On va ici aborder un thème classique de l'économie celui des rendements décroissants, j'en avais d'ailleurs déjà parler lors de mon texte sur la technique et la décroissance. Je vais ici aborder le thème d'une façon différente en liant plutôt ce problème avec l'explosion du cout de la technostructure dans certain secteurs. Ainsi vous apprendrez que les rendements décroissants sont à la base, par exemple, de l'inflation des couts médicaux ou encore que les rendements décroissant produisent l'effondrement de la puissance militaire des USA et de l'occident en général.
1-C'est quoi un rendement décroissant?
Commençons par le commencement en expliquant rapidement ce que signifie concrètement ce terme. Il était utilisé autrefois surtout dans le domaine agricole, en effet les paysans ont remarqué depuis longtemps qu'il y avait une limite à ce que l'ont pouvait tirer d'un sol en le travaillant. Quand une nouvelle terre était utilisé par l'agriculteur il y a pendant un moment une augmentation des rendements agricoles proportionnelles à la quantité de travaille fournit par l'agriculteur. Pendant une certaine durée on peut ainsi augmenter les rendements du sol en le travaillant de plus en plus, plus vous travaillez le sol et plus ils produira de plante. Mais il arrive un moment où ce lien proportionnel se rompt et où le rendement ne progresse plus de façon proportionnel c'est ce que l'on nomme les rendements décroissants. D'un point de vue mathématique on peut représenter le lien entre la quantité de travail et les rendements comme un logarithme népérien.
Ce phénomène est sommes toute assez naturelle, il y a après tout une limite à tout même à la vie de notre soleil, on voit mal pour quelle raison la productivité et des les rendements pourraient croitre indéfiniment. Ces mécanismes de rendements décroissant sont une constante qui n'est arrêté que par les ruptures scientifiques seules capables de véritablement entrainer, pendant une période donnée, des rendements croissants. J'en parlerai plus loin. La mécanique des rendements décroissants ne touche pas seulement l'agriculture c'est un phénomène générale de saturation d'un processus technique et pratique.
2-L'impact sur l'économie
Ainsi l'exemple le plus parlant sera le transport par train. Le train est une des grandes inventions du 19ème siècle il a complètement remodelé la façon de voyager dans nos pays alors qu'il fallait des jours à cheval pour relier les grandes villes française, le train lui a permis de les relier en quelques heures. Les premiers trains à vapeur on constitué une rupture énorme avec le transport à cheval, le premier train à vapeur a été construit en 1804 en Grande-Bretagne et le premier chemin de fer en 1825. Les gains en vitesse furent dans un premier temps considérables et c'est ici que les rendements croissants apparaissent dans le passage du cheval au train, car un investissement modéré permet de faire de grands gains de vitesse. On peut même dire en dépensant moins, puisque le coût d'entretien des chevaux étaient très important. Donc le passage du cheval au train va produire des rendements croissants, plus on investit dans la machine à vapeur et les chemins de fer plus l'on ira vite et plus on fera en fait d'économie. Le lien entre l'investissement et les gains en vitesse et en coût vont continuer avec le train à diesel, puis le train électrique. Mais on voit déjà que le coût de ces deux derniers vont croitre plus rapidement que les gains en vitesse c'est l'apparition des rendements décroissants, le cout commence à augmenter plus vite que les gains en vitesses et en coût.
C'est avec le TGV dernière évolution des trains en date que les rendements décroissants deviennent évident, le coût des lignes TGV est énorme et les gains en vitesses pas si énormes que cela, en tout cas bien moindre que l'explosion des coûts qu'elle engendre. Le résultat est que pour maintenir des lignes TGV la SNCF est obliger de faire des économies ailleurs et l'on voit que ce mécanisme des rendements décroissants obligent ici cette entreprises à se concentré sur les nouvelles techniques plus couteuses. Les rendements décroissants quand ils arrivent obligent à une concentration des dépenses, on pourrait ici émettre l'hypothèse que les rendements décroissants sont un puissant mécanisme d'accroissement des inégalités, en effet l'exemple du train est parlant pour maintenir les ligne TGV on est obliger de fermer des lignes plus petites et régionales, on se concentre sur les transports entre grandes agglomération au détriment du transport régionale. Il s'agit bien ici d'un processus technique produisant un phénomène de concentration des richesses.
Autre exemple des rendements décroissants le système de santé. Il est de notoriété publique que le coût de la santé s'accroit bien plus rapidement que les richesses dans les pays développé. Les explications à ce phénomène sont nombreuses et souvent bardées de considérations idéologiques. Ainsi l'explication la plus courante et la moins discutable est l'effet du vieillissement, il est évident que le vieillissement moyen de la population va nécessairement faire croitre le cout médical puisque plus l'on vieillit et plus l'on est fragile physiquement. Mais est-ce que les coût augmentent réellement proportionnellement au vieillissement? La réponse est non, le vieillissement est un phénomène beaucoup plus ancien que l'augmentation des coût médicaux, ce phénomène n'arrange rien mais il n'est probablement pas la cause principale de l'augmentation du coût des soins.
L'autre théorie très en vogue chez les idéologues libéraux est que le coût résulte de nos systèmes de protection sociales. Ici l'aberration du raisonnement est évidente, puisque c'est aux USA que les coûts sont les plus élevés alors même que le système d'assurance santé était, jusqu'à aujourd'hui, complètement privé et concurrentiel. Les américains cumulant à la fois le système de santé le plus mauvais en résultat et le plus couteux. Cependant l'exemple américain montre, aussi dans sa nature fortement inégalitaire, que pour les riches il est possible que le système de santé américain soit l'un des plus performants au monde. Ne voit-on pas des riches français aller se faire soigner aux USA? Mais alors est-ce que cette inégalité, ce système de santé à deux vitesses et fort couteux ne serait pas, en partie, le résultat de la mécanique des rendements décroissants que nous avons vue dans le cas du train? En effet la plupart des médecins vous le dirons les meilleurs médicaments, les plus efficaces par rapport à leur coût sont déjà anciens. La pénicilline, ou l'aspirine n'ont pas trouvé de remplaçant aussi peu couteux et beaucoup plus efficace. En générale les nouveaux médicaments voient leurs coûts croitre bien plus rapidement que leur efficacité c'est typiquement une situation de rendement décroissant. Autres exemples les scanners, ces derniers voient leur coûts exploser avec l'imagerie 3D, mais est-ce que cette augmentation des coûts est proportionnelle à l'augmentation de l'efficacité dans le traitement et la visualisation des maladies? La réponse est non, et c'est tout le problème, c'est le cœur du problème de notre système de santé à l'heure actuelle, la médecine fait face à des rendements décroissants.
Ces rendements décroissants entrainent une augmentation prodigieuse des coûts médicaux qui ne sont pas proportionnels à l'accroissement de la qualité des soins. Ce faisant comme les budgets consacrés à la santé ne peuvent pas suivre, le système de soin fait des économies ailleurs. Ce mécanisme comme dans le cas du train et du TGV est naturellement inégalitaire, il produit une concentration des dépenses vers les hauts revenus. Les USA sont probablement le pays le plus avancé dans cette situation car le plus anciennement touché par les rendements décroissants. Aujourd'hui nous devons nous poser une question: Vaut-il mieux soigner extrêmement bien un individu richissime ou soigner un peu moins bien dix individus moins riches? C'est ce genre de question qu'il faut se poser si l'on veut véritablement arranger notre système de soin. Alors ici je n'ai pas parlé du système financier et du lien entre la rente boursière et le système pharmaceutique, ce n'est pas le but de ce texte. Mais il est possible que les liens incestueux entre la bourse et le système pharmaceutique soit lié au peu de découvertes scientifiques réalisées dans le domaine médicale, et soit à l'origine en partie des rendements décroissants que connait ce secteur.
Dernier exemple l'armé, en effet si il y a bien un autre domaine où les rendements décroissants font leur lit c'est bien celui de l'armement. C'est d'ailleurs un domaine que Jacques Ellul avait étudié pour montrer le changement profond qui s'est produit depuis la fin de la seconde guerre mondiale. L'exemple le plus criant et qui fait souvent la une de l'excellent site dedefensa c'est le célèbre avion JSF toujours plus couteux. Et on voit bien qu'aujourd'hui les puissances avancées ne sont plus capable de déplacer un grand nombre de soldats, les effectifs se réduisent car le prix des matériels militaires ne cessent de croitre. Pour quelle efficacité sur le terrain? Il n'y a qu'à voir en Afghanistan trop peu de soldats et la sophistication ne compense pas le manque d'homme. Et l'on peut se poser la même question que dans le domaine médicale: Vaut-il mieux avoir un avion super-sophistiqués ou dix un peu moins bons? Pour l'instant nos armés pensent toutes qu'il vaut mieux un seul avion très sophistiqué, la pratique nous dis qu'en fait non. Vaut-il mieux avoir sur le terrain dix milles hommes avec du matériel de pointe, ou 100000 un peu moins bien armés? C'est le genre de question qu'il va falloir se poser dans un proche avenir tant les puissances occidentales sont devenue militairement incapables de gagner.
Dernier point sur l'impact des rendements décroissants dans l'économie, le lien avec la concurrence. La concurrence est souvent vue comme une mécanique qui permet de faire progresser la productivité et d'améliorer l'efficacité de l'économie en générale. J'avais expliqué dans ce texte ce que représente pour moi le principe de concurrence. Il faut préciser cependant que la concurrence ne produit des bienfaits que si de gains de productivités sont possibles. Dans le cadre de notre analyse présente, celle des rendements décroissants, il semble que la concurrence devient un coût inutile. En effet s'il n'y a aucun gain possible, du fait de la stagnation technique, alors la concurrence se transforme en coût pur. Pour se différencier, les entreprises vont multiplier les dépenses en pub et autres mécanismes marketings qui vont globalement accroitre le coût des produits. Au finale en régime de stagnation technique on peut supposer de façon très vraisemblable que la concurrence devient un mécanisme néfaste et couteux. Encore une fois il y a un lien entre la technique et le système économique, mais il n'est pas celui que croient généralement les libéraux. C'est la technique qui impose l'efficacité du système économique et non l'inverse. Quand la technique stagne la concurrence devient néfaste, à l'inverse que les rendements soient croissant, que la technique progresse et alors là la concurrence est une bonne chose.
3-Seules les ruptures scientifiques produisent des rendements croissants
Je rejoins donc dans ce texte l'analyse de Ellul, c'est bien le système technique qui impose au final le succès ou non d'un système économique et non l'inverse. Le système économique capitaliste et concurrentiel ne pourrait pas survivre à une stagnation technique, c'est d'ailleurs peut-être l'une des causes profondes de la crise actuelle. Les pays avancés ne connaissaient plus de gains de productivités physiques suffisants dans les années 70-80, ils ont alors créé la mondialisation pour continuer à croitre au travers un système de gains de productivités purement comptables qui traduisent en fait un esclavagisme d'un genre nouveau. En effet en délocalisant en Asie les occidentaux ont pu continuer à voir des gains de productivités au sens comptable, mais dont le moteur n'était plus le progrès technique mais la sous rémunération du travail.
L'autre transformation est que les rendements décroissants produisent partout une concentration des richesses comme nous l'avons vue dans le cas du train ou du système de santé. Les techniques qui connaissent des rendements décroissants sont de plus en plus réservées à une élite. La seule façon de mettre fin à cette mécanique est de faire des ruptures scientifiques. Mais ces dernières ne sont pas automatiques, on ne sait absolument pas d'ailleurs s'il y en aura encore. Si le système scientifique n'est plus capable de produire des ruptures alors il faudra nécessairement transformer notre organisation économique, car la stagnation technique dans un cadre capitaliste et concurrentiel ne pourra qu'entrainer des conflits sociaux graves. C'est d'ailleurs ce que pensait Keynes le capitalisme est un système transitoire, il ne peut pas survivre à la transition technique, si les processus techniques stagnent le capitalisme est donc condamné. Mais le paradoxe c'est que c'est peut-être le capitalisme lui même qui par la modification qu'il a entrainé dans les mentalités et les structures sociales, a mis fin au progrès scientifique. En effets une société comme la notre, toute obsédée par la consommation, est bien peu capable de produire les esprits qui permettraient justement de produire ces fameuses ruptures scientifiques. Le capitalisme aurait donc scié la branche sur laquelle il était assis sans le savoir.