que le taux d'imposition sous Roosvelt avait atteint les 91% pour les plus hauts revenus. Une taxation à la hauteur des concentrations absurdes que la mécanique des taux d'intérêt composés avait produite alors. Mais Gesell comme beaucoup de ses pairs à l'époque cherchait une solution plus pérenne que les impôts, l'inflation et les autres remèdes à la concentration. Il trouva alors l'idée de rapprocher la nature de la monnaie de la nature physique de notre monde en introduisant la notion de dégradation temporelle.

 

L'idée est toute simple, puisque tout est soumis à la lente dégradation avec le temps, faisons une monnaie qui perd de la valeur avec le temps. Elle sera ainsi plus proche du fonctionnement physique du monde et empêchera les concentrations absurdes de richesse. L'avantage et l’élégance de sa solution tiennent au fait que cela ne nécessite pas d'un état massivement interventionniste comme peuvent l'être les politiques de redistribution. Cela ne dépend donc pas de la mode politique ou de l'exercice de quelques fonctionnaires qui peut toujours être embourbé dans les errements des problématiques humaines. Le problème est que la solution de Gesell était en fait difficile à mettre en pratique à l'époque, mais ce n'est peut-être plus vrai aujourd'hui .

 

Mettre en pratique la monnaie fondante en 2022

 

La monnaie fondante n'est donc pas une nouveauté. C'est une idée qui date du début du 20e siècle, mais qui à l'époque ne pouvait pas être mise en pratique. Cependant, nous avons tous déjà utilisé de la monnaie fondante la plupart du temps sans trop y penser. Les Tickets restaurant sont une forme de monnaie fondante puisqu'ils ont une date de péremption. Ils ont en plus de cette limite temporelle une limite d'usage. Les bons de réduction sous toutes leurs formes, votre chèque énergie, tout ceci en quelque sorte c'est de la monnaie fondante. Leur principal intérêt est qu'ils ne peuvent pas se stocker à long terme et qu'ils ont un usage bien précis. Cela favorise donc la consommation courante, mais aussi le don. Car à quoi bon garder un ticket s'il n'a plus de valeur et si l'on n’en a pas l'usage ? On fait alors une donation à un proche ou à quelqu'un qui en a besoin. L'autre bon point de la monnaie fondante est donc qu'elle favorise aussi un comportement plus altruiste que l'esprit d'écureuil produit par l'économie de l'épargne croissante. Et puis n'oublions pas qu'à la fin nous mourrons tous, quelle que soit votre épargne.

 

L'un des gros problèmes que je vois dans la monnaie fondante en pratique tient au système économique international. Les nations sont différentes et n'ont pas de pratiques homogènes. Or si un pays utilise une monnaie fondante, quid de ses relations commerciales et monétaires avec les autres nations ? À moins d'imaginer une monnaie fondante planétaire, je ne vois pas comment une nation seule pourrait se lancer dans ce genre d'expérimentation. Ou alors il faudrait qu'elle soit totalement autosuffisante et se passe du reste du monde. En pratique, on peut imaginer une multiplication de monnaie fondante intermédiaires à l'image des Tickets restaurant, mais pour de multiples usages courants. Pour la France on pourrait même imaginer des tickets de consommation de produits fabriqués à 100% en France à durée de vie limitée. En faisant ainsi un protectionnisme implicite bien que je me doute qu'il s'agisse là d'une entorse aux règlements européens.

 

Alors pourquoi est-ce la Chine qui se lance en premier dans ce type d'expérimentation ? En premier lieu parce que c'est un pays dynamique et vivant contrairement au nôtre. Donc qu'il se lance dans des expériences innovantes n'est pas surprenant. Mais surtout, je pense que la Chine essaie petit à petit de sortir du piège économique américain. Les USA sont le consommateur en dernier ressort de l'économie planétaire. Grâce à leur dollar, ils peuvent se permettre d'accumuler indéfiniment des déficits commerciaux et de faire aux autres pays la facture inflationniste en quelque sorte. Je ne reviens pas là-dessus, j'en ai déjà abondamment parlé dans de précédents textes. Donc pour que la Chine se débarrasse des USA, il faut qu'elle monte en gamme en matière industrielle, qu'elle soit autonome scientifiquement . Et elle l'est de plus en plus, quoi que fassent les USA pour les arrêter. Mais il faut aussi qu'elle se passe de la demande américaine et là c'est plus difficile.

Le taux d'épargne en Chine en % du PIB

En effet l'un des grands problèmes de la Chine en dehors de son problème démographique qui va peser de plus en plus c'est son taux d'épargne. Alors que dans les pays développés généralement le taux d'épargne peut se situer entre 15 et 20%, la Chine a encore un taux d'épargne de 44% ! Et il était encore de plus de 50% il y a quelques années. C'est fortement problématique parce que cela veut dire que la consommation chinoise est très inférieure à ce qu'elle devrait. L'état chinois a compensé pendant longtemps à coup de grands travaux et de politiques publiques dispendieuses à l'image d'un Roosvelt et son New Deal. Et la Chine qui manquait de tout avait besoin de toute manière de développer ses infrastructures. Mais voilà comme en occident ces politiques de grands travaux finissent par avoir des limites. Que ce soit parce que tout simplement on a construit tout ce qu'il y avait à construire ou parce que le niveau de volume à dépenser pour les travaux ne compense plus l'énorme capacité d'épargne des Chinois. À un moment donner la chine doit réduire cette épargne à un niveau plus compatible avec son nouveau statut de pays développé.

 

Alors, de nombreuses méthodes sont possibles, en Europe on a développé l'état providence avec l'assurance chômage, la sécurité sociale, la gratuité de l'enseignement, les retraites, etc. Tout ceci a permis aux gens d'avoir confiance en l'avenir et de réduire leur propension à épargner. La Chine choisit la monnaie fondante pour pousser les Chinois à consommer plus. On verra si la méthode fonctionne à terme, en tout cas c'est une expérience intéressante. Et l'on peut espérer que cela inspire d'autres régions du monde pour au moins réfléchir au concept. Mais dans le domaine des décisions économiques aussi on voit que l'occident n'est plus le centre du monde. Dans les années trente, les innovations économiques venaient d'Amérique ou d'Europe. Aujourd’hui elles viennent d'Asie, alors qu'à l'inverse nos pays régressent avec un capitalisme qui commence à ressembler à celui du 19e.

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9 novembre 2022 3 09 /11 /novembre /2022 16:16

 

Catastrophe, la mairie de paris qui est désormais noyée sous les dettes va donc augmenter les taxes foncières de 52%, une paille comme dirait l'autre. Si nous étions taquins, nous pourrions souligner que depuis que Paris a un maire rien ne va plus. La Ville lumière se déglingue année après année. Rappelons que jusqu'à l'élection de Jacques Chirac en 1977, Paris avait un statut particulier en France du fait de son rôle de capitale du pays et elle n'avait pas de maire, et ce depuis près d'un siècle. Cela n'avait pas empêché la ville d'être convenablement gérée. Les folles élucubrations de la maire actuelle de la ville devraient faire réfléchir à cette idée certains Parisiens, et si on supprimait à nouveau la mairie ? Doit-on laisser la ville de Paris aux mains des Parisiens qui apparemment en font n'importe quoi ? Mais ce n'est pas vraiment le sujet du jour puisque je vais parler d'une situation que bien peu de gens connaissent même si à titre personnel j'en ai déjà parlé sur le blog. En effet, l'état de Paris et plus généralement de la région parisienne devrait nous faire réfléchir. Plus que partout en France c'est bien ici que les contradictions produites par le libéralisme et la construction européens ont fait le plus de dégâts et accru le plus les tensions et les inégalités.

 

Si la région parisienne est souvent présentée comme le cœur économique du pays en raison de son poids dans le PIB, l'on oublie généralement la constitution de ce PIB. Loin d'être une région dynamique, la région parisienne par bien de ses aspects s'apparente à une région vampirique qui pompe en fait les richesses du reste du pays. Nous sommes loin de l'image qu'en donne par exemple Christophe Guilluy d'une ville qui est dynamique dans la mondialisation. Ce que l'on nomme ville dynamique au cœur de la mondialisation n'est pas en soi quelque chose de positif. Les grandes métropoles que ce soit Paris, Londres, ou New York ne sont pas des lieux de production, ce sont des lieux de consommation qui pompent les richesses du monde par l'intermédiaire des activités tertiaires comme la finance ou les bulles spéculatives immobilières. Cela ne veut pas dire qu'aucune activité productive n'existe en ces lieux, mais que la masse de la richesse qui y circule n'est pas le produit d'activités réellement productives au sens premier du terme. Les grandes métropoles sont devenues prédatrices de leurs propres nations bien souvent. Elles vivent d'activités d'import-export et de bulle spéculatives.

 

La région parisienne toujours plus déficitaire.

 

L'exemple de la région parisienne est en ce sens parlant. Si l'on s'inquiète des déséquilibres budgétaires parisiens, l'on oublie le chiffre incroyable du déficit de la balance commerciale de la région parisienne. Ainsi en 2021 la région parisienne a connu un déficit commercial de 58,5 milliards d'euros, à titre de comparaison, le déficit commercial français a été la même année de 85 milliards d'euros. La région parisienne qui représente environ un tiers du PIB français fait à elle seule près de 70% du déficit commercial du pays. On peut vraiment parler de région parasite d'un point de vue strictement économique même s'il ne s'agit pas ici de juger les Parisiens eux-mêmes. Il s'agit d'un problème structurel lié au libre-échange et à la spécialisation géographique dans ce maelström que représentent le globalisme, l'UE et l'euro. Dans ce cadre très spécifique, la région parisienne s'est spécialisée dans la consommation de produits importés et la bulle spéculative immobilière, car les deux phénomènes sont liés. Les dépenses régulières de la mairie de Paris et de la région nourrissent d'ailleurs la bulle spéculative nécessaire à la « croissance » locale. C'est une espèce de soutien pseudokeynésien à l'économie, mais sans la possibilité d'émission monétaire d'où le gonflement de dette. Et l'argent ne restant pas sur place à cause des déficits commerciaux, il faut pomper toujours plus pour maintenir les activités. Il faut surtout que l'activité de spéculation immobilière se maintienne. Le paradoxe c'est que c'est justement ce renchérissement du coût local du logement qui participe fortement au déclin industriel de la région, c'est un peu un cercle infernal d'autodestruction productive. Au passage on ne sera pas surpris d'apprendre que le principal responsable du déficit commercial français est la Chine.

 

Il n'en a pas toujours été ainsi. Pendant longtemps la région parisienne était productive et fournissait de grandes usines. Le plus bel exemple était l’île Seguin où Renault produisait une grande partie de ses véhicules jusqu'en 1992, date qui correspondant également au oui à Maastricht tout un symbole . Mais la bulle immobilière, le libre-échange et la monnaie unique vont rendre la région beaucoup moins compétitive sur le plan de la production. La concurrence n'est pas seulement étrangère, elle se fait aussi sur notre propre sol. La province va rapidement s'avérer moins coûteuse que la région parisienne et c'est bien évidemment le coût de la vie en général qui va porter le coup de grâce à la production locale. Un nouvel exemple récent avec la startup Air Captif de Michelin qui va étendre son activité dans le Cher plutôt qu'à Paris. Car au-delà de son coût direct, le logement oblige aussi à des rémunérations locales plus importantes. On ne le dira jamais assez, la France souffre globalement d'un niveau beaucoup trop élevé du coût du logement, mais en région parisienne on est dans l'absurde. Là encore, les effets secondaires de l'euro se font sentir avec des taux d'intérêt qui ont été trop bas trop longtemps et une captation du capital national dans l'immobilier beaucoup trop important. Trop souvent négligé, le coût du logement nuit gravement à la compétitivité globale en plus de réduire fortement la mobilité des travailleurs.

 

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Balance commerciale par région française (source direction générale des douanes)

Après la région parisienne n'est pas la seule à souffrir du déséquilibre. La région des Hauts-de-France et Provence-Alpes-Côte d'Azur présentent aussi de gros déficits commerciaux, mais là encore la bulle immobilière n'est pas étrangère çà ce fait . Il est tout de même assez étrange que cette question ne soit jamais abordée dans les médias. Les problèmes de la dette et de la hausse de la fiscalité inquiètent évidement les Parisiens, mais s'ils avaient une idée de la réalité du fonctionnement économique de leur région et des effets du libre-échange sur celle-ci peut-être seraient-ils un peut moins prompt à défendre l'UE l'euro et le libre-échange économique. On rappellera que monsieur Macron fait des scores staliniens en région parisienne, or il est un gros défenseur de ce modèle économique absurde. Un modèle que de toute manière ne pourra pas durer éternellement, la vie de l'euro ne tient déjà plus à grand chose à l'heure actuelle. Il n'y a pas que les surmulots et la délinquance comme problèmes dans la région de notre capitale.

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26 octobre 2022 3 26 /10 /octobre /2022 16:52

 

L'ouverture d'une mine de lithium dans le Massif central relance la question du développement industriel dans notre pays. Je vous conseille d'ailleurs au passage cet excellent interview de Didier Julienne sur la relation importante qu'il y a entre l'industrie de l'extraction minière et le développement de l'industrie. Une relation que nous avons petit à petit oubliée alors même que la grande réussite économique française d'après-guerre au-delà de la qualité de nos dirigeants d'alors était aussi le résultat du travail inlassable de bon nombre de français travaillant dans les mines . On ne le répétera jamais assez, les gueules noires furent autant des héros pour la France que nos résistants. Bon nombre furent d'ailleurs les deux. Travailler dans les mines était non seulement très dangereux, l'histoire récente nous le rappelle avec cette catastrophe dans une mine de charbon en Turquie qui a fait une quarantaine de morts , mais réduisait implacablement l'espérance de vie des personnes y travaillant. Des maladies irréversibles comme la silicose ont empoisonné bon nombre de personnes travaillant dans les mines de cette période.

 

La domination scientifique et technique de l'occident est terminée

 

Et c'est globalement ces dégâts sur la santé et ces difficultés du travail à la mine qui ont participé en quelque sorte à la mauvaise image de ces lieux de production. Le mouvement écologiste des années 70-80 a pu trouver là un allié de poids dans son argumentation anti-productiviste. Et si certains idéologues de l'écologie ont bien des défauts, il est quand même indéniable qu'ils ont participé à une prise de conscience plus générale sur la question de la sécurité environnementale et sur la qualité de vie des personnes travaillant dans ces secteurs. Une prise de conscience qui était plus que nécessaire alors. Mais le discours écologique qui était souvent tout à fait approprié sur certains points a malheureusement aussi servi de prétexte à un mouvement beaucoup plus discutable dans son ensemble, celui de la désindustrialisation. Car si les Français ont pris vite goût au travail dans les services et à l'abandon de l'industrie dans les années 70, ils n'ont quand même pas renoncé dans le même temps à la société de consommation qui allait avec. Il y a eu là un énorme paradoxe tout de même, car avoir une société de consommation sans avoir d'industrie ou de mines est en soi une impossibilité manifeste, les marchandises ne poussant pas sur les arbres. Pourtant depuis les années 70 on a eu de cesse d'expliquer que l'avenir c'était la société de service et que l'industrie c'était fini. On a même eu au début des années 2000 le mythe de l'industrie sans usine avec le résultat qu'on connaît pour Alcatel.

 

Bien évidemment ce que sous-entendait cette idéologie c'était l'externalisation de la production et de l'exploitation minière. Nous nous spécialisons dans les produits à haute valeur ajoutée que nous exportions et nous importions les objets plus basiques ainsi que les matières premières. C'était tout le mythe du libre-échange vendu aux Français depuis les années 70 la célèbre division internationale du travail. Mais voilà aujourd'hui plus de quarante ans après l'abandon du tarif extérieur commun européen et la généralisation du libre-échange, la France se retrouve bien dépourvue. Le défi du changement d'organisation dans le domaine de l'énergie et nos déficits commerciaux gigantesques nous oblige à revoir notre système économique. Pour le dire crûment, nous n'avons plus rien à vendre en échange de ce que les nouveaux pays industriels proposent comme marchandises. Ils sont montés en gamme et comme nous l'avons vu récemment même l'Allemagne perd maintenant face à la Chine, y compris sur les biens d'équipement. Étant donné les rapports de force démographiques et éducatifs, gardez bien à l'esprit que la science et l'innovation scientifique seront bien vite le quasi-monopole de l'Asie. Un rapide coup d'œil aux dépôts de brevet mondiaux donne déjà l'Asie largement gagnante. Demain, nous devrons copier les Chinois et les Indiens qui innoveront beaucoup plus, car plus nombreux et même maintenant mieux éduqués que nous ne le sommes. Quand aux pays producteurs de matières premières ils font comme tous le monde et achètent Asiatiques et surtout chinois. Il n'y a guère de raison pour penser que la situation puisse changer dans les décennies à venir, à moins d'imaginer un effondrement total du niveau de vie en France qui permette à la main-d’œuvre française de concurrencer celle de l'Inde. Au contraire, notre situation commerciale ne va faire que se dégrader si nous ne nous protégeons pas et que nous ne trouvons pas les moyens à nouveau de pourvoir à nos propres besoins. Les Occidentaux vont devoir réapprendre à faire leur tee-shirt eux même s'ils veulent encore en avoir.

 

Les dépots de Brevet dans le monde. L'Asie domine déjà largement.

 

C'est donc dans ce contexte global que s'inscrit le besoin de réindustrialiser le pays. Étant désormais l'un des pays, si ce ne le pays d'occident, le plus désindustrialisé, le travail va être énorme. L'extraction de ressource, en l’occurrence du lithium dans le cas de notre mine du Massif central, est un bon début. Encore faut-il que nos dirigeants prennent bien conscience que la simple activité minière ne va pas à elle seule construire une industrie. Bon nombre de pays en voie de développement n'ont tout simplement pas développé d'industrie qui leur soit propre et sont de simples exploitants de leur sous-sol. Quand on voit l'état de l’industrie du bois et de l’ameublement en France, on peut avoir quelques doutes. En effet, notre pays exporte son bois et importe des meubles fabriqués avec, ce qui est une absurdité économique pour le pays. C'est d'ailleurs une caractéristique d'un pays sous-développé, ce qui montre la gravité de la situation industrielle française. Avec l’ouverture d'une mine de lithium, on espère pouvoir développer l'industrie des batteries électrique qui va avec ce matériau. C'est d'autant plus intéressant que l'industrie en question pourrait s'implanter une région de France qui souffre d'un isolement certain et qui pourrait se voir redynamiser par l'ouverture de la mine puis par l'ouverture d'activités industrielles tournant autour du lithium .

 

En France on exporte du bois et on importe des meubles

En théorie, c'est très intéressant, mais dans les conditions macroéconomiques dans laquelle la France est plongée comment ne pas redouter une simple exploitation minière qui produira pour d'autres régions du monde ? Je rappelle que nous sommes en régime de libre-échange et que la Chine est largement dominante dans le domaine des batteries. Je ne vois pas comment on pourrait la concurrencer sans protection douanière ou quota préalablement mis en place. De la même manière en imaginant que l'UE se dote de frontières commerciales face à la Chine, nul doute que l'Allemagne mieux lotie que nous en matière industrielle en profite plus, elle ou ses satellites d'Europe de l'Est. On le voit si le retour de l'exploitation des matières premières en France est une occasion pour reconstruire une industrie. Cette exploitation seule ne permettra pas une réindustrialisation pour la bonne et simple raison que les conditions qui ont provoqué notre désindustrialisation sont toujours là le libre-échange, plus une monnaie surévaluée qui n'est même plus vraiment la nôtre. Sans parler de l'abandon par l'état français de toute la tradition interventionniste en matière d'industrie, le fait qu'un homme comme Bayrou soit à la tête du soi-disant nouveau commissariat au plan laisse planer un gros doute quant à la prise de conscience de nos dirigeants de l'importance de la planification en la matière. Cependant, ne soyons pas trop pessimistes, au moins la vision angélique d'une France qui reste riche, mais sans industrie est maintenant morte médiatiquement parlant c'est déjà un progrès.

 

L'exploitation sous-marine

 

Je profite de parle de ce sujet pour rappeler que la France a aussi un immense réservoir aujourd'hui encore peu connu et encore moins exploité, celui des territoires maritimes. On parle souvent des terres rares comme problème pour les industries de pointe. Mais il faut savoir que les terres rares ne le sont en fait pas tant que ça. Si la Chine est aujourd'hui le principal fournisseur de terres rares, on en trouve en fait un peu partout. Et l'Ifremer avait même fourni un document montrant les richesses potentielles que l'on pourrait obtenir en exploitant les océans, en particulier les cheminées thermales sous-marines. Le sénat a même lancé une mission d'information sur la question récemment, car on sait finalement peu de choses globalement sur les ressources des fonds marins et sur leur potentialité. On a là pourtant une autre possibilité d'exploitation avec des ressources en grande quantité nous permettant d'être plus autonomes dans le domaine industriel à terme. Mais comme je l'ai dit précédemment, il ne faudrait pas non plus réduire la France à une simple nation exportatrice de matière première. Que ces matières premières viennent de notre sous-sol ou de notre territoire maritime. L'exploitation de ressource doit se faire avec une politique industrielle qui l'accompagne, politique qui n'est pas vraiment possible dans le contre eurolibéral actuel.

 

 

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16 octobre 2022 7 16 /10 /octobre /2022 15:10

 

Alors que la crise énergétique bat son plein et que les inquiétudes sur le passage de l'hiver se font sentir, il me semble opportun de réaliser une vision globale de la situation économique de l'UE et de la zone euro . Parce que nous avons clairement changé de situation ces trois dernières années . En effet comme nous allons le voir, depuis plusieurs années, la zone euro, sous à férule de l'Allemagne, était devenue une zone structurellement excédentaire sur le plan commercial. À coup de contrition de la demande intérieure, l'Allemagne et ses satellites avaient construit une machine de guerre commerciale. Les pays périphériques latins comme l'Italie ou l'Espagne avaient suivi eux aussi par un effondrement de la demande intérieure. Étrangement, la France bien qu'ayant été tout le long dirigé par des ultralibéraux a laissé filer les déficits commerciaux empêchant en réalité l'euro de grimper de façon excessive. En un sens, l'euro montre en la matière tout son défaut, trop fort pour la France, l'Italie et l'Espagne, il était en même temps beaucoup trop faible pour l'Allemagne. Et cette sous-évaluation monétaire de près de 20 ans se paye aujourd'hui, car l'Allemagne n'a pas eu à s'adapter à la demande mondiale ou à innover . Sa sous-évaluation monétaire l'a ainsi laissé dormir sur son avantage économique apparent pendant que le reste de la zone accumulait dette extérieure et croissance faible. Et comme on va le voir, le modèle allemand de l'excédent va avoir beaucoup de mal à perdurer dans les décennies qui viennent.

 

 

Nous avons donc maintenant une espèce de retour de bâton extrêmement violent . Car les sous-évaluations monétaires ou les surévaluations monétaires lorsqu'elles perdurent longtemps produisent bien souvent de graves déséquilibres à long terme. Il suffit de prendre l'exemple de quelques pays d'Amérique du Sud qui ont souvent la mauvaise idée de coller leur monnaie au dollar à l'image de l'Argentine qui court de crise en crise pour s'en convaincre. Un pays doit impérativement prendre soin de ses grands équilibres et je ne parle pas ici du seul équilibre dont les libéraux vous parlent à tort et à travers, celui des déficits publics, mais plutôt du seul équilibre qui compte vraiment, celui de la balance des paiements et de la balance commerciale. Une nation peut survivre à une dette nationale monstrueuse. Elle peut même la liquider d'un trait de plume si l'envie lui vient . Cela produirait des remous, les rentiers détenteurs de titre hurleraient certainement, mais cela serait vite digéré en réalité. Alors que la dette extérieure qui découle des déficits commerciaux, elle, est un problème entre nations. Un pays qui se débarrasserait de sa dette extérieure ainsi se retrouverait bien en peine d'acheter quoique ce soit à d'autres nations pour un temps assez long. Et étant donné que nous ne sommes pas autosuffisants, nous manquerions alors de beaucoup de chose à commencer par l'énergie.

 

L'on comprend dès lors sans peine l'intérêt qu'il y a à équilibrer ses comptes extérieurs . Et il est bien malheureux que les hommes français depuis 20 ans aient oublié ce principe essentiel pour n'avoir finalement comme seul problème existentiel que celui de réguler la dette publique. Enfin, notons tout même que régler la question de la dette publique n'a pas vraiment été la priorité de Macron, qui se sert de la dette comme argument massue pour détruire les services publics alors qu'il a été le premier à faire gonfler nos dettes par ses politiques ineptes. Le vice ultime de l'Europe , le marqueur absolu du fait que l'euro était une monnaie pensée par des imbéciles, est probablement le fait que le seul facteur pris en compte dans les contraintes européennes fut le fameux 3% de déficit autorisé. S'enquérir uniquement du déficit public en oubliant les déficits extérieurs, voilà bien toute la stupidité européenne concentrée en un point. Car s'il y avait bien une contrainte à mettre si vous vouliez que la zone euro fonctionnât à peu près, c'était bien celui des déséquilibres commerciaux et des déséquilibres des balances des paiements. Nulle nation n'aurait dû être autorisée à accumuler indéfiniment des déficits extérieurs comme la France et nulle autre non plus, n'aurait dû être autorisée à accumuler des excédents contre ses voisins, comme l'Allemagne l'a fait. Or aucun mécanisme n'a été pensé pour rééquilibrer les balances commerciales au sein de la zone euro. Un comble pour une structure économique qui ne pouvait que faire diverger les économies à cause de l'absence d'ajustement monétaire . Ne cherchait pas plus loin l'impossibilité structurelle de la zone à fonctionner. À chaque crise extérieure, nous nous retrouvons à devoir sauver le soldat euro, acteur génétiquement retardé de la globalisation malheureuse.

 

La zone euro a maintenant un déficit commercial structurel.

 

 

Et cette crise structurelle de la zone euro, elle commence presque en 2002. En réalité, c'est la politique du chancelier allemand de l'époque qui va mettre le feu aux poudres ainsi que la hausse progressive de l'euro . Dès 2005 le déséquilibre entre l'Allemagne et ses deux grands partenaires français et italiens apparaît. L'euro devient dès lors structurellement problématique, car la question des dettes accumulées par les pays chroniquement déficitaires va apparaître. Lors de la crise de 2008, le premier gros coup de semonce apparaît, les taux d'intérêt des emprunts d'État divergent montrant le très gros manque d'homogénéité de la zone euro. Il faut alors sauver les PIGS, notamment la Grèce, et empêcher la zone euro d'éclater. Malheureusement pour la Grèce on va sauver l'euro en coulant ce pays, car seules une sortie de la zone et une dévaluation auraient pu réellement sauver l'économie grecque ce que les dirigeants du pays n'ont pas voulu faire.

 

Le coût de la crise pour sauver le soldat euro et le système bancaire européen fut énorme. Les dettes publiques et les dettes de la BCE ont alors explosé. Les finances publiques ne se sont jamais remises de ce coût, on a juste mis la poussière sous le tapis en attendant que ça passe. Le modèle mercantiliste allemand a alors repris son cours puisque rien n'a été fait pour corriger ce déséquilibre, il s'est même encore accru. L'Allemagne de Merkel devint le nouveau phare économique européen , les excédents du pays atteignirent des sommets. Tout allait pour le mieux, semblait-il, même si en réalité la société allemande n'a jamais résolu son problème de fond, le déclin démographique. La crise des migrants qui fit miroiter un moment une solution à coup d'immigration colossale fut vite arrêtée par la réalité à savoir que les immigrants trop nombreux pourraient simple détruire l'Allemagne à une telle échelle d'importation. Et vint alors la crise du COVID, puis celle de l'énergie qui mirent un gros point d'arrêt au modèle allemand fondé sur une main-d’œuvre est-européenne pas cher couplé à l'arrivée des matières premières russes. D'un côté l'Europe de l'Est s'épuise démographiquement, de l'autre, la Russie coupe le robinet des matières premières. Un double choc dont on ne voit pas très bien comment l'Allemagne va pouvoir se remettre à terme.

 

Mais il y a un autre problème auquel fait face l'Allemagne. Protégé par l'euro, en partie et grâce à sa main-d’œuvre pas chère l'industrie allemande pensait continuer son excédent aussi grâce à la qualité de ses produits. Mais les Allemands comme le reste du monde commencent à voir poindre une concurrence y compris sur les produits de haute valeur ajoutée comme les biens d'équipement. Ces derniers constituent le vrai cœur de l'industrie de pointe. Ce sont des produits qui permettent de produire, de fabriquer et de faire fonctionner des usines . Les grands dominants dans le domaine sont les grandes puissances industrielles l'Allemagne, les USA et le Japon. Mais voilà que la Chine à son tour se met à produire des biens d'équipement. Et la vitesse à laquelle elle augmente sa production est impressionnante. En 2021 les ventes chinoises de biens d'équipement ont bondi de 25,9% . Si l'on regarde la balance commerciale de la zone euro ce qui marque évidemment c'est la naissance rapide d'un déficit commercial qui en apparence s'explique par l'énergie et c'est vrai que les déficits avec la Norvège et la Russie expliquent en partie celui-ci. Mais le déficit commercial européen avec la Chine a simplement doublé entre 2021 et 2022 ! Dans le même temps, les excédents avec les USA et la GB ont diminué et ne compense plus les déficits avec les pays asiatiques.

 

On le voit, même sans la question énergétique, l'excédent de la zone euro aurait quand même diminué . Et cela parce que les derniers avantages comparatifs dont disposaient les pays excédentaires de l'UE, l'Allemagne surtout, semblent disparaître. La Chine se lance dans les hautes technologies, l'aviation, les biens d'équipement, le nucléaire, le spatial, etc. Il ne restera bientôt plus rien pour lui acheter nos tee-shirts . La crise actuelle de la zone et de son modèle déséquilibré c'est avant tout ça. Nous arrivons à la fin de l'illusion raciste que sous-entendait le modèle du libre-échange total. C'est-à-dire l'idée que les blancs pour faire court sont tellement plus intelligents que les autres qu'ils se spécialiseront dans la création, l'invention, pendant que le reste du monde produirait les objets . Cette vision s'effondre aujourd'hui devant les faits, mais personne en Europe ne semble comprendre ce que cela signifie. Si nous ne mettons pas fin au libre-échange, il va arriver à la zone euro ce qui est arrivé à l'Inde au 19e ou à l'Empire ottoman, c'est-à-dire une destruction complète de la base productive locale. Ou alors pour maintenir sa place l'Europe devra faire abaisser considérablement les salaires et le niveau de vie de sa population. Chose qui semble quand même bien peu réaliste politiquement parlant. Nous assistons donc en Europe à un double choc. D'un côté le choc produit par une monnaie totalement absurde qui n'en finit pas de produire des déséquilibres entre ses membres. Et de l'autre côté le choc d'une globalisation qui détruit les derniers morceaux d'industries que le continent avait gardés jusque là .

 

 

Alors est-ce que cette crise va détruire l'euro ? Il est bien difficile de se prononcer . Ce qu'il y a de certain c'est que la stratégie allemande d'adaptation à la globalisation a échoué. Et comme c'est l'Allemagne qui dirige en fait la zone et qui a maintenu en grande partie son excédent, cela signifie une baisse durable de la monnaie européenne. La réaction allemande sera déterminante dans l'affaire. Si l'Allemagne commence à remettre en cause le libre-échange, voyant qu'elle commence à accumuler des déficits notamment avec la Chine. Nous pourrions avoir une espèce de réveil au sein des autres nations d'Europe. En effet difficile de continuer à prôner le libre-échange avec les autres membres quand on se permet de se protéger soi-même . Mais la zone euro étant une construction politique artificielle, seule une décision politique pourra probablement y mettre fin. Le plus probable à mes yeux est que l'Allemagne finisse par laisser tomber elle-même l'euro. La déglobalisation progressive de l'économie mondiale poussant les Allemands à changer de stratégie pour un retour à une économie plus centrée sur eux même. Je crains malheureusement qu'il n'y ait pas grand-chose à attendre de la France qui va se laisser flotter au milieu des courants économique.

 

 

 

Grande nouveauté du blog, on se modernise un peu . Vous pouvez me suivre sur twitter à cette adresse https://twitter.com/Yannlebondoseur si vous le souhaitez. Je n'aime guère les médias sociaux qui concourent à abaisser l'esprit généralement plus qu'à l'élever, mais il faut bien vivre avec son temps comme on dit.

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9 octobre 2022 7 09 /10 /octobre /2022 16:51

 

Nous avons vu dans la précédente partie que l'hydrogène était en fait le vecteur énergétique le plus intéressant à l'heure actuelle pour se passer des énergies fossiles. Mais comme on l'a vu, l'hydrogène n'est pas un élément qu'on trouve sous sa forme naturelle . Il est toujours mélangé à d'autres éléments et nécessite donc une extraction. Cette extraction, nous l'avons vu, n'est plus aussi coûteuse qu'autrefois puisque grâce au progrès technique il est maintenant possible de l'extraire de l'eau à un coût raisonnable et avec un excellent rendement énergétique . Mais il faut bien sûr de l'énergie à la base pour faire cette extraction . L'hydrogène n'est donc pas pour l'instant une source d'énergie, mais simplement un moyen pour remplacer le pétrole dans le domaine des transports, des véhicules autonomes, et pour remplacer aussi les batteries chimiques qui posent des problèmes en termes de matière première notamment du lithium. Il nous reste donc celui du cœur du problème à savoir la production d'énergie primaire.

 

Le cycle de l'hydrogène résumé en un schéma

 

Production d'énergie primaire ( thorium et surgénération)

 

Nous n'allons pas ici parler des fameuses énergies vertes . Beaucoup de choses sont à dire notamment sur le fait que les écologistes négligent un peu trop souvent le coût en matière première de ces énergies et le fait qu'elles sont en grande partie maintenant des technologies importées. L'absence de politique d'autonomie industrielle et de protectionnisme ayant largement favorisé la Chine dans le domaine. Cela ne veut pas dire que rien n'est intéressant dans ces technologies bien évidemment . Mais cela veut surtout dire que pour l'instant seule l'énergie nucléaire est à même de partiellement résoudre notre problème énergétique central assez rapidement et à un coût raisonnable. Cependant, continuer à chercher des solutions alternatives dans le domaine des panneaux solaires, des biocarburants de 3e génération ou de la géothermie est tout à fait sensé. Il faut d'ailleurs mettre un coup d’accélérateur en la matière . Certains pays fortement dotés en volcanisme comme l'Islande pourraient même en profiter pour devenir à long terme des producteurs d'hydrogène grâce à leur énergie abondante en matière de géothermie. Ce n'est pas inimaginable, la géothermie fournit d'ailleurs déjà une grande part de la production énergétique locale. Mais il faut bien comprendre que les énergies intermittentes comme le solaire ou l'éolien doivent être couplés à une production d'hydrogène qui lui se stocke contrairement à l'électricité. C'est d'ailleurs ce qu'expérimente une entreprise française à l'heure actuelle malheureusement avec une technique d'électrolyse plus classique que celle du CEA dont j'ai parlé. Cela reste la voie à suivre le stockage sous forme d'hydrogène régulant naturellement le caractère très aléatoire des énergies produites par le climat local.

 

Dans le cas de la France il est évident que nous ne bénéficions pas des atouts islandais en la matière et nos besoins sont d'ailleurs largement supérieurs à ceux d'un pays, qui, bien que magnifique, et grand par son histoire, ses talents humains, reste bien moins peuplé que le notre. Dans le cas français c'est donc surtout vers le nucléaire que nous allons devoir à nouveau nous tourner. À nouveau, car les imbécillités antinucléaires nous ont fait changer de route dès les années 90 . Alors qu'à la base le nucléaire français avait été pensé avec à terme la mise en activité des réacteurs dit de quatrième génération ceux de la surgénération . L'idéologie écologiste et antinucléaire a poussé les hommes politiques d'alors à la faute avec l'arrêt des recherches en la matière. Si Superphénix n'était pas exempt de défauts, il ne faut pas oublier que Rome ne s'est pas fait en un jour. On apprend en faisant et parfois l'on se trompe et ces erreurs nous permettent d'améliorer les processus et nos connaissances. En arrêtant simplement la recherche, on n’a pas seulement gaspillé nos deniers jusqu'alors investis dans la surgénération, on a aussi hypothéqué l'avenir du pays . Et aujourd’hui que les Chinois par exemple se lancent massivement dans les réacteurs au thorium et dans la recherche sur la surgénération, la France risque simplement de devenir dépendante, encore une fois, de technologies étrangères et donc dépendantes une fois de plus d'autres nations pour remplir ses besoins essentiels.

 

Et comme l'avais dit Georges Charpak à l'époque :" Après quelques problèmes techniques inévitables pour un prototype, et malgré de très nombreux problèmes administratifs puis politiques, Superphénix a remarquablement fonctionné pendant un an. Sa fermeture en 1998 résulta d’une exigence des Verts de Dominique Voynet, pour participer au gouvernement Jospin." À l'inverse il était d'ailleurs assez opposé à la machine à vapeur nucléaire de la fusion nucléaire ITER dont nous allons parler par la suite. Heureusement, il semblerait que la domination sans partage des antinucléaires qui ont fait commerce pendant des années de la peur du nucléaire n'ait plus l'avantage. La crise énergétique met les Français devant l'évidence à savoir qu'on ne peut pas à la fois se passer des énergies fossiles et du nucléaire en l'état des connaissances et des capacités techniques qui sont les nôtres. Reste à savoir quel nucléaire il nous faut.

 

Dans un premier temps, il ne fait nul doute que nous construirons encore des réacteurs classiques . Ce sont des technologies éprouvées . Le problème c'est qu'ils utilisent de l'uranium 235 un isotope de l'uranium qui représente à peine 1% de l'ensemble de l'uranium présent sur terre. À long terme si tout le monde sur terre se met à utiliser l'uranium 235 on va vite se retrouver à court de carburant . C'est là qu'entrent en jeu deux autres technologies. Les réacteurs à thorium d'un côté, et les fameux réacteurs de quatrième génération de l'autre, la fameuse surgénération qu'un ingénieur français a récemment remise en lumière pour le grand public. Le thorium j'en avais déjà parlé dans un texte qui date de 2011. Le gros avantage c'est que le thorium est plus abondant que l'uranium, environ trois fois plus abondant. On en trouve aussi dans l'eau de mer et la France semble avoir pas mal de ressources, notamment en Bretagne. De quoi coïncider avec notre but d'autonomie énergétique. L'autre avantage c'est que le thorium produit peu de déchets radioactifs longue durée et qu'il ne peut pas y avoir de fusion du réacteur . Une sécurité qui est, avouons-le, tout à fait appréciable.

 

Alors pourquoi le thorium n'a-t-il pas été utilisé jusque là, me direz-vous ? Pour plusieurs raisons la première c'est qu'il y a eu des échecs techniques, cependant je doute que cette raison soit vraiment le fond du problème. Il est normal de ne pas réussir du premier coup une technologie. Le vrai problème était que le nucléaire était en fait utilisé par les nations comme moyen politique pour justifier la production cachée d'armement nucléaire. Les réacteurs à uranium permettent de faire des éléments radioactifs utilisables par l'armée, ce n'est pas le cas de la fission au thorium. Je pense que c'est ceci qui a joué le plus comme choix de technologie de production électrique par fission nucléaire. Mais aujourd’hui avec l'épuisement des énergies fossiles et la croissance des nouveaux pays industrialisés nous n'avons plus le choix, la fission nucléaire à un intérêt pour elle-même, et plus seulement comme moyen de production d'armes nucléaires. Le thorium est donc une voie tout à fait intéressante et qui est déjà mise en œuvre dans d'autres pays à commencer par la Chine. La Chine espère construire un réacteur à sels fondus de 373 mégawatts d’ici à 2030 .

 

Ensuite, la surgénération est une autre technique qui consiste à utiliser la totalité de l'uranium au lieu de simplement utiliser l'uranium 235 qui ne représente qu'un centième des ressources d'uranium sur terre. La surgénération utilise elle l'uranium 238 qui représente 99% de l'uranium présent sur terre, ce qui accroît notablement le potentiel énergétique de la fission nucléaire. C'était le but de Superphénix qui a malheureusement été abandonné sous Jospin . Et malheureusement, l'autre réacteur à neutron rapide Astrid a également été abandonné en 2019. Le manque de soutien de l'état pour cause idéologique n'est pas sans rapport avec ces abandons successifs . Jusqu'à la crise récente, le nucléaire n'était plus du tout vendable aux médias et donc nos politiques plus intéressés par leur image que par l'intérêt national ont suivi la vox populi médiatique et les écologistes médiatiques. Cependant là encore d'autres nations se lancent à leur tour dans la recherche avec de gros moyens. La chine encore elle va inaugurer des réacteurs à neutron rapide sur des îles dans la province du Fujian . Cela inquiète des scientifiques parce que ces réacteurs produisent aussi du plutonium . Mais à mon sens il s'agit d'une inquiétude absurde puisque la Chine possède déjà l'arme nucléaire. La seule inquiétude devrait plutôt être les questions de sécurité, est-ce que la Chine ne va pas un peu trop vite ? On apprend aussi au passage que la Chine a développé une technologie qui rend rentable apparemment l'extraction de l'uranium de l'eau de mer . Si c'est une réalité, voilà qui ouvre des perspectives aux nations nombreuses qui sont dépourvues de ressources énergétiques naturelles. On remarquera au passage qu'en abandonnant l'investissement dans la recherche nucléaire, la France laisse le soin à d'autre d'écrire l'histoire à sa place.

 

La fusion nucléaire

 

Dernier point sur cette réflexion concernant nos alternatives énergétiques nucléaires, celle de la question de la fusion nucléaire. Il s'agit d'une technologie à laquelle les scientifiques rêvent depuis longtemps. Maîtriser le feu nucléaire de la fusion c'est créer en quelque sorte notre propre petit soleil. Un soleil bien plus efficace d'ailleurs . Si la fusion fait rêver, c'est qu'elle permettrait l'utilisation théorique de l'hydrogène directement comme combustible . Du moins, c'est ce que l'on raconte couramment et c'est ce que fait notre soleil, il transforme l'hydrogène en élément plus lourd, l'hélium, par la fusion nucléaire. C'est grâce à la force de gravité extrême qui pousse les atomes les uns vers les autres dans les régions les plus denses de notre étoile. C'est d'ailleurs ce qui causera à long terme la mort de notre étoile quand celle-ci aura transformé la plupart des atomes d'hydrogène en hélium, elle deviendra alors une géante rouge et la terre disparaîtra, mais c'est un autre sujet. Le but de la fusion artificielle est donc de reproduire ce phénomène à notre échelle.

 

Le problème c'est que la gravité ne se contrôle pas et qu'on ne peut pas utiliser celle-ci pour pousser les atomes à fusionner. Il reste alors deux possibilités, soit en utilisent une force externe pour les pousser à se rencontrer. C'est la fusion par confinement inertiel par laser. En France la technique est utilisée par les célèbres réacteurs Laser Magajoule du CEA . L'autre technique est celle qui consiste à utiliser la chaleur et à provoquer une fusion par l'agitation des éléments suite à la montée de température. En effet, la température est le produit de l'agitation des molécules, plus il fait chaud, plus elles bougent, et donc statistiquement vous avez plus de chance que certaines fusionnent. L'idée dernière ça est que la fusion des atomes produit au finale plus d'énergie que ce qui a été nécessaire pour faire monter la température et agiter les atomes.

 

S'il y a des problèmes techniques à ces technologies de fusion, des problèmes de durée de vie des ensembles qui soutiennent les structures et d'usure des matériaux. Toute chose qui peut rendre les réacteurs plus ou moins rentables. Le vrai gros problème dont on ne parle jamais c'est qu'ils utilisent du tritium et du deutérium. Il s'agit des deux isotopes de l'hydrogène . Or si le deutérium est très abondant, le tritium lui est rarissime . Donc prétendre résoudre le problème de l'énergie sur terre avec une technologie qui dépend d'un élément aussi rare que le tritium est, vous en conviendrez, un problème majeur. Après la recherche doit continuer, peut-être que l'on trouvera un moyen de faire de la fusion nucléaire avec autre chose que du tritium. Mais en l'état, il n'est pas raisonnable de penser que la fusion soit une solution à moyen terme. Le thorium et la surgénération sont nettement plus prometteurs et atteignables dans des délais raisonnables et compatibles avec notre problème d'énergie fossile. J'arrête là pour ces questions énergétiques . Nous en reparlerons régulièrement, car la population commence à se rendre compte que les négligences en la matière et les approximations vont nous coûter très cher dans les années qui viennent . Il n'y a pas de société de consommation et de civilisation industrielle sans énergie.

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5 octobre 2022 3 05 /10 /octobre /2022 16:52

 

La crise gazière que traverse l'Europe nous rappelle aujourd'hui la très grande fragilité des sociétés modernes . Car si la modernité technique a grandement amélioré le niveau de vie général, elle a aussi créé une très grande dépendance vis-à-vis de quelques denrées essentielles . Et bien évidemment les matières premières dites fossiles arrivent en tête du classement. Il ne faut cependant pas oublier que si les matières fossiles servent en grande partie à produire de l'énergie elles sont aussi essentielles dans d'autres secteurs. Elles sont essentielles pour faire de l'acier, pour faire des plastiques et même pour faire de l'engrais. Parce que dans l'étrange société dans laquelle nous vivons on fait pousser des légumes avec le résidu de matière première produit par des organismes morts il y a des centaines de millions d'années. À l'heure actuelle notre agriculture pétrochimique est incapable de nourrir la population sans ça et cela devrait poser question. Au-delà de la simple question de l'accès au gaz russe qui nous pose tant de problèmes immédiats, le fait d'avoir un système agricole entièrement dépendant d'une matière première qu'on n’a pas, et qui de toute façon finira par s'épuiser un jour, est fortement problématique.

 

Comme on le voit dans le cas agricole, la question de l'épuisement des ressources n'est pas qu'un problème énergétique, c'est un problème général produit d'un mode de vie qui sans cesse passe son temps à accroître ses besoins de plus en plus artificiels. C'est que j'avais appelé à l'époque la civilisation de l'épuisement . Une civilisation qui néglige son environnement c'est certain, mais aussi sa population, et ses ressources, sous toutes leurs formes. La crise des méthamphétamines aux USA est assez emblématique de la chose. Bref, une civilisation qui néglige tout ce qui permet justement à la civilisation de fonctionner. Le fait que nous épuisions nos ressources en matière première sans nous en inquiéter outre mesure jusqu'au moment où l'on nous coupe le gaz n'est pas sans lien avec le peu d'importance que nous apportons à notre natalité, à notre système éducatif ou à notre santé publique. Une vision à court terme produit d'une société individualiste où même les questions écologiques et énergétiques finissent par être traitées de la même manière. Il n'y a plus d'électricité, mettez donc des cols roulés, ne construisons pas de centrale et ne nous préoccupons pas de la question du marché de l'énergie complètement absurde. Tout ce qui nécessite une action collective n'est plus pris en charge par l'état qui laisse faire le marché. Le marché qui finira bien par résoudre le problème grâce aux saintes forces du marché libre autorégulé.


Plus on est de fous, moins y a de riz.

 

Cette célèbre blague de Coluche résume un peu la question même s'il parlait dans son vieux sketch de la Chine. Mais cette façon de penser assez malthusienne fausse un peu le raisonnement. En effet, ce n'est pas tant le nombre d'individus tout seul qui pose problème que la quantité consommée par tête. L'information commence à être connue, mais l'humanité ne va pas vers une explosion démographique sans fin. Contrairement à ce que l'on pouvait croire dans les années 60-70 la transition démographique s'est faite à un rythme très élevé . À tel point qu'aujourd'hui on pourrait bien craindre l'inverse à savoir un effondrement démographique planétaire. En dehors de l'Afrique noire, la plupart des pays développés ou non ne font plus suffisamment d'enfants. Le cas le plus impressionnant étant l'évolution des pays d'Asie de l'Est comme la Corée du Sud ou la Chine, où la natalité tombe pratiquement à seulement un enfant par femme. Rappelons que le simple renouvellement des générations nécessite un peu plus de deux enfants par femme (le ratio des garçons étant légèrement plus élevés dans les naissances en moyenne), on considère que dans un pays à basse mortalité infantile il faut environ 2,05 enfants par femme pour renouveler les générations et donc avoir une stabilité démographique à terme. Donc la question du surpeuplement de la planète n'est plus du tout valable . Le vrai problème c'est l'augmentation continue du niveau de consommation par tête.

 

La Chine, sans le vouloir, et grâce à son fabuleux développement de ces quarante dernières années , a mis le modèle de société vendu par l'occident dans une contradiction. Une contradiction qui aurait pu perdurait peu plus longtemps si une puissance démographique aussi énorme que la Chine n'avait pas eu l'idée de suivre le même modèle de consommation de masse et d'épuisement des matières premières. On commence à comprendre que le mode de vie américain pour faire court, n'est pas généralisable et que même si le niveau de consommation mondial se stabilisait à son niveau actuel, il ne serait pas viable quand même lorsque l'on regarde la vitesse à laquelle s'épuisent toutes les ressources. Ce qui est étonnant dans notre affaire, c'est que le discours sur le réchauffement anthropocentrique, qui est pourtant discutable du point de vue scientifique, ait totalement éclipsé cette question qui est pourtant largement plus importante pour l'avenir de nos sociétés. Car demain ce n'est pas seulement la question de savoir comment on va produire de l’électricité qui va se poser, mais aussi par exemple de savoir comment fabriquer les centrales alors que le cuivre s'épuise par exemple. Comment conduire l'électricité alors que le cuivre atteint des prix pharaoniques à cause de l'épuisement ? Je parle du cuivre, mais on pourrait parler du lithium pour les batteries, du charbon pour faire l'acier ou du platine pour les piles à combustible. La seule question qui est importante aujourd'hui c'est bien celle de l'épuisement des ressources. Comment créer un modèle de société encore relativement agréable sans avoir accès aux ressources mondiales en cours d'épuisement e d’accaparement par les grandes puissances (USA, Chine, Russie) ? L'on pourrait évidemment imaginer des portes de sortie avec l'exploitation de gisement sous-marin comme les cheminées thermiques ou encore par l'exploitation spatiale, mais tout cela reste encore trop théorique pour apporter des solutions à moyen terme. Il va falloir faire face aux pénuries, surtout en Europe.

Évolution de la concentration du minerai de cuivre dans divers pays (source CNRS)

L'hydrogène comme vecteur énergétique

 

En un sens, cette crise peut être salutaire parce qu'elle va pousser les peuples d'Europe a réellement réfléchir aux contraintes qui sont les leurs. Et ne vous leurrez pas avec le déclin des matières premières, les grandes puissances vont tout faire pour éviter d'être en manque, et l'Europe est de loin le continent le moins bien préparé à cette question. Le libéralisme et la construction européenne nous ont totalement désarmés . Or dans cette affaire seules les nations avec un état structuré capable d'orienter, les grandes politiques publiques ont une chance de s'en sortir dans trop de casse. Ceux qui ne jurent que par le libre commerce et la régulation des marchés vont vite déchanter. On peut en déduire que les Européens n'auront pas le choix. Ils devront être les premiers à sortir de la civilisation de l'épuisement et à reconstruire une économie relativement autosuffisante recyclant l'essentiel de ce qui est consommé. On ne sait pas quelle forme cela prendra, mais une chose est sûre, nous n'aurons pas le choix dans les décennies qui viennent, même si la situation géopolitique mondiale s'arrange. Le reste du monde n'a plus besoin de nos produits, la Chine et les autres pays en développement pouvant tout produire à moindres frais, les pays fournisseurs de matières premières se fourniront de plus en plus chez eux et de moins en moins chez nous. L'effondrement du modèle allemand suite à cette crise du gaz ayant accéléré ce phénomène. L'Europe de l'Ouest va se rappeler ce qu'elle a été pendant très longtemps , avant le 16e siècle, à savoir un petit continent coincé sur un bout de terre isolé des grandes régions riches du monde, et maintenant sans grosses ressources naturelles.

 

Pour en revenir à la question énergétique, en supposant que la France redevienne un état nation et non un no man's land, jouet de puissances étrangères, que pourrait être l'une des grandes orientations à l'avenir ? Pour ce qui est de la question énergétique, la réponse est assez simple . Si l'électricité reste le seul moyen de faire avancer un véhicule ou faire voler un avion sans utiliser de carburant fossile à l'heure actuel, il reste les grosses questions de son stockage et de sa production. En matière de stockage, il en existe diverses formes qui consistent toujours à transformer l'électricité en d'autres formes d'énergie chimique, mécanique ou autre . Par exemple, les barrages hydrauliques sont une source d'électricité stockée sous forme d'eau et notre ami la gravité se chargera ensuite, quand on videra un peu les barrages, à faire tourner des alternateurs qui transformeront l'énergie mécanique en électricité . Il y a bien sûr des pertes au passage, car aucun système physique n'a un rendement de 100% même si certains s'en rapprochent plus que d'autres.

 

Évidemment quand il s'agit de faire rouler des véhicules ou faire voler des avions, le stockage hydraulique est impossible, on utilise autre chose à savoir le stockage chimique. On pensera bien évidemment ici aux batteries électriques qui sont malheureusement aujourd’hui favorisées par l'UE et l'idéologie de la voiture électrique « classique ». Je dis malheureusement parce que les promoteurs de ces technologies oublient bien volontiers les problèmes de fabrications de ces batteries. Par exemple, le lithium nécessaire aujourd’hui à leur fabrication n'est pas inépuisable tant s'en faut. Un institue allemand avait calculé que nous n'aurions du lithium que jusqu'en 2050 c'est-à-dire demain. Quid de l'épuisement du lithium si tout le monde généralise ces technologies ? L'autre problème est que l'Europe en est dépourvue et que l'exploitation semble difficile. Il faudra donc l'importer ce qui nous fait revenir à la problématique de l'indépendance énergétique dans un monde dont les ressources se raréfient. Enfin, il faut rappeler que cela nécessite une transformation de notre tissu de distribution énergétique et une augmentation significative de la production d'électricité alors qu'on manque déjà d'électricité.

 

L'autre alternative dont on parle moins, même si ce n'est pas non plus totalement ignoré, c'est l'utilisation de l'hydrogène comme vecteur. Il ne s'agit pas ici de dire que l'hydrogène va remplacer le pétrole comme combustible . L'hydrogène s'il est abondant sur terre et dans l'univers, c'est de loin l'élément le plus abondant de l'univers, n'est pas présent sous forme indépendante sur terre. Il est toujours combiné à d'autres éléments chimiques, l'élément le plus connu contenant de l'hydrogène étant bien évidement la molécule d'eau H2O . L'hydrogène est aussi présent dans les hydrocarbures, c'est même lui en fait qui permet la combustion en quelque sorte. Donc pour avoir de l'hydrogène il faut préalablement l'extraire et cette extraction consomme bien évidemment de l'énergie puisque comme je vous l'ai déjà dit toute transformation énergétique entraîne des pertes plus ou moins grandes. Mais pourquoi utiliser de l'hydrogène ? Parce ce que si le stockage est plus difficile, il reste assez semblable au stockage de carburant classique. Ensuite, l'hydrogène produit beaucoup d'énergie par rapport au volume qu'il prend . Enfin on peut imaginer remplacer assez rapidement les stations de pompage classique par un réseau équivalent utilisant l'hydrogène. Son gros problème c'est sa volatilité.

 

Alors bien évidemment vous allez me dire: "Yann tu es bien gentil avec ton hydrogène, mais l'extraction de l'hydrogène de l'eau ce n'est pas rentable, il y a trop de perte." On se souvient de nos cours sur l'électrolyse de l'eau. Alors pour fournir de l'hydrogène on va utiliser en fait des combustibles fossiles ce qui nous ramène au problème initial de l'épuisement des matières fossiles. J'en conviens, c'était vrai jusqu'ici. Mais c'est ignorer l'état de la recherche en la matière. En effet, le CEA a mis au point il y a quelque temps une nouvelle méthode d'électrolyse. Une électrolyse dite à haute température qui consiste à faire de l'électrolyse avec de l'eau sous forme de vapeur. Et les chercheurs français ont obtenu un rendement incroyable de 99% rien que ça. Cela veut dire que le coût d'extraction de l'hydrogène de l'eau devient beaucoup plus abordable à terme. Dès lors, l'usage de l'hydrogène comme vecteur énergétique n'est plus du tout un fantasme ou quelque chose de chimérique. Il reste bien sûr à aborder la question de l'utilisation de cet hydrogène. Ce que je ferai dans un prochain texte, celui-ci étant déjà un peu trop long.

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2 octobre 2022 7 02 /10 /octobre /2022 17:04

 

Avec la crise que nous traversons, il est à mon avis important de rappeler que le discours officiel, le discours libéral, n'est qu'une façon de voir l'économie et le monde . Ce n'est pas la seule façon de voir les choses, et bien souvent le libéralisme donne une image du passé et du présent largement faussé par le caractère assez étriqué de ses réflexes dogmatiques. S'il y a bien une question qui taraude régulièrement les économistes libéraux, c'est bien celle de l'inflation. Et puisque l'inflation reprend en ce moment, et que pour certains, il s'agit de la fin du monde, peut-être faudrait-il préciser les choses.

 

L'inflation peut être positive ou négative suivant le contexte.

 

Tout d'abord pour monsieur et madame tout le monde, ce qui compte ce n'est pas du tout l'inflation. Ce que l'on nomme l'inflation c'était au départ l'augmentation de la masse monétaire . Et cette augmentation de la masse monétaire peut produire une hausse des prix suivant les conditions. En effet, on comprend bien que si la production stagne et que l'activité stagne alors que la totalité du potentiel humain d'une nation est déjà employée, la hausse de la masse monétaire va se traduire surtout par une baisse de la valeur de la monnaie. Vous obtiendrez la même quantité de choses pour de plus en plus de billets. C'est ce qui arrivait bien souvent aux empires et aux royaumes de l'antiquité et du moyen-âge qui parfois utilisaient le rognage des pièces de monnaie ou le changement de métaux camouflant ainsi une inflation par dévalorisation monétaire.

 

Mais ce que l'on dit rarement c'est qu'à l'inverse si vous n’émettez pas assez de monnaie alors que l'activité économique croit et les besoins de la population avec alors vous créez une déflation et une dépression. C'est ce qui arriva lors de la crise de 1929 et qui causa tant de dégâts. Les gains de productivité, trop rapides produits par la technique et les nouveaux modes de production comme le fordisme ont entraîné une dépression parce que la demande n'a pas suivi l'évolution de la productivité du travail. On a compris grâce à Keynes et aux politiques de relance d'après guerre qu'il était impératif de ne pas laisser s'installer des dépressions . La Seconde Guerre mondiale a d'ailleurs mis en avant les avantages de ce que l'on nommera une économie monétaire de production. Comme on le voit, et contrairement à ce que disent les libéraux, la question de l'émission monétaire ne se réduit pas à diminuer le plus possible celle-ci, tout dépend du contexte. Une surimpression monétaire est peut-être dangereuse, mais son inverse l'est tout autant.

 

Mais pour monsieur ou madame tout le monde, cela n'a pas d'importance directe. L'inflation en elle-même n'est pas un problème, ce qui l'est c'est bien évidemment l'évolution du pouvoir d'achat. Or le pouvoir d'achat dépend bien sûr de l'évolution des prix, mais aussi de l'évolution des salaires. Le pouvoir d'achat c'est simplement les salaires à qui l'on soustrait l'inflation. Vous comprenez donc bien que si vous avez 10% d'inflation, mais 11% de hausse de salaire votre niveau de vie augmente de 1%. À l'inverse si l'inflation n'est que de 2%, mais que votre salaire stagne alors votre niveau de vie baisse de 2%. Au passage, on comprend vite ici toute l'importance qu'il y a à la mesure de l'inflation et aux doutes que l'on peut vite avoir sur les statistiques officielles. Car comme toute la chaîne salariale est basée sur le taux officiel d'inflation si celui-ci est faux, pour arranger le gouvernement, le consommateur se retrouvera bien vite en difficulté.

 

Pendant les trente glorieuses, aujourd’hui une époque qui nous paraît bien lointaine, l'inflation était par exemple assez forte de l'ordre de 5% par an. Mais les salaires augmentaient plus vite et le niveau de vie a explosé. À l'inverse dans les années 70 l'inflation augmenta plus vite que les salaires pour plusieurs raisons l'une fut l'énergie, ce fut la raison placardée partout. L'autre fut la guerre du Vietnam que les USA ont financé par la planche à billets et qu'ils exportèrent grâce à leur monnaie internationale. C'est de cette période que vient la célèbre phrase de John Connally « Le dollar c'est notre monnaie, mais votre problème ». Et enfin la dérégulation du système financier qui commença à endetter les états. En effet jusqu'aux années 70 les états empruntaient à leurs banques centrales, mais à partir de 1973 en France l'état se mit à emprunter sur les marchés financiers. Évidemment la différence c'est que dans ce cas-là vous empruntez avec intérêt. L'idée de l'époque était qu'il fallait arrêter l'inflation et comme pour les libéraux la seule source d'inflation est l'émission monétaire ils ont tout fait pour empêcher les états d'émettre trop de monnaie. Bien évidemment ils ont oublié volontairement les vraies causes de la montée des prix (prix du pétrole, guerre du Vietnam et problème du dollar) et le seul résultat de cette nouvelle politique qui dure depuis, fut l'inflation des dettes cette fois. On a alors réduit l'inflation monétaire à grand coup de casse sociale et de chômage en faisant exploser les taux d'intérêt. Le libre-échange était l'autre mécanisme visant à réduire l'inflation par la casse des salaires, une méthode basée sur la très cynique théorie du Nairu, le taux de chômage qui n'accélère pas l'inflation. Vous comprenez pourquoi en réalité les présidents successifs n'ont rien fait pour endiguer réellement le chômage, il était en fait voulu. La seule chose qu'ils font depuis qu'ils l'ont fait exploser c'est de changer la définition du chômage pour camoufler toujours plus la réalité. Mais si une grande partie de la population est exclue de fait de la société et que le niveau de vie stagne au mieux depuis les années 70, les libéraux ont quand même réussi à casser l'inflation du moins jusqu'à aujourd'hui.

 

L'inflation économique plus basse à partir des années 90 a aussi été accompagnée d'une croissance beaucoup plus faible

Et pourquoi cherchent-ils donc à casser uniquement l'inflation, me diriez vous ? C'est vrai quoi, ce qui compte c'est le pouvoir d'achat et vous auriez raison. Mais le pouvoir d'achat de monsieur et madame tout le monde ce n'est pas tout le pouvoir d'achat. Il y a celui des salariés, serfs des temps modernes, et il y a celui des seigneurs des temps modernes, les actionnaires et les rentiers sous toutes leurs formes. Et l'inflation, les rentiers ils n'aiment pas ça, mais alors pas du tout. Ils veulent l'inflation la plus basse possible pour pouvoir s'enrichir en dormant grâce aux intérêts de leurs capitaux qu'ils soient financiers ou immobiliers. Et s'il y a bien une différence entre la période des trente glorieuses et la nôtre, c'est bien le niveau d'inégalité et la part prise par les rentes sous toutes leurs formes. Le capital rapporte de plus en plus et le travail de moins en moins. Le libéralisme qui était une idéologie naît pour combattre les rentes de l'ancien régime, s'est avéré être la plus grande machine à créer des rentes de l'histoire. Grâce à la magie du taux d'intérêt composé sans inflation, la part du gâteau financier ne cesse de croître par rapport au reste de l'économie. Il n'y a nul besoin de faire du marxisme pour comprendre que mathématiquement la croissance des taux d'intérêt réduits mécaniquement la part du reste de l'économie si aucune force ne s'y oppose et si le gâteau économique stagne. Bien évidemment les pays s'effondreront ou traverseront de très graves crises avant que la population ne se laisse mourir de faim pour nourrir très grassement quelques individus. On en conclura ici la même chose que Marx sans pour autant adhérer à ses théories, le capital mécaniquement porte la guerre, la violence, et les révoltes. Et le libéralisme a été en définitive le mauvais génie du capitalisme, le conduisant dans l' impasse actuelle, là où le keynésianisme avait essayé de l'encadrer pour empêcher justement ces concentrations dangereuses à la fois pour l'économie, mais aussi pour la démocratie et le fameux vivre ensemble.

 

Le contexte actuel

 

Alors l'inflation actuelle est-elle une mauvaise chose. Là encore, ça dépend . On peut voir ça aussi comme une opportunité. Elle peut ronger les rentes, et les avantages acquis de certains groupes sociaux, notamment les plus bruyants à la savoir, les rentiers qui contrôlent la quasi-totalité des médias. Le problème c'est que justement les rentiers vont essayer non seulement d’empêcher l'inflation de leur nuire, mais aussi, pourquoi pas, d'en profiter. Vous voyez immédiatement où je veux en venir. En effet, les mesures étranges prises par le gouvernement depuis que la hausse de l'inflation a été enregistrée montrent plus que tous les longs discours les intérêts réels qu'il défend et que défend notre haute administration. En effet que voit-on comme mesures ? En premier lieu, un emprunt d'État indexé sur l'inflation. C'est une aberration économique totale si vous partez du principe de la défense de l'intérêt de l'état. Au contraire, l'état aurait dû profiter de l'inflation pour se désendetter . Si l'inflation est plus forte que les taux sur les obligations, le poids de la dette diminue mécaniquement ce qui est une bonne nouvelle pour les comptes publics et le contribuable. Mais non, on voit le gouvernement de monsieur Macron émettre de la dette dont le taux d'intérêt est collé à l'inflation. Ce n'est pas de la bêtise, mais bien une preuve que le gouvernement roule pour des intérêts qui ne sont pas ceux des Français dans leur masse.

 

Ensuite, l'inflation aurait pu être utilisée pour réduire le poids de la rente foncière. Si vous indexez les salaires à l'inflation et que vous gelez les loyers et le prix de l'immobilier pour quelques années, vous réduisez mécaniquement le poids de l'immobilier et de cette rente sur le portefeuille des salariés . Mais qu'a fait le gouvernement ? Aucune mesure pour les salaires, et rien au sujet de l'immobilier. La hausse du SMIC ne couvrira même pas le tiers de l'inflation cette année. Le gouvernement va utiliser l'inflation pour réduire le niveau de vie de la population c'est une évidence. Alors espère-t-il ainsi améliorer la balance commerciale, rien n'est moins sur puisque la hausse du coût de l'énergie grâce au fameux marché européen de l'énergie va manger la totalité du gain qu'on aurait pu attendre d'un pareil traquenard. Enfin, remarquons que le gouvernement a bien mis en place une hausse plus forte pour les retraités, retraités qui représentent une part significative des rentiers en France. Il s'agissait là vraisemblablement d'un remerciement pour la réélection de Macron auquel ils ont massivement participé. Avec en plus de cynisme extrême la mise en place d'une nouvelle hausse de la durée de cotisation pour les gens déjà matraqués par la politique macronienne. Si ce n'est pas une politique favorable aux rentes ça .

 

Donc vous voyez, l'inflation n'est pas vraiment le problème. Elle n'a jamais été vraiment un problème, c'est même un outil pratique parfois. La preuve par la Chine des années 80 qui avait parfois des taux de plus de 30% par an et pourtant regardez la Chine aujourd'hui et son niveau de vie qui a explosé à un rythme jamais vu dans l'histoire. Non, le vrai problème c'est l’orientation économique générale prise par les gouvernants. On a des gouvernements qui roulent contre l'intérêt de la production, de l'investissement productif et du travail depuis 40 ans . Qu'il y soit de l'inflation ou pas, ils changeront leur braquet pour que la situation bénéficie aux rentiers et à leur propre rente au passage. Bernard Maris qui nous a quitté dans un contexte bien malheureux disait que l'économie c'est juste la question de savoir qui va couper les parts du gâteau économique. On voit bien aujourd'hui qui tient le couteau et ce n'est clairement pas la majorité de la population française.

Inflation en Chine (source Worlddata.info)
Croissance Chinoise (l'inflation n'a pas empêché le développement bien au contraire)

 

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26 septembre 2022 1 26 /09 /septembre /2022 16:09

 

Ces derniers temps l'histoire politique en Europe a une fâcheuse tendance à radoter . D'élection en élection, les peuples se trompent, ou sont trompés, avec la régularité d'un métronome. La nouvelle élection en Italie ne fait pas vraiment exception. Je vois d'or et déjà toute la fausse opposition de droite française exulter à la mesure des réactions négatives des militants macronistes basiques qui détiennent la totalité des médias français. Un peu à l'image de Janus, notre farce politique que nous appelons la démocratie est toujours coupée en deux avec le duopole du méchant et du gentil, de l'intolérant et du tolérant, du nationaliste et du globaliste. La politique en France et en Europe en est ainsi réduite à cet état de fait par la disparition progressive de la vie politique publique, les gens ne font plus vraiment de politique et ne font plus vivre la vie civile de la cité. L'information n'est plus que le divertissement et le jouet du copinage entre intérêts privés de quelques milliardaires. Comment un peuple qui ne s'intéresse plus à la politique, qui s'informe très mal et qui connaît un individualisme galopant pourrait-il dès lors choisir avec intelligence ceux qui le dirigent ?

 

On pourrait croire sans trop se tromper que la décadence occidentale date en réalité de l'arrivée des médias de masse, en collusion avec l'individualisme hédoniste produit par la société de consommation. Momentanément, le confort et la prospérité ont éloigné le citoyen de la pensée collective, prémisse pourtant indispensable au bon fonctionnement d'une démocratie . Et cette disparition du patriotisme qui est la marque véritable de la volonté collective du citoyen, comme l'avait bien vu Montesquieu, a entraîné la fin du fonctionnement des républiques et de la démocratie. Quand le patriotisme disparaît, la république s’affaiblit et le bien commun devient l'affaire de quelques particuliers. Nous y sommes que ce soit en France, en Italie, aux USA ou en Allemagne. Paradoxalement, les nations non organisées par le régime démocratique semblent mieux s'en sortir à commencer par la Chine. Si le régime chinois n'est guère enviable sous bien des aspects, son fonctionnement le rend mécaniquement imperméable aux aléas des modes du système médiatique. Cela permet quelque chose dont les nations d'occident sont aujourd'hui bien incapables, la projection à long terme et la vision collective. Il se pourrait bien que les masses médias et l'individualisme poussé à son paroxysme aient en fait condamné la démocratie et les nations qui la pratiquent à mort .

 

Les problèmes euro-italiens

 

Pour en revenir à notre élection, celle-ci est marquée encore une fois par des positions assez incohérentes de la part des acteurs. Si l'union de la droite italienne se présente comme une alternative au système avec des positions anti-immigration, le reste de son programme est en fait extrêmement européiste. Sur le plan économique, on a une vision ultralibérale classique avec une volonté de ne pas taxer les pauvres petits riches . Une politique extérieure totalement alignée sur l'OTAN et Washington. Une politique énergétique qui consiste à ressasser les mêmes salades sur les énergies alternatives, etc. On peut lire une traduction sur ce site qui est bien d'obédience ultralibérale . Point d'orgue, on apprend que cette alliance de droite est totalement européiste et ne compte absolument pas sortir de l'UE ou de l'euro. Cependant, on se demande bien comment ils comptent défendre les agriculteurs italiens comme ils l'affirment sachant que l'UE signe un nouveau traité de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande en ce moment même. On a ici une contradiction directement produite par le système de communication, aucun journaliste ne soulevant ce genre d'absurdité. L'on pourrait dire exactement la même chose du RN qui depuis le tournant eurolibéral de 2017 ne fait plus que des postures grotesques sans cohérence, idem pour le groupe politique de Mélenchon.

 

Le plus impressionnant c'est que cette nouvelle élection n'a guère abordé les gros problèmes de l'Italie. L'énorme dette par exemple n'est plus vraiment remboursable . Or cette dette est le produit direct de l'adhésion à l'euro . Euro dont les Italiens ont été la plus grosse victime . Évidement la question ne sera jamais abordée par l'alliance de droite, il ne faudrait pas frustrer les vieux électeurs européistes. Alors il y a quelques mesurettes notamment sur la politique de la natalité, mais rien qui ne puisse vraiment inverser la situation. Une politique nataliste ne peut en aucun cas redresser une situation démographique produite par une panne économique de plus de vingt ans. Car pour avoir des enfants, il ne suffit pas d'avoir des allocations qui seront toujours insuffisantes pour faire vivre décemment une famille. Il faut avoir un emploi et une perceptive économique pour fonder une famille. Chose qui est de plus en plus difficile à trouver en Italie tout comme en France (malgré les tripatouillages du chiffre du chômage dont on reparlera dans un autre texte). La dette publique italienne atteint la bagatelle de 174% du PIB et contrairement au Japon les impôts sont déjà assez élevés, la pression fiscale pourra donc difficilement augmenter dans les proportions nécessaires au remboursement de la dette et des intérêts.

 

Désastreuse pyramide des âges italienne
La dette Italienne (source OCDE)

C'est d'ailleurs cette question qui actuellement travaille beaucoup l'UE et les européistes. En effet, si les dettes publiques de la France, de l'Italie, de la Grèce ou de l'Espagne permettent de maintenir la zone euro par la menace sur la montée des taux et le risque d'explosion de la zone, c'est paradoxalement aussi ces dettes qui fond monter la pression économique. La stratégie allemande qui domine l'UE consistait à asphyxier progressivement ses principaux concurrents sur le continent à savoir la France et l'Italie. La stratégie a très bien marché, à partir de l'euro et de la mise en application de la loi Hartz mise en place en 2003, la baisse du coût du travail en Allemagne a permis l’accroissement progressif des excédents commerciaux allemands et le déclin progressif de l'industrie française et italienne. Ces pays n'ayant plus la possibilité de dévaluer comme ils réagissaient avant. Il faut rappeler au passage que la période de grand dynamisme italien après guerre fut accompagnée d'inflation comme en France et de dévaluations régulières. La France et l'Italie d'après guerre ont eu une croissance bien plus forte que l'Allemagne à la même époque. Ce n'est qu'à partir de la mise en place de l'idéologie de la monnaie forte accompagnant les délires libéraux des années 70 que les choses commencent à se gâter.

La croissance italienne cassé par le libre-échange en 1974 puis totalement par l'euro en 2002 (source OCDE)

Cependant, depuis l'affaire du Covid et la déstructuration du commerce international dans lequel l'Allemagne avait construit sa stratégie, le pays connaît des difficultés. Comme nous en avons déjà brièvement parlé, l'Allemagne a certes gardé des industries, mais elle s'est surtout spécialisée dans l'assemblage et la ponction des dividendes liés au commerce lointain. Coupé de la Chine ou de l'Europe de l'Est, l'industrie allemande tombe en panne faute de pièces à assembler. Pire, maintenant elle se retrouve à court de gaz et d'énergie à cause du dogmatisme pseudoécologique qui la travaille depuis 20 ans et du dogmatisme atlantiste qui l'oblige à se suicider en se passant du gaz russe. Résultat, l'excédent commercial allemand s'est effondré et celui de la zone euro avec. Donc maintenant la stratégie qui consistait à maintenir sous perfusion une France et une Italie surendettées par la stratégie commerciale agressive de l'Allemagne se retourne contre elle et la structure bureaucratique européenne . La crise des taux et la baisse rapide de l'euro sont liées à cette situation rocambolesque produite par 20 années d’absurdité macroéconomiques et monétaires. Et l'Italie bien malgré elle et malgré le nouveau gouvernement se retrouve dans une situation explosive.

 

L'histoire italienne ne sera pas écrite par son gouvernement

 

Balance commerciale Italienne et française

Pas plus que dans le cas français, l'Italie n'a pas les élites pour changer de direction le pays. Il y a trop de monde qui a un intérêt au statu quo à la tête de l'état, et des grandes entreprises. De plus, l'Italie tout comme l'Europe en général est un pays de vieux, or, ce vieillissement a comme principal effet un décalage de plus en plus grand entre la réalité instantanée du pays et la vision qu'en a la majorité vieillissante de la population. Plus que la peur c'est l'intérêt à court terme qui motive l'inaction, les vieux vont bien et tant pis pour les jeunes, en gros. Mais l'euro qui a réussi à survivre à la crise des subprimes par l'amoncellement de dettes publiques et privées ne pourra pas être sauvé cette fois-ci, en tout cas pas de la même manière. L'Allemagne est aujourd’hui touchée, l'inflation et la crise énergétique vont avoir des effets extrêmement délétères sur elle comme sur nous. Si la question italienne est intéressante, ce n'est certainement pas pour ses élections ou son gouvernement, mais bien parce que les tensions et la crise sont particulièrement élevées dans ce pays. Une explosion des taux en Italie et une crise monétaire massive pourrait être la vraie fin pour l'euro . Et contrairement à la France, l'Italie a fait le choix de la contrition économique depuis 2010, une contrition qui a coûté cher aux Italiens, mais qui a mis le pays dans une meilleure situation commerciale. L'Italie a des dettes publiques, mais elle a un léger excédent commercial. C'est aussi un des effets de la dépression démographique, la demande intérieure baisse mécaniquement. Sous la pression des événements, il n'est donc pas à exclure une sortie de l'euro en catastrophe . Le gouvernement italien pourrait même en profiter pour faire défaut sur une partie de la dette, voir sur sa totalité. Quand on connaît l'histoire économique, on sait bien que les dettes ne sont pas souvent remboursées, la plupart du temps elles sont monétisées. Mais dans le cas d'une catastrophe monétaire, une répudiation de dette pure et simple n'est pas à exclure surtout si les détenteurs de titre italiens sont des étrangers . Les étrangers détiennent 36% de la dette italienne et la BCE 19% (chiffres de 2018), un défaut de paiement en pareil cas pourrait moins douloureux qu'on ne le croit pour les Italiens.

 

Pour tout vous dire l'évolution de la situation italienne pourrait fortement changer en fonction des actions des élites européistes. Si le nouveau gouvernement adhère largement à la doxa européenne comme le montre son programme, il n'est pas sûr qu'il puisse le rester s'il se fait menacer et insulté ouvertement en permanence. Nous sommes dans un monde essentiellement dirigé par la communication et les médias. On le voit dans la guerre ukrainienne. Le changement de politique en Italie et la rupture avec l'UE pourrait ainsi ne pas venir du gouvernement italien lui même, mais de sa réaction face à une avalanche de mesure anti-italienne de la part de l'UE et de sa direction folle-dingue. Le racisme ontologique des allemands vis-à-vis des peuples latins faisant le reste. Pour sauver la face, les dirigeants italiens pourraient se retrouver contraint à la rupture avec l'UE et l'euro.  C'est la seule hypothèse positive que je puisse trouver dans l'élection qui a eu lieu en Italie pour l'instant.

 

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