L'un des arguments répétés inlassablement depuis trente ans par le discours libérale est que la fonction publique coute trop cher au pays. La base du raisonnement tient au fait que toute organisation économique optimale, pour un libéral, doit forcement être le produit de la fameuse loi de l'offre et de la demande qui s'exerce dans le cadre du marché. Tout ce qui est en dehors du marché est par essence non optimal puisque non soumis à la dite loi de l'offre et de la demande. Il y aurait beaucoup à dire sur ce principe de base, en premier lieu la loi de l'offre et de la demande en elle même, n'est jamais vraiment vérifiée lorsque l'on regarde les évolutions de prix sur les marchés. Les marchés en eux même ne font pas évoluer les prix comme l'hypothèse logique le voudrait, et il est malheureux que les économistes confondent l'esthétisme d'une théorie, sa beauté logique, avec le réel. Car quelque soit un raisonnement, aussi beau soit-il, c'est la mesure du réel qui doit en valider ou non la véracité. Le fait est que le marché en lui même traduit plus des rapports de force sociaux qu'une réelle évolution entre l'offre et la demande. Celle-ci nécessitant d'ailleurs une égalité entre les différents acteurs qu'il est impossible d'obtenir dans le monde réel. On peut même affirmer que plus un marché est "libre", c'est en dire sans encadrement externe, moins la loi de l'offre et de la demande s'applique. Nous pourrions allègrement rajouter le problème de la spéculation qui fait qu'en définitive des gens qui n'ont rien à faire sur un certains marchés, par exemple les denrées alimentaires, viennent y imposer leur présence simplement pour gagner de l'argent en spéculant. A ce sujet d'ailleurs beaucoup de personne s'inquiètent d'un retour de la spéculation sur les productions agricoles et on comprend mieux ici pourquoi des nations comme la Chine pratiquent les prix forcés sur certaines denrées alimentaires. Cela permet tout simplement d'éviter les famines dont le but serait d'enrichir certains spéculateurs, ce contrôle des prix n'empêche pas la Chine de connaitre pourtant une explosion de sa production agricole bien au contraire.
Quoiqu'il en soit en excluant ces erreurs multiples qui proviennent de la croyance un peu naïve dans l'efficience des marchés, le principe même d'une fonction publique qui pèserait affreusement sur le reste de l'économie me pose problème. Pour deux raisons essentielles, la première c'est que la fonction publique si elle ne correspond pas à la demande d'un marché au sens économique direct du terme, est tout de même sous la coupe de l'état. Or l'état est lui même le fruit de la représentation nationale qui par définition en France est élu donc correspond à la volonté du peuple. Dés lors on peut dire que la fonction publique obéi à une certaine forme de marché non par le biais du marché économique mais par celui du marché politique. Bien sûr ici nous voyons l'opposition latente qu'il y a entre le libéralisme politique et le libéralisme économique, le second reniant de plus en plus le premier. Rien n'empêche les français de mettre au pouvoir des politique voulant réduire le nombre de fonctionnaire, ou les augmenter dans tel ou tel secteur d'activité. Donc dire que la fonction publique serait une espèce de monstre autonome n'ayant de compte à rendre à personne est quand même largement exagéré. D'autant que cela fait longtemps en réalité que la fonction publique française subit des coupes sombres, et il se pourrait à terme que les français se mettent à regretter la faiblesse du nombre de fonctionnaire. Et l'actuelle politique débile qui consiste à ne pas renouveler un fonctionnaire sur deux, sans se soucier justement des besoins et donc de l'offre et de la demande, devrait choquer en premier lieu nos amis libéraux si prompte à s'inquiéter des actes non validé par le marché. Quoi de moins respectueux du marché qu'un dirigeant qui licencie ses salariés sans se soucier de savoir s'il pourra fournir les produits demander par le marché.
L'économie est un circuit fermé
Le deuxième point, le plus important est qu'il est bien difficile d'un point de vue comptable de distinguer qui nourrit qui dans le système économique globale. Dire que la fonction publique est nourrie pas le secteur privé parce qu'elle est payée par l'impôt c'est bien vite oublier que les fonctionnaires font écouler à leur tour ce qu'ils reçoivent sous la forme de consommation. Si nous licencions du jour au lendemain toute la fonction publique que resterait-il du secteur privé français? De toutes ces PME qui vivent de la consommation de ces salauds de fonctionnaires? Nous pourrions inverser le raisonnement et dire que ce sont les salaires du publique qui permettent au finale à une bonne partie de notre économie, notamment celle des petits commerces de continuer à subsister. D'autant que grâce à une certaines sécurité de l'emploi, les fonctionnaires français sont les derniers travailleurs du pays à pouvoir un peu se projeter dans l'avenir, cela permet d'obtenir des emprunts plus facilement à la banque que lorsque l'on est intérimaire. Ce qui augmente le pouvoir d'achat de la fonction publique et donc leur propension à consommer. Dans une société totalement dérégulée où les salariés sont traités comme des chiens et où l'industrie et les bons emplois s'en vont en Chine, les fonctionnaires sont le dernier socle de stabilité sociale, après leur disparition il n'y aura plus d'économie à proprement parlée, juste un No Man's Land peuplé de misérables se battant pour les miettes d'une société disparue, celle de l'emploi stable.
En poussant le raisonnement plus loin on pourrait même dire que d'un point de vue collectif les fonctionnaires créent leur propre salaire. Si l'on omet la création du circuit en lui même ce qui nous ramènerait à la question monétaire, le salaire versé au fonctionnaire, s'il est entièrement consommé, va ensuite s'écouler dans l'économie du pays faisant de l'activité qui elle même emploiera des gens, qui eux mêmes verseront des impôts qui paieront au final le fonctionnaire la boucle est bouclée. Bien sûr cela n'est pas une raison pour employer les fonctionnaires dans des emplois inutiles d'un point de vue collectif, mais cela rend caduc le raisonnement qui tient d'argument fatal à nos amis libéraux, non la fonction publique n'est pas payée par le secteur privé. Quand à la question de l'utilité si l'on doit vraiment la poser alors peu d'emploi serait à même de réellement produire de la richesse en France. Pour ma part seules l'agriculture et l'industrie produisent réellement des choses utiles, choses sans lesquelles tout le reste de l'économie s'effondre. Or en additionnant l'emploi dans le secteur primaire et secondaire on tombe à seulement 25% de la population active, et c'était avant la crise, cela n'a pas du s'arranger depuis puisque ce sont les secteur qui détruisent le plus d'emplois. Or ce sont ces secteurs qui créent réellement la richesse du pays, tout le reste n'est que répartition dans les activités moins essentielles. C'est donc plutôt ces populations là qui portent le reste du pays, l'opposition n'est pas entre fonction publique et secteur privé, mais entre secteurs parasitaires et secteurs productifs et on trouve les deux dans le privé comme dans le publique. L'affaiblissement de notre nation tient à l'affaiblissement des secteurs qui sont à la source même de notre richesse car comme le disait si bien Rousseau : " Du même principe on peut tirer cette règle,qu'en général les arts sont lucratifs en raison inverse de leur utilité et que les plus nécessaires doivent enfin devenir les plus négligés."
Nous avons négligé les secteurs de base qui faisaient la prospérité du pays, taper sur la fonction publique qui serait la cause de tout nos maux n'est qu'un moyen pour les libéraux de détourner l'attention de nos concitoyens des véritables problèmes. A n'en pas douter l'utilité d'un professeur fonctionnaire formant de futurs techniciens ou ingénieurs est infiniment plus grande que celle d'un footballeur professionnel, pourtant, ce dernier, le marché a décidé de le payer infiniment plus.